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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 25 JANVIER – JONAS 3, 1-5. 10
23 janvier, 2015COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 25 JANVIER
PREMIERE LECTURE – JONAS 3, 1-5. 10
1 La parole du SEIGNEUR fut adressée de nouveau à Jonas :
2 « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne,
proclame le message que je te donne sur elle. »
3 Jonas se leva et partit pour Ninive,
selon la parole du SEIGNEUR.
Or, Ninive était une ville extraordinairement grande :
il fallait trois jours pour la traverser.
4 Jonas la parcourut une journée à peine
en proclamant :
« Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »
5 Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu.
Ils annoncèrent un jeûne,
et tous, du plus grand au plus petit,
se vêtirent de toile à sac.
10 En voyant leur réaction,
et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise,
Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.
Le livre de Jonas est très court : il doit faire quatre pages, tout au plus. Il a été écrit très tard vers le quatrième ou troisième siècle av.J.C. Il prétend raconter une histoire qui serait arrivée à un prophète du nom de Jonas, cinq cents ans auparavant ; mais en réalité c’est une fable, un conte plein d’humour mais surtout de leçons pour ses contemporains et pour nous. Encore faut-il savoir lire entre les lignes.
Voici le conte : il était une fois, en Israël, un petit prophète plein de bon sens qui s’appelait Jonas. Dieu lui dit : Il ne suffit pas que tu cherches à convertir mon peuple dans ton pays minuscule. Je t’envoie en mission à Ninive (sur les cartes d’aujourd’hui, les ruines de Ninive sont tout près de Mossul au nord de l’Irak actuel). Jonas aurait bien voulu obéir à Dieu, mais le bon sens a parlé, plus fort que Dieu lui-même ; car Ninive à l’époque, (au huitième siècle), c’était l’ennemi juré, déjà, la capitale de l’empire le plus dangereux pour Israël, une grande ville très puissante et assoiffée de conquêtes. Un empire païen, bien sûr, et chez qui un petit prédicateur juif ne pouvait que risquer inutilement sa vie. Quand on voit comme il est dur, déjà, d’essayer de convertir Israël… non vraiment c’est trop demander… mission impossible… courir des risques, se fatiguer pour son propre peuple, passe encore… mais pour ces païens !… Et puis, Ninive était une très grande ville ! Il fallait trois jours pour la traverser sans s’arrêter. Que serait-ce s’il fallait s’arrêter pour prêcher à chaque coin de rue…
Jonas fait donc la sourde oreille et embarque sur la Méditerranée, à Jaffa (près de l’actuelle Tel Aviv), sur un bateau à destination de Tarsis (autant dire l’autre bout du monde, vers l’ouest… c’est-à-dire le plus loin possible de Ninive qui, elle, est plein Est, au bord du Tigre). Le voilà tranquille, mais pas pour longtemps. Pendant que Jonas dort à fond de cale dans le bateau, la tempête se lève… et comme il est un homme de son époque, il ne peut pas s’empêcher de penser que sa désobéissance y est pour quelque chose… et comme il est un honnête homme, quand même, il avoue à ses compagnons qu’il a mécontenté le ciel. Bien sûr, les matelots n’ont plus qu’une idée en tête : se débarrasser de Jonas pour apaiser les éléments et prier ce Dieu inconnu que Jonas a mis en colère… On jette le prophète à la mer.
Mais Dieu n’abandonne pas Jonas et dépêche un gros poisson qui l’avale pour le mettre à l’abri. Bien au chaud dans le ventre du poisson Jonas prie… et, bien sûr, cela le convertit. Si bien que quand le poisson le recrache sur la terre ferme, trois jours plus tard, Dieu n’a plus qu’un mot à dire… et Jonas part pour Ninive, cette fois sans discuter. Et le miracle se produit… La ville était immense, il fallait au moins trois jours pour la parcourir ; eh bien, en moins d’une journée, du plus petit jusqu’au plus grand, tous les Ninivites sont convertis. Même les animaux font pénitence !
Seulement voilà, il n’en restait plus qu’un à convertir (et c’est tout le sel de ce petit livre !)… c’était Jonas lui-même… Jonas n’était pas du tout content… à son idée, la justice aurait voulu que Dieu exerce sa colère contre ces païens, ces pécheurs. Et Jonas, écoeuré, va s’installer à l’écart de la ville. Mais on est en plein été, il étouffe au grand soleil. Alors Dieu, qui ne l’oublie décidément pas, fait pousser un arbuste (on dit que c’est un ricin) au-dessus de sa tête pour le protéger. Jonas va déjà mieux… pas pour longtemps. Le lendemain, Dieu s’en mêle encore et le ricin crève. Alors là, Jonas est vraiment en colère… Et Dieu l’attendait là. Il lui dit : « Quelle histoire pour un arbre qui crève à peine poussé !… Mais ces Ninivites qui allaient se perdre… tu ne crois pas que cela aurait été plus grave ? Ils sont mes enfants tout de même ! »
Ce conte apparemment léger est en fait plein de leçons : d’abord, et c’est la pointe du récit, c’est d’ailleurs pour cela qu’il nous est proposé ce dimanche, « Dieu aime tous les hommes » et il n’attend qu’un geste d’eux pour leur pardonner ; c’est le sens de la dernière phrase de la lecture liturgique : « En voyant leur réaction, et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés ». Il n’attendait que cela : les menaces du prophète « Encore quarante jours et Ninive sera détruite » étaient un cri d’alarme ; quand la fable de Jonas a été écrite, l’Ancien Testament savait déjà très bien qu’on n’est jamais définitivement condamné, que Dieu pardonne toujours ; encore faut-il que nos oreilles et nos coeurs soient ouverts à sa parole de pardon.
Deuxième leçon : Dieu est le Dieu de l’univers ; on peut le prier partout, bien au-delà des frontières d’Israël, sur un bateau et même jusque dans le ventre d’un poisson. La présence de Dieu n’est pas limitée à un lieu, un pays, un parti, ou une religion…
Troisième leçon : ceux que nous considérons comme des païens ou des pécheurs sont souvent plus prêts que nous à écouter la Parole ;
Jésus dira bien « les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume ». Sur ce thème, l’auteur du livre de Jonas, visiblement, se plaît à en rajouter, comme on dit : sur le bateau, déjà, on voit les matelots prier avec ferveur et offrir un sacrifice d’action de grâce. Quant aux Ninivites, leur conversion totale et instantanée est un défi à tout effort pastoral. « Jonas parcourut la ville une journée à peine… Aussitôt les gens de Ninive crurent en Dieu ». Quand Jésus parlait plus tard du « signe de Jonas », il rappelait le séjour de Jonas pendant trois jours dans le ventre du poisson, mais surtout il posait une question à ses contemporains : sauraient-ils voir dans le Fils de l’Homme le « signe » que les Ninivites ont su voir en Jonas ?
Quatrième leçon : cette fable a été inventée, après l’Exil à Babylone, à une époque où les prophètes voulaient rappeler que Dieu veut sauver l’humanité tout entière et pas seulement le peuple élu ; un peu comme dans une famille, il faut faire comprendre à l’aîné qu’il n’est pas fils unique. Nos prophètes à nous pourraient nous en dire autant.
Cinquième leçon : la petite histoire du ricin est une véritable pédagogie ; manière de faire comprendre à Jonas « tu n’es pas un bon prophète si tu n’aimes pas comme moi tous les hommes ».
Décidément, Dieu est plus grand que notre coeur !
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Compléments
« Maintenant, Seigneur, prends ma vie car mieux vaut pour moi mourir que vivre ! » Le cri de désespoir de Jonas (4, 3) ressemble à celui d’Elie (1 R 19, 4).
La conversion de Ninive contraste avec le refus de conversion des habitants de Jérusalem au temps de Jérémie : « Ni le roi, ni aucun de ses serviteurs, à entendre toutes ces paroles, ne furent effrayés et ne déchirèrent leurs vêtements » (Jr 36, 24).
HOMÉLIE 3E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
23 janvier, 2015http://www.homelies.fr/homelie,,4090.html
3E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
DIMANCHE 25 JANVIER 2015
FAMILLE DE SAINT JOSEPH
HOMÉLIE – MESSE
Les trois lectures de la liturgie de ce jour sont traversées par une urgence : Jonas proclame que Ninive sera détruite si elle ne se convertit pas dans les plus brefs délais. Saint Paul rappelle aux chrétiens de Corinthe que « le temps est limité, car ce monde tel que nous le voyons est en train de passer » ; en d’autres termes : demeurons libres de toute attache afin d’être prêts à partir à chaque instant. Le Psalmiste demande à Dieu de lui « enseigner ses voies, de lui faire connaître sa route, de lui montrer son chemin », témoignant par cette triple insistance qu’il n’attend qu’un signe pour prendre le départ. Le crescendo au fil des lectures culmine dans l’Evangile, aussi est-ce à partir de lui que nous approfondirons cette liturgie de la Parole.
Chaque évangéliste a sa grâce propre, son charisme personnel au service de la rencontre avec le Seigneur. Saint Marc nous transmet le témoignage de l’apôtre Pierre, qui ne nous livre pas de grandes considérations théologiques, mais nous partage le choc existentiel de son cheminement avec celui qui allait devenir son Maître, en attendant qu’il le reconnaisse comme le Christ, puis comme son Sauveur et son Dieu. C’est à ce même itinéraire que nous sommes invités en tant que lecteurs ; aussi resterons-nous tout proches de la parole de l’Evangile, en demandant la grâce de pouvoir faire nous aussi cette même rencontre bouleversante qui change notre vie.
Le Baptiste est arrêté ; il n’est pas prudent de rester en Judée : Jésus rentre dans sa Galilée natale. Il va centrer son activité sur les bords du lac de Génésareth, plus précisément sur la rive nord-ouest. C’est là, dans ce cadre paradisiaque, que commence l’histoire de notre salut. La Galilée des nations est le lieu privilégié de l’activité de Jésus ; il ne la quittera que pour vivre sa Passion à Jérusalem. Puis au matin de Pâques, c’est à nouveau dans cette région ouverte sur le monde, que le Ressuscité donnera rendez-vous à ses disciples (Mc 16, 7).
L’évangéliste précise d’amblée que la proclamation faite par Jésus est une « Bonne Nouvelle » venant de la part « de Dieu ». Le résumé de sa prédication se résume en deux sentences. La première éveille l’attention : « Les temps (kairos) sont accomplis », c’est-à-dire le temps de l’attente est terminé, le bon moment, l’heureux événement que vous attendiez, est enfin arrivé. « Le Règne de Dieu est tout proche » : voilà le message de grâce que Jésus est venu apporter aux hommes : la Basileia tou Theou s’est approchée de l’humanité. L’accès au Royaume dont l’homme se trouvait exclu par le péché, lui est à nouveau offert. La seconde sentence tire les conséquences de cet événement sous forme de deux verbes actifs, qui représentent le programme à réaliser pour accéder à cette réalité divine : « Convertissez-vous » ; ou encore : « tournez-vous vers la réalité nouvelle qui s’annonce, fût-ce au prix de ruptures avec le monde ancien, voué à disparaître. Et : « croyez à la Bonne Nouvelle » ; s’il s’agit de « croire », c’est donc que la venue du Règne, ne s’impose pas avec l’évidence d’une réalité sensible. Il faudra discerner son avènement aux signes que Jésus en donne, et adhérer à la nouveauté radicale qui s’annonce dans le secret. Ce qui suppose de se tenir à proximité du Maître, de l’écouter, de l’observer, d’épier ses moindres faits et gestes, afin de ne pas gâcher cette occasion unique de réintégrer le dessein de Dieu au-delà de la fracture du péché, qui nous avait aliénés de notre condition filiale. Vu l’importance de l’enjeu, il n’y a pas de temps à perdre, car « il est limité » (2nd lect.).
Aussi, sans transition, Saint Marc nous invite-t-il à emboîter le pas au Rabbi qui commence sa vie itinérante. Sa première initiative consiste à former le noyau du futur groupe de ses disciples. Première surprise : contrairement à la tradition, c’est le Maître qui appelle ses disciples. De plus, il ne les choisit pas dans le cercle des scribes ou autres spécialistes de la Loi qui résident à Jérusalem, mais parmi les pécheurs du lac de Galilée. La sobriété du style du premier Evangile souligne le caractère paradoxal de la situation : un homme passe sur la grève, appelle deux pêcheurs « en train de jeter leurs filets » ; il leur intime brièvement de le suivre, leur faisant une vague promesse dont le lecteur – comme sans doute les pêcheurs – se demande ce qu’elle veut dire. Rien ne nous est dit sur une éventuelle rencontre préalable entre les personnages, ni sur les sentiments des appelés ; nous savons seulement qu’« aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent ».
Sans doute ce comportement illustre-t-il l’attitude que nous sommes tous appelés à adopter en réponse à l’annonce faite au verset précédent : la conversion ne consiste pas d’abord en œuvres ascétiques, mais dans la promptitude à suivre celui qui chemin faisant, va nous révéler le visage du Père.
Le verset suivant est construit dans un stricte parallélisme à celui que nous venons de lire : Jésus passe, voit deux frères préparant leurs filets pour la pêche, les appelle « aussitôt », et ceux-ci tout comme leurs collègues, « partent derrière lui, laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers ».
Qui sont ces hommes ? Nous le découvrirons chemin faisant. Pour le moment nous connaissons déjà leur nom : Simon et son frère André ; Jacques fils de Zébédée et Jean son frère. André sera plus discret dans la suite du récit ; les trois autres constitueront le noyau du groupe des disciples : le Maître leur attribuera un rôle particulier dans la vie et dans la mission du groupe. Mais tous, les Douze et ceux qui tout au long de l’histoire entendront l’appel du Seigneur et lui emboîteront le pas, auront à « se lever et à partir » (1ère lect.) à sa suite. Avons-nous encore une telle disponibilité ? La seconde lecture veut nous aider à répondre à cette question en nous proposant un examen de conscience sur la manière dont nous réagissons aux événements qui nous affectent, sur notre attachement aux biens de ce monde, voire même sur nos relations avec nos proches : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ » (1 Co 3, 22-23).
L’appel des premiers disciples constitue l’action inaugurale du ministère public de Jésus, qui résume toute sa mission : Notre-Seigneur est venu nous appeler à sa suite pour nous arracher à « ce monde qui est en train de passer » (2nd lect.) et conduire nos pas au chemin d’éternité. Le chrétien se définit avant tout comme un disciple du Christ, qui met toute sa vie dans le rayonnement de sa lumière, se nourrissant de son Pain eucharistique, afin de lui être configuré dans une existence semblable à la sienne.
« “Dirige-moi Seigneur, par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve. Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse” (Ps 24), et accorde-moi la force d’une sincère conversion. Fais que j’entende ta voix qui m’appelle : “Viens derrière moi ; je ferai de toi un pêcheur d’hommes”. Donne-moi de discerner la présence de ton Règne au milieu de notre monde meurtri par la violence et accablé de tristesse, et fait de moi un artisan de ta paix et un témoin de la joie de ton Esprit.»
Père Joseph-Marie