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NOTRE PÈRE

23 mars, 2015

http://www.revue-kephas.org/04/1/Airaud101-114.html

NOTRE PÈRE

Philippe-Marie Airaud *

Le Pater est la prière la plus précieuse de notre tradition chrétienne. Jésus lui-même l’enseigna à ses disciples et elle contient tout ce qu’il nous est bon de demander au Seigneur. Les Pères de l’Église l’ont dit : tout ce que l’on peut demander à Dieu est contenu dans la prière dominicale et il ne convient pas de demander quelque chose qui n’y est pas contenu.
« Si tu parcours toutes les formules des prières sacrées, dit saint Augustin, tu ne trouveras rien, je crois, qui ne soit contenu dans cette prière du Seigneur et n’y trouve sa conclusion. On est donc libre, lorsque l’on prie, de dire les mêmes choses avec des paroles diverses, mais on n’est pas libre de dire autre chose ».1 Méditer la prière du Seigneur, c’est se mettre à l’école du Maître par excellence, c’est apprendre de Lui comment prier, c’est rejoindre la question des apôtres : « Seigneur apprends-nous à prier ».2

Contexte
Tout d’abord, il faut scruter le contexte dans lequel les évangiles nous rapportent le texte magnifique que nous récitons si souvent. Nous pouvons le lire dans les évangiles selon saint Matthieu et selon saint Luc, avec quelques variantes.
1 – Matthieu situe le Notre Père dans le contexte du grand Discours de Jésus sur la montagne au chapitre 6. La Loi nouvelle ne vient pas abolir l’ancienne Loi mais l’accomplir. Jésus invite à l’amour des ennemis et au dépassement de la stricte justice par un surcroît de miséricorde. Les œuvres de conversion et de miséricorde doivent être vécues selon un esprit nouveau : l’aumône se faire discrète, le jeûne secret et joyeux et la prière dans l’intimité de la solitude avec le Seigneur. Nous savons comment les païens avaient l’habitude de prier en multipliant les formules incantatoires pour plier la divinité à leurs désirs. Cette conception magique de la prière est d’ailleurs toujours d’actualité, lorsqu’on garde une vision utilitariste d’un Dieu censé résoudre toutes les difficultés et les problèmes dépassant les capacités humaines.

Jésus met en garde contre cette manière de prier : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens. Ils s’imaginent en effet qu’ils seront exaucés à cause de leur verbosité. Ne leur ressemblez donc pas. Car Il sait, votre Père, ce dont vous avez besoin, avant que vous lui demandiez ».3 Est-ce là une nouvelle conception de la religion ? En effet, à quoi bon invoquer Dieu dans les nécessités qui sont les nôtres puisqu’Il les connaît par avance ?
Et le texte du Notre Père de suivre sur les versets 9 à 15. Quelques versets plus loin (25–34), Jésus semble en quelque sorte commenter en invitant ses auditeurs à l’abandon à la Providence du Père. Ne pas s’inquiéter du lendemain, voilà le maître mot, ni pour la nourriture, ni pour le vêtement, « car Il sait, votre Père céleste, que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît ».4

2 – Le contexte de saint Luc est un peu différent.
Le passage précédant le Notre Père relate l’accueil chez Marthe et Marie et la plainte de Marthe que Marie laissait seule au service pour écouter le Seigneur. Marie devient par le fait même le modèle des contemplatifs assis aux pieds du Seigneur pour écouter sa parole. « Marthe, Marthe, dit Jésus, tu t’inquiètes et tu te troubles pour beaucoup de choses. Or il n’en faut que peu, une seule même. En effet, Marie a choisi la bonne part, laquelle ne lui sera pas enlevée ».5 C’est alors que les disciples demandent au Seigneur de leur apprendre à prier et que Jésus leur enseigne le Pater. Les passages suivant immédiatement rapportent d’une part, l’histoire de l’ami importun qui vient réclamer à une heure indue et à qui l’on donne malgré tout,6 et d’autre part, l’enseignement du Christ sur la nécessité de demander sans se lasser, sûr que la prière sera exaucée par le Père du Ciel.7
Il faut noter là des différences entre saint Matthieu et saint Luc. Les sept demandes de Matthieu ne sont que cinq chez Luc, où manquent : « Que ta volonté soit faite » et « Délivre-nous du mal ». En outre, Luc ne dit pas Notre Père, mais seulement Père.
Ainsi nous nous trouvons dans un contexte d’enseignement de la Loi nouvelle montrant comment la Loi ne doit pas être vécue dans un formalisme desséchant mais avec le cœur mû par l’amour. La relation à Dieu s’en trouve plus intime et concentrée sur l’essentiel de ce qui doit constituer les aspirations fondamentales de l’être humain. Trop souvent, l’homme cherche à obtenir ce qui est l’objet de ses désirs terrestres, sans se soucier de la gloire de Dieu et de son propre salut éternel.
Le Notre Père recentre sur le commandement fondamental de l’Amour de Dieu. Quand la prise de conscience des besoins vitaux de l’homme s’est opérée, il s’agit dès lors de demander avec insistance et sans se lasser ce qui est véritablement nécessaire. Nous mesurons mieux la portée pédagogique de la prière dominicale qui entraîne l’âme à se focaliser sur son vrai bien et à le désirer intensément. Dieu sait d’avance ce dont nous avons besoin, mais Il ne veut pas nous le donner malgré nous. La prière attise notre désir spirituel, nous fait comprendre à quel point tout est grâce divine et nous invite à engager résolument notre liberté dans l’acceptation oblative de notre vie à la suite du Christ.
En effet, la prière du Notre Père prend dans la bouche du Seigneur Jésus une portée unique. Elle émane d’une relation jamais égalée entre Dieu et l’homme par la grâce de l’union hypostatique. Jésus appelle Dieu, son Père, comme jamais auparavant il n’avait été possible de le faire et comme jamais après il ne sera possible de le faire. Si nous disons Notre Père, Jésus est le seul à pouvoir dire absolument Mon Père. Dans un acte d’adoration parfaite et l’offrande totale de Lui-même, il fait monter vers son Père la prière la plus excellente tant dans la forme, le fond que dans la disposition intérieure de sublime union à la divinité. Toutes les fois que nous prions le Pater, il nous faut nous unir à ce premier Pater et tendre, par la grâce, à le réciter avec les dispositions intérieures du Seigneur Jésus, qui demeurera pour toujours le modèle des priants.
Pater noster, qui es in cælis

1 – Pater
Dans un premier temps, il convient de s’arrêter sur le terme qui donne toute sa coloration à la prière dominicale. Jésus fait monter vers les cieux une prière qui s’adresse à Celui à qui l’unit un lien ineffable et unique. Nul n’a jamais dit avec tant de vérité : Père ! Le Fils a tout en commun avec le Père, si ce n’est la filiation. Une même nature divine constitue leur unité, et la seule chose qui les distingue est la relation elle-même qui les fait Père et Fils, l’un pour l’autre. Nous entendons résonner la parole du Christ : « Nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler ».8
Jésus a défendu sévèrement : « Ne donnez à personne sur la terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans les cieux ».9 D’aucuns voudront appliquer littéralement la sentence en appelant les prêtres par leur prénom. C’est oublier qu’il faudrait alors interdire aux enfants de dire ’papa’, pour pousser la logique jusqu’au bout. Le seul Père absolu est le Père des cieux, et toute paternité sur terre est mesurée par la Paternité céleste. Bien loin de vouloir appliquer littéralement cette recommandation du Seigneur, il convient d’y lire un sens spirituel qui renvoie au mystère même de la Sainte Trinité et au type de relation que Dieu veut entretenir avec les hommes. Pour plagier saint Augustin, je dirais volontiers : « Non Pater a patribus, sed patres a Patre ».10 Ainsi donc, ce n’est pas le Père céleste qui tire son nom des pères de la terre, mais les pères de la terre qui tirent leur nom du Père céleste. Cela peut s’entendre d’ailleurs tant de la paternité physique que de la paternité spirituelle. Exercer la paternité ici-bas, c’est contempler la paternité de Dieu pour en tirer les conséquences pratiques vers un exercice équilibré de cette paternité, alliant la justice et l’amour.
Jésus, Fils par nature, nous a rachetés pour faire de nous des fils adoptifs par la grâce. Il nous a rendus dès lors capable de prier comme lui le Père des cieux. Saint Paul le dit admirablement : « Lorsque vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l’adoption. Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : « Abba ! Père ! » De sorte que tu n’es plus esclave, mais fils, et si tu es fils, tu es aussi héritier de par Dieu ».11
Dans l’Ancien Testament, Dieu est parfois appelé Père pour mettre en valeur son rôle de créateur, de rédempteur ou encore de celui qui protège la croissance.12 Israël est son fils premier-né.13 Il est Père de David,14 des orphelins,15 du juste.16 Jamais pourtant il n’est dit Père au sens fort qui est celui de Jésus. Les juifs du temps de Jésus ne s’y trompèrent point, comme le rapporte saint Jean : « Les juifs n’en cherchaient que plus à le tuer : parce que non seulement il violait le sabbat, mais il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant l’égal de Dieu ».17 Ainsi le Sauveur nous introduit dans une relation toute nouvelle avec Dieu et nous entraîne à sa suite à proclamer avec joie cette filiation divine à laquelle tous les hommes sont appelés.

2 – Noster
Matthieu ajoute pour sa part la précision de l’adjectif possessif. Cette précision est d’ailleurs double.
Elle souligne d’abord la différence de relation entre Jésus et son Père d’une part, et nous-mêmes et le Père d’autre part. Au matin de la résurrection, Jésus disait à sainte Marie-Madeleine : « Va t’en vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ».18 La filiation divine de Jésus est par nature et de toute éternité et c’est pourquoi Il peut dire « mon » Père, alors que nous recevons notre filiation divine en Jésus et par Jésus. La sienne est unique. La nôtre se multiplie à mesure que le saint baptême incorpore à l’Église les enfants que Dieu fait naître à sa vie divine. Cette filiation adoptive n’est pas mon monopole, je la partage avec tous mes frères chrétiens.
De là le second aspect de la précision. Même si mon lien personnel avec le Père du ciel est en quelque sorte unique, lorsque je prononce le Notre Père, je me reconnais comme appartenant à une famille, une fraternité d’enfants du même Père. Je ne peux pas prétendre l’accaparer pour le plier à mes exigences ou mes caprices, entretenant un lien secret au divin à la manière des gourous des sectes. La vie spirituelle se vérifie toujours par le discernement de l’Église et dans les fruits de charité qui doivent orner ma vie. « Je ne peux pas m’adresser à Dieu, dit le Cardinal Journet, en oubliant que je suis un parmi les enfants d’adoption. Ma prière est catholique. Dès que je dis le Pater avec sincérité, sans penser à personne, en pensant simplement à Dieu, ce sont tous mes frères humains contemporains, avec leurs souffrances, que je prends dans ma prière, que je rassemble dans ce « notre ». Je déborde les limites de mon moi ».19 Déjà enfants adoptifs ou appelés à l’être, tous les hommes ont au ciel un même Père.

3 – Qui es in cælis
Et précisément, Il est au Ciel. L’expression est de la Bible. Elle ne signifie pas un lieu matériel que Dieu ne saurait habiter puisque rien ne peut le contenir. Il n’habite pas notre terre, alors il faut bien dire de manière poétique qu’Il est ailleurs. Dieu se suffit à Lui-même et l’on peut bien dire qu’Il habite en Lui-même. La Sainte Trinité est ce sanctuaire caché, pierre précieuse qui n’a pas besoin d’écrin, dont la splendeur ne peut être contemplée que par ceux qu’Elle admet à entrer dans son mystère saint. Qui n’a pas été saisi par l’icône de Roublev, happé par elle, puisque le point focal des lignes de fuite se trouve à la place même de celui qui la regarde, comme si les Trois qui ne sont qu’Un entraînaient dans leur mystère d’échange, le contemplatif au cœur ouvert par la grâce. Les cieux sont en Dieu plus que Dieu n’est dans les cieux, car l’ailleurs auquel nous aspirons n’est pas un lieu mais un mystère infini d’échange d’amour.
Le reposoir du Père, c’est Lui-même, et tout endroit où Il aime à demeurer par sa grâce. « C’est avec raison que ces paroles « Notre Père qui es aux cieux » s’entendent du cœur des justes, où Dieu habite comme dans son temple. Par là aussi celui qui prie désirera voir résider en lui Celui qu’il invoque ».20 Ces mots de saint Augustin, repris par le Catéchisme de l’Église Catholique, mettent en évidence la dignité qui est la nôtre et l’attention que nous devons avoir à cette présence divine en nos cœurs. « Il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père »,21 disait Jésus ; n’est-ce pas là une façon de comprendre cette parole ?

Les sept demandes
Mais il est temps maintenant de méditer sur les sept demandes de la prière dominicale. Les trois premières se rapportent à Dieu et les quatre dernières expriment nos besoins fondamentaux. « Après nous avoir mis en présence de Dieu notre Père pour L’adorer, L’aimer et Le bénir, l’Esprit filial fait monter de nos cœurs sept demandes, sept bénédictions. Les trois premières, plus théologales, nous attirent vers la Gloire du Père, les quatre dernières, comme des chemins vers Lui, offrent notre misère à sa Grâce ».22

1 – Sanctificetur nomen tuum
« L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône haut et élevé, et les pans de son manteau emplissaient le Temple. Des Séraphins se tenaient au-dessus de Lui… L’un criait à l’autre et disait : « Saint, saint, saint est Yahvé des armées ! Toute la terre est pleine de sa gloire. » Les fondements des seuils vacillèrent à la voix de celui qui criait, et la maison se remplit de fumée. Je dis : « Malheur à moi ! Je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures et j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ; et mes yeux ont vu le Roi, Yahvé des armées ! ».23 Ce récit biblique de la vocation du prophète Isaïe manifeste avec vigueur la transcendance de Dieu, sa majesté et sa sainteté. Dieu est la sainteté même en regard de laquelle toute chose paraît profane. Il est trop évident que nous ne pouvons ajouter quoi que ce soit à la sainteté divine en son infinie perfection.
La piété populaire voudrait commencer la prière par ce qu’il y a de plus utile et de plus immédiat. Nous sommes ainsi faits que nous avons tendance à demander d’abord quelque avantage et quelque bienfait qui contenteraient notre petite façon de concevoir ce qui nous est utile et qui satisferaient nos désirs liés à nos pauvres préoccupations terrestres. Il faut déjà un regard de contemplatif et de croyant pour penser à demander en premier lieu ce qui concerne la gloire du Seigneur. La prière du Notre Père fixe d’abord la fin à atteindre et, dans un mouvement descendant admirable, invite à mendier les moyens pour y parvenir.
Que le nom du Seigneur soit saint, cela ne fait aucun doute, ou alors nous ne nous serions fabriqué qu’un dieu imparfait, idolâtré à notre image. Mais ce nom divin chez les juifs, était le nom sacré imprononçable que seul le grand prêtre, en la fête du Grand Pardon (Yom Kippour), prononçait, tremblant, en entrant dans le Saint des saints du Temple de Jérusalem. En ce lieu, Dieu était rendu présent par le nom saint et emplissait de sa gloire le lieu sacré. Ainsi, sanctifier le nom de Dieu, ce n’est pas ajouter quelque chose à sa sainteté mais c’est inviter la sainteté divine à pénétrer toute réalité terrestre pour la sanctifier. Ceci n’est d’ailleurs possible que par la médiation éternelle du Christ Grand Prêtre.
S’éclairent alors ces mots de l’épître aux Hébreux : « Nous sommes sanctifiés par l’offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes. Tout prêtre se tient debout chaque jour pour faire le service et offrir maintes fois les mêmes sacrifices qui ne peuvent jamais ôter les péchés. Mais celui-ci, après avoir offert pour les péchés un sacrifice unique, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu, attendant désormais que ses ennemis soient mis comme marchepied de ses pieds. Car par une offrande unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qui sont sanctifiés ».24
Voici bien l’affaire : mener des œuvres dignes du Seigneur qui manifestent sa gloire et sa sainteté en notre monde. Par le baptême, cette sainteté est déjà en nos cœurs. « Qui me voit, voit le Père », disait Jésus à l’apôtre Philippe.25 Dans la logique et la suite de l’Incarnation du Seigneur, la sainteté du Père doit être répandue à travers les âges et le monde pour que tous les hommes reconnaissent le vrai Dieu et sa sainteté dans la sainteté de ses élus. Nous comprenons donc combien incessante doit monter notre prière pour que le nom du Père soit sanctifié en nous, ses enfants adoptifs, afin qu’il puisse l’être dans toute la création. « Quand nous disons « Que ton nom soit sanctifié », disait Tertullien, nous demandons qu’il soit sanctifié en nous, qui sommes en lui, mais aussi dans les autres que la grâce de Dieu attend encore, afin de nous conformer au précepte qui nous oblige de prier pour tous, même pour nos ennemis. Voilà pourquoi nous ne disons pas expressément : Que ton nom soit sanctifié « en nous », car nous demandons qu’il le soit dans tous les hommes ».26

2 – Advéniat regnum tuum
Que ton règne vienne, et saint Paul nous le dit : « Le règne de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint ».27 Cette prière de tous les jours stimule en nous le désir de la fin des temps, mais ne doit pas nous éloigner des devoirs qui sont les nôtres en ce monde. Regardez avec quel amour les moines font toutes choses jusque dans le détail, et pourtant, mieux que nous, ils savent combien ces choses sont précaires, éphémères et que finalement seule compte la venue du Seigneur. Quand le Christ reviendra dans la gloire, alors nous saurons que le règne du Père est prêt à se réaliser, pleinement dans nos cœurs et selon l’ordre qu’Il veut sur la création qui est la sienne.
Il serait sûrement plus correct de dire : que ton règne arrive. Ce dernier verbe souligne plus justement l’imminence de la parousie et nous incline plus volontiers à porter le souci constant de notre sanctification, le souci permanent d’être prêt pour l’heure de la grande rencontre, le souci aimant et impatient de la rencontre avec l’être aimé.
Mais hélas, la conjoncture nous entraîne si souvent à désespérer de la venue du règne du Père. Il semble que notre époque voit se déchaîner les puissances du mal en un paroxysme jamais égalé dans l’histoire. Certes, de tout temps, le péché a cherché à s’imposer dans le cœur de tous les hommes. Mais aujourd’hui advient une inversion des valeurs où le mal est appelé bien, le bien appelé mal, où tout semble être justifié au nom de l’autodétermination de l’être humain qui se croit investi de la lourde responsabilité de déterminer pour lui-même les critères et les normes de son comportement moral, sans mesurer comment, dans l’élaboration de ces normes, il se laisse influencer par ses intérêts du moment, dominé par son propre égoïsme et mû par son orgueil. L’aveuglement de l’esprit et les ténèbres de la conscience amènent à justifier l’injustifiable, conduisent l’homme à s’opposer au dessein originel du Seigneur sur l’humanité, à s’autodétruire par l’avortement, l’euthanasie ou la guerre sous une apparence de bien et une façade publique de bonne moralité. Comment Dieu peut-Il régner dans ces conditions radicalement contraires à la révélation et aux principes évangéliques ?
« Dieu peut régner de deux manières : selon l’inclination de son cœur, et alors Il règnera sur les âmes par son amour ; mais si son amour est refusé, il règnera bien encore sur elles, mais par l’éclat de sa justice ».28 Autrement dit, le triomphe des impies n’est qu’apparent et temporaire, car si l’amour de Dieu est refusé, sa justice n’en triomphera pas moins ultimement. Au Paradis, le Père régnera par l’amour dans une indicible liesse de tous ceux qui auront accepté le salut en Jésus-Christ. En enfer, Il régnera par la justice dans une indescriptible et abyssale tristesse de ceux qui n’auront pas accepté la rédemption et le triomphe du Crucifié, libres de ne pas avoir choisi le Seigneur, mais pas libres de ne pas dépendre du juste sort qui sera le leur. Ici bas, le règne de Dieu est déjà présent dans le cœur des saints, et l’enfer est déjà inauguré dans les sphères du péché, du refus de la loi divine et du dessein d’amour de Dieu pour tous les hommes.
Faut-il désespérer de notre temps et de son apostasie ? Non, bien sûr ! C’est une invitation à plus de courage et plus de vigilance, à plus de sainteté et un témoignage accru de l’espérance qui est la nôtre. Les fleurs ne sont jamais aussi belles que lorsqu’elles poussent sur le fumier. La grâce n’est jamais aussi prégnante que lorsque le mal se déchaîne, car « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé ».29 Le surcroît de la haine et du péché attire le surcroît de l’amour et de la grâce.

3 – Fiat volúntas tua, sicut in cælo, et in terra
Le but essentiel de la venue du Verbe sur terre est la réalisation de la volonté du Père. Jésus le dit lui-même à plusieurs reprises : « Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté à moi, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ».30
Pour ne pas risquer de tomber dans l’hérésie monothéliste du Ve siècle, il faut faire ici une distinction. Le nom de cette hérésie indique que ceux qui la professaient croyaient en une seule volonté dans le Christ. C’est en quelque sorte un avatar du monophysisme du IVe siècle. Pour eux, le Christ n’avait qu’une seule volonté : divine. Si tel était le cas, nous ne voyons pas comment le Christ pourrait dire qu’Il ne vient pas faire sa volonté mais la volonté de Celui qui l’a envoyé puisque, en tant qu’Il est Dieu, sa volonté ne fait qu’une avec celle de son Père. En Lui, il y a bien deux volontés : l’une divine et l’autre humaine. C’est cette volonté humaine du Seigneur qui n’a de cesse de s’unir en tout à la volonté divine, tout en restant distincte. Nous savons comment les tentations ont assailli le Seigneur et comment au Jardin des Oliviers, voyant approcher les terribles souffrances de la Passion, Il est tenté de demander que s’éloigne de lui ce calice. « Père… que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse ».31 Dans ce déchirement qui est si souvent le nôtre, le Seigneur Jésus ne cède pas à la tentation et ne baisse jamais les bras, pour se conformer toujours et en toutes choses à la volonté paternelle. Sa sainte humanité n’est que pleine adhésion au dessein de salut du Père pour l’humanité. Ce dessein divin, saint Paul le rappelle en ces termes, alors qu’il exhorte Timothée à la prière pour tous ceux qui exercent ici-bas une autorité : « Cela est bon et agréé devant Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité ».32
La volonté de Dieu tout-puissant se réalisera immanquablement. Pourtant, Il a voulu qu’elle passe souvent par l’adhésion de notre propre volonté, quoiqu’Il ait prévu de toute éternité les moyens de parvenir aux fins dont Il a disposé l’ordre de la création. Nous nous trouvons là au croisement délicat de la prescience divine et de la liberté humaine, et il nous faut tenir tant l’une que l’autre. Ce qui nous paraît légitimement bon n’est pas forcément bon selon le projet de Dieu sur telle personne ou telle société. Nos projets à courte vue et à perspective limitée ne concordent pas toujours avec les projets de Dieu à long terme et pour un bien parfois plus large. Telle guérison que nous demandons et n’obtenons pas, tel plan honnête aux implications familiales, professionnelles ou autres qui aboutit à l’échec, tant de difficultés malgré l’offrande de tout au Seigneur et qui nous laissent dans le doute, l’incompréhension, l’impasse. Faire le bon plaisir de Dieu selon la sainte indifférence des saints, voilà qui éprouve notre foi et nous pousse à une confiance plus radicale dans le Seigneur, à une espérance qui ne repose pas dans les sécurités éphémères de ce monde.
L’exemplarité du Paradis nous est donnée pour que les cœurs de tous les hommes sur terre ne veuillent que ce que Dieu veut. En ce sens, nous disons : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». À l’instar du Christ, le chrétien doit s’efforcer de connaître la volonté du Père en toutes choses, y compris quand cette volonté vient contrarier ses propres vues sur les événements et les situations. Il apprend ainsi la véritable humilité, le renoncement à soi, l’obéissance filiale qui est l’œuvre par excellence de la vie spirituelle.

4 – Panem nostrum quotidiánum da nobis hódie
Avec cette quatrième demande, commence la série des demandes concernant nos besoins fondamentaux.
Dans l’Ancien Testament, nous lisons comment le Seigneur n’abandonna pas son peuple au désert et pourvut à sa faim. La manne descendait chaque matin comme la rosée et les Hébreux ramassaient ce dont ils avaient strictement besoin pour la journée. Certains essayèrent bien d’en ramasser pour constituer des réserves pour le lendemain, mais les vers s’y mettaient et la manne se gâtait. Et l’Écriture de rappeler aux juifs comment, pendant quarante ans, Dieu avait nourri son peuple quotidiennement au désert.33 Dans nos civilisations méditerranéennes, le pain constitue la nourriture de base, ou tout au moins était-ce vrai jusqu’à il y a peu. « Gagner son pain » est une expression qui recouvre beaucoup plus que la seule matérialité du produit du boulanger. Dieu peut-Il à ce point s’intéresser aux simples nécessités de notre subsistance quotidienne ?
Poser cette question aujourd’hui dans un un pays occidental nanti implique de ne pas oublier tous ces hommes qui, aujourd’hui encore, n’ont même pas le strict nécessaire pour vivre. Le pain de la terre doit être un pain commun et partagé équitablement entre tous. C’est ainsi que la doctrine sociale de l’Église allie tant la notion légitime de propriété privée que la nécessité de partager les ressources entre tous. Il faudrait un certain courage dans les pays riches pour reconnaître qu’une grande partie des problèmes d’instabilité mondiale que nous connaissons à l’heure actuelle dépendent largement de l’injustice criante de la répartition des richesses. Il faudrait plus de courage encore pour oser proposer de vraies solutions qui ne s’en tiennent pas qu’aux vœux pieux. De Rome, la voix du Pasteur suprême s’élève pourtant à temps et à contre temps pour rappeler cette grande vérité. Attendre tout du Seigneur comme si rien ne dépendait de nous suppose aussi de tout faire comme si tout dépendait de nous seuls. Dire « notre pain » dans la prière dominicale, crée pour celui qui la récite des obligations quant au souci qu’il doit porter d’une vraie justice tant à l’échelle locale, nationale qu’internationale.
En son temps, le livre de la Sagesse suggérait déjà que la manne n’avait pas qu’une portée matérielle, mais également spirituelle. « C’est une nourriture d’anges que tu as donnée à ton peuple, et c’est un pain tout préparé que, du ciel, tu leur as fourni sans qu’ils se fatiguent, un pain capable de procurer toutes les délices et de satisfaire tous les goûts. Et la substance que tu donnais manifestait ta douceur envers tes enfants, puisque, s’accommodant au goût de celui qui l’emportait, elle se changeait en ce que chacun voulait ».34 En effet, le terme grec epiousios peut revêtir deux sens, sans qu’il soit possible de pencher définitivement pour l’un ou l’autre. C’est ce que l’on appelle un hapax en exégèse, c’est-à-dire un terme qui ne se trouve qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, et qui plus est, dans le cas présent, n’est pas utilisé dans la langue classique.
Le premier sens est celui que l’on a évoqué plus haut et que l’on traduit par : « quotidien », « aujourd’hui » ou encore « de chaque jour », sens qui manifeste combien l’homme ne doit pas thésauriser sur cette terre en oubliant qu’il est fait pour le ciel, mais plutôt savoir faire confiance en la divine Providence en vivant le moment présent comme un mendiant de l’amour du Père.
« Pris dans un sens temporel, il est une reprise pédagogique de « aujourd’hui » pour nous confirmer dans une confiance « sans réserve ». Pris au sens qualitatif, il signifie le nécessaire à la vie, et plus largement tout bien suffisant pour la subsistance ».35 En ce deuxième sens, on pourrait donc traduire par : « superessentiel ». Dès lors, chacun pourra voir comment c’est aussi le Pain de Vie qui est à demander, le Corps Très Saint du Seigneur Jésus qui se donne à nous en nourriture, bien plus essentielle que toutes les nourritures terrestres, puisqu’elle ne nous obtient rien d’autre que l’union avec notre Sauveur et notre Dieu, prémices de l’union béatifiante en Paradis, anticipation du Banquet Céleste et avant-goût du Royaume à venir. Ce pain-là doit être pour le chrétien l’objet de ses plus vifs désirs, le désir pressant d’être transformé par Lui en offrande agréable au Père, l’aspiration quotidienne à la sainteté alors qu’il reçoit l’Infiniment Saint sous ces pauvres et fragiles apparences de l’hostie. Puissions-nous recueillir chaque jour dans notre pauvre âme le Pain Sacré de la miséricorde, Jésus-Eucharistie, bien plus essentiel que tout ce à quoi nous attachons tant d’importance ici-bas.

5 – Et dimitte nobis débita nostra, sicut et nos dimittimus debitóribus nostris
Pour saint Luc, ce sont les offenses, pour saint Matthieu les dettes, mais le sens est le même. « Le pain dont nous avons le plus besoin maintenant, dont j’aurai le plus besoin au moment de mourir, c’est le pardon des péchés ».36 La croissance de notre vie spirituelle devrait nous faire prendre conscience de plus en plus de la laideur du péché et de la souillure qui est la nôtre, nous empêchant de recevoir pleinement tous les trésors de grâce que Dieu a réservés à chacun d’entre nous. Le péché nous prive de la douce consolation des lumières qui viennent du Seigneur. Il met un obstacle en nous à recevoir la charité à profusion, charité qui dilate le cœur, affermit la vraie liberté intérieure et bâtit la paix dans la sérénité d’une maison intérieure bien en ordre. Le pardon du Seigneur est au cœur de tout l’élan de la Révélation et traverse la Bible comme un thème récurrent qui donne intelligence à tout. Rien d’étonnant alors qu’on retrouve ce désir exprimé dans la prière dominicale, cri du cœur jaillissant des profondeurs de l’être qui se sait abîmé et blessé par le mal, et dès lors incapable d’accéder à ce pour quoi il avait été fait à l’origine.
Après le Vendredi Saint, ce cri est lancé avec plus de force et de justesse, puisque le pardon a été obtenu définitivement, puisque l’homme a retrouvé l’image et la ressemblance, puisque sa destinée de gloire devient possible en Jésus-Christ. Malgré la faiblesse qui demeure et souille nos pauvres existences terrestres, la joie est immense de savoir que désormais aucun péché ne sera trop hideux qui ne puisse être lavé dans le sang du Christ. Tant d’exemples de la vie du Sauveur peuvent venir consoler nos âmes pliant sous le fardeau du péché ; et qui n’a pas ressenti un jour cette joie sainte à la lecture des paraboles de l’enfant prodigue ou de la brebis perdue.
Mais là encore, ce pardon de Dieu qui est gratuit et que personne ne peut se prévaloir d’avoir mérité, ce pardon n’est pas une affaire égoïste comme si mon rapport avec Dieu ne devait pour moi entraîner ni obligation ni devoir. Vous vous souvenez sûrement de la magnifique parabole du débiteur impitoyable qui devait dix mille talents à son maître ; comment celui-ci lui remit sa dette, touché de compassion. C’est alors que ce débiteur ne voulut pas lui-même remettre une dette dérisoire de cent deniers à l’un de ses débiteurs, le faisant jeter en prison. Le maître averti lui dit alors : « Ne devrais-tu pas avoir pitié de ton compagnon comme j’ai eu pitié de toi ? Et son maître, irrité, le livra aux exécuteurs jusqu’à ce qu’il eût payé toute sa dette ». Et Jésus de conclure : « Ainsi vous traitera mon Père céleste si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur ».37 Combien de fois Jésus a-t-Il rappelé ainsi l’obligation de pardonner à son prochain ! On peut même établir un parallèle entre le double commandement de l’amour et ce double mouvement du pardon. L’amour de Dieu doit se vérifier dans l’amour du prochain. La première Lettre de saint Jean est particulièrement explicite à ce sujet. De la même manière, recevoir le pardon du Père céleste implique de savoir donner le pardon à ceux qui nous ont offensés.
Ce discours est plus que jamais provocateur en un monde où chacun se croit dans son bon droit, où l’égoïsme interdit tout regard de miséricorde, où l’autre est trop souvent l’adversaire qui peut venir contrarier l’exercice de ma sacro-sainte liberté. Mais quoi qu’il en soit, et malgré le désir éventuel de pardonner sincèrement, demeure la blessure de l’impossible oubli quand le préjudice est trop grand. Jésus nous dit pourtant de pardonner du fond du cœur. « C’est là, en effet, « au fond du cœur » que tout se noue et se dénoue. Il n’est pas en notre pouvoir de ne plus sentir et d’oublier l’offense ; mais le cœur qui s’offre à l’Esprit-Saint retourne la blessure en compassion et purifie la mémoire en transformant l’offense en intercession ».38
Tout est dans le « comme », qui n’implique pas une causalité automatique, comme si Dieu était tenu de nous pardonner alors que nous pardonnons à notre prochain, mais plutôt qui établit un certain rapport de proportion entre le pardon que nous savons donner et le pardon que nous pourrons recevoir ; ce, bien dans la ligne des versets de l’Évangile de Matthieu qui commente le Notre Père immédiatement après, ainsi que du chapitre 7 qui rappelle comment la mesure dont nous nous servons servira également pour nous.39 Saint Césaire d’Arles le disait en son temps à ses fidèles de fort belle manière : « Il y a dans le ciel une miséricorde à laquelle on parvient par des miséricordes terrestres. Et donc, tant que nous le pouvons, hâtons-nous sur la terre de nous rendre favorable la miséricorde céleste ».40

6 – Et ne nos indúcas in tentatiónem
Cette sixième demande du Pater est l’objet de polémiques en raison de la traduction française officielle la plus récente. À vrai dire, et de l’avis des spécialistes, elle est la plus fidèle au sens littéral du terme grec, que reprend d’ailleurs le latin : « Et ne nos indúcas in tentatiónem ». L’ancienne traduction : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation » n’est pas mauvaise pour autant, comme le dit le Catéchisme de l’Église Catholique. Il en ajoute même une troisième : « Ne nous permets pas d’entrer dans la tentation ».41 C’est dire la difficulté de rendre parfaitement les nuances du terme original. Le Père Carmignac42 proposait : « Garde-nous d’entrer dans la tentation ». Cette dernière formule a le mérite de souligner à la fois la responsabilité qui est la nôtre de consentir à la tentation et l’action divine positive qui doit nous empêcher d’être soumis à des pressions trop fortes auxquelles nous ne pourrions pas résister.
L’apôtre saint Jacques décrit dans sa lettre le processus de la tentation où la responsabilité entière de l’homme est engagée : « Que personne, étant dans l’épreuve, ne dise : « C’est Dieu qui m’éprouve » ; car Dieu est à l’abri des épreuves du mal, et lui-même n’éprouve personne. Chacun est éprouvé par sa propre convoitise qui le tire et le prend à l’amorce ; puis la convoitise, ayant conçu, enfante le péché, et le péché, une fois consommé, donne naissance à la mort ».43
En somme, il est patent que la tentation ne peut être évitée puisque le Seigneur Jésus lui-même a voulu s’y soumettre. Précisément, ce combat contre Satan au désert nous indique le chemin de la lutte spirituelle et de la vigilance nécessaire à tout moment pour ne pas se laisser entraîner par la séduction de l’interdit et du mal, et glisser inexorablement vers les attraits trompeurs de la convoitise déréglée. Dieu ne soumet personne au mal comme s’Il voulait entraîner ses propres enfants à la chute, ce qui serait contradictoire. La prière qui Lui est faite vise un surcroît de miséricorde par laquelle Il nous éviterait les conséquences mêmes de nos négligences qui nous poussent si souvent vers les zones mouvantes de l’indécision et nous exposent à la fragilité, comme cet homme imprudent de l’Évangile qui a bâti sa maison sur le sable.44
Le Seigneur, en effet, n’a de cesse que de nous donner la force nécessaire pour vaincre la tentation, de sorte que la croix de son Fils n’ait pas été dressée en vain. Saint Paul nous l’assure : « Aucune tentation ne vous est survenue qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces, mais avec la tentation il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter ».45 Ainsi le démon n’a de prise sur nous que par la permission de Dieu. Si Dieu permet que nous soyons tentés, c’est pour nous éprouver et nous faire croître dans son amour. Dans la mesure où nous grandissons dans la vie spirituelle, les tentations deviennent plus subtiles et plus fortes, parce que le démon ne supporte pas de voir une âme lui échapper. Sortir vainqueur de la tentation nous affermit dans la grâce. Le diable cherche toujours à salir ce qu’il y a de plus beau, par une perversion fort intelligente des grandeurs que le Seigneur a disposées pour ses enfants. Qu’il suffise de regarder la vie des saints, de saint Padre Pio ou du saint Curé d’Ars par exemple.
Pour conclure, disons que le combat spirituel est au cœur de notre existence terrestre. Permis par Dieu pour notre croissance spirituelle, il ne faut pas chercher à l’éviter à tout prix, mais demander humblement au Père de nous délivrer de nos propres faiblesses et de nous éviter d’être exposés par notre imprudence aux tentations trop fortes qui risqueraient de corrompre tous nos beaux élans pour qu’en nous son Nom soit sanctifié.46

7 – Sed libera nos a malo
Cette nouvelle demande est un corollaire de la précédente. Elle s’inscrit dans la ligne de ce qui sera plus tard la prière sacerdotale de Jésus, qu’Il laissa à ses disciples comme une sorte de testament. « (Père) je ne te prie pas pour que tu les enlèves du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais ».47 En effet, « dans cette demande, le Mal n’est pas une abstraction, mais il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu. Le « diable » (dia-bolos) est celui qui « se jette en travers » du dessein de Dieu et de son « œuvre de salut » accomplie dans le Christ ».48
En cette conclusion du Notre Père, est rappelée la victoire définitive du Christ sur le Mal et le Malin pour qu’adviennent le Règne du Père et la sanctification de son Nom. Avant de mourir, Jésus déclarait : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; c’est maintenant que le chef de ce monde va être jeté dehors. Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes vers moi ».49
Reste que ce qui a été acquis irrémédiablement en Jésus-Christ, se réalise effectivement, in concreto, en chacun d’entre nous et pour tous les hommes pour lesquels l’Église intercède. Chasser le démon et son influence néfaste est la première étape chronologique d’un processus qui nous permet de lutter contre la tentation, d’obtenir la guérison du péché, d’être fortifiés par la nourriture céleste, d’accomplir la volonté du Père, dès lors de faire advenir son règne et ainsi de répandre la sainteté de son Nom. La prière dominicale nous fixe dès son début la finalité à atteindre et décline ensuite les étapes pour y parvenir. L’expérience de la vie nous fait emprunter le chemin inverse qui nous conduit vers la contemplation du Père qui, un jour, suffira à combler au-delà de toute mesure les plus nobles aspirations de notre être.
« Puis, la prière achevée, tu dis : Amen, contresignant par cet Amen, qui signifie « Que cela se fasse » ce que contient la prière que Dieu nous a enseignée ».50
À l’école de la grande Tradition de l’Église, nous avons suivi pas à pas la plus belle des prières ; puisse-t-elle nous accompagner toujours à chaque moment de la journée et laissons saint Ambroise nous exhorter : « Ô homme, tu n’osais pas lever ton visage vers le ciel, tu baissais les yeux vers la terre, et soudain tu as reçu la grâce du Christ : tous tes péchés t’ont été remis. De méchant serviteur tu es devenu un bon fils… Lève donc les yeux vers le Père qui t’a racheté par son Fils et dis : Notre Père… Mais ne te réclame d’aucun privilège. Il n’est le Père, d’une manière spéciale, que du Christ seul, tandis que nous, Il nous a créés. Dis donc toi aussi par grâce : Notre Père, pour mériter d’être son Fils ».51

* Aumônier du CHU à Poitiers. Licencié en patristique et histoire de la théologie, diplômé d’islamologie de l’Institut Pontifical des sciences arabes et islamiques à Rome.

 

DOUZIÈME STATION, Jésus sur la Croix, la Mère et le disciple

20 mars, 2015

 DOUZIÈME STATION, Jésus sur la Croix, la Mère et le disciple dans images sacrée stazione12
http://www.vatican.va/news_services/liturgy/2007/via_crucis/fr/station_12.html

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 22 MARS 2015 – DEUXIEME LECTURE – LETTRE AUX HÉBREUX : 5. 7 – 9

20 mars, 2015

http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 22 MARS 2015

DEUXIEME LECTURE – LETTRE AUX HÉBREUX : 5. 7 – 9

Le Christ,
7 pendant les jours de sa vie dans la chair,
offrit, avec un grand cri et dans les larmes,
des prières et des supplications
à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ;
et il fut exaucé
en raison de son grand respect.
8 Bien qu’il soit le Fils,
il apprit par ses souffrances l’obéissance
9 et, conduit à sa perfection,
il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent
la cause du salut éternel.

La lettre aux Hébreux s’adresse à des Chrétiens d’origine juive. L’auteur cherche à éclairer leur foi chrétienne toute neuve à partir de leur foi juive et de leur connaissance de l’Ancien Testament. Son objectif est de montrer que l’histoire humaine a franchi avec le Christ une étape décisive : il y avait eu le régime de l’Ancienne Alliance, désormais il y a l’Alliance Nouvelle, annoncée par Jérémie ; cette Alliance Nouvelle est réalisée dans la personne même du Christ. Parce qu’il est à la fois Dieu et homme, pleinement Dieu et pleinement homme, il est l’Homme-Dieu, celui qui unit intimement, irrévocablement Dieu et l’humanité jusque dans sa personne même.
Et c’est ainsi que s’accomplit la prophétie de Jérémie « Voici venir des jours où je conclurai avec la Maison d’Israël et avec la Maison de Juda une Alliance Nouvelle ».
Donc très normalement, l’auteur insiste à la fois sur l’humanité et sur la divinité du Christ ; pleinement homme, il est mortel, il connaît la souffrance et l’angoisse devant la mort : « Pendant les jours de sa vie mortelle, le Christ a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort… »
L’expression « Pendant les jours de sa vie mortelle » dit bien qu’il est homme, mortel…
Devant la perspective de la persécution, de la Passion, il a prié et supplié Dieu qui pouvait le sauver de la mort. Jusque-là, nous comprenons ; mais l’auteur ajoute « il a été exaucé » ; affirmation plutôt surprenante ! Car, en définitive, malgré sa prière et sa supplication, il est mort… Donc on peut se demander en quoi il a été exaucé…
Il faut croire que sa prière ne signifiait pas ce que nous imaginons à première vue. Je m’arrête un peu là-dessus : ici, visiblement, l’auteur fait allusion à Gethsémani :
le grand cri et les larmes du Christ, sa prière et sa supplication disent son angoisse devant la mort et son désir d’y échapper.
Cet épisode de Gethsémani est rapporté par les trois évangiles synoptiques à peu près dans les mêmes termes ; les trois évangélistes notent la tristesse et l’angoisse du Christ, en même temps que sa détermination. Saint Luc dit « Jésus priait, disant : Père, si tu veux, éloigne cette coupe loin de moi ! Cependant, que ta volonté soit faite, et non la mienne ! » (Lc 22, 42). Que Jésus ait désiré échapper à la mort, c’est clair ; et il a dit à son Père ce désir ; mais sa prière ne s’arrête pas là ; sa prière, justement, c’est « Que ta volonté soit faite… et non la mienne ». Dans sa prière, le Christ fait passer le désir de son Père avant le sien propre. Voilà déjà une formidable leçon pour nous !
Le Christ a cette confiance absolue dans son Père : ce que l’auteur de la lettre aux Hébreux traduit par : « Il s’est soumis en tout ». Le mot « soumission » ou « obéissance » dans la Bible, signifie justement cette confiance totale ; parce qu’il sait que la volonté de Dieu n’est que bonne. Dans la prière qu’il nous a enseignée, s’il nous invite à répéter après lui « Que ta volonté soit faite », c’est pour que nous apprenions à souhaiter la réalisation du projet de Dieu parce que Dieu n’a pas d’autre projet que notre bonheur !
Comme dit Saint Paul dans sa première lettre à Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 4).
Cette prière du Christ a été doublement exaucée : parce que le salut du monde a été accompli et parce qu’il est ressuscité. En ce sens-là, il a été « sauvé de la mort ».
L’auteur n’hésite pas non plus à dire que Jésus a aussi, comme tout homme, connu un apprentissage : « Il a appris l’obéissance par les souffrances de sa passion ». Ce mot d’apprentissage signifie qu’il a eu, comme tout homme, un chemin à parcourir : celui de la souffrance et de l’angoisse devant la mort ; et là, l’humanité connaît deux attitudes, la peur de Dieu ou la confiance en Dieu. Et parce qu’il n’a pas quitté la confiance dans le Dieu de la vie, son chemin l’a conduit à la résurrection. On ne peut pas ne pas penser ici à l’épisode de Césarée ; quand Jésus avait commencé à prévenir ses apôtres de ce qu’il lui faudrait affronter, Pierre s’était insurgé : « Jésus-Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des Anciens, des grands-prêtres et des scribes, être mis à mort, et, le troisième jour, ressusciter. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander en disant : Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera pas ! Mais lui, se retournant, dit à Pierre : Retire-toi ! Derrière moi, Satan ! Tu es pour moi occasion de chute, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16, 21-23 ; Mc 8, 31-33). A Gethsémani, Jésus a résolument fait passer les vues de Dieu avant les siennes.
« Et ainsi, continue le texte, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel ». Le « salut », c’est précisément connaître Dieu tel qu’il est, le Dieu dont l’amour nous fait vivre. « Obéir » au Christ, c’est, à notre tour, lorsque nous traversons la souffrance, lui faire confiance, suivre son exemple, et donc faire confiance à la volonté du Père. A ses disciples, Jésus a donné son secret : « Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation ». (Mc 14, 38). Il ne s’agit pas de je ne sais quelle arithmétique du genre « si vous priez bien, Dieu vous évitera la tentation »… Il s’agit de la grande réalité de la prière : prier, c’est rester en contact avec Dieu, lui faire confiance ; c’est tout le contraire de la tentation, celle à laquelle pense Jésus : la tentation de soupçonner les intentions de Dieu, de penser qu’il nous veut du mal et donc de nous révolter. Suivre l’exemple du Christ, semble-t-il, c’est premièrement, oser dire à Dieu notre désir, et deuxièmement, lui faire assez confiance pour ajouter aussitôt « Cependant, que ta volonté soit faite, et non la mienne ! »
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Compléments
- Le mot « perfection » (verset 9) ici a également un autre sens : il s’agit de la « consécration » du grand prêtre ; l’objectif majeur de la Lettre aux Hébreux étant de démontrer que le Christ est vraiment le grand prêtre de la Nouvelle Alliance.
- Les psychologues qui analysent notre comportement religieux comptent trois étapes dans la croissance spirituelle : première étape, celle de l’enfant, qui ne connaît que son désir ; il tape des pieds en disant « Que ma volonté se fasse ». Deuxième étape, lorsque nous avons pris conscience de notre impuissance à combler par nous-mêmes tous nos désirs, alors on prie Dieu pour qu’il nous y aide : la prière devient « Que ma volonté se fasse avec ton aide ». (Il me semble qu’un certain nombre de nos prières ressemblent à celle-là…) Troisième étape, celle de la foi, c’est-à-dire de la confiance absolue dans le projet de Dieu : « Que ta volonté se fasse et non la mienne ».

 

HOMÉLIE 5E DIMANCHE DE CARÊME

20 mars, 2015

http://www.homelies.fr/homelie,,4146.html

5E DIMANCHE DE CARÊME

DIMANCHE 22 MARS 2015

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE – MESSE

Le chapitre 12 de Jean conclut la première partie de l’Evangile, qu’il est convenu d’appeler « le livre des signes ». Six événements y ont été rapportés, six signes, en attente de leur accomplissement dans un septième signe : celui du passage de la mort à la vie que Jésus s’apprête à accomplir. L’Evangile de ce jour nous introduit à « l’heure » de cet ultime signe qui donne leur sens à tous les autres.
Nous sommes dans les derniers jours avant la fête de la Pâque à Jérusalem ; Jésus vient de faire une entrée triomphale dans la ville, aux cris de « Hosanna » proférés par la foule – comme le demandait la liturgie dans les cérémonies préfigurant la venue du Messie. Aussi les autorités religieuses sont-elles inquiètes devant le succès populaire grandissant du Rabbi de Nazareth : « Vous le voyez, se disent-ils entre eux dans les versets précédant notre péricope, vous n’arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite. »
Comme pour confirmer cette remarque, des Grecs cherchent à entrer en relation avec Jésus. Ces païens devenus demi-juifs par leur pratique religieuse, sont « montés à Jérusalem » en pèlerins, pour « adorer Dieu durant la Pâque ». C’est à cette occasion qu’ils souhaitent approcher Jésus ; ils sollicitent une entrevue par l’intermédiaire des disciples les plus grecs, André et Philippe, originaires de la contrée fortement hellénisée de Bethsaïde. Au moment où s’achève la mission de Jésus auprès des Juifs, la présence de ces païens annonce la mission universelle à venir.
Notre-Seigneur interprète sans hésitation la venue de ces étrangers comme le signe annonciateur de l’avènement de son « heure » – l’heure de sa glorification par sa mort et sa résurrection. Une lecture attentive nous fait découvrir la séquence suivante :
- Jésus révèle d’abord le sens de sa mort prochaine par l’image du « grain de blé tombé en terre », qui doit accepter de mourir pour « donner beaucoup de fruit ».
- Puis il prononce une courte prière qui trahit son angoisse devant sa Passion prochaine.
- Au consentement du Fils qui parvient à dominer sa frayeur et choisit résolument d’accomplir sa mission quoi qu’il lui en coûte, répond la voix du Père – c’est la première fois qu’elle se fait entendre dans le quatrième Evangile.
- Fort de cette confirmation Notre-Seigneur se tourne vers la foule pour prophétiser solennellement la défaite des forces du mal qui vont se déchaîner contre lui, et annoncer son triomphe à travers le rassemblement des croyants.

Saint Jean ne raconte ni l’agonie ni la transfiguration du Christ, mais il s’inspire de ces deux épisodes dans le récit que nous venons d’entendre. Nous pourrions dire que l’évangile de ce dimanche constitue le récit de l’agonie de Jésus – le « Gethsémani » – du 4ème Evangile, interprété par Notre-Seigneur lui-même. L’heure de Jésus est l’heure du grain qui meurt, et cet abaissement est paradoxalement aussi l’heure de son élévation – élévation sur la Croix d’où il attirera à lui tous les hommes, prélude de son élévation au plus haut des cieux, à la droite du Père. Le Seigneur nous a ouvert ce passage au prix d’amères souffrances, dont nous pressentons l’horreur dans les termes très réalistes de la lettre aux Hébreux : « Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et des larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort » (2nd lect.). La raison de ces épreuves nous est sobrement explicitée : « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa passion ; et ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel ». Le Fils éternel est bien sûr parfaitement obéissant au Père dont il est l’expression parfaite et auquel il est parfaitement uni dans une même volonté de salut. Mais le Verbe incarné, le « Fils de l’homme », a du consentir jusque dans sa volonté humaine, à descendre dans la mort, et la mort sur la Croix, pour y déverser le baume de la vie éternelle qui nous procure le salut.
Nous pressentons que l’intériorisation de l’Alliance ne pouvait se faire qu’au prix de l’incarnation rédemptrice : le Verbe s’est fait chair, il a assumé pleinement notre humanité meurtrie par le péché, afin que désormais l’Alliance ne soit plus un pacte écrit sur des tables de pierre qui nous demeurent extérieures, mais qu’elle soit inscrite « dans nos cœurs, au plus profond de nous-mêmes » (1ère lect.). Si nous entrons dans cette Alliance nouvelle et éternelle – ce qui implique que nous consentions comme le Christ à obéir au dessein du Père – alors « il nous pardonnera nos fautes ; il sera notre Dieu, et nous serons son peuple » (Ibid.) ; « il nous donnera un cœur nouveau, mettra en nous en esprit nouveau » (Ps 50) conformément à la promesse faite à ses saints les prophètes. Telle est la condition pour « voir » Jésus, conformément au souhait exprimé par les Grecs. La réponse de Notre-Seigneur à ces hommes, exprime précisément cette difficulté à le « voir » ; car la manifestation ou glorification du Fils n’est visible que dans la foi, et celle-ci implique une traversée de la mort. La vision ne s’ouvre en effet qu’au-delà de la mort à l’orgueil de la chair, pour qui la croix demeure un scandale opaque et inadmissible, dont seule une foi humble et sincère peut triompher.
Cette exigence demeure vraie pour tous les temps de l’Eglise jusqu’à la Parousie, c’est-à-dire jusqu’à la pleine manifestation du Fils de l’Homme dans sa gloire divine. Jusqu’à cet ultime accomplissement du dessein de Dieu, tous ceux qui veulent « voir » le Christ, sont renvoyés au signe de son Corps, c’est-à-dire à son Eglise ; mais il leur faut regarder plus loin que la faiblesse de ce paraître encore marqué par le péché, pour découvrir l’Epouse bien-aimée, qui ne sera pleinement manifestée qu’au-delà de sa propre Pâques. Cette Pâques, c’est à chacun de nous de la réaliser jour après jour dans notre propre vie, en consentant comme le grain de blé tombé en terre, à mourir à nous-mêmes, pour vivre de la vie de celui en qui nous avons mis notre foi.

« Seigneur, “l’heure” de ton Eglise n’est pas séparable de la tienne, mais hélas ce sont mes résistances à entrer dans la logique du don total qui freinent la glorification de ton Epouse. Oui je le reconnais : j’aime encore ma vie d’un amour de convoitise ; ou pour le dire autrement, j’y suis attaché en ce monde pour d’autres motifs que le service de ceux que tu me confies. Apprends-moi à ne rien te préférer, de manière à chercher à te servir en toutes choses et à demeurer avec toi en toutes circonstances. Si j’accepte ainsi de mourir à moi-même, je suis sûr de “donner beaucoup de fruits” dans l’amour que toi et ton Père me portent. C’est pourquoi je te supplie : “Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle-moi dans ton Esprit Saint. Qu’il me soutienne chaque jour de ma vie, afin que je puisse enseigner aux pécheurs tes chemins et que reviennent vers toi les égarés”, selon ton dessein d’amour sur tout homme. »

Père Joseph-Marie

Jaime Huguet,Ultima Cena, 1470 ca., Museo di Arte Catalana, Barcellona

19 mars, 2015

Jaime Huguet,Ultima Cena, 1470 ca., Museo di Arte Catalana, Barcellona dans images sacrée huguet_ultima-cena

https://gpcentofanti.wordpress.com/2011/03/20/calendario-aprile/

LA PÂQUE, LE PASSAGE DU SEIGNEUR

19 mars, 2015

http://www.comayala.es/Proyecto/frances/lapaque.htm

LA PÂQUE, LE PASSAGE DU SEIGNEUR

1.La Pâque n´est plus ce qu´elle fut. Il faut la récupérer. Fêter la Pâque suppose assumer l´essentiel des deux traditions: de la pâque juive qui fête (dans le passé ) la sortie d´Égypte et (dans le présent) le passage de l´oppression à la liberté: Dieu passe en sauvant; et de la pâque chrétienne qui fête (dans le passé) le passage du Christ de ce monde vers le Père et (au présent) son passage au milieu de nous comme Seigneur de l´histoire : il passe en apportant le salut. Avant le quatrième siècle , il n´y a qu´une célébration qui a lieu le soir de pâque. Nous pouvons nous demander ce que signifient les paroles de Jésus, aujourd´hui: allez nous préparer la Pâque (Lc 22,8).
2. La pâque juive est fêtée dans une ambiance familiale, dans les maisons, dans le cadre d´un repas, avec du mouton: Vous le garderez jusqu´au quatorzième jour de ce mois, et toute l´assemblée de la communauté d´Israël l´égorgera au crépuscule (Ex 6; cf. 12,1-5). La pâque juive est un dîner avec des lectures et des psaumes (récit de l´exode, Ps 113-118; cf. Mc 14,26). Le pain azyme (de même que les herbes amères) est un symbole des difficultées vécues. C´est le pain des persécutés, le pain de la misère et de la hâte, le pain qu´il fallut emporter et cuire avant sa fermentation. Le rituel juif le dit ainsi: Voici le pain de misère que nos ancêtres ont mangé en Égypte, que celui qui en aura besoin vienne fêter la pâque. L´exode est une expérience d´une valeur permanente: le Dieu vivant, qui agit dans l´histoire, ouvre un chemin de libération pour celui qui est opprimé. Le croyant, reconnaissant et plein d´espoir, élève la coupe du salut (Ps 116,13; Lc 22,20).
3. Dans le cadre juif de la pâque, chacun raconte son histoire: et, tous ensemble fêtent l´histoire commune d´Israël: en répètant un refrain ( dayenou: cela nous aurait suffi), ils proclament l´action libératrice de Dieu: Il nous a comblé de tants de faveurs!.. S´il avait simplement divisé la mer pour nous sans nous l´avoir fait passer à pied sec, cela nous aurait suffi… S´il nous avait donné la loi sans entrer dans le pays d´Israël, cela nous aurait suffi. S´il nous avait fait entrer dans le pays d´Israël sans bâtir la maison d´Élection pour nous, cela nous aurait suffi.
4. Dans les premiers siècles, la pâque chrétienne est précédée d´un jeûne court et rigoureux (un jour, deux ou davantage), qui provient d´une interprétation littérale du passage évangélique où l´on demande à Jésus pourquoi ses disciples ne jeûnent pas. Le jour où ils seront privés de la présence de Jésus, alors ils jeûneront (Mt 9,15), mais d´une façon différente. Ce qui souille l´homme ce n´est pas ce qui entre par la bouche mais ce qui sort du coeur (cf. Mc 7,5-23). Sur ce sens-là porte la question: quel genre de jeûne devons-nous faire pour fêter la Pâque? Du reste, il est significatif que Jésus, l´Agneau de Dieu, (Jn 1,29), ait été sacrifié le jour de la préparation de la Pâque (19,14: 1 Co 5,7).
5. Une réalité fondamentale que nous n´arrivons pas à comprendre est la suivante: la veillée pascale est la célébration de la Pâque tout entière. La pâque n´est pas seulement la passion et la résurrection considérés comme deux événements successifs. C´est le passage de l´un à l´autre, des ténébres à la lumière, de la mort à la vie, de la tristesse à la joie (Jn 16,20). C´est une veillée. Par conséquent on va veiller (cf. Ex 112,42) avec les lampes allumées (Mt 25,4) et le contenu de cette veillée est, en premier lieu, la Parole de Dieu (vivante et abondante), et ensuite l´eucharistie (action de grâces).
6. Des témoignages très anciens (La Lettre des Apôtres au milieu du IIème siècle et la Didacalie au IIIème siècle) nous montrent une veillée fêtée pendant toute la nuit jusqu´au chant du coq; par conséquent, elle commençait au crépuscule et finissait après minuit avec l´eucharistie. Â un moment donné, surtout à l´époque du catéchuménat (IIIème et IVème siècles) la veillée pascale finit par inclure la célébration du baptême (cf. Rm 6,3-11). On discuta beaucoup au IIème siècle à cause de la date: les communautés de l´Asie Mineure fêtaient la Pâque le 14 Nisan, de même que les Juifs et les premiers disciples; le reste de l´Église le faisait la nuit du samedi au dimanche et mettait en relief la résurrection. Victor, évêque de Rome, proclama l´excommunication . Mais Irénée de Lyon et Polycrates d´Éphèse, ainsi que les évêques d´Asie, lui rappelèrent la tradition écclésiastique: Polycarpe d´ Esmine et Anicète de Rome ( passant outre ces différences d´opinion) étaient en communion (Eusèbe de C. HEV,24,17).
7. La Didascalie décrit la veillée pascale de la façon suivante: Vous vous réunirez et veillerez, et pendant toute la nuit vous veillerez avec des prières et des larmes, vous lirez les prophètes et les évangiles et les psaumes, dans la crainte et le tremblement avec des prières, jusqu´à la troisième heure de la nuit qui suit le samedi. Alors vous romprez le jeûne, vous offrirez le sacrifice et vous mangerez et vous serez heureux dans la joie et l´allègresse, puisque le Christ, les primices de notre résurrection, a ressuscité.
8. Vers la fin du IVème siècle apparaît déjà la tradition du triduum saint, dans lequel on fête les aspects successifs du mystère pascal. Saint Ambroise dit: C´est le triduum saint … pendant lequel (le Christ) a souffert, s´est reposé et est ressuscité (Ep. 23,12-13:Pl 16,1030). Saint Augustin met en relation le passage de Jonas dans la baleine avec le triduum pendant lequel le Seigneur est mort et est ressuscité: vendredi, samedi, dimanche (De consensu Evang.,3,66: Pl 34,1199).
9. À partir du Vème siècle, le catéchuménat, ainsi que l´aspect baptismal de la veillée pascale disparaissent progressivement. On essaie, alors, de pallier ce défaut au moyen d´un élargissement du symbolisme rituel: bénédiction du feu, du cierge, de l´eau. Cette phase symbolique fut bientôt suivie de la phase dramatique, quand, sous l´influence de la litturgie de Jérusalem, on scénifie les circonstances de la passion.
10. Déjà au Vème siècle, le dimanche qui inaugure la Semaine Sainte, la liturgie orientale fête l´entrée messianique de Jésus à Jérusalem tandis que la liturgie romaine (avec Saint Léon le Grand) inclut déjà la passion (mercredi et vendredi saint aussi). D´un autre côté, Saint Augustin répond à une question sur ce qu´on devait faire le jeudi saint: la règle d´or est de suivre les pratiques de l´Église dans laquelle on se trouve (Ep.54,5:Pl 32,202). Depuis le VIIIème siècle, une nouvelle conception du triduum s´impose dans l´église latine, le triduum avant la Pâque: jeudi, vendredi et samedi. Peu à peu, la dégradation de la Pâque avance. Pie V (1566) défend de célébrer la messe l´après midi, ce qui fait que l´office de la veillée pascale est avancé au matin du samedi . Cependant, le 9 février 1951 la Congrégation des Rites décide de restaurer la veillée pascale.
11. Malgré toutes les réformes (de 1955 et de 1970) il existe encore des problèmes: le dimanche des rameaux, on mêle l´entrée messianique avec la passion, et, en plus, on évite la dénonciation du temple, qui explique la mort de Jésus (Mc 11,18); le Jeudi Saint, le lavement des pieds l´emporte sur la Cène (Jn 13,-17; 1 Co 11,23-26); le Vendredi Saint, on néglige l´impressionante Parole de la croix (Ps 22); dans la veillée pascale, la rénovation des promesse baptismales est insuffisante et uniquement formelle; le déficit actuel d´évangélisation des baptisés demande quelquechose de plus: un processus d´inspiration catéchuménale qui puisse aider à découvrir ce que le baptême signifie vraiment; finalement, on ne met pas en relief le dynamisme indivisible du mystère pascal ( le passage de l´oppression à la liberté, de la mort à la vie) et, la Pâque n´est plus ce qu´elle fut.
12. Quel que soit le moment où on le célèbre, avant la fête de Pâques (Jn 13,1), le premier jour de la semaine (Jn 20,1), huit jours après (Jn 20,26), pendant quarante jours (Ac 1,3), pendant cinquante jours (2,1), chaque semaine (20,7; Ap1,10), pendant toute l´année, le fait fondamental est celui-ci: Ce Jésus que vous, vous avez crucifié, est le Seigneur (Ac 2,36) . Nous aussi, nous pouvons reconnaître sa présence et son action à de multiples signes (1Co 15,16;Jn 21,7), qui se produisent comme fruits de la Pâque. Sa Pâque, son passage, a inauguré, pour le monde entier, l´aube d´un nouveau jour qui ne finira jamais.

PAPE FRANÇOIS – (LES PERSONNES ÂGÉES)

19 mars, 2015

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2015/documents/papa-francesco_20150311_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – (LES PERSONNES ÂGÉES)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 11 mars 2015

Chers frères et sœurs,

Dans la catéchèse d’aujourd’hui, nous poursuivons la réflexion sur les grands-parents, en considérant la valeur et l’importance de leur rôle dans la famille. Je le fais en m’identifiant à ces personnes, car moi aussi j’appartiens à cette tranche d’âge.

Quand j’ai été aux Philippines, le peuple philippin me saluait en disant : « Lolo Kiko » — c’est-à-dire grand-père François — « Lolo Kiko », me disaient-ils ! Il est important de souligner une première chose : c’est vrai que la société tend à nous mettre de côté, mais certainement pas le Seigneur. Le Seigneur ne nous met jamais de côté ! Il nous appelle à le suivre à tous les âges de la vie, et être âgé contient aussi une grâce et une mission, une véritable vocation du Seigneur. Être âgé est une vocation. Ce n’est pas encore le moment de « baisser les bras ». Cette période de la vie est différente des précédentes, cela ne fait aucun doute ; nous devons également un peu « l’inventer », car nos sociétés ne sont pas prêtes, spirituellement et moralement, à donner à celle-ci, à ce moment de la vie, sa pleine valeur. En effet, autrefois il n’était pas aussi normal d’avoir du temps à disposition ; aujourd’hui cela l’est beaucoup plus. Et la spiritualité chrétienne a elle aussi été prise de court, il s’agit de tracer une spiritualité des personnes âgées. Mais grâce à Dieu les témoignages de saints et de saintes âgées ne manquent pas !
J’ai été très frappé par la « Journée pour les personnes âgées » que nous avons célébrée ici sur la place Saint-Pierre l’année dernière, la place était pleine. J’ai écouté des récits de personnes âgées qui se prodiguent pour les autres, et aussi des histoires de couples d’époux, qui disaient : « Nous fêtons notre 50e anniversaire de mariage, nous fêtons notre 60e anniversaire de mariage ». Cela est important de le faire voir aux jeunes qui se lassent vite ; le témoignage des personnes âgées concernant la fidélité est important. Et sur cette place elles étaient très nombreuses ce jour-là. C’est une réflexion qu’il faut poursuivre, aussi bien dans le domaine ecclésial que civil. L’Évangile vient à notre rencontre avec une très belle image émouvante et encourageante. C’est l’image de Siméon et Anne, dont nous parle l’Évangile de l’enfance de Jésus composé par saint Luc. Ils étaient assurément âgés, le « vieux » Siméon et la « prophétesse » Anne qui avait 84 ans. Cette femme ne cachait pas son âge. L’Évangile dit qu’ils attendaient la venue de Dieu chaque jour, avec une grande fidélité, depuis de longues années. Ils voulaient vraiment voir ce jour, en saisir les signes, en pressentir le début. Peut-être étaient-ils aussi un peu résignés, désormais, à mourir avant : mais cette longue attente continuait à occuper toute leur vie, ils n’avaient pas d’engagements plus importants que celui-ci : attendre le Seigneur et prier. Et bien, quand Marie et Joseph arrivèrent au temple pour obéir aux prescriptions de la Loi, Siméon et Anne s’élancèrent, animés par l’Esprit Saint (cf. Lc 2, 27). Le poids de l’âge et de l’attente disparut en un instant. Ils reconnurent l’Enfant, et découvrirent une nouvelle force, pour une nouvelle tâche : rendre grâce et rendre témoignage pour ce Signe de Dieu. Siméon improvisa un très bel hymne de joie (cf. Lc 2, 29-32) — il a été poète à ce moment-là — et Anne devint la première prédicatrice de Jésus : « Elle parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » (Lc 2, 38).

Chers grands-parents, chères personnes âgées, plaçons-nous dans le sillage de ces vieux extraordinaires ! Devenons nous aussi un peu poètes de la prière : prenons goût à chercher nos mots, réapproprions-nous de ce que nous enseigne la Parole de Dieu. La prière des grands-parents et des personnes âgées est un grand don pour l’Église ! La prière des personnes âgées et des grands-parents est un don pour l’Église, c’est une richesse ! C’est également une grande transfusion de sagesse pour toute la société humaine, en particulier pour celle qui est trop affairée, trop prise, trop distraite. Quelqu’un doit bien chanter, pour eux aussi, chanter les signes de Dieu, proclamer les signes de Dieu, prier pour eux ! Regardons Benoît XVI, qui a choisi de passer dans la prière et dans l’écoute de Dieu la dernière période de sa vie ! C’est beau ! Un grand croyant du siècle dernier, de tradition orthodoxe, Olivier Clément, disait : « Une civilisation où l’on ne prie plus est une civilisation où la vieillesse n’a plus de sens. Et cela est terrifiant, nous avons besoin avant tout de personnes âgées qui prient, car la vieillesse nous est donnée pour cela ». Nous avons besoin de personnes âgées qui prient car la vieillesse nous est donnée précisément pour cela. C’est une belle chose que la prière des personnes âgées.

Nous pouvons rendre grâce au Seigneur pour les bienfaits reçus, et remplir le vide de l’ingratitude qui l’entoure. Nous pouvons intercéder pour les attentes des nouvelles générations et donner dignité à la mémoire et aux sacrifices des générations passées. Nous pouvons rappeler aux jeunes ambitieux qu’une vie sans amour est une vie desséchée. Nous pouvons dire aux jeunes qui ont peur, que l’angoisse de l’avenir peut être vaincue. Nous pouvons enseigner aux jeunes qui s’aiment trop qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Les grands-pères et les grands-mères forment la « chorale » permanente d’un grand sanctuaire spirituel, où la prière de supplication et le chant de louange soutiennent la communauté qui travaille et lutte sur le terrain de la vie.

La prière, enfin, purifie sans cesse le cœur. La louange et la prière à Dieu préviennent le durcissement du cœur dans le ressentiment et dans l’égoïsme. Comme le cynisme d’une personne âgée qui a perdu le sens de son témoignage, qui méprise les jeunes et ne communique pas une sagesse de vie est laid ! Comme est beau, en revanche, l’encouragement qu’une personne âgée réussit à transmettre aux jeunes à la recherche du sens de la foi et de la vie ! C’est vraiment la mission des grands-parents, la vocation des personnes âgées. Les paroles des grands-parents ont quelque chose de spécial, pour les jeunes. Et ils le savent. Je conserve encore avec moi les paroles que ma grand-mère me remit par écrit le jour de mon ordination sacerdotale ; elles sont toujours dans mon bréviaire, je les lis souvent et cela me fait du bien.

Comme je voudrais une Église qui défie la culture du rebut par la joie débordante d’une nouvelle étreinte entre les jeunes et les personnes âgées ! C’est ce que je demande aujourd’hui au Seigneur, cette étreinte !

Je salue les pèlerins de langue française, en particulier les membres de l’enseignement catholique du diocèse de Nanterre.

J’invite vos familles à accueillir avec reconnaissance au milieu d’elles les personnes âgées, afin de recevoir leur témoignage de sagesse nécessaire aux jeunes générations.

Que Dieu vous bénisse.

St. Joseph the Carpenter, by Georges de La Tour, 1640s.

18 mars, 2015

St. Joseph the Carpenter, by Georges de La Tour, 1640s. dans images sacrée

http://en.wikipedia.org/wiki/Saint_Joseph

PRIÈRE POUR LA PAIX AUTEUR : CARDINAL MARTINI

18 mars, 2015

http://users.skynet.be/prier/textes/PR0754.HTM

PRIÈRE POUR LA PAIX

AUTEUR : CARDINAL MARTINI

O Dieu, notre Père,
riche d’amour et de miséricorde,
nous voulons te prier avec foi
pour la paix en tant de pays du monde,
pour les nombreux foyers de lutte et de haine.

Il est vrai, Seigneur, que nous-mêmes
sommes responsables de la paix absente,
et c’est pourquoi nous te supplions
de nous donner une volonté humble, forte, sincère,
pour reconstruire dans notre vie personnelle
et communautaire des rapports de vérité,
de justice, de liberté, d’amour, de solidarité (..).

La paix terrestre est le reflet de ta paix
que tu nous donnes et nous confies,
elle naît de ton amour pour l’homme
et de notre amour pour toi et pour tous nos frères.

Change notre coeur, Seigneur,
car nous sommes les premiers
à avoir besoin d’un coeur pacifique (…).
Fais-nous comprendre, ô Père,
le sens profond d’une prière de paix vraie,
semblable à celle de Jésus sur Jérusalem.
Prière d’intercession qui nous rende capables
de ne pas prendre position dans les conflits,
mais d’entrer au coeur des situations incurables
en devenant solidaires des deux parties en conflit,
en priant pour l’une et pour l’autre. (…)

Envoie ton Esprit-Saint sur nous
pour nous convertir à toi ! (…)
C’est l’Esprit qui nous fait accueillir cette paix
qui dépasse notre horizon
et devient une décision ferme et sérieuse
d’aimer tous nos frères,
de façon que la flamme de la paix réside en nos coeurs
et dans nos familles, dans nos communautés,
et irradie mystérieusement le monde entier
en poussant tous les hommes
vers une pleine communion de paix.

C’est l’Esprit qui nous aide à pénétrer
dans la contemplation de ton Fils crucifié
et mort sur la croix pour faire de tous un seul peuple.

Et toi, Marie, reine de la paix,
intercède afin que le sourire de la paix
resplendisse sur tous ces enfants
dispersés à travers le monde,
marqués par la violence,
afin que se réalise pleinement
la parole du prophète Isaïe :
 » (…) Paix ! Paix à qui est loin et à qui est proche »

ERNEST HELLO (1828-1885) – SAINT JOSEPH

18 mars, 2015

http://www.stjoseph-allex.org/SanctVie/LesplusbellespagesSaintJoseph.htm

ERNEST HELLO (1828-1885)

Les lignes qui suivent sont extraites de Physionomies des saints, au chapitre consacré à saint Joseph.

Saint Joseph, l’ombre du Père ! celui sur qui l’ombre du Père tombait épaisse et profonde, saint Joseph, l’homme du silence, celui de qui la parole approche à peine ! l’Evangile ne dit de lui que quelques mots : « C’était un homme juste ! » l’Evangile, si sobre de paroles, devient encore plus sobre quand il s’agit de saint Joseph. On dirait que cet homme, enveloppé de silence, inspire le silence. Le silence de saint Joseph fait le silence autour de saint Joseph. Le silence est sa louange, son génie, son atmosphère. Là où il est, le silence règne. Quand l’aigle plane, disent certains voyageurs, le pèlerin altéré devine une source à l’endroit où tombe son ombre dans le désert. Le pèlerin creuse, l’eau jaillit. L’aigle avait parlé son langage, il avait plané. Mais la chose belle avait été une chose utile ; et celui qui avait soif, comprenant le langage de l’aigle, avait fouillé le sable et trouvé l’eau.
Quoi qu’il en soit de cette magnifique légende et de sa vérité naturelle que je n’ose garantir, elle est féconde en symboles superbes. Quand l’ombre de saint Joseph tombe quelque part, le silence n’est pas loin. Il faut creuser le sable, qui dans sa signification symbolique représente la nature humaine ; il faut creuser le sable, et vous verrez jaillir l’eau. L’eau, ce sera, si vous voulez, ce silence profond, où toutes les paroles sont contenues, ce silence vivifiant, rafraîchissant, apaisant, désaltérant, le silence substantiel ; là où est tombée l’ombre de saint Joseph, la substance du silence jaillit, profonde et pure, de la nature humaine creusée.
Pas une parole de lui dans l’Ecriture ! Mardochée, qui fit fleurir Esther à son ombre, est un de ses précurseurs. Abraham, père d’Isaac, représenta aussi le père putatif de Jésus. Joseph, fils de Jacob, fut son image la plus expressive. Le premier Joseph garda en Egypte le pain naturel. Le second Joseph garda en Egypte le pain surnaturel. Tous deux furent les hommes du mystère ; et le rêve leur dit ses secrets. Tous deux furent instruits en rêve, tous deux devinèrent les choses cachées. Penchés sur l’abîme, leurs yeux voyaient à travers les ténèbres. Voyageurs nocturnes, ils découvraient leurs routes à travers les mystères de l’ombre. Le premier Joseph vit le soleil et la lune prosternés devant lui. Le second Joseph commanda à Marie et à Jésus ; Marie et Jésus obéissaient.
Dans quel abîme intérieur devait résider l’homme qui sentait Jésus et Marie lui obéir, l’homme à qui de tels mystères étaient familiers et à qui le silence révélait la profondeur du secret dont il était gardien. Quand il taillait ses morceaux de bois, quand il voyait l’Enfant travailler sous ses ordres, ses sentiments, creusés par cette situation inouïe, se livraient au silence qui les creusait encore ; et du fond de la profondeur où il vivait avec son travail, il avait la force de ne pas dire aux hommes : le Fils de Dieu est ici.
Son silence ressemble à un hommage rendu à l’inexprimable. C’était l’abdication de la Parole devant l’Insondable et devant l’Immense. Cependant l’Evangile, qui dit si peu de mots, a les siècles pour commentateurs ; je pourrais dire qu’il a les siècles pour commentaires. Les siècles creusent ses paroles et font jaillir du caillou l’étincelle vivante. Les siècles sont chargés d’amener à la lumière les choses du secret. Saint Joseph a été longtemps ignoré. Mais voici quelque chose d’étrange : chaque siècle a deux faces, la face chrétienne et la face antichrétienne ; la face chrétienne s’oppose en général à la face antichrétienne par un contraste direct et frappant. Le XVIII° siècle, le siècle du rire, de la frivolité, de la légèreté, du luxe, posséda Benoît-Joseph Labre… Le XIX° siècle est par-dessus tout, dans tous les sens du mot, le siècle de la Parole. Bonne ou mauvaise, la Parole remplit notre air. Une des choses qui nous caractérisent, c’est le tapage. Rien n’est bruyant comme l’homme moderne : il aime le bruit, il veut en faire autour des autres, il veut surtout que les autres en fassent autour de lui. Le bruit est sa passion, sa vie, son atmosphère ; la publicité remplace pour lui mille autres passions qui meurent étouffées sous cette passion dominante, à moins qu’elles ne vivent d’elle et ne s’alimentent de sa lumière pour éclater plus violemment. Le XIX° siècle parle, pleure, crie, se vante et se désespère.
Il fait étalage de tout. Lui qui déteste la confession secrète, il éclate à chaque instant en confessions publiques. II vocifère, il exagère, il rugit. Eh bien ! ce sera ce siècle, ce siècle du vacarme, qui verra s’élever et grandir dans le ciel de l’Eglise la gloire de saint Joseph. Saint Joseph vient d’être choisi officiellement pour patron de l’Eglise pendant le bruit de l’orage. II est plus connu, plus prié, plus honoré qu’autrefois.
Au milieu du tonnerre et des éclairs, la révélation de son silence se produit insensiblement.

(Ernest Hello, Physionomie des saints, Paris, Victor Palmé, 1875, ch.X, pp.139 sq. : « Saint Joseph. »)

 

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