20. MÉTHODE DE TRAVAIL DE PAUL
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20. MÉTHODE DE TRAVAIL DE PAUL
Nous pouvons nous demander si Paul avait une méthode de travail qu’il utilisait de façon systématique dans ses voyages missionnaires. Bien qu’il n’eût pas toujours un plan déterminé, il savait bien ce qu’il voulait et où il allait. Nous retrouvons deux constantes dans ses déplacements.
Juifs priant à la synagogue
Juifs de la diaspora
priant dans une synagogue.
Paul y retrouvait
une ambiance familière.
En premier lieu, il suivait le chemin des émigrants juifs, ceux qu’on appelait les Juifs de la diaspora. Des colonies étaient établies dans différentes villes de l’empire romain et avaient développé tout un réseau de synagogues. Cela permettait à Paul de retrouver rapidement une ambiance familière.
Ensuite, il choisissait les endroits où il pouvait exercer son métier. Cela lui permettait de vivre au milieu d’artisans laborieux, de les mieux connaître et de rester indépendant au point de vue financier. Barnabé agissait de la même manière.
En arrivant dans une ville, Paul et Barnabé se rendaient dans le quartier juif et y cherchaient du travail. Selon la coutume orientale, on les recevait dans la communauté, et Paul commençait tout de suite à exercer son métier de tissage. Les jours de sabbat, les deux missionnaires se rendaient à la synagogue.
La loi impériale interdisait de prêcher ouvertement une nouvelle religion (religio illicita). Seule la Synagogue avait la permission expresse de faire des prosélytes. Ceci favorisait les chrétiens car pendant des dizaines d’années, les non-Juifs ne distinguaient pas entre le christianisme et le judaïsme. Ça leur semblait être la même religion.
Dans le quartier juif d’Antioche, le jour du Sabbat, tous les bazars étaient fermés. De nombreux Juifs et de nombreux «craignant-Dieu» (sympathisants non-Juifs) se rendaient à la synagogue. Au-dessus de la porte d’entrée, on voyait deux branches d’olivier encadrant l’inscription : «Temple des Hébreux.» Dans le sous-sol étaient aménagées des salles de bain. Quiconque avait touché à de la viande interdite ou à un cadavre, devait d’abord faire les ablutions de purification rituelle. À l’étage, il y avait la salle de prières, où se dressait le candélabre à sept branches. Au milieu de la salle se trouvait le pupitre de lecture et, derrière un rideau, on conservait les rouleaux de la Bible. Pendant les prières et les réflexions, les femmes étaient assises sur le côté, derrière une grille de bois.
Paul prêchant à la synagogueLa nouvelle de l’arrivée de deux scribes se répandit rapidement. Paul et Barnabé portaient le manteau blanc et brun (le talith) qui les distinguait des prosélytes. Paul se présenta comme docteur de la Loi et Barnabé comme lévite. Après la lecture du texte des Écritures, on invita Paul à adresser la parole à l’assemblée.
Ben-Chorin, un écrivain Juif, estime qu’il était conforme à la tradition d’inviter Paul, un disciple de Gamaliel, à prononcer la réflexion du jour. Il commence alors par présenter une interprétation traditionnelle de l’Écriture; puis il annonce le message de Jésus, ce qui est régulièrement ressenti comme un scandale par ses auditeurs juifs.
Paul disposait d’un double schéma de prédication missionnaire : le premier à l’usage des Juifs, l’autre à l’usage des non-Juifs. Dans les Actes des Apôtres (13, 15) Luc nous a conservé les grands traits d’une réflexion missionnaire adressée à un public de synagogue.
Tous les jours de sabbat, les Juifs lisaient le Psaume 22. Ils le savaient par coeur et le considéraient comme un psaume messianique. L’ancêtre inspiré a peint, mille ans avant Paul, un tableau grandiose des souffrances du Messie. C’est le psaume que Jésus a récité sur la Croix : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Ps 22, 2)
Faisant référence à ce psaume, Paul disait aux Juifs que ce n’est pas leur rêve de domination mondiale que le Messie réalisera, mais cet autre rêve des prophètes : la conversion et la réunion de tous les peuples et la constitution du royaume universel de Dieu, à travers les souffrances du Messie. Le psaume 22 se termine par cette vision d’avenir : «Toutes les extrémités de la terre se souviendront et se tourneront vers Yahvé. Toutes les familles des nations païennes se prosterneront devant sa face. Car au Seigneur appartient l’empire, et il domine sur les nations.»
L’affrontement est dû au
fait que Paul semble
déprécier la Loi de Moïse
et que, d’autre part,
il prône l’égalité absolue
entre païens et juifs,
ce qui revient à supprimer l’Élection d’Israël.
Dans son exposé, Paul en appelle à l’expérience intime de chacun : «Vous savez bien que la Loi de Moïse ne vous a pas rendus justes (ne vous a pas justifiés). C’est en Jésus que vous trouverez la rémission des péchés, la paix et la réconciliation avec Dieu.»
Paul s’aventurait en terrain miné en affirmant que la Loi de Moïse comportait des limites et que ces limites pouvaient être franchies ? Un seul l’avait fait avant lui : Etienne, et on l’avait mis à mort. Non seulement Paul lui emboîte le pas mais il va encore plus loin.
Les lettres de Paul sont pleines de citations qu’il puise dans la version grecque de la Septante. Il a été le premier à qualifier les Écritures «d’Ancien Testament» (2 Co 3, 14). Il a compris que le Christ était venu accomplir la promesse. Pour lui, le christianisme est dans la continuité de cette histoire extraordinaire du salut qui a commencé avec Abraham et qui s’est réalisée en Jésus Christ.
Les discours de Paul a l’habitude de remuer profondément ses auditeurs, Juifs et Païens. À Antioche de Pisidie, on en parle tout au long de la semaine, et le samedi suivant, la synagogue est pleine à capacité. Au milieu des païens avides d’écouter les prédicateurs étrangers, les juifs se découvrent en minorité et ils sont furieux : «À la vue de cette foule, les Juifs furent pris de fureur, et c’était des injures qu’ils opposaient aux paroles de Paul. Paul et Barnabé eurent alors la hardiesse de déclarer : C’est à vous d’abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. Car tel est bien l’ordre que nous tenons du Seigneur: «Je t’ai établi lumière des nations, pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre». (Actes, 13, 44-46)
Selon Ben-Chorin, «si Paul s’était contenté d’annoncer le Messie en la personne de Jésus de Nazareth, il n’aurait pas provoqué un tel conflit avec la synagogue. L’affrontement est dû au fait que d’une part, il semble déprécier la Loi de Moïse et que, d’autre part, il prône l’égalité absolue entre païens et juifs, ce qui revient à supprimer l’Élection d’Israël.» Paul explique que la situation privilégiée d’Israël a joué son rôle, mais avec la venue du Christ, elle a pris fin. Ce n’est pas l’appartenance au peuple élu qui décide du salut, mais la foi en Jésus Christ. Le Messie est venu pour renverser le mur qui séparait les Juifs et les païens : «Dans le Christ il n’y a pas de différence entre Juifs et païens, entre hommes libres et esclaves, entre hommes et femmes.»
Paul et Barnabé ne cessent de marquer des points et la colère des juifs atteint son paroxysme. Les femmes se montrent les plus exaltées. Elles assaillent de leurs plaintes les notables de la ville. Le résultat ne se fait pas attendre : c’est aux faiseurs de troubles que s’en prennent les dirigeants. Ils sont chassés de la ville. «Ceux-ci, ayant secoué contre eux la poussière de leurs pieds, gagnèrent Iconium ; quant aux disciples, ils restaient remplis de joie et d’Esprit Saint.» (Actes 13, 51-52)
Parmi les chrétiens, Paul est celui qui a le mieux compris l’esprit universaliste du Christ. Pour avoir prêché le salut pour tous, il sera persécuté comme apostat et la haine de son peuple le poursuivra sans relâche, partout où il ira.
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