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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 1ER FÉVRIER – 1Co 7, 32-35
30 janvier, 2015COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 1ER FÉVRIER
DEUXIEME LECTURE – PREMIÈRE LETTRE DE PAUL AUX CORINTHIENS 7, 32 – 35
Frères,
32 j’aimerais vous voir libres de tout souci.
Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur,
il cherche comment plaire au Seigneur.
33 Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde,
il cherche comment plaire à sa femme,
et il se trouve divisé.
34 La femme sans mari,
ou celle qui reste vierge,
a le souci des affaires du Seigneur,
afin d’être sanctifiée dans son corps et son esprit.
Celle qui est mariée a le souci des affaires de ce monde,
elle cherche comment plaire à son mari.
35 C’est dans votre intérêt que je dis cela ;
ce n’est pas pour vous tendre un piège,
mais pour vous proposer ce qui est bien,
afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.
« Etre attachés au Seigneur sans partage », décidément, c’est la seule chose qui compte pour Saint Paul ; il faut garder en mémoire la belle formule que nous avons lue dimanche dernier : « Le temps est limité », littéralement « le temps a cargué ses voiles » comme un navire qui arrive au port. Traduisez « l’histoire humaine arrive à son terme, le Christ vient accomplir le dessein de Dieu, c’est-à-dire nous réunir tous en lui. »
Mais on pouvait très bien s’appuyer sur cette imminence du Royaume pour tomber dans deux excès contraires, et apparemment, les Corinthiens n’y échappaient pas : certains se livrant à la débauche, sous prétexte que « seul le royaume compte et que ce que l’on fait dans la vie quotidienne ne compte pas, on peut donc faire tout ce qu’on veut, Jésus nous a libérés » ; d’autres au contraire, méprisant la sexualité, se prenant pour des « surhommes », prêchant la continence à tout prix et soutenant « qu’il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme » (c’est au début du chapitre 7).
Nous avons lu au deuxième dimanche la réponse de Paul aux débauchés : elle était on ne peut plus claire : « Frères, fuyez l’impureté… Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l’Esprit Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu… » (1 Co 6, 18-19). Ici il s’attaque à l’excès inverse : ceux qui prêchent la continence absolue dans le mariage ou plus radicalement le célibat ; il a commencé très prudemment en précisant en début de chapitre qu’il ne fait que répondre à des questions qu’on lui a posées : « Venons-en à ce que vous m’avez écrit » (7, 1).
Il a d’autant plus de raisons d’être prudent que la question du célibat était déjà très controversée chez les Juifs : pendant des siècles, la méditation des phrases de la Genèse « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul » (Gn 2, 18) et « Soyez féconds et prolifiques » (Gn 1, 28) avait conduit à considérer que le seul état de vie normal pour le croyant était le mariage ; à tel point que les eunuques ne pouvaient ni être prêtres (Lv 21, 20), ni même entrer dans l’assemblée du Seigneur (Dt 23, 2). Et la stérilité était ressentie comme une honte et une malédiction : « Dieu a enfin enlevé mon opprobre », s’écrie Rachel en mettant au monde son premier fils (Gn 30, 23).
Après l’Exil à Babylone, ce mépris pour les célibataires et les eunuques s’était estompé dans les textes bibliques. On en a la preuve dans un texte du prophète Isaïe après l’Exil à Babylone : on avait ouvert les portes des synagogues aux eunuques s’ils désiraient vraiment s’agréger à la communauté des croyants. (cf Is 56, 3-5 et Sg 3, 14). Mais l’opinion populaire est restée longtemps réticente au choix délibéré pour le célibat ; Paul, lui, lutte certainement contre ce mépris ; il n’a d’ailleurs de mépris pour personne, ni pour les gens mariés, ni pour les célibataires.
Il ne fait pas non plus de théorie : il ne nous propose pas un cours sur le mariage, le célibat et la vie sexuelle en général ; il veut encore moins donner de directives contraignantes : « Je ne veux pas vous prendre au piège, mais vous proposer ce qui est bien… c’est votre intérêt à vous que je cherche » ; seulement, il constate : il y a des célibataires qui savent user de leur liberté pour se consacrer à Dieu et aux autres. Il arrive également que la vie du couple occupe tellement l’horizon des amoureux qu’ils en délaissent leur vie spirituelle ; il faut croire qu’il avait ces deux sortes d’exemples sous les yeux…
Paul avait également rencontré des couples mariés auxquels le Baptême de l’un des deux avait posé des problèmes insurmontables : il en a parlé explicitement dans les versets précédents. Car lorsqu’un couple entendait parler de la foi chrétienne, il arrivait que l’un des deux se convertisse et pas l’autre : comment dans ce cas le nouveau baptisé pouvait-il être attaché au Seigneur sans partage ?
Mais l’inverse peut se produire aussi : que l’amour vécu dans le mariage soit un chemin de progression dans l’amour de Dieu et des frères ; et que, au contraire, des célibataires se recroquevillent dans leur égoïsme. Deux types d’attitudes que nous connaissons bien mais que Paul préfère ne pas évoquer dans l’ambiance de mépris du célibat qui prévalait alors.
Son seul objectif est la propagation de l’évangile. A chacun de choisir l’état de vie qui lui permet d’être le plus disponible : la seule chose qui compte, c’est que nous soyons « attachés au Seigneur sans partage », car nous sommes dans les derniers temps. Cette perspective seule doit occuper notre esprit ; il dit bien : « J’aimerais vous voir libres de tout souci. » Il faut croire que c’est très important pour lui puisque le mot « souci » revient cinq fois dans ce court passage ! On entend résonner ici la phrase de la lettre aux Philippiens (Phi 4, 5-7) : « Le Seigneur est proche. N’entretenez aucun souci, mais, en toute occasion, par la prière et la supplication accompagnée d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ. »
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Complément
Le célibat volontaire, jusque-là inconnu dans le Judaïsme, avait fait son apparition à Qumran, dans un milieu qui, précisément, vivait ardemment l’attente du Jour de Dieu.
HOMÉLIE 4E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
30 janvier, 2015http://www.homelies.fr/homelie,,4097.html
4E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
DIMANCHE 1ER FÉVRIER 2015
FAMILLE DE SAINT JOSEPH
HOMÉLIE – MESSE
L’homme est l’être de la parole : c’est là sa spécificité au milieu du monde animal auquel il appartient par sa dimension somatique. Mais il n’est pas la source du verbe : l’enfant n’accède à la parole que dans la mesure où un adulte – son père – l’invite à prendre sa place dans le dialogue qu’il instaure avec lui. Autrement dit, la prise de parole est toujours réponse, qui fait suite à l’écoute d’une parole venant d’un autre. Ultimement, au bout de la chaîne – qu’elle soit horizontale ou verticale – c’est la Parole du Tout-Autre qui fonde notre discours humain.
Hélas depuis que la ruse du Serpent a perverti notre intelligence, la parole du « Père du mensonge » (Jn 8, 44) interfère avec celle de Dieu. Désormais notre cœur est double : nous avons le souci non seulement « des affaires du Seigneur », mais aussi – et souvent en priorité – « des affaires de cette vie » (2nd Lect.). Pour retrouver l’unité et la paix intérieures et extérieures, il n’est pas d’autre chemin que de nous recentrer sur la Parole de Dieu, afin « de lui être attachés sans partage » (Ibid.). C’est pourquoi le Seigneur nous a envoyé ses serviteurs, porteurs de sa Parole ; il a promis à Moïse de faire lever au milieu de ses frères un prophète comme lui, qui transmettrait tout ce que le Très-Haut lui prescrirait (cf. 1ère lect.).
Nous le croyons : c’est en Jésus, le Verbe incarné, que Dieu accomplit cette promesse. L’Evangile de ce jour décrit l’action toute-puissante et irrésistible de sa Parole : « Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent ». Non seulement Jésus est la Parole de Dieu qui nous offre la possibilité d’entrer à nouveau en dialogue avec le Père, mais par sa simple présence, il dévoile le Menteur et lui impose le silence.
Aujourd’hui comme hier, l’ennemi est toujours à l’œuvre ; il a en effet acquis des droits sur nous en raison de nos complicités avec le péché, et il ne se reconnaît pas vaincu sans opposer auparavant une résistance farouche. Il était hors de question d’admettre un démoniaque dans une synagogue ; il clair que cet homme ignorait le triste état de son âme, et l’esprit malin ne s’est trahi que parce que Jésus l’y a contraint par sa présence. La contestation rencontrée par Jésus de son temps, perdurera de générations en générations ; car si par sa Passion victorieuse Notre-Seigneur a effectivement déjà triomphé du Mauvais et nous a rendu participants de sa victoire, il n’a pas pour autant interdit au Satan de nous tenter. Notre participation à la rédemption consiste précisément à « choisir la vie » (Dt 30, 19) en adhérant à la Parole de Dieu et en repoussant le discours du Diable, dont nous pouvons reconnaître les sophismes et les mensonges à la lumière de l’Esprit. Car de même que nous avons librement failli, c’est par un nouvel acte de liberté, soutenu par la grâce divine, que nous sommes appelés à exprimer notre adhésion au Christ Sauveur. Plus précisément : c’est en obéissant à sa Parole de vérité que nous avons à nouveau accès à la vie, cette vie divine que nous avions perdue par notre adhésion au discours de celui qui est « homicide dès les origines » (Jn 8, 44).
Qui d’entre nous n’a pas éprouvé de résistance devant les exigences de l’Evangile ? Ce ne sont pas que les possédés qui réagissent violemment en présence de Jésus : lorsque paraît le Verbe-lumière, nous sommes tous débusqués dans nos complicités secrètes avec les ténèbres. C’est même alors qu’elles révèlent précisément leur visage hideux et que nous découvrons – souvent à notre plus grande confusion – nos oppositions parfois acharnées à la seigneurie du Christ dans nos vies. Le mal hérité du péché originel est en effet très profondément enfoncé et diffusé en nous, et ne s’éveille qu’au moment où nous nous engageons sur le chemin de la conversion : « Aussi longtemps qu’un homme est retenu dans les choses visibles de ce monde, explique Saint Macaire, il ne sait même pas qu’il y a un autre combat, une autre lutte, une autre guerre au-dedans de lui-même. C’est en effet quand un homme se lève pour combattre et se libérer des liens visibles de ce monde, et qu’il commence à se tenir avec persévérance devant le Seigneur, qu’il fait l’expérience du combat intérieur contre les passions et contre les pensées mauvaises. Aussi longtemps que quelqu’un ne renonce pas au monde, ne se détache pas de tout son cœur des convoitises terrestres, ne veut pas s’unir entièrement et sans réserve au Seigneur, il ne connaît ni les ruses secrètes des esprits de malice, ni les passions mauvaises cachées en lui. Mais il est étranger à lui-même, ne sachant pas qu’il porte en lui les plaies des passions secrètes ».
Saint Maxime le Confesseur souligne lui-aussi que nos passions sont en général voilées sous nos préoccupations quotidiennes et demeurent dans un état de sommeil apparent, de sorte que notre âme s’établit dans un état de paix qui en vérité est illusoire. Dès que nous nous engageons sérieusement sur le chemin de la vie spirituelle, des passions dont nous ignorions jusqu’à l’existence, ou qui nous paraissaient peu développées en nous, se réveillent et se manifestent dans toute leur intensité. « Les bêtes féroces étaient déjà là, cachées, écrit Saint Jean Climaque, mais elles ne se montraient pas. »
Que cela ne nous trouble pas, mais nous incite tout au contraire à nous exposer avec plus d’ardeur encore à la Parole qui nous délivre et nous sauve : « Aujourd’hui si nous entendons sa voix, ne fermons pas notre cœur » (Ps 94), mais accueillons la Parole du Seigneur. C’est elle qui tout à la fois nous restaure dans notre orientation originelle vers le Père, qui nous délivre des tromperies de l’Ennemi, et nous donne de pouvoir lui répondre dans la liberté filiale retrouvée.
« “Sauve-nous, Seigneur notre Dieu ; par ta Parole toute-puissante, rassemble tes enfants dispersés” (Ant. d’ouv.) ; qu’elle nous libère de nos compromissions avec le mal, nous fasse découvrir ton visage, et nous révèle notre identité profonde. Nous pourrons alors “t’adorer sans partage, et avoir pour tout homme une vraie charité” (Or. d’ouv.) ».
Père Joseph-Marie