COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 25 JANVIER – JONAS 3, 1-5. 10
COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 25 JANVIER
PREMIERE LECTURE – JONAS 3, 1-5. 10
1 La parole du SEIGNEUR fut adressée de nouveau à Jonas :
2 « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne,
proclame le message que je te donne sur elle. »
3 Jonas se leva et partit pour Ninive,
selon la parole du SEIGNEUR.
Or, Ninive était une ville extraordinairement grande :
il fallait trois jours pour la traverser.
4 Jonas la parcourut une journée à peine
en proclamant :
« Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »
5 Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu.
Ils annoncèrent un jeûne,
et tous, du plus grand au plus petit,
se vêtirent de toile à sac.
10 En voyant leur réaction,
et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise,
Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.
Le livre de Jonas est très court : il doit faire quatre pages, tout au plus. Il a été écrit très tard vers le quatrième ou troisième siècle av.J.C. Il prétend raconter une histoire qui serait arrivée à un prophète du nom de Jonas, cinq cents ans auparavant ; mais en réalité c’est une fable, un conte plein d’humour mais surtout de leçons pour ses contemporains et pour nous. Encore faut-il savoir lire entre les lignes.
Voici le conte : il était une fois, en Israël, un petit prophète plein de bon sens qui s’appelait Jonas. Dieu lui dit : Il ne suffit pas que tu cherches à convertir mon peuple dans ton pays minuscule. Je t’envoie en mission à Ninive (sur les cartes d’aujourd’hui, les ruines de Ninive sont tout près de Mossul au nord de l’Irak actuel). Jonas aurait bien voulu obéir à Dieu, mais le bon sens a parlé, plus fort que Dieu lui-même ; car Ninive à l’époque, (au huitième siècle), c’était l’ennemi juré, déjà, la capitale de l’empire le plus dangereux pour Israël, une grande ville très puissante et assoiffée de conquêtes. Un empire païen, bien sûr, et chez qui un petit prédicateur juif ne pouvait que risquer inutilement sa vie. Quand on voit comme il est dur, déjà, d’essayer de convertir Israël… non vraiment c’est trop demander… mission impossible… courir des risques, se fatiguer pour son propre peuple, passe encore… mais pour ces païens !… Et puis, Ninive était une très grande ville ! Il fallait trois jours pour la traverser sans s’arrêter. Que serait-ce s’il fallait s’arrêter pour prêcher à chaque coin de rue…
Jonas fait donc la sourde oreille et embarque sur la Méditerranée, à Jaffa (près de l’actuelle Tel Aviv), sur un bateau à destination de Tarsis (autant dire l’autre bout du monde, vers l’ouest… c’est-à-dire le plus loin possible de Ninive qui, elle, est plein Est, au bord du Tigre). Le voilà tranquille, mais pas pour longtemps. Pendant que Jonas dort à fond de cale dans le bateau, la tempête se lève… et comme il est un homme de son époque, il ne peut pas s’empêcher de penser que sa désobéissance y est pour quelque chose… et comme il est un honnête homme, quand même, il avoue à ses compagnons qu’il a mécontenté le ciel. Bien sûr, les matelots n’ont plus qu’une idée en tête : se débarrasser de Jonas pour apaiser les éléments et prier ce Dieu inconnu que Jonas a mis en colère… On jette le prophète à la mer.
Mais Dieu n’abandonne pas Jonas et dépêche un gros poisson qui l’avale pour le mettre à l’abri. Bien au chaud dans le ventre du poisson Jonas prie… et, bien sûr, cela le convertit. Si bien que quand le poisson le recrache sur la terre ferme, trois jours plus tard, Dieu n’a plus qu’un mot à dire… et Jonas part pour Ninive, cette fois sans discuter. Et le miracle se produit… La ville était immense, il fallait au moins trois jours pour la parcourir ; eh bien, en moins d’une journée, du plus petit jusqu’au plus grand, tous les Ninivites sont convertis. Même les animaux font pénitence !
Seulement voilà, il n’en restait plus qu’un à convertir (et c’est tout le sel de ce petit livre !)… c’était Jonas lui-même… Jonas n’était pas du tout content… à son idée, la justice aurait voulu que Dieu exerce sa colère contre ces païens, ces pécheurs. Et Jonas, écoeuré, va s’installer à l’écart de la ville. Mais on est en plein été, il étouffe au grand soleil. Alors Dieu, qui ne l’oublie décidément pas, fait pousser un arbuste (on dit que c’est un ricin) au-dessus de sa tête pour le protéger. Jonas va déjà mieux… pas pour longtemps. Le lendemain, Dieu s’en mêle encore et le ricin crève. Alors là, Jonas est vraiment en colère… Et Dieu l’attendait là. Il lui dit : « Quelle histoire pour un arbre qui crève à peine poussé !… Mais ces Ninivites qui allaient se perdre… tu ne crois pas que cela aurait été plus grave ? Ils sont mes enfants tout de même ! »
Ce conte apparemment léger est en fait plein de leçons : d’abord, et c’est la pointe du récit, c’est d’ailleurs pour cela qu’il nous est proposé ce dimanche, « Dieu aime tous les hommes » et il n’attend qu’un geste d’eux pour leur pardonner ; c’est le sens de la dernière phrase de la lecture liturgique : « En voyant leur réaction, et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés ». Il n’attendait que cela : les menaces du prophète « Encore quarante jours et Ninive sera détruite » étaient un cri d’alarme ; quand la fable de Jonas a été écrite, l’Ancien Testament savait déjà très bien qu’on n’est jamais définitivement condamné, que Dieu pardonne toujours ; encore faut-il que nos oreilles et nos coeurs soient ouverts à sa parole de pardon.
Deuxième leçon : Dieu est le Dieu de l’univers ; on peut le prier partout, bien au-delà des frontières d’Israël, sur un bateau et même jusque dans le ventre d’un poisson. La présence de Dieu n’est pas limitée à un lieu, un pays, un parti, ou une religion…
Troisième leçon : ceux que nous considérons comme des païens ou des pécheurs sont souvent plus prêts que nous à écouter la Parole ;
Jésus dira bien « les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume ». Sur ce thème, l’auteur du livre de Jonas, visiblement, se plaît à en rajouter, comme on dit : sur le bateau, déjà, on voit les matelots prier avec ferveur et offrir un sacrifice d’action de grâce. Quant aux Ninivites, leur conversion totale et instantanée est un défi à tout effort pastoral. « Jonas parcourut la ville une journée à peine… Aussitôt les gens de Ninive crurent en Dieu ». Quand Jésus parlait plus tard du « signe de Jonas », il rappelait le séjour de Jonas pendant trois jours dans le ventre du poisson, mais surtout il posait une question à ses contemporains : sauraient-ils voir dans le Fils de l’Homme le « signe » que les Ninivites ont su voir en Jonas ?
Quatrième leçon : cette fable a été inventée, après l’Exil à Babylone, à une époque où les prophètes voulaient rappeler que Dieu veut sauver l’humanité tout entière et pas seulement le peuple élu ; un peu comme dans une famille, il faut faire comprendre à l’aîné qu’il n’est pas fils unique. Nos prophètes à nous pourraient nous en dire autant.
Cinquième leçon : la petite histoire du ricin est une véritable pédagogie ; manière de faire comprendre à Jonas « tu n’es pas un bon prophète si tu n’aimes pas comme moi tous les hommes ».
Décidément, Dieu est plus grand que notre coeur !
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Compléments
« Maintenant, Seigneur, prends ma vie car mieux vaut pour moi mourir que vivre ! » Le cri de désespoir de Jonas (4, 3) ressemble à celui d’Elie (1 R 19, 4).
La conversion de Ninive contraste avec le refus de conversion des habitants de Jérusalem au temps de Jérémie : « Ni le roi, ni aucun de ses serviteurs, à entendre toutes ces paroles, ne furent effrayés et ne déchirèrent leurs vêtements » (Jr 36, 24).
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