Archive pour le 11 octobre, 2014
COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – ISAÏE 25, 6-9
11 octobre, 2014http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/commentaires-de-marie-noelle-thabut/
COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 12 OCTOBRE
PREMIERE LECTURE – ISAÏE 25, 6-9
Ce jour-là,
6 le SEIGNEUR, Dieu de l’univers,
préparera pour tous les peuples, sur sa montagne,
un festin de viandes grasses et de vins capiteux,
un festin de viandes succulentes et de vins décantés.
7 Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples
et le linceul qui couvrait toutes les nations.
8 Il détruira la mort pour toujours.
Le SEIGNEUR essuiera les larmes sur tous les visages,
et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple ;
c’est lui qui l’a promis.
9 Et ce jour-là, on dira :
« Voici notre Dieu,
en lui nous espérions, et il nous a sauvés ;
c’est lui le SEIGNEUR, en lui nous espérions ;
exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! »
Un festin
Un festin : c’est l’image que le prophète Isaïe a choisie pour décrire l’aboutissement du projet de Dieu. Ce projet, nous le savons bien, c’est une humanité enfin unie, enfin pacifiée : s’asseoir à la même table, partager le même repas, faire la fête ensemble, c’est bien une image de paix. « Ce jour-là, le SEIGNEUR, Dieu de l’univers, préparera pour tous les peuples sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés ».
Bien sûr, cette évocation est d’ordre poétique, symbolique : Isaïe ne cherche pas à décrire de façon réaliste ce qui se passera concrètement. Il veut nous dire « finies les guerres, les souffrances, les injustices », et il écrit « tous les peuples seront à la fête ». Et si ce chapitre a été écrit, comme on le croit, pendant ou après l’Exil à Babylone, on comprend que le rêve de fête se traduise par des images d’opulence.
On ne sait pas exactement quand ce texte a pu être écrit, mais il est clair que c’est dans une période difficile ! Si le prophète juge utile de proclamer « En ce jour-là, on dira « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, il nous a sauvés », il faut se dire qu’il cherche à remonter le moral de ses compatriotes ! Et il faut traduire : « Allez mes frères, dites-vous que dans quelque temps, vous ne regretterez pas d’avoir fait confiance… et je vais vous dire la fin de l’histoire : nous marchons lentement mais sûrement vers le jour de la paix définitive ; vous allez pouvoir redresser la tête ».
Un festin pour tous les peuples
Je note que les promesses du salut ne sont pas réservées au seul peuple d’Israël : le festin préparé sur la montagne est pour tous les peuples : « Ce jour-là, le SEIGNEUR, Dieu de l’univers, préparera pour tous les peuples sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples. » Cette prise de conscience de l’universalisme du projet de Dieu a été tardive en Israël, mais ici c’est très clair.
C’est lui qui l’a promis
Et la seule vraie bonne raison d’y croire, c’est qu’il s’agit d’une promesse de Dieu : « c’est lui qui l’a promis », dit Isaïe. La voilà la phrase centrale du texte, pour le prophète, celle qui justifie son optimisme à toute épreuve. Le prophète est quelqu’un qui sait, qui a expérimenté l’oeuvre incessante de Dieu pour libérer son peuple. On ne peut pas être prophète (ou simplement témoin de la foi) si on n’a pas, d’une manière ou d’une autre, fait l’expérience personnelle ou collective de l’oeuvre de Dieu.
Or le peuple d’Israël prend bien soin de ressourcer perpétuellement sa foi dans la mémoire de l’oeuvre de Dieu. Et c’est parce qu’il ne l’oublie jamais qu’il peut traverser les heures d’épreuve. Comme Dieu a libéré son peuple des chaînes de l’Egypte, il continue au long des siècles à le libérer ; or les pires chaînes de l’homme, c’est l’incapacité à vivre en paix, à pratiquer la justice, à demeurer dans l’Alliance de Dieu. Si Dieu pousse son oeuvre jusqu’au bout (et Isaïe ne doute pas qu’il le fera), viendra le jour où tous les peuples vivront en paix et dans la fidélité à l’Alliance. Car « c’est lui (le SEIGNEUR) qui l’a promis »…
Il détruira la mort pour toujours
Reste une phrase difficile : « Il détruira la mort pour toujours » ; difficile… précisément parce qu’elle semble trop claire ! « Il détruira la mort pour toujours » : quand nous lisons cette phrase aujourd’hui, nous sommes tentés de la lire à la lumière de notre foi chrétienne du vingt-et-unième siècle et donc de prêter au prophète des pensées qui n’étaient pas les siennes. Dieu seul sait, évidemment, ce qu’Isaïe avait dans la tête, mais très certainement ce n’est pas encore ici une affirmation de la Résurrection au sens chrétien du terme ; le peuple d’Israël a peu à peu découvert, dès avant le Christ, la foi en la résurrection de la chair, mais très tardivement, bien après que le livre d’Isaïe ait été définitivement mis par écrit.
De quelle mort parle Isaïe ? Parle-t-il de mort physique ou de mort spirituelle ? De mort individuelle ou de mort collective, c’est-à-dire la disparition du peuple d’Israël ?
Pour l’homme de la Bible, la mort biologique individuelle fait partie de l’horizon ; elle est prévue, inéluctable, mais pas triste quand elle intervient normalement au soir d’une longue vie comblée. Pour l’individu, la seule mort que l’on craint c’est la disparition prématurée d’êtres jeunes ou la mort brutale, à la guerre par exemple. Isaïe évoque peut-être cela ici. Cela voudrait dire alors : il n’y aura plus jamais de mort brutale ou de mort prématurée. Le troisième Isaïe dit exactement cela.
Peut-être pense-t-il également à la mort spirituelle, car, parfois dans la Bible, on parle de mort et de vie dans un sens qui n’est pas biologique : pour le croyant de cette époque-là, vivre pleinement, c’est vivre sur la terre en Alliance avec Dieu (aujourd’hui on dirait en communion avec Dieu). Et ce qui est appelé mort, c’est la rupture d’Alliance avec Dieu. Et donc, ce qu’Isaïe entrevoit, c’est le Jour où on vivra en paix avec Dieu et avec soi-même ; les forces de mort seront détruites, la haine, l’injustice, la guerre.
Troisième hypothèse, peut-être Isaïe, ici, ne parle-t-il pas d’abord des individus, il parle du peuple dont la déchéance présente ressemble à une mort programmée. Grâce à sa foi dans les promesses de Dieu, Isaïe sait que ce peuple renaîtra.
Depuis la Résurrection du Christ, en tout cas, la mort biologique a changé de visage. Il ne nous est pas interdit de penser : « Isaïe ne croyait pas si bien dire ! »
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Compléments à Isaïe 25
- Ce texte fait partie de ce qu’on appelle « L’Apocalypse d’Isaïe » (chap. 24-27). Quatre chapitres qui sont comme une vision de la fin du monde. Par avance, le prophète nous « dévoile » (c’est le sens du mot Apocalypse) les événements de la fin de l’histoire. D’ailleurs le chapitre 25, dont est tiré le passage d’aujourd’hui commence par une action de grâce : « SEIGNEUR, tu es mon Dieu, je t’exalte et je célèbre ton Nom, car tu as réalisé des projets merveilleux, conçus depuis longtemps, constants et immuables (25, 1). Là, le prophète parle au passé, comme si nous étions déjà parvenus à la fin de l’histoire et, comme s’il se retournait en arrière, il dit « Tu as réalisé des projets merveilleux, conçus depuis longtemps, constants et immuables ».
- « Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples » (verset 7) : le voile qui est traduit ici « voile de deuil » pourrait se traduire également le « voile d’ignorance » (celui qui empêche de voir et de comprendre). cf Is 29, 10-12 ; 2 Co 3, 12-18.
- « Sur sa montagne » : l’expression désigne Jérusalem. Puisqu’il n’entrevoit pas encore d’horizon autre que terrestre, on ne s’étonne pas qu’Isaïe situe l’avenir à Jérusalem, puisque c’est le lieu de la Présence de Dieu au milieu de son peuple.
HOMÉLIE 28E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
11 octobre, 2014http://www.homelies.fr/homelie,,3983.html
28E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
DIMANCHE 12 OCTOBRE 2014
FAMILLE DE SAINT JOSEPH
HOMÉLIE – MESSE
« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils » : voilà qui devrait nous rassurer quant aux intentions de Dieu à notre égard ! Conformément au protocole, ceux qui avaient eu l’honneur d’être « invités », sont avertis très officiellement par les serviteurs du roi que le grand jour est enfin arrivé. Stupéfaction : ils refusent de venir ! Chacun d’eux poursuit ses occupations comme si de rien n’était ; certains même passent leur mauvaise humeur sur les pauvres émissaires du roi, trahissant ainsi la vraie raison de leur refus : ils n’ont aucune envie de partager la joie d’un roi pour lequel ils nourrissent plutôt du mépris, du ressentiment, voire de la haine. Aussi la réponse ne se fait-elle pas attendre et les présomptueux vont payer très cher leur insoumission.
On pourrait objecter que la réaction du roi ne fait qu’entretenir la spirale de la violence ; s’il représente Dieu nous avons intérêt à nous tenir à l’écart ! Mais cette interprétation ne respecterait pas le genre littéraire utilisé par Jésus : le sens d’une parabole ne se livre pas au terme d’une étude analytique ; il jaillit plutôt d’une saisie d’ensemble du récit, sur l’horizon annoncé par le narrateur. Dieu à vrai dire n’a pas besoin de sévir contre ceux qui lui résistent : en refusant d’entrer dans la fête en réponse à son invitation, ils choisissent eux-mêmes de demeurer sous « le voile de deuil qui les enveloppe et sous le linceul qui les couvre » ; car c’est à ce banquet de noces où il fait alliance avec son peuple, que « le Seigneur effacera l’humiliation de la mort, et essuiera les larmes sur tous les visages » (1ère lect.). Dieu est le Seigneur de la vie, et il désire la donner en partage à ceux qui s’approchent de lui pour la recevoir ; mais ceux qui refusent de répondre à son appel, s’enferment eux-mêmes dans les ténèbres de la mort.
Cependant, cet échec ne décourage pas le roi, qui tient absolument à ce que la salle de noce soit bondée ! Puisque ceux qui étaient invités de longue date n’ont pas voulu répondre à l’appel, faisant eux-mêmes la preuve de leur indignité, il se tourne vers le tout-venant parmi ses sujets. Il envoie ses serviteurs « à la croisée des chemins », les chargeant d’inviter tous ceux qu’ils rencontreraient, sans faire de tri entre « les mauvais et les bons ». On devine sans peine la surprise de ceux-ci ! Le stratagème semble réussir puisque les serviteurs parviennent à remplir la salle de ces convives improvisés.
Qui sont-ils dans la perspective de cette parabole qui nous parle des conditions d’accès au Royaume ? Si nous identifions les invités au peuple élu, alors le « tout venant » ne peut rassembler que les païens de tout bord, c’est-à-dire les hommes en attente de la Révélation, qui errent sur des chemins sans issue depuis que le péché les a égarés loin de Dieu. Aussi le récit aurait-il pu se terminer ici – comme c’est d’ailleurs le cas dans l’Evangile de Luc – annonçant que l’échec de la prédication de Jésus auprès des juifs, ouvrirait aux nations les portes du Royaume.
Or voici que Matthieu fait mémoire d’un troisième volet, tout à fait inattendu, de la parabole : après le refus des invités de la première heure, l’accueil improvisé des passants, l’épisode du vêtement de noce semble en effet en contradiction avec ce qui précède. Jésus ne vient-il pas de préciser que la salle rassemblait « les mauvais comme les bons » interpellés sans discernement le long de la route ? Ces invités de dernière minute, rassemblés à la hâte, qui n’ont pas eu le temps de se changer pour venir à la fête, comment le roi peut-il exiger qu’ils portent un « vêtement de noce » ? La logique interne du récit nous invite à nous élever à une interprétation symbolique de ce fameux habit, qui conditionne la participation aux réjouissances. Disons que quelque chose différencie cet homme des autres convives et c’est ce « quelque chose » qu’il s’agit de préciser.
« Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce ? » L’entrée en matière est plus que bienveillante de la part d’un roi s’adressant à un quelconque de ses sujets. L’étonnement du Maître de maison est sincère et sa question attend une réponse. Aussi la surprise ne fait-elle que croître devant le silence de cet individu, qui ne tente même pas de balbutier une quelconque excuse. Son silence résonne comme un refus de dialogue, et par le fait même, il révèle la vraie nature du fameux « vêtement de noce » manquant. L’invitation ne consistait pas seulement à consommer le repas destiné aux invités de la première heure, pour éviter que la nourriture ne se perde ; l’appel adressé par le roi était une invitation à entrer dans son intimité en devenant l’ami de l’Epoux. Le vêtement de noce symbolise l’homme nouveau, engendrée dans la foi au Fils, dont le Père célèbre les noces avec l’humanité réconciliée. Le silence de cet homme trahit qu’il n’est pas « né de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3, 5), et ne participe pas à l’hymne d’action de grâce qui jaillit du cœur des rachetés : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : (en son Fils, Jésus-Christ) il nous a sauvés ! » (Is 25, 6-9).
Ce que Jésus présente dans la parabole comme une sanction prononcée par le roi, n’est en fait que l’explicitation des conséquences de nos propres choix : en refusant d’entrer en relation avec Dieu notre Père, nous nous enfermons nous-mêmes dans le mutisme et la solitude ; en refusant d’entrer dans sa joie, nous nous murons dans la tristesse, nous nous enfonçons dans les ténèbres, nous nous condamnons « aux pleurs et aux grincements de dents ».
« Voilà : tout est prêt : venez au repas de noce » : aujourd’hui retentit à nouveau à nos oreilles cet appel pressant du Seigneur. Saurons-nous saisir cette opportunité qui nous est offerte et accepter l’invitation ? Mais n’oublions pas l’habit de noce : pour nous en revêtir, il faudra peut être nous désencombrer de quelques vêtements inutiles ! Sachons comme Saint Paul, « vivre de peu » en ce monde qui passe, en veillant à « avoir tout ce qu’il nous faut » (2nd lect.) dans le monde à venir. Il est un temps pour « aller à son champ et à son commerce » ; et il est un temps pour répondre à l’appel du Roi qui nous invite à le rencontrer au banquet des noces de son Fils. Heureux les invités au festin du Royaume !
« Seigneur tu m’invites à “habiter ta maison pour la durée de mes jours” et je n’en aurais cure ? “Tu prépares la table pour moi” et je la bouderais ? Tu m’invites à entrer dans ta joie, et à “me reposer sur des prés d’herbe fraîche”, et je resterais enfermé dans mes tristesses ? “Tu es le berger qui me fait revivre” et je serais complice des ténèbres et de la mort » (Ps 22,23) ? Que ta Parole me réveille de mes torpeurs, qu’elle ouvre mes oreilles à ton appel : “Tout est prêt : venez au repas de noce” ; qu’elle me donne la force de m’arracher à mes inerties, dans la certitude que “je peux tout supporter avec celui qui me donne la force” ; et que je te rende grâce de tout mon cœur en proclamant à pleine voix : “Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen !” (2nd lect.)
Père Joseph-Marie