JÜRGEN MOLTMANN – LE THÉOLOGIEN DE L’ESPÉRANCE
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JÜRGEN MOLTMANN – LE THÉOLOGIEN DE L’ESPÉRANCE
UNE » STAR » DE LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE
Né à Hambourg en 1926, Jürgen Moltmann a été profondément marqué, dans son enfance et son adolescence, par la violence et la guerre. Il passa son doctorat de théologie à Göttingen au début des années 1950. Il fut pasteur d’une église réformée de Brême, puis professeur des facultés de théologie de Wuppertal, de Bonn et, à partir de 1967, de Tübingen.
C’est à Tübingen qu’il développa les thèmes de sa théologie de l’Espérance qui le fit connaître dans le monde comme l’un des théologiens les plus intéressants de sa génération. Il enseigne aujourd’hui aux Etats-Unis où il publie en langue anglaise : sa prose a gagné en clarté, mais, selon le professeur Askani, qui me le fit connaître, sa pensée a perdu de sa subtilité, ce qu’il attribue à un problème de langue : l’allemand est la langue par excellence des philosophes et des théologiens.
Quatre ouvrages de Moltmann ont été traduits en français et sont donc accessibles : Théologie de l’Espérance, suite d’essais et d’esquisses sur les fondements et les conséquences d’une eschatologie chrétienne ; Le Dieu Crucifié, le Seigneur de la danse ; et Trinité et Royaume de Dieu. Ces ouvrages sont d’une lecture plutôt difficile, même pour des esprits avertis. En revanche, il a publié avec sa femme Elizabeth, elle aussi théologienne, un livre intitulé : Dieu homme et femme, qui est à la portée de tout lecteur éclairé, car il s’agit non plus de sommes théologiques, mais de textes de conférences. La contribution de Jürgen Moltmann à ce duo théologique a pour titre : Un Dieu au visage humain, et comporte trois volets : Dieu signifie Liberté ; L’histoire trinitaire de Jésus et Une interprétation sociale de la Trinité. (1)
On ne peut présenter Moltmann sans parler en premier de sa Théologie de l’Espérance, l’ouvrage qui a fait de lui une » star » de la théologie contemporaine. L’ouvrage est très dense, et je me contenterai de présenter quelques aspects de la pensée de Moltmann concernant l’espérance. Ce qu’il faut savoir, c’est que, pour lui, l’espérance n’est pas pensable sans Jésus-Christ venu à nous, mort et ressuscité. Avec la foi et l’amour, l’espérance est un des thèmes de la théologie chrétienne et nombreux sont les théologiens qui ont traité de ces thèmes. Mais pour Moltmann, l’espérance est plus qu’un thème ; elle es le vrai sujet de la théologie chrétienne qu’elle définit, pénètre et caractérise. Ainsi qu’il l’écrit dans son introduction :
» Le christianisme est tout entier (et pas seulement en appendice) eschatologie. Il est espérance, perspectives et orientation en avant, donc aussi départ et changement du présent. La perspective eschatologique n’est pas un aspect du christianisme, elle est à tous égards le milieu de la foi chrétienne, le ton sur lequel tout, en elle, s’accorde, la couleur de l’aurore d’un jour nouveau attendu dans laquelle tout baigne ici « .
On voit que, dès les premières pages, il aborde le thème des choses dernières, question centrale du livre : Comment harmoniser l’histoire et les choses ultimes ? Comment articule les notions contradictoires de présent et futur, expérience et espérance ? Comment penser le présent alors que le Dieu des chrétiens a » le futur comme propriété ontologique » ? Il va démontrer que le Dieu que nous a révélé la Bible est celui qui ne cesse d’appeler l’homme en avant, dans une espérance active. Il invite l’homme à se décrocher des souvenirs qui ligotent, à rejeter une condition humaine fondée sur l’absence d’espérance, sinon en la mort éternelle :
» Tant que l’espérance ne s’empare pas pour les transformer de la pensée et de l’action des hommes, elle reste à l parle pas inversement de l’histoire universelle et du temps qui amèneraient la manifestation du Christ. «
En résumé, Moltmann définit l’eschatologie chrétienne comme la » science des tendances de la Résurrection et de l’avenir du Christ « . Il proclame que la perspective eschatologique est le milieu et non la fin de la foi chrétienne ; que le Dieu chrétien est le Dieu de l’espérance qu’on ne peut avoir que devant soi. Il souligne que l’eschatologie fonde toute parole sur l’avenir, qu’elle est ancrée sur Jésus-Christ et la Résurrection. Il rappelle que la Résurrection fait venir le Royaume promis à la terre et démontre la tension existant entre la vie du chrétien et l’expérience chrétienne de la révélation et de la vie en Jésus-Christ. L’espérance n’est pas seulement pour lui une consolation dans la souffrance, mais, à cause de la Résurrection du Christ, elle vient s’inscrire en contradiction avec la mort.
D’un abord plus facile est son essai : Dieu signifie Liberté. Moltmann commence par définir ce que veut dire Dieu-Liberté, association mal aimée, dit-il, que l’on soit des chrétiens ou des athées, car les premiers affirment que la liberté détruit l’autorité de l’Etat et de la famille et fait voler la morale en éclats, et les seconds la refusent disant que si il y a un Dieu, l’humanité n’est pas libre, et que si l’humanité est libre, il n’ y a pas de Dieu. Bible à la main, Moltmann s’emploie à démontrer que le » Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » est le Dieu qui a libéré le peuple hébreu de l’esclavage, et que la définition du Dieu de l’Ancien Testament est bien celle d’un libérateur. » Croire en Dieu, dit-il, ne signifie rien d’autre que de faire l’expérience de sa propre libération « . De même, le » Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ » dont parle le Nouveau Testament, est un Dieu libérateur qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et l’a conduit dans la splendeur du royaume des Cieux.
Moltmann s’emploie à nous montrer le lien qui existe entre la théologie de l’exode et la théologie de la résurrection : » La théologie de l’exode n’est pas encore la théologie de la résurrection, mais la théologie de la résurrection doit toujours inclure celle de l’exode et doit s’incarner sans cesse dans des actes qui libèrent les opprimés « .
Ensuite, il analyse ce qu’est une » foi libérée « , une foi qui triomphe du monde et renouvelle la vie de chacun : » Cette foi est une expérience qui ne fait jamais défaut une fois qu’elle est advenir ; elle libère de l’anxiété et donne la confiance, elle fait renaître à une espérance vivante et participer à l’étreinte d’un amour qui nous comble totalement. » 4
Enfin, il présente sa thèse sur la liberté comme résurrection. Il la définit » non seulement comme l’amour de la communauté de gens qui nous entourent, mais aussi orientée vers l’avenir, l’avenir du Dieu qui vient « . Et il ajoute » l’avenir de Dieu est le trésor inépuisable de possibilités tandis que le passé représente le royaume limité de la réalité. » 5
En vérité, il propose trois conceptions de la liberté qui se juxtaposent : la liberté comme souveraineté, la liberté comme communauté et la liberté comme créativité dans l’attente.
Le Dieu de Moltmann n’a peut-être pas vraiment un visage humain, mais il est certainement tourné vers l’homme.
Liliane CRÉTÉ
(4) Dieu homme et femme, op. cit. p. 78
(5) Ibid., p. 85
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