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JEAN PAUL II – L’ENGAGEMENT POUR UN AVENIR DIGNE DE L’HOMME – LECTURE: 1 JN 2, 12-14
29 janvier, 2015JEAN PAUL II
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 24 janvier 2001
L’ENGAGEMENT POUR UN AVENIR DIGNE DE L’HOMME – LECTURE: 1 JN 2, 12-14
1. Si nous jetons un regard sur le monde et sur son histoire, il semble, à première vue, que domine l’étendard de la guerre, de la violence, de l’oppression, de l’injustice, de la dégradation morale. Il nous semble, comme dans la vision du chapitre 6 de l’Apocalypse, que sur les landes désolées de la terre chevauchent les chevaliers qui, tour à tour, tiennent la couronne du pouvoir triomphateur, l’épée de la violence, la balance de la pauvreté et de la faim, la faux affilée de la mort (cf. Ap 6, 1-8).
Face à la tragédie de l’histoire et à l’immoralité qui se diffuse, on en vient à répéter la question que le prophète Jérémie adresse à Dieu, se faisant la voix de nombreuses personnes qui souffrent et qui sont opprimées: « Tu es trop juste, Yahvé, pour que j’entre en contestation avec toi. Cependant, je parlerai avec toi de questions de droit: Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère? Pourquoi tous les traîtres sont-ils en paix? » (12, 1). A la différence de Moïse, qui du haut du Mont Nebo, contemple la terre promise (cf. Dt 34, 1), nous nous penchons sur un monde tourmenté, dans lequel le Royaume de Dieu éprouve de la difficulté à se frayer un chemin.
2. Saint Irénée, au IIème siècle, trouvait une explication à cela dans la liberté de l’homme qui, au lieu de suivre le projet divin de coexistence pacifique (cf. Gn 2), déchire les relations avec Dieu, avec l’homme et avec le monde. L’Evêque de Lyon écrivait donc: « Ce qui est imparfait n’est pas l’art de Dieu, qui est en mesure de donner un fils à Abraham à partir de pierres, mais c’est celui qui ne le suit pas qui est la cause de sa propre perfection manquée. Ce n’est pas, en effet, la lumière qui manque à cause de la faute de ceux qui se sont aveuglés, mais ceux qui se sont aveuglés qui demeurent dans l’obscurité à cause de leur faute, alors que la lumière continue à briller. La lumière n’assujettit personne par la force, et Dieu ne contraint personne à accepter son art » (Adversus haereses IV, 39, 3).
Il y a donc besoin d’un effort de conversion permanent qui redresse la route de l’humanité, afin qu’elle choisisse librement de suivre « l’art de Dieu », c’est-à-dire son dessein de paix et d’amour, de vérité et de justice. C’est cet art qui se révèle pleinement dans le Christ, et que Paulin de Nola, qui s’était converti, faisait sien avec ce touchant programme de vie: « Mon seul art est la foi et la musique est le Christ » (Carme XX, 32).
3. Avec la foi l’Esprit Saint dépose également dans le coeur de l’homme la semence de l’espérance. En effet, la foi est, comme le dit l’Epître aux Hébreux, « la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (11, 1). Dans un contexte souvent marqué par le découragement, par le pessimisme, par des choix de mort, d’inertie et de superficialité, le chrétien doit s’ouvrir à l’espérance qui naît de la foi. Cela apparaît dans la scène évangélique de la tempête qui se déchaîne sur le lac: « Maître, maître, nous périssons! », s’écrient les disciples. Et le Christ leur demande: « Où est votre foi? » (Lc 8, 24-25). En ayant foi dans le Christ et dans le Royaume de Dieu, on n’est jamais perdu, et l’espérance du calme serein réapparaît à l’horizon. Pour un avenir digne de l’homme, il est également nécessaire de faire refleurir la foi active qui engendre l’espérance. A propos de celle-ci, un poète français a écrit: « L’espérance est l’attente impatiente du bon semeur, elle est l’inquiétude de celui qui se présente comme candidat à l’éternité. L’espérance est l’infinité de l’amour » (Charles Péguy, Le portique du mystère de la seconde Vertu).
4. L’amour pour l’humanité, pour son bien-être matériel et spirituel, pour un progrès authentique, doit animer tous les croyants. Tout acte accompli pour créer un avenir meilleur, une terre plus habitable et une société plus fraternelle participe, même si c’est de façon indirecte, à l’édification du Royaume de Dieu. Précisément dans la perspective de ce Royaume, « l’homme, l’homme vivant, constitue la route première et fondamentale de l’Eglise » (Evangelium vitae, n. 2; cf. Redemptor hominis, n. 14). C’est la voie que le Christ a lui-même suivie, en se faisant dans le même temps la « voie » de l’homme (cf. Jn 14, 6).
Sur cette voie, nous sommes tout d’abord appelés à effacer la peur de l’avenir. Celle-ci tenaille souvent les jeunes générations, en les conduisant par réaction à l’indifférence, au refus face aux engagements dans la vie, à l’anéantissement de soi-même dans la drogue, la violence, la déchéance. Il faut ensuite manifester la joie pour chaque enfant qui naît (cf. Jn 16, 21), afin qu’il soit accueilli avec amour et qu’on lui offre la possibilité de grandir physiquement et en esprit. De cette façon, on collabore à l’oeuvre même du Christ, qui a ainsi défini sa mission: « Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on en abondance » (Jn 10, 10).
5. En ouverture, nous avons écouté le message que l’Apôtre Jean adresse aux pères, aux fils, aux personnes âgées et aux jeunes, afin qu’ils continuent ensemble à lutter et à espérer, dans la certitude qu’il est possible de vaincre le mal et le Malin, en vertu de la présence efficace du Père céleste. Montrer l’espérance est une tâche fondamentale de l’Eglise. Le Concile Vatican II nous a laissé à ce propos une note lumineuse: « On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer » (Gaudium et spes, n. 31). Dans cette perspective, j’ai plaisir à reproposer l’appel à la confiance que j’ai lancé dans mon discours aux Nations unies, en 1995: « Nous ne devons pas avoir peur de l’avenir [...] Nous sommes capables de sagesse et de vertu. Avec ces dons et avec l’aide de la grâce de Dieu, nous pouvons construire dans le siècle qui est sur le point d’arriver et pour le prochain millénaire, une civilisation digne de la personne humaine, une vraie culture de la liberté.
Nous pouvons et nous devons le faire! Et, en le faisant, nous pourrons nous rendre compte que les larmes de ce siècle ont préparé la voie d’un nouveau printemps de l’esprit humain » (cf. Insegnamenti XVIII/2 [1995], p. 744, cf. ORLF n. 41, du 10 octobre 1995).
TRATTO DA « L’EPIPHANIE – SOISY SUR SEINE »CAHIERS SUR L’ORAISON“ N°59 MARS 1963- LA PRIÈRE DE DEMANDE
29 janvier, 2015http://ora-et-labora.net/preghieradomanda.html
TRATTO DA « L’EPIPHANIE – SOISY SUR SEINE »CAHIERS SUR L’ORAISON“ N°59 MARS 1963- LA PRIÈRE DE DEMANDE
DI SŒUR JEANNE D’ARC O.P.
LA PRIÈRE DE DEMANDE
Dieu est créateur. Le Tout-Puissant donne l’être; et à chaque être, selon ce qu’il est, il donne une certaine participation à ses insondables richesses: la vie, une part de connaissance et d’attrait proportionnelle à chaque degré d’être; au sommet: l’esprit, la lumière et l’amour… A ces créatures spirituelles il se donne lui même, dans la grâce et ensuite dans la gloire.
Dieu donne. Dieu, parce qu’il est l’amour, diffuse librement tous les biens.
Quand il crée, cela, si l’on ose dire, ne lui est pas difficile: il ne rencontre nul obstacle à ses largesses.
Mais ensuite, tout au long de notre existence, quand il désire nous combler, il lui faut un art et une patience infinie avec nous: nous sommes souvent réfractaires aux dons les meilleurs; ou nous les méconnaissons, ou nous nous en servons comme d’une parure pour notre vanité; comme d’un aliment pour notre orgueil.
Et c’est pourquoi dans sa sagesse il a institué la prière de demande. Et il y revient souvent dans l’Evangile: demandez! Demandez et vous recevrez. Qui cherche trouve… Demandez.
Quand les Apôtres interrogent le Christ : « Seigneur, apprenez-nous à prier » (Lc.1l,l), il ne leur fait pas un traité sur la prière. Il leur apprend à demander : que demander et comment le demander. Il formule pour nous ces demandes qui constituent la prière parfaite de l’enfant du Père.
Il arrive pourtant que la prière de demande soit parfois assez méprisée par les « spirituels », qui pensent que d’autres formes sont plus hautes, comme 1′adoration, la louange, l’action de grâce. Au fait, beaucoup de gens ne connaissent de la demande qu’une forme fruste, proche même de certaines pratiques magiques ou infra-religieuses: on prie pour retrouver son sac à main; on fait dire des messes pour réussir à un examen… Sans doute il faut demander les biens matériels: panem nostrum quotidianum – mais dans la mesure où ils sont nécessaires come le pain, et dans la mesure ou ils sont ordonnés aux biens essentiels.
Dès qu’une âme commence à s’approcher davantage du Seigneur, elle prend un peu plus conscience de la grandeur de Dieu et de la primauté du spirituel; et il est bien qu’elle rejette, dans la mesure où elles sont impures et facilement égoïstes, les demandes intéressées, toujours accrochées à des objets matériels et immédiats.
Mais il serait regrettable qu’elle se mît du même coup à méconnaître la grandeur et la nécessité absolues de la prière de demande, celle qui vise les plus vrais biens: d’abord ce qui intéresse la gloire de Dieu, l’avancement du royaume, le rassemblement de tous les peuples et de toutes les nations dans le bercail de l’unique Pasteur, le retour du Seigneur… Et aussi les biens spirituels dont nous avons besoin actuellement, personnellement: toutes les grâces, les vertus, les lumières…
Mais ces biens, Dieu lui-même ne désire-t-il pas nous les donner? Bien sûr, il veut nous les donner. Et c’est pourquoi il nous les fait demander.
Nous commençons ici à apercevoir la double fonction de la prière de demande: par elle d’abord nous reconnaissons que tous ces biens viennent de Dieu, et il y a là une valeur d’hommage irremplaçable. Et aussi la demande creuse en nous le chemin des biens que nous demandons : elle nous met dans l’attitude d’humilité qui laisse Dieu libre de nous combler à sa mesure divine.
Il faut demander les biens spirituels avec persévérance, avec violence, comme Jacob qui lutte devant l’ange : « Je ne te quitterai pas que tu ne m’aies béni“(Gn.32,27). Il faut fatiguer Dieu avec une insistance têtue, secouer la porte jusqu’à ce qu’elle cède.
C’est la leçon de ces admirables paraboles sur la prière, celle de l’ami importun qui demande trois pains; et celui qui repose dans sa maison, bien décidé à faire le sourd, finit par se lever: il lui donne ces pains, non parce qu’il est ému du besoin de l’autre, non parce qu’il est généreux; non parce que celui qui les demande est son ami, mais pour avoir la paix. Aussi bien le fâcheux a fait un tel vacarme que la maisonnée est maintenant réveillée. Et il y met tant d’insistance, on sent bien qu’il ne s’en ira pas, voilà ses trois pains et qu’il nous laisse tranquilles!
Et la parabole plus audacieuse encore du juge inique – le Père qui nous aime comparé à un juge inique! Il finit par faire droit à la veuve qui réclame son héritage, non parce qu’elle a raison, non parce qu’il est juste, non parce qu’il a pitié d’elle, mais « propter importunitatem », parce qu’elle l’importune tant qu’il en est excédé.
Savons-nous crier assez fort pour demander ce qui nous est plus nécessaire que le pain: la grâce, la foi et l’amour….? Savons-nous importuner assez Dieu pour obtenir les biens qui font réellement partie de notre héritage? Si nous sommes pour de bon des enfants adoptés, nous avons « droit », dans cette logique admirable de la grâce, à la totalité de l’héritage: et il inclut tout ce qui constitue une vie chrétienne, tout ce qui nous rend capables de vivre en enfants de lumière, selon les Béatitudes et le sermon sur la montagne.
De même les biens du Royaume font partie de l’héritage de l’Eg1ise. Et nous devons les demander: que tous les hommes connaissent le Père et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ; le rassemblement du peuple de Dieu; l’unité des chrétiens et la paix du monde…
L’héritage dépend seulement du libre vouloir de Dieu. Mais nous pouvons le réclamer à grands cris puisque lui-même nous a adoptés. Savons-nous insister assez, implorer, supplier, sans jamais nous lasser (Lc.18,l)? Il faut y tenir autant que la veuve qui s’épuise en démarches. Il faut mendier comme les mendiants loqueteux de jadis harcelaient un touriste à l’apparence confortable. C’est une excellente oraison.
Quelquefois nous ne savons pas que dire ou que faire pendant notre oraison? Mendions.
Le Seigneur est en son paradis avec tous ses bienheureux dans le reos du huitième jour, et il nous laisse là, démunis de tous ces biens si nécessaires qui ne lui coûteraient rien! Il faut insister et secouer la porte jusqu’à ce qu’il se décide enfin à faire l’aumône d’un peu de ce pain. Clamons sans trêve:
Donne-moi l’humilité, donne-moi l’humilité, donne-moi l’humilité…
Ou: donne-moi la foi… donne-moi la charité…
Et encore : donne aux chrétiens l’unité…
Puis, si nous sentons que nous sommes en train de faiblir:
Donne-moi la persévérance dans la demande, donne-moi d’insister assez en face de toi…
Ces biens, Dieu désire nous les donner beaucoup plus que nous ne pouvons désirer les avoir, car il sait mieux que nous leur prix, et un peu de sa gloire est suspendue à la sainteté de ses enfants. S’il veut que nous les demandions, c’est qu’i1 n’y a pas de meilleure façon de nous rendre capables de les recevoir: la prière accroît l’intensité du désir; elle ouvre en notre âme la capacité d’accueillir; elle créa déjà en nous l’attitude qui corresponde à ce que nous demandons:
Demander la charité de cette façon est du même coup accroître sa charité.
Demander la foi est déjà un acte de foi : on le sait bien lorsqu’on arrive à y décider un incroyant!
Et quel meilleur acte d’humilité que cette persévérance à mendier humblement l’humilité: c’est reconnaître que nous ne l’avons point et que Dieu seul peut l’opérer en nous.
De même le fait de supplier ensemble le Seigneur de réaliser parmi eux l’unité unit déjà les chrétiens dans et par cette supplication convergente.
A force d’avoir ainsi mendié, peut-être serons-nous enfin ouverts, et Dieu pourra sans trop de risques nous combler; la demande humble et persévérante aura peut-être atténué nos réflexes de vanité ou d’orgueil; l’insistance à mendier aura inscrit au plus profond de notre cœur la confiance que tous ces biens sont des dons gratuits de la libéralité divine.
Et du même coup la prière de demande ainsi conçue est un des meilleurs hommages que nous puissions rendre au Seigneur, à sa toute-puissance, à sa bonté, à sa paternité : elle affirme concrètement son absolu domaine sur tout être et sur tout bien.
Faite dans ces conditions, la prière de demande est nécessairement efficace. Et c’est pourquoi elle s’achève en remerciement, dans la foi. Mais sa première efficacité est de nous apprendre que tout est grâce.