Archive pour le 2 mars, 2015
LA MAISON DE LA VIERGE A ÉPHÈSE
2 mars, 2015http://www.moncelon.com/Meryem.htm
LA MAISON DE LA VIERGE A ÉPHÈSE
Sa découverte
On doit « l’invention » de la Maison de la Vierge à Éphèse à un concours de circonstances assez étonnant et somme toute providentiel. Les visions d’Anne-Catherine Emmerick, la grande stigmatisée de Dülmen, si précises sur la vie de la Vierge Marie, inspirèrent en 1880 l’idée à un prêtre français, l’abbé Gouyet, de se rendre à Éphèse pour constater sur place la véracité des propos et pour découvrir peut-être l’emplacement de la maisonnette d’Éphèse. Après quelques recherches, il parvint en un lieu où se dressait une ruine et quand il demanda le nom de l’endroit, on lui répondit : Panaya Kapoulou, la « porte de la Vierge ». De mémoire d’homme, les habitants de la région venaient y célébrer, le 15 août, l’Assomption de la Vierge, parce que, disaient-ils, c’était en cette maison qu’elle était morte.
Les premières fouilles entreprises confirmèrent l’antiquité des fondations de la maison et la découverte fut authentifiée par Mgr Timoni, archevêque de Smyrne, en 1892. C’est ainsi que la Maison de la Vierge, où la Mère de Jésus vécut exilée auprès de Saint Jean, est un sanctuaire marial depuis plus d’un siècle et surtout, du fait de la vénération de l’Islam pour la Mère de Jésus, qu’elle est devenue le lieu d’un pèlerinage commun aux chrétiens et aux musulmans qui compte plus de 300 000 pèlerins par an.
Description des lieux selon Anne Catherine Emmerick
« Sa maison était située à trois lieues et demi de là, sur une montagne qu’on voyait à gauche en venant de Jérusalem, et qui s’abaissait en pente douce vers la ville. Lorsqu’on vient du Sud, Éphèse semble ramassée au pied de la montagne ; mais à mesure qu’on avance, on la voit se dérouler tout autour. Au midi on aperçoit des allées plantées d’arbres magnifiques, puis d’étroits sentiers conduisent sur la montagne, couverte d’une verdure agreste. Le sommet présente une plaine ondulée et fertile d’une demi-lieue de tour : c’est là que s’était établie la sainte Vierge. (…) Avant de conduire la sainte Vierge à Éphèse, Jean avait fait construire pour elle une maison en cet endroit, où déjà beaucoup de saintes femmes et plusieurs familles chrétiennes s’étaient établies, avant même que la grande persécution eût éclaté. Elles demeuraient sous des tentes ou dans des grottes, rendues habitables à l’aide de quelques boiseries. Comme on avait utilisé les grottes et autres emplacements tels que la nature les offrait, leurs habitations étaient isolées, et souvent éloignées d’un quart de lieue les unes des autres. Derrière la maison de Marie, la seule qui fût en pierre, la montagne n’offrait, jusqu’au sommet, qu’une masse de rochers d’où l’on apercevait, par delà les allées d’arbres, la ville d’Éphèse et la mer avec ses îles nombreuses. (…) La maison de Marie était carrée, la partie postérieure seule était arrondie ; les fenêtres étaient pratiquées au haut des murs et le toit était plat. Elle était divisée en deux parties par le foyer, placé au centre… » Anne-Catherine Emmerick, Visions, Tequi, s.d., pp. 486-487
Un pèlerinage islamo-chrétien
La Maison de la Vierge, à Éphèse, en tant que sanctuaire, est le lieu d’une rencontre exceptionnelle entre les chrétiens et les musulmans, « où les Catholiques célèbrent la messe, tandis que les Musulmans prient dans la chambre adjacente ; les divers ex-votos montrent que la Vierge accorde des miracles aux uns comme aux autres » (Frithjof Schuon, L’ésotérisme comme principe et comme voie, Dervy, 1997, p.204, n.5). Mais aussi, de manière symbolique, elle préfigure l’unanimité de tous les Ahl al-Kitab, de tous les Gens du Livre : à Jérusalem, cette fois. C’est ainsi que Frithjof Schuon écrira : « Mère de tous les prophètes et matrice de toutes les formes sacrées, elle [ la Vierge Marie ] a sa place d’honneur dans l’Islam tout en appartenant a priori au Christianisme ; de ce fait, elle constitue une sorte de lien entre les deux religions, lesquelles ont ceci en commun qu’elles entendent universaliser le monothéisme d’Israël » (Frithjof Schuon, Christianisme / Islam, Arché, Milano, 1985, p.103). Et Louis Massignon, en 1961, dans la revue Notre-Dame d’Éphèse : « Éphèse doit devenir, avant le rassemblement final à Jérusalem, pour tous les groupes chrétiens et musulmans, le lieu de la réconciliation en « Hazrat Meryem Ana » (Notre Mère, en turc), en attendant qu’Israël la reconnaisse enfin comme la gloire de Sion, rejoigne cette unanimité tant désirée » (Cité par Christian Destremau & Jean Moncelon, Louis Massignon, une biographie, op. cit., p.330)
PAPE BENOÎT XVI EN TURQUIE – MESSE AU SANCTUAIRE « MERYEM ANA EVÌ »
2 mars, 2015VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI EN TURQUIE
(28 NOVEMBRE – 1er DÉCEMBRE 2006)
MESSE AU SANCTUAIRE « MERYEM ANA EVÌ »
HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE
Ephèse, Mercredi 29 novembre 2006
Chers frères et soeurs,
Au cours de cette célébration eucharistique, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour la maternité divine de Marie, un mystère qui fut ici, à Ephèse, lors du Concile oecuménique de 431, solennellement confessé et proclamé. En ce lieu, l’un des plus chers à la Communauté chrétienne, sont venus en pèlerinage mes vénérés prédécesseurs, les Serviteurs de Dieu Paul VI et Jean-Paul II, qui s’arrêta dans ce Sanctuaire le 30 novembre 1979, un peu plus d’un an après le début de son Pontificat. Mais il y a un autre de mes Prédécesseurs qui s’est rendu dans ce pays non pas en tant que Pape, mais comme Représentant pontifical, de janvier 1935 à décembre 1944, et dont le souvenir suscite encore une grande dévotion et sympathie: le bienheureux Jean XXIII, Angelo Roncalli. Il nourrissait une grande estime et admiration pour le peuple turc. A cet égard, j’ai plaisir à rappeler une expression que l’on peut lire dans son Journal de l’âme: « J’aime les Turcs, j’apprécie les qualités naturelles de ce peuple qui a également toute sa place dans la marche de la civilisation » (n. 741). En outre, il a laissé en don à l’Eglise et au monde une attitude spirituelle d’optimisme chrétien, fondé sur une foi profonde et une union constante avec Dieu. Animé par cet esprit, je m’adresse à cette nation et, de manière particulière, au « petit troupeau » du Christ qui vit au milieu de celle-ci, pour l’encourager et lui manifester l’affection de l’Eglise tout entière. Je salue avec une grande affection vous tous, qui êtes ici présents, fidèles d’Izmir, de Mersin, d’Iskenderun et d’Antakya, et ceux qui sont venus de diverses parties du monde; ainsi que ceux qui n’ont pas pu participer à cette célébration, mais qui sont spirituellement unis à nous. Je salue, en particulier, Mgr Ruggero Franceschini, Archevêque d’Izmir; Mgr Giuseppe Bernardini, Archevêque émérite d’Izmir; Mgr Luigi Padovese, les prêtres et les religieuses. Je vous remercie de votre présence, de votre témoignage et de votre service à l’Eglise, sur cette terre bénie où, aux origines, la communauté chrétienne a connu de grands développements, ainsi que l’attestent également les nombreux pèlerinages qui se rendent en Turquie.
Mère de Dieu – Mère de l’Eglise
Nous avons écouté le passage de l’Evangile de Jean qui invite à contempler le moment de la Rédemption, lorsque Marie, unie au Fils dans l’offrande du Sacrifice, étendit sa maternité à tous les hommes et, en particulier, aux disciples de Jésus. Le témoin privilégié de cet événement est l’auteur du quatrième Evangile lui-même, Jean, le seul des Apôtres qui resta sur le Golgotha avec la Mère de Jésus et les autres femmes. La maternité de Marie, qui commença avec le fiat de Nazareth, s’accomplit sous la Croix. S’il est vrai – comme l’observe saint Anselme – qu’ »à partir du moment du fiat, Marie commença à nous porter tous dans son sein », la vocation et la mission maternelle de la Vierge à l’égard des croyants en Christ commença de manière effective lorsque Jésus lui dit: « Femme, voici ton fils! » (Jn 19, 26). En voyant sa Mère du haut de la Croix et le disciple bien-aimé à ses côtés, le Christ mourant reconnut les prémisses de la nouvelle Famille qu’il était venu former dans le monde, le germe de l’Eglise et de la nouvelle humanité. C’est pourquoi il s’adressa à Marie en l’appelant « femme » et non « mère »; un terme qu’il utilisa en revanche en la confiant au disciple: « Voici ta mère! » (Jn 19, 27). Le Fils de Dieu accomplit ainsi sa mission: né de la Vierge pour partager en tout, hormis le péché, notre condition humaine, au moment de son retour au Père, il laissa dans le monde le sacrement de l’unité du genre humain (cf. Const. Lumen gentium, n. 1): la Famille « rassemblée par l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » (Saint Cyprien, De Orat. Dom. 23: PL 4, 536), dont le noyau primordial est précisément ce lien nouveau entre la Mère et le disciple. Ainsi, la maternité divine et la maternité ecclésiale demeurent soudées de manière indissoluble.
Mère de Dieu – Mère de l’unité
La première Lecture nous a présenté ce que l’on peut définir comme l’ »évangile » de l’Apôtre des nations: tous, même les païens, sont appelés en Christ à participer pleinement au mystère du salut. Le texte contient en particulier l’expression que j’ai choisie comme devise de mon voyage apostolique: « Le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14). Inspiré par l’Esprit Saint, Paul affirme non seulement que Jésus Christ nous a apporté la paix, mais qu’il « est » notre paix. Et il justifie cette affirmation en se référant au mystère de la Croix: en versant « son sang » – dit-il -, en offrant « sa chair » en sacrifice, Jésus a détruit l’inimitié « en lui-même » et il a créé « en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau » (Ep 2, 14-16). L’Apôtre explique dans quel sens, vraiment imprévisible, la paix messianique a été réalisée en la Personne même du Christ et de son mystère salvifique. Il l’explique en écrivant, alors qu’il est emprisonné, à la communauté chrétienne qui habitait ici, à Ephèse: « au peuple saint qui est à Ephèse, fidèles dans le Christ Jésus » (cf. Ep 1, 1), comme il l’affirme dans l’adresse de la Lettre. L’Apôtre leur souhaite « que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur » (Ep 1, 2). La « grâce » est la force qui transforme l’homme et le monde: la « paix » est le fruit mûr de cette transformation. Le Christ est la grâce; le Christ est la paix. Or, Paul sait qu’il est envoyé pour annoncer un « mystère », c’est-à-dire un dessein divin qui, uniquement dans la plénitude des temps, dans le Christ, s’est réalisé et révélé: c’est-à-dire que « les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile » (Ep 3, 6). Ce « mystère » se réalise, sur le plan historique et salvifique, dans l’Eglise, ce Peuple nouveau dans lequel, une fois abattu le vieux mur de division, se retrouvent unis les juifs et les païens. Comme le Christ, l’Eglise n’est pas seulement un instrument de l’unité, mais elle en est également le signe efficace. Et la Vierge Marie, Mère du Christ et de l’Eglise, est la Mère de ce mystère d’unité que le Christ et l’Eglise représentent et construisent inséparablement dans le monde et au cours de l’histoire.
Demandons la paix pour Jérusalem et le monde entier
L’Apôtre des nations remarque que le Christ « des deux, [il] a fait un seul peuple » (Ep 2, 14): une affirmation qui se réfère au sens propre à la relation entre les juifs et les païens en ce qui concerne le mystère du salut éternel; une affirmation qui peut cependant également s’étendre, sur le plan de l’analogie, aux relations entre les peuples et les civilisations présentes dans le monde. Le Christ « est venu annoncer la paix » (Ep 2, 17) non seulement parmi les juifs et les non juifs, mais entre toutes les nations, car tous proviennent du même Dieu, unique Créateur et Seigneur de l’univers. Réconfortés par la Parole de Dieu, d’ici, d’Ephèse, ville bénie par la présence de la Très Sainte Vierge Marie – que nous savons également aimée et vénérée par les musulmans – nous élevons au Seigneur une prière spéciale pour la paix entre les peuples. De cette partie de la péninsule d’Anatolie, pont naturel entre les continents, nous invoquons la paix et la réconciliation, tout d’abord pour ceux qui vivent sur la Terre que nous appelons « sainte », et qui est considérée comme telle par les chrétiens, les juifs et les musulmans: c’est la terre d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, destinée à accueillir un peuple qui deviendra une bénédiction pour toutes les nations (cf. Gn 12, 1-3). Paix pour l’humanité tout entière! Que cette prophétie d’Isaïe puisse se réaliser au plus tôt: « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs / et leurs lances pour en faire des serpes. / On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, / on n’apprendra plus à faire la guerre » (Is 2, 4). Nous avons tous besoin de cette paix universelle; l’Eglise est appelée à être non seulement l’annonciatrice prophétique de cette paix, mais, plus encore, à en être « le signe et l’instrument ». C’est précisément dans cette perspective de pacification universelle, que devient plus profonde et intense l’aspiration vers la pleine communion et la concorde entre tous les chrétiens. Les fidèles catholiques de divers Rites sont présents à la célébration d’aujourd’hui, et cela constitue un motif de joie et de louange à Dieu. En effet, ces Rites sont l’expression de l’admirable variété dont l’Epouse du Christ est ornée, à condition qu’ils sachent converger vers l’unité et le témoignage commun. C’est dans ce but que l’unité entre les Evêques au sein de la Conférence épiscopale, dans la communion et le partage des efforts pastoraux, doit être exemplaire.
Magnificat
La liturgie d’aujourd’hui nous a fait répéter, comme refrain du Psaume responsorial, le cantique de louange que la Vierge de Nazareth proclama lors de la rencontre avec sa parente âgée Elisabeth (cf. Lc 1, 39). Les paroles du Psalmiste ont également retenti de manière réconfortante dans nos coeurs: « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps 84, v. 11). Chers frères et soeurs, à travers cette visite, j’ai voulu faire ressentir mon amour et ma proximité spirituelle, ainsi que celle de l’Eglise universelle, à la communauté chrétienne qui ici, en Turquie, est véritablement une petite minorité et qui affronte chaque jour de nombreux défis et difficultés. C’est avec une profonde confiance que nous chantons, avec Marie, le « Magnificat » de la louange et de l’action de grâce à Dieu, qui s’est penché sur l’humilité de sa servante (cf. Lc 1, 47-48). Nous le chantons avec joie, même lorsque nous sommes éprouvés par les difficultés et les dangers, comme l’atteste le beau témoignage du prêtre romain Dom Andrea Santoro, que j’ai plaisir à rappeler au cours de cette célébration. Marie nous enseigne que la source de notre joie et notre unique soutien solide est le Christ, et elle nous répète ses paroles: « N’ayez pas peur » (Mc 6, 50), « Je suis avec vous » (Mt 28, 20). Et toi, Mère de l’Eglise, accompagne toujours notre chemin! Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous! Aziz Meryem Mesih’in Annesi bizim için Dua et ». Amen.