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9 NOVEMBRE – FÊTE DE LA DÉDICACE DE LA BASILIQUE SAINT-JEAN DU LATRAN – HISTORIQUE
7 novembre, 2014http://missel.free.fr/Sanctoral/11/09.php
9 NOVEMBRE – FÊTE DE LA DÉDICACE DE LA BASILIQUE SAINT-JEAN DU LATRAN
Rappel historique
A. Corsini, Monument en l’honneur de Louis XV, chapelle Sainte Anne, sacristie, Saint-Jean-de-Latran, Rome, (stuc, marbre et lapis-lazuli). En 1729, Louis XV offrit au chapitre de Saint-Jean-de-Latran les revenus de deux prieurés dépendant de l’abbaye de Clairac. En remerciement, les chanoines décidèrent de lui élever un monument: l’œuvre en stuc, marbre, lapis-lazuli et bronze doré est toujours conservée dans la sacristie au-dessus d’une porte de la chapelle Sainte Anne.
Des documents retrouvés aux archives du chapitre du Latran permettent de retracer l’élaboration de ce monument resté jusqu’à présent totalement méconnu des historiens d’art. Le grand relief, qui s’inscrit dans la tradition des imposants monuments de la Rome baroque, fut sculpté par l’artiste bolonais Agostino Corsini de 1730 à 1733.
Si le monument fut connu à Versailles par l’envoi d’estampes gravées par Miguel Sorello, son érection semble avoir été ignorée à Rome. La correspondance de l’ambassadeur de France en Italie évoque à cette période divers problèmes diplomatiques soulevés à l’occasion de la construction de la façade orientale du Latran, et montre combien ce contexte historique très particulier était peu favorable à la célébration du monument en l’honneur de Louis XV.
Sermon CCCXXXVI
La solennité qui nous réunit est la dédicace d’une maison de prière. La maison de nos prières, nous y sommes ; la maison de Dieu, c’est nous-mêmes. Si la maison de Dieu, c’est nous-mêmes, nous sommes construits en ce monde, pour être consacrés à la fin du monde. L’édifice, ou plutôt sa construction, se fait dans la peine ; la dédicace se fait dans la joie.
Ce qui se passait, quand s’élevait cet édifice, c’est ce qui se passe maintenant quand se réunissent ceux qui croient au Christ. Lorsque l’on croit, c’est comme lorsque l’on coupe du bois dans la forêt et que l’on taille des pierres dans la montagne ; lorsque les croyants sont catéchisés, baptisés, formés, c’est comme s’ils étaient sciés, ajustés, rabotés par le travail des charpentiers et des bâtisseurs.
Cependant, on ne fait la maison de Dieu que lorsque la charité vient tout assembler. Si ce bois et cette pierre n’étaient pas réunis selon un certain plan, s’ils ne s’entrelaçaient pas de façon pacifique, s’ils ne s’aimaient pas, en quelque sorte, par cet assemblage, personne ne pourrait entrer ici. Enfin, quand tu vois dans un édifice les pierres et le bois bien assemblés, tu entres sans crainte, tu ne redoutes pas qu’il s’écroule.
Le Christ Seigneur, parce qu’il voulait entrer et habiter en nous, disait, comme pour former son édifice : « Je vous donne un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres.3 C’est un commandement, dit-il, que je vous donne. » Vous étiez vieux, vous n’étiez pas une maison pour moi, vous étiez gisants, écroulés. Donc, pour sortir de votre ancien état, de votre ruine, aimez-vous les uns les autres.
Que votre charité considère encore ceci : cette maison est édifiée, comme il a été prédit et promis, dans le monde entier. En effet, quand on construisait la maison de Dieu après la captivité, on disait dans un psaume : « Chantez au Seigneur un chant nouveau ; chantez au Seigneur terre entière.4 » On disait alors : « un chant nouveau » ; le Seigneur a dit : « un commandement nouveau. » Qu’est-ce qui caractérise un chant nouveau, sinon un amour nouveau ? Chanter est le fait de celui qui aime. Ce qui permet de chanter c’est la ferveur d’un saint amour.
Ce que nous voyons réalisé ici physiquement avec les murs doit se réaliser spirituellement avec les âmes ; ce que nous regardons ici accompli avec des pierres et du bois, doit s’accomplir dans vos corps, avec la grâce de Dieu.
Rendons grâce avant tout au Seigneur notre Dieu : les dons les meilleurs, les présents merveilleux viennent de lui. Célébrons sa bonté de tout l’élan de notre coeur. Pour que soit construite cette maison de prière, il a éclairé les âmes de ses fidèles, il a éveillé leur ardeur, il leur a procuré de l’aide ; à ceux qui n’étaient pas encore décidés, il a inspiré la décision ; il a secondé les efforts de bonne volonté pour les faire aboutir. Et ainsi Dieu, « qui produit, chez les siens, la volonté et l’achèvement parce qu’il veut notre bien », c’est lui qui a commencé tout cela, et c’est lui qui l’a achevé.
Saint Augustin
(sermon pour une dédicace)
3 Evangile selon saint Jean, XIII 34.
4 Psaume XCVI (XCV) 1.
La liturgie
La liturgie de la dédicace vise essentiellement à préparer un lieu pour la célébration eucharistique, une demeure de Dieu parmi les hommes. « C’est, a écrit le R.P Louis Bouyer, la sacralisation du lieu où s’accomplit l’Eucharistie dans l’Eglise, mais on pourrait aussi bien dire du lieu où l’Eglise s’accomplit dans l’Eucharistie. »
La dédicace utilise largement le quadruple symbolisme de l’eau de l’huile, du feu et de la lumière. Certains de ses rites, de caractère apotropaïque remontent à la nuit des temps : toutes les religions, en effet, ont délimité des espaces sacrés en commençant par en détourner (c’est le sens du mot apotropaïque) les puissances maléfiques.
Il y a donc, dans la liturgie de la dédicace, une bénédiction de l’eau suivie d’une aspersion des fidèles et de l’autel : « O Dieu, cette eau, sanctifiez-la donc par votre bénédiction ; répandue sur nous, qu’elle devienne le signe de ce bain salutaire où, purifiés dans le Christ, nous sommes devenus le temple de votre Esprit. Nous vous en supplions, faites qu’elle soit délivrée de la maligne influence des esprits impurs et que tous les maux s’en éloignent par la vertu de votre bienveillante protection. Quant à nous qui, avec tous nos frères, allons célébrer les divins mystères, accordez-nous de parvenir à la Jérusalem céleste. »
Déjà apparaît dans cette oraison de bénédiction ce qui est sous-jacent à toute la liturgie de la dédicace son aspect eschatologique ; l’église de pierres est l’image et la préfiguration de l’Eglise du Ciel. Cette Eglise du Ciel, on n’y arrive que par le passage obligé de la Croix du Christ. Le mystère chrétien est mystère de mort et de résurrection ; cela est éclatant dans la liturgie baptismale. Le monde entier doit être reconquis par la Croix, cette Croix sur laquelle le Christ s’est offert à son Père dans le sacrifice par lequel il a racheté le monde. C’est pourquoi, dans le rite de la dédicace, douze croix sont tracées sur les murs de l’église et chacune d’elle est ointe de saint chrême par l’évêque après qu’il en ait largement répandu sur l’autel. En cette consécration de l’autel culmine d’ailleurs toute la liturgie de la dédicace.
Dans l’autel du sacrifice eucharistique on place solennellement des reliques de martyrs et de saints apportées en procession. Elles associent en quelque sorte, à l’unique sacrifice du Christ offert une fois pour toutes, les martyrs qui ont donné leur vie pour Lui et les autres saints qui ont vécu pour Lui, complétant, comme le dit saint Paul, ce qui manque à la Passion du Christ.
Après ce rite qui se déroule au chant de psaumes et d’antiennes, l’évêque embrase l’encens qu’il a répandu sur l’autel : au rite et au symbole de l’eau, puis de l’huile, s’ajoute celui du feu qui se complétera par l’illumination des cierges lorsque l’autel aura été recouvert de nappes neuves et blanches, tout comme les nouveaux baptisés sont revêtus de vêtements blancs. Des psaumes, des répons et des antiennes accompagnent ces rites significatifs par eux-mêmes mais dont les textes bibliques chantés accentuent encore le sens profond.
La prière consécratoire chantée par l’évêque, et la Préface qui introduit le canon de la messe qui suit, font percevoir « comment dans l’Eglise de la terre nous participons déjà à l’Eucharistie perpétuelle, à l’action de grâce perpétuelle des chœurs angéliques, et au culte éternel du Père par son Fils incarné. » L’une et l’autre formulent de la manière la plus expressive l’assomption et la rénovation, dans l’unique consécration du sacrifice chrétien, de toutes les formes de consécration antérieures, soit naturelles, soit de l’Ancien Testament.
« Nous vous supplions instamment, Seigneur, de daigner répandre votre grâce sanctificatrice sur cette église et sur cet autel, afin que ce.lieu soit toujours saint et cette table toujours prête pour le sacrifice du Christ. Qu’en ce lieu, l’onde de la grâce divine engloutisse les péchés des hommes afin que, morts au péché, vos fils renaissent à la vie céleste. »
« Qu’en ce lieu retentisse un sacrifice de louange qui vous soit agréable ; que monte sans cesse vers vous la voix des hommes unie aux chœurs des anges et la supplication pour le salut du monde. »
« Père Saint, vous qui avez fait du monde entier le temple de votre Gloire, afin que votre nom fût glorifié en tous lieux, vous ne refusez pas cependant que vous soient dédiés des lieux propres à la célébration des divins mystères : dans l’allégresse nous consacrons donc à votre majesté cette maison de prière que nous avons construite. »
« En ce lieu est abrité le mystère du vrai Temple et l’image de la Jérusalem céleste y est figurée d’avance : en effet, du Corps de votre Fils, né de la Vierge Marie, vous avez fait un temple qui vous est consacré et en qui habite la plénitude de la divinité. Vous avez établi l’Eglise comme la cité sainte, fondée sur les Apôtres. Elle a pour pierre d’angle le Christ Jésus et doit être construite de pierres choisies, vivifiées par l’Esprit et cimentées par la charité; Cité où vous serez tout en tous, à travers les siècles et où brillera éternellement la lumière du Christ. »
HOMÉLIE – DÉDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN – 9 NOVEMBRE
7 novembre, 2014http://www.homelies.fr/homelie,,4011.html
DÉDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN
DIMANCHE 9 NOVEMBRE 2014
FAMILLE DE SAINT JOSEPH
HOMÉLIE – MESSE, 9 NOVEMBRE
Aux juifs qui lui demande de justifier le geste d’autorité qu’il vient de poser en chassant les vendeurs, Jésus répond solennellement : « Détruisez ce Sanctuaire et en trois jours je le relèverai ».
Le terme grec (naos) utilisé par Jésus et traduit par « Sanctuaire », ne désigne pas l’ensemble de l’édifice du Temple (iéron), avec l’esplanade, l’enceinte et ses dépendances ; mais ce terme (naos) est réservé au tout petit édifice au cœur du Temple, qui abrite le saint des saints ; le lieu où Dieu réside, où il est invoqué et où il est adoré.
Au temps de Jésus, ce Sanctuaire était tout neuf : il avait été commencé 50 ans plus tôt par Hérode, sans doute pour se faire pardonner d’être un usurpateur et rallier les juifs à sa cause. C’était l’orgueil de la nation, le seul lieu de culte d’Israël, où des millions de pèlerins venaient se recueillir chaque année. C’est là qu’était offert le sacrifice annuel d’expiation, censé purifier le peuple et le réconcilier avec Dieu.
Sur les parvis du Sanctuaire, et donc à l’intérieur même du Temple, les pèlerins trouvaient – tout à fait logiquement – des marchands de brebis pour le sacrifice, ainsi que des changeurs, car il était défendu de payer avec de l’argent à l’effigie de César. Leur présence n’avait à vrai dire rien de choquant : il fallait bien que les fidèles, venant souvent de loin, puissent se procurer sur place les animaux pour les sacrifices.
Cependant, le prophète Zacharie avait annoncé comme un signe messianique le fait qu’il ne se ferait plus de commerce dans le Temple : « Il n’y aura plus de marchand dans la maison de Dieu Sabaot, en ce jour-là » (Za 14,21). Aussi en chassant les vendeurs, Jésus signifie explicitement que le temps des sacrifices – et du commerce juteux qui l’accompagnait – ce temps est révolu.
Mais la nouveauté inouïe, réside dans l’affirmation que le véritable Sanctuaire n’est autre que son Corps, éclairant par le fait même son identité personnelle d’une lumière toute nouvelle. Désormais la Shekina – la présence divine – ne repose plus sur un édifice, mais sur sa Personne. Il est à la fois le Sanctuaire de la rencontre entre Dieu et les hommes, l’Autel vivant d’où s’élève l’encens de l’adoration véritable, et l’unique Sacrifice de réconciliation qui soit digne du Très-Haut.
Et tout cela, il l’est en tant que Fils, puisqu’il désigne le Temple comme la Maison de son Père. Si le Fils chasse les vendeurs de la Maison de son Père, c’est donc que celui-ci n’est plus honoré par ce genre de sacrifice. Ce que le Père attend désormais, c’est le respect d’un cœur filial, qui manifeste son amour par son obéissance et son dévouement : « Le zèle de ta maison fera mon tourment ».
Jean cite ici la parole prophétique d’un Psaume, mise sur les lèvres du Serviteur Souffrant : « C’est pour toi que je souffre l’insulte, que la honte me couvre le visage, que je suis un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère ; car le zèle de ta maison me dévore, l’insulte de tes insulteurs tombe sur moi » (Ps 69[68], 8-10). C’est précisément ce zèle brûlant pour la gloire de Dieu qui sera le Feu de l’holocauste dans lequel l’Agneau sera consumé, après avoir pris sur lui tout le poids de nos péchés.
Toute la liturgie chrétienne n’existe qu’autour de Jésus ; autour de sa Parole et de son Corps Eucharistique, qui édifient son Corps ecclésial : « Vous êtes le corps du Christ » dira Saint Paul aux débardeurs du port de Corinthe (1 Co 12,27). Et encore : « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1ère lect.)
Saint Augustin expliquait à ses fidèles : « Quand le prêtre vous dit : “le Corps du Christ”, vous répondez “Amen” à ce que vous êtres dans le Christ. » C’est parce que nous sommes déjà intégrés dans son Corps par le Baptême, que nous avons le droit de nous approcher de la table eucharistique. Immergés par la foi dans la mort et la résurrection du Christ, nous lui sommes indéfectiblement unis, formant réellement avec lui un seul Corps dont il est la Tête ; l’unique sanctuaire où Dieu veut être adoré en Esprit et vérité.
Certes, cette éminente dignité n’est pas facile à porter : elle exige une changement radical par rapport aux habitudes du monde ; et une telle conversion n’est jamais définitivement acquise. C’est pourquoi il nous faut sans cesse nous replonger dans « l’eau qui descend du côté droit du Temple » (1ère lect.), entendons l’Eau vive de l’Esprit jailli du côté de Jésus crucifié, ouvert à coup de lance (Jn 19, 34).
Lorsque Saint Paul nous rappelle que nous sommes « le Temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en nous » (2nd lect.), l’image est plus organique qu’individuelle : c’est en tant que membre du Corps ecclésial du Christ (1 Co 6, 15), en qui habite corporellement la plénitude de la divinité (Col 2, 9), que chaque croyant peut être appelé « Temple de Dieu ». C’est en effet l’Église qui est « la maison que Dieu construit » (2nd lect.), en assemblant les « pierres vivantes » (1 P 2, 5) que nous sommes sur la fondation unique : Jésus-Christ (2nd lect.).
Le symbole est particulièrement riche, car il souligne à la fois notre responsabilité personnelle – il s’agit d’accueillir dans la foi la vie offerte – et l’initiative divine – Dieu seul est l’architecte et le bâtisseur de cette « Maison » ou de ce « Temple » non fait de mains d’hommes. Le Maître d’œuvre, c’est le Christ, agissant pourrions-nous dire par son vicaire : le Pape, en communion avec les successeurs des Apôtres : les Evêques. Cette unité ecclésiale dans la charité, signifiée par le ministère pétrinien, est inscrite dans la pierre de la Basilique Saint-Jean-du-Latran, cathédrale de l’évêque de Rome, dont l’Église universelle célèbre solennellement la Dédicace en ce jour.
Les oraisons de la liturgie suggèrent le chemin de cette Église en marche vers le Père, sous la conduite de l’Esprit : aujourd’hui « Temple de la grâce » où abonde la miséricorde, elle deviendra demain « demeure de la gloire », cité de Dieu, Jérusalem céleste, fiancée de l’Agneau (Ap 21, 2.9).
Telle est bien la finalité surnaturelle de notre cheminement personnel et communautaire, dont nous sommes appelés à garder une mémoire vivante jusque dans nos activités séculières, afin d’être au cœur du monde, le sel de la terre et le levain du Royaume.
Père Joseph-Marie