COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 22 FÉVRIER: Première lettre de Pierre 3, 18 – 22
COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 22 FÉVRIER
DEUXIEME LECTURE –
Bien-aimés,
18 le Christ, lui aussi,
a souffert pour les péchés,
une seule fois,
lui, le juste, pour les injustes,
afin de vous introduire devant Dieu ;
il a été mis à mort dans la chair,
mais vivifié dans l’Esprit.
19 C’est en lui qu’il est parti proclamer son message
aux esprits qui étaient en captivité.
20 Ceux-ci, jadis, avaient refusé d’obéir,
au temps où se prolongeait la patience de Dieu,
quand Noé construisit l’arche,
dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes,
furent sauvées à travers l’eau.
21 C’était une figure du baptême
qui vous sauve maintenant :
le baptême ne purifie pas de souillures extérieures,
mais il est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite,
et il sauve par la résurrection de Jésus Christ,
22 lui qui est à la droite de Dieu,
après s’en être allé au ciel,
lui à qui sont soumis les anges,
ainsi que les Souverainetés et les Puissances.
LE CHRIST A ACCEPTE DE SOUFFRIR
On sait peu de choses sur les circonstances de la rédaction de cette lettre, adressée par saint Pierre à des Chrétiens d’Asie Mineure, ce que nous appelons aujourd’hui la Turquie ; on suppose qu’il s’agit d’une période de persécution, puisque Pierre dit « le Christ a souffert lui aussi. »
Ce qui explique les encouragements prodigués à plusieurs reprises par l’apôtre ; par exemple : « Au cas où vous auriez à souffrir pour la justice, heureux êtes-vous… Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte (sous-entendu devant les tribunaux). » (1 P 3, 14-15). Et c’est là que commence notre texte d’aujourd’hui par les mots « Car le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes… » Traduisez : votre espérance s’appuie sur la mort et la résurrection du Christ, c’est cet événement pascal qui doit vous donner toutes les audaces.
En évoquant la souffrance du Christ, Pierre applique à Jésus l’image du Serviteur souffrant d’Isaïe (Is 53) : « Lui, le juste, il a souffert pour les injustes… » Pierre n’a pas besoin d’en dire plus :
car, un peu plus haut, dans cette même lettre, il a longuement développé ce thème : « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple afin que vous suiviez ses traces. Lui qui n’a pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est pas trouvé de tromperie ; lui qui, insulté, ne rendait pas l’insulte, dans sa souffrance ne menaçait pas, mais s’en remettait au juste Juge ; lui qui, dans son propre corps a porté nos péchés sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice ; lui dont les meurtrissures vous ont guéris. Car vous étiez égarés comme des brebis, mais maintenant vous vous êtes tournés vers le berger et le gardien de vos âmes. » (1 P 2, 21-24).
Ses lecteurs, visiblement familiers de l’Ancien Testament, comprennent très bien l’allusion. Celui que le prophète Isaïe appelle le « Serviteur » est un envoyé de Dieu : il est persécuté, mais la vision de ses souffrances convertit le cœur de son peuple. Alors ce Serviteur éliminé injustement est reconnu juste et connaît un véritable triomphe : « Il est haut placé, élevé, exalté à l’extrême » disait Isaïe (53, 1). Là encore, Pierre fait l’application à Jésus-Christ : « Dans sa chair, il a été mis à mort, dans l’esprit (c’est-à-dire par l’Esprit), il a été rendu à la vie… (il est ressuscité), il est monté au ciel, au-dessus des anges et de toutes les puissances invisibles, à la droite de Dieu. »
Et tout ceci, c’était pour nous, « afin de nous introduire devant Dieu » comme dit Pierre. Et l’expression « pour nous » est à entendre au sens le plus large possible : c’est-à-dire que, tous, qui que nous soyons, pouvons bénéficier de cette oeuvre du Christ : « Il est mort pour les injustes ». Même ceux qui, au temps de Noé, n’avaient pas été dignes de monter dans l’Arche, même ceux-là ont entendu désormais le message du salut : « Il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort. Ceux-ci, jadis, s’étaient révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche. »
SON EXEMPLE PEUT TRANSFORMER NOS COEURS
Donc, s’il fallait résumer le début de ce passage, on pourrait dire : le Christ est mort pour tous une fois pour toutes. Reste à savoir comment nous entrons dans ce salut offert : en acceptant de nous attacher au Christ, de nous greffer sur lui pour qu’il nous transforme à son image. Concrètement, Pierre nous dit que cette transformation s’opère « par le Baptême ». Reprenant l’exemple de Noé, il dit : « Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l’eau. C’était une image du Baptême qui vous sauve maintenant… » Il veut dire ici que les baptisés sont comme Noé sortant à l’air libre après le Déluge ; Noé, parce qu’il était un homme au coeur droit, a pu entendre et accepter la proposition d’Alliance de Dieu : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous… » (Gn 9, 9 : notre première lecture). A notre tour, sortant des eaux du Baptême, nous pouvons entrer dans la Nouvelle Alliance : il nous suffit d’être prêts à nous « engager envers Dieu avec une conscience droite ». « Etre baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais s’engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ. »
On retrouve ici en filigrane un autre thème cher à Pierre, celui de la pierre d’achoppement : pour celui qui croit, Jésus-Christ est un rocher sur lequel il s’appuie ; pour celui qui refuse de croire, Jésus-Christ est la pierre d’achoppement, le rocher qui fait tomber. L’eau joue le même rôle : cause de mort pour ceux qui refusent de croire, cause de vie pour les baptisés. L’eau a noyé les contemporains de Noé… elle a noyé les Egyptiens (au temps de Moïse) ; la même eau a porté le bateau de Noé et a protégé le peuple en se retirant devant lui et en faisant des remparts de part et d’autre de son passage. La même eau peut faire de nous des frères de Jésus-Christ, par le Baptême : il nous suffit de croire, avec une « conscience droite ».
Désormais, nous sommes comme Noé : il a été sauvé, mis à part, en quelque sorte, pour être le signe et le témoin de la volonté de Dieu de faire Alliance avec l’humanité tout entière ; à notre tour, baptisés, nous sommes signes et témoins de l’Alliance universelle. Pierre insiste sur cette universalité de la proposition d’Alliance de Dieu : c’est pour cela qu’il note le chiffre « huit » : « Quand Noé construisit l’arche… un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l’eau. » Huit, dès l’Ancien Testament, était le chiffre de la Création nouvelle, puisque la première Création (Gn 1) se déroulait en sept jours. Ces huit personnes (Noé, sa femme, et les trois couples de ses enfants) étaient ceux par qui Dieu reprenait son projet de création. Ce n’était encore qu’une image : la véritable re-création commence avec la résurrection du Christ, la nouvelle humanité naît dans les eaux du Baptême : c’est pour cela que de nombreux baptistères chrétiens des premiers siècles ou des clochers d’églises sont octogonaux.
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