Archive pour septembre, 2014

HOMELIE 23E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – DIMANCHE 7 SEPTEMBRE 2014

5 septembre, 2014

http://www.homelies.fr/homelie,,3948.html

HOMELIE 23E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – DIMANCHE 7 SEPTEMBRE 2014

FAMILLE DE SAINT JOSEPH SEPTEMBRE 2014

Le passage que nous venons d’entendre est extrait de l’instruction sur la vie communautaire que le Seigneur prodigue au groupe de compagnons qu’il a appelés à sa suite. Aussi pour ne pas faire de contresens, situons-le dans la perspective des versets précédents. Jésus y mettait longuement et sévèrement en garde contre toute forme de scandale qui ferait trébucher un de ceux qui ont mis en lui leur foi.
On se souvient des invectives très fortes, hyperboliques, qui parlent d’elles-mêmes : « Quiconque entraîne la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule et qu’on le précipite dans l’abîme de la mer » (Mt 18, 6). La raison de cette véhémence ? « Votre Père qui est aux cieux veut qu’aucun de ces petits ne se perde » (18, 14). Jésus veille comme un berger sur le troupeau de son Père, et exige que nous soyons particulièrement attentifs à n’être pour personne cause de chute.
Mais comme il est hélas inévitable qu’il y en ait (18, 7), le Seigneur nous invite dans le passage proclamé aujourd’hui, à tout mettre en œuvre pour aider le frère malheureux à se relever. Ainsi la charité doit être non seulement prévenante, il faut qu’elle soit aussi guérissante. En tout ce qu’elle entreprend, elle doit viser non seulement à la construction de la communauté dans l’unité, mais aussi au maintien de sa paix, en la gardant dans la vérité de l’Evangile. Et ceci ne vaut pas que pour les communauté paroissiales ou religieuses : nous portons cette responsabilité au cœur de tous les groupes humains que nous fréquentons : familiaux, professionnels, associatifs.
« Votre Père veut qu’aucun de ces petits ne se perde » : voilà la motivation des démarches que nous sommes invités à faire en vue de la réintégration de l’égaré. La raison de nos efforts n’est donc pas de faire du nombre, de remplir nos Eglises, ni de faire du prosélytisme ; mais uniquement l’amour du Père, et dès lors, l’amour de ses petits qui en lui sont nos frères.
Tel est l’amour vrai, celui qui procède de Dieu et conduit à Dieu ; l’amour « qui accomplit parfaitement la Loi » comme le soulignait saint Paul dans la seconde lecture (Rm 13, 8-10), et qui l’accomplit en réalisant le souhait le plus cher de Jésus : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21). Telle est la charte de toute vie communautaire : « Gardez l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,3), selon un autre précepte de Saint Paul. C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour protéger de la chute ceux dont nous avons la charge, et pour les aider à se relever s’ils sont tombés, afin qu’ils puissent reprendre la route sur le chemin de la vérité et de la vie.
L’opération « sauvetage » présente trois étapes, que le Seigneur prend soin de décrire en détail, ce qui souligne bien l’importance qu’elle revêt à ses yeux.
« Si ton frère a commis un péché » : le verset est apparemment contradictoire, car si le péché coupe le coupable du Père, il le coupe aussi des frères. Comment Jésus peut-il dès lors nous dire « Si ton frère a péché » ? L’expression suggère que du côté de Dieu, le pécheur reste son enfant malgré qu’il lui ait tourné le dos. Mais comme le Seigneur ne peut pas violer sa liberté et s’imposer à lui, il passe par la médiation de ses autres enfants : « Cet homme qui ne me reconnaît plus comme Père, demeure néanmoins mon enfant ; aussi, est-il toujours ton frère », nous dit le Seigneur qui ajoute : « je compte sur toi pour le ramener au bercail. Va lui parler seul à seul pour ne pas l’humilier en ébruitant l’affaire, et montre lui sa faute avec délicatesse. S’il t’écoute, tu auras “gagné ton frère” ; non pas pour toi, mais le gain sera pour lui d’abord, et pour la famille de Dieu, ton Père, qui te le revaudra.
S’il ne t’écoute pas, tu prendras avec toi – conformément au droit juif mentionné au livre du Deutéronome – une ou deux personnes pour éviter l’arbitraire. Peut-être ne t’es-tu pas bien exprimé ou n’as-tu pas compris le sens de son action : c’est son droit de faire appel à d’autres personnes pour vérifier le bien-fondé de ton interpellation. De mon côté je m’engage à donner le discernement à « deux d’entre vous qui se mettent d’accord » pour le demander, car mon Fils se tient au milieu de ceux qui se réunissent en son nom pour recevoir la lumière. Voilà pourquoi « tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel », non parce que le ciel se plierait à vos décisions, mais parce que je veillerai personnellement à la rectitude de vos jugements lorsqu’ils s’exercent dans la miséricorde. Ce n’est que si ce frère refuse encore de vous écouter que tu en parleras à la communauté, qui essayera à son tour de lui faire entendre raison. Et si là encore il résiste, celle-ci devra lui signifier que par son obstination, il s’est mis lui-même en dehors de la communion ecclésiale. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit rejeté, bien au contraire : il sera pour vous l’objet d’un amour de prédilection, comme les païens et les publicains envers qui j’ai toujours témoigné une sollicitude particulière. »
Nous pressentons à travers ces quelques versets, toute la délicatesse du Seigneur envers les brebis égarées et combien il compte sur chacun de nous pour les ramener dans le droit chemin : « Je fais de toi un guetteur », nous redit le Seigneur comme au prophète Ezéchiel (1ère lect.). Nous devons veiller jalousement les uns sur les autres, afin qu’aucun de ces petits que le Père aime et pour lesquels Jésus a versé son Sang, ne se perde.
A la question de Caïn « Suis-je le gardien de mon frère » (Gn 4, 9), Jésus répond sans hésiter : « Bien sûr, puisque je te l’ai confié ; comment pourrais-tu prétendre m’aimer, sans porter le souci de ceux que j’aime ? » La première lecture nous enseigne même que le salut du prophète dépend de l’exercice de son ministère : il ne « sauvera sa vie » que s’il a « averti le méchant d’abandonner sa conduite ». Entendons bien : le Seigneur ne rejette pas le prophète qui aurait failli ; mais l’indifférence de celui-ci trahirait qu’il n’est pas – ou qu’il n’est plus – en communion avec Dieu, « qui fait lever son soleil lui, sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les justes » (Mt 5,45).
« A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35), tout particulièrement pour ceux qui s’égarent, les pécheurs. A l’heure où le relativisme moral et le syncrétisme doctrinal s’est infiltré jusqu’au cœur de nos communautés chrétiennes, une telle attitude n’est guère facile à mettre en pratique. Le risque est grand de nous faire accuser de moralisme, de fanatisme, d’intolérance et que sais-je encore ! Pourtant la Parole de Dieu est claire : nos silences complices nous conduiraient à partager la responsabilité des égarés.
Que l’Esprit Saint nous éclaire : puissions-nous nous acquitter de « la dette de la charité fraternelle » (2nd lect.) avec douceur et compassion, afin que nos paroles édifient le Corps du Christ, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
« A chaque époque, Seigneur, tu donnes à ton Eglise les saints dont elle a besoin pour orienter et stimuler ses efforts. Bien qu’il ne soit pas encore béatifié, nous pouvons sans aucun doute dès à présent prendre le Pape Jean-Paul II comme modèle de l’évangélisateur de ce nouveau millénaire. Accorde-nous de nous inspirer de son exemple pour devenir “les sentinelles de l’aurore” (Toronto), qui avertissent, dénoncent, invitent à la conversion à temps et à contretemps – mais toujours dans la charité – ; qui encouragent, exhortent, soutiennent, accompagnent ; qui se donnent sans compter et n’ont de cesse que la brebis perdu ait retrouvé le chemin de la Bergerie du Père. »
Père Joseph-Marie

SAINT MOÏSE PROPHÈTE

4 septembre, 2014

SAINT MOÏSE PROPHÈTE dans images sacrée 30

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QU’EST-CE QUE LA TORAH ORALE ? (TORAH CHÉ BÉ ÂL PÉ)

4 septembre, 2014

LE LÉV GOMPERS
http://www.modia.org/lev-gompers/

QU’EST-CE QUE LA TORAH ORALE ?  (TORAH CHÉ BÉ ÂL PÉ)

http://www.modia.org/www.modia.org/lev-gompers/torah-talmud/torah-orale.html

par Yehoshua Ra’hamim Dufour

D’une part, conceptuellement, nous pouvons dire que la Torah orale est composée de différentes dimensions.
D’autre part, pour comprendre son fonctionnement, il faut saisir toutes ces dimensions simultanément, en une seule dynamique vivante.

Les différentes dimensions de la Torah orale
1. La Torah orale est l’une des deux composantes de la révélation qui a été transmise à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï (an 2448 après la création)
La preuve traditionnelle en est donnée dans la Torah écrite elle-même ; dans le livre de Chémote, Exode 34, 27, il est écrit :
ki âl pi haddévarim haéllé karati itékha bérite vé éte Yisrael
car (âl pi, par) par ces paroles j’ai conclu une alliance avec toi et avec Yisrael.
L’importance majeure de cette phrase est manifeste quand nous savons qu’elle est mise, précisément, en tête de leur présentation de la Torah orale ou du talmud aussi bien par
- le Séfér Hakkéritoute,
- le Chla dans Torah che bé al pé, Torah orale, ouvrage inséré dans les Chnéï Lou’hote Habbrite,
- Rabbénou Yossef Qaro dans ses Klaléï Hagguémara, etc.
Essayons de découvrir ce que nous dit cette expression âl pi.
Les deux composantes (parole et écrit) sont indiquées en ce verset car l’expression âl pi (qui signifie par) veut dire littéralement : sur la bouche, par la parole orale. A partir de la condensation de ces deux significations (révélation de la Torah et « sur la bouche »), le Chla présente tout l’ensemble des règles qui permettent de lire et de comprendre le talmud. Il répartit ces règles selon l’anagramme de chacune des lettres de ce verset, artifice pédagogique qui veut authentifier et fixer encore ce point de l’unité de la transmission de la Torah écrite et de la Torah orale.
Le côté oral de la Torah est rendu par la racine (pé, la bouche) indiquée dans le verset cité, mais il est rendu aussi dans l’expression disant que Moché Rabbénou a reçu la Torah par un processus de transmission qui s’est fait (pé él pé, bouche à bouche) ; il est dit ensuite que cette Torah a été transmise de génération en génération, et ainsi (kol é’had omér, chacun dit) ce qu’il a entendu de la bouche dans la chaîne de réception (chemouâto mi pi haqqabbala), chacun de la bouche de chacun (iche mipi iche).
Rachi appelle ce processus : la michna, c’est à dire « le processus continu d’enseignement traditionnel passant de bouche en bouche » et non seulement la michna comme « recueil » réalisé par Ribbi Yéhouda Hannassi.
Le traité Guittine 60 b se réfère également à l’idée de la conjonction de la Torah écrite et de la Torah orale : Moché Rabbénou a reçu en même temps à la fois les mitsvotes, et leur signification, comme le dira Maïmonide (kol mitsva bi féroucha, toute mitsva dans sa signification).
Ensuite, Moché Rabbénou a transmis à la fois la mitsva et sa signification à Yéhochouâ bine Noun (Josué) qui les a intégralement transmises par seule transmission orale aux zéqénim (anciens), eux-mêmes aux néviim (prophètes), eux ensuite aux Anechéï knésséte hagguédola (maîtres de la Grande Assemblée) et ceux-là aux maîtres de la michna (les zougotes puis les tannaïm, puis les amoraïm, puis les savoraïm, puis les guéonim, etc.. Cette partie de la transmission peut être l’objet de la compréhension par la réflexion (dérékh sévara), grâce aux 13 middotes ou règles particulières d’analyse et d’interprétation (dérékh îyoune).
L’instance qui établissait officiellement le contenu de la Torah ché bé âl pé était le Grand Sanhédrine de Jérusalem et, tant qu’il existait, il n’y avait pas de querelles sur ces questions.

2. La Torah orale explicite la Torah écrite
Donnons un exemple : dans le livre de Dévarim (Deutéronome 12, 21), il est écrit :
vézava’hta mibékarékha… kaachér tsivitikha
tu pourras tuer ton bétail de la manière que je t’ai prescrite.
Or cette manière de la tuer, la ché’hita, comme le souligne Rachi, n’est pas décrite dans la Torah ; donc la Torah écrite indique bien par là
- qu’il y a d’autres éléments révélés que ceux qui nous ont été transmis explicitement par la Torah écrite,
- qu’ils sont, de plus, liés à cette Torah écrite, puisqu’elle-même s’y réfère,
- qu’ils ont été transmis de génération en génération, et sont enseignés et pratiqués par transmission jusqu’à aujourd’hui.
Un autre exemple célèbre est celui de la prescription concernant le fruit utilisé dans le loulav pour faire les bénédictions lors de la fête de Souccote. Le texte de la Torah écrite (Vayiqra, Lévitique 23, 40) parle seulement du « fruit de l’arbre de beauté » : péri êts hadar. On sait qu’il s’agit de l’étrog, uniquement par la transmission orale, qui en a été faite à Moché Rabbénou et qu’il a transmise à son tour.
Ces types d’éléments constituent une partie de ce que l’on appelle la Torah orale, qui complète donc la Torah écrite. Le Sifré précise ce principe (c’est un middrache halakha due à Ribbi Chimeône dans la tradition de Ribbi Âqiva).
On verra par ailleurs que cette Torah orale ayant également été mise par écrit (michna) à une certaine époque, le terme « orale » (béâl pé) ne doit donc pas créer une erreur consistant à croire qu’elle n’est pas mise par écrit jusqu’à nos jours.

3. La Torah orale fournit les applications de la Torah écrite
L’exemple précédent nous a montré aussi que la Torah orale concernant la ché’hita (abattage rituel) comporte des applications pratiques des grands principes de la Torah écrite. Sans cette sorte d’éclairage, de nombreux passages de la Torah écrite seraient inapplicables. Ce recueil de la tradition orale, donnant les détails pratiques de l’application dans l’action, est ce que l’on appelle la halakha, qui vient donc également de Moché Rabbénou15.
Rav Lévi bar Hama, au nom de Réche Laqiche, explique cela exactement dans le traité Berakhote 5a, après avoir posé la question :
« Pourquoi est-il écrit dans la Torah (Chémote, Exode 24, 12) : et je te donnerai les tables de pierre et la Torah et la mitsva que j’ai écrites pour qu’on les enseigne ? »
Le talmud détaille ainsi la signification de toutes les parties de ce verset :
a)
lou’hote éllou âsséréte haddibérote
« les tables », ce sont les dix paroles,
b)
Torah zé miqra
« la Torah », c’est l’Écriture,
c)
véhammitsva zo michna
« et la mitsva », c’est la michna,
d)
achér katavti éllou néviim oukhétouvim
« que j’ai écrites », ce sont les prophètes et les écrits hagiographiques,
e)
léhorotam zé guémara
« pour les enseigner », c’est la guémara (et Rachi commente souvent :
la réflexion sur ce qui fonde les mitsvotes, c’est la guémara),
f)
mélaméd chékoulam niténou léMoché misinaï
« enseigne », c’est que tous furent donnés à Moché depuis le Sinaï ».

4. La Torah orale, seule, apporte certaines précisions
Parfois, de nombreux passages de la Torah écrite seraient incompréhensibles en eux-mêmes, comme les totafote ou « téfilines de la tête » (Chémote, Exode 13, 16 et Dévarim, Deutéronome 6, 8), sans l’explication reçue de la tradition, qui se base sur l’origine du mot. Bien souvent, Rachi fournit cette explication recueillie auprès de la tradition orale, par l’enseignement qu’il en a reçu ou tel qu’il est transcrit dans les middrachim, dans le Middrache Tan’houma par exemple, qu’il cite souvent. Cette dimension de la Torah orale est d’éclaircir la Torah écrite et de montrer les nombreuses applications d’un passage qui, de prime abord, ne semblait pas explicite dans la Torah :
miqra mouât véhalakhote méroubote
de l’Ecriture un peu et des halakhotes nombreuses.

5. La Torah orale éclaire sur des prescriptions non écrites
Par ailleurs, certaines prescriptions ont été transmises oralement depuis Moché Rabbénou sans qu’il y ait de support à cette prescription dans le texte écrit ; on parlera alors techniquement de
halakha léMoché missinaï
prescriptions de Moché depuis le Sinaï.
Il s’agit d’une transmission qui ne peut se rencontrer ni par la lecture du texte de la Torah (mine hakkatouv) ni par la réflexion logique (dérékh sévara).
Si la Torah écrite est la Torah fixée en lettres sur les rouleaux de la Torah, la Torah orale est, donc, fixée directement dans le souvenir, les actes et les paroles des Juifs. De plus, ils sont la matière vivante de sa transmission. Des traditions nombreuses et différentes ont ainsi été transmises (‘Haguiga 12) et nous verrons que plusieurs maîtres avaient déjà entrepris de les recueillir avant que Ribbi Yéhouda Hannassi ne décidât de recueillir « toutes » les traditions de la Torah orale.

6. La Torah orale nous donne les middote ou règles de compréhension
La Torah orale inclut aussi la tentative de compréhension de la Torah écrite telle qu’elle découle de la mise en œuvre des règles traditionnelles d’interprétation du texte. Ces règles, les middote, ne sont pas établies par les lecteurs mais elles ont été mises au point, recensées ou transmises par les grands maîtres : ce sont les 7 règles de Hillel (chéva middote chél Hillel), les 13 règles de Ribbi Yichmâel (chloche esré middote), qui sont elles-mêmes en liaison, souligne le Chla, avec les 13 démarches de D-ieu (chloche êsré middote chél Haqqadoche baroukh Hou), les 32 règles de Ribbi Éliêzér, fils de Ribbi Yossi Haggalili (chlochim ouchtayim middote), les 27 règles du Chla. Nous reviendrons sur ces règles.
La mise en jeu de ces règles de lecture et de compréhension n’a pas encore épuisé tout son potentiel, c’est l’œuvre de toutes les générations. Elle demande avant tout une connaissance fine et rigoureuse de la technique de ces systèmes d’interprétation.
Ces règles ne sont pas des artifices d’interprétation mais elles dévoilent la connaissance de la logique interne du texte révélé, qui est bâti selon des règles précises ; ce sont des règles de compréhension exacte.
Une partie très importante de la guémara est constituée par ces tentatives d’interprétation réalisées par les grands maîtres, leurs débats à ce sujet (souguiyote) et leurs contestations des tentatives des collègues, ceci dans le but d’être fidèles au texte. Pour cela, ils utilisent très souvent ces mêmes règles traditionnelles communes. Leur débat n’est donc pas une querelle d’Écoles mais une discussion exigeante par sa rigueur qui est « disputation orientée vers la volonté du Ciel » :
ma’hloqéte léchém chamayim.
Ces middotes, de par leur complexité, demandent un exposé séparé ; il sera présenté plus loin, de même que les règles des (souguiote, débats talmudiques). Comme il y a une gradation dans la force contraignante des différentes middotes, une grande place est laissée au débat, à la confrontation des opinions (ma’hloqète).

7. La Torah orale nous transmet les divréï sofrim
Les divréï sofrim sont les prescriptions formulées par les Sofrim ou Sages experts en toutes les lettres de la Torah, depuis Moché Rabbénou jusqu’à la fin de la rédaction de la michna.
Leurs préceptes, exprimés avec la plus grande minutie, ne sont pas des inventions ni des exercices de rhétorique mais
- ils constituent une formulation des préceptes de la Torah,
- auxquels ils ajoutent aussi des preuves explicites tirées de la Torah.
Le Maharal de Prague estime ce point si important qu’il le précise dès le début de son Béer Haggola, Le Puits de l’exil.
Pour faire comprendre que tout l’édifice de leurs explications n’est pas une broderie autour de la Torah, le talmud dit que
- D-ieu a montré à Moché Rabbénou tout ce que ces Sages apporteraient ultérieurement comme précisions sur la Torah (diqdouqéï sofrim, les précisions des sofrim) ;
- leurs apports sont à respecter plus encore que ce que l’on peut comprendre directement de la Torah, au point que leur transgression est mortelle (voir Méguila 19 b).

8. La Torah orale nous transmet le middrache
Cette formulation est une extension du point précédent. Le middrache est un travail exégétique approfondi sur le texte pour en tirer des interprétations solides, qui ne sont pas évidentes à première lecture. Un témoignage ancien nous est donné en Néhémie 8, 8 : « Ils faisaient la lecture de la Torah de Moché Rabbénou d’une manière distincte et en indiquaient le sens de sorte que l’on comprit le texte » (Qiddouchine 37 b).
On parle ainsi de Sages qui étaient des darchanim guédolim, grands interprètes. Leur activité s’étendait spécialement aux parties de la Torah qui ne sont pas prescriptives en mitsvotes mais davantage centrées sur l’exhortation, la signification et la morale, ce que l’on appelle la haggada (avec un alef en début de mot, et non un avec un hé comme dans la haggada de Pessa’h).
On y ajouta aussi des thèmes de cette nature, qui entouraient les discussions centrées sur la halakha. Ils sont l’œuvre de Sages nommés rabbanane di aggadata. Ceux qui ont collecté ces haggadote ont reçu le nom de méssadér aggadta, comme Rabbi Chimeône ben Pazzi (traité Bérakhote 10 a).

Les principaux recueils de ces nombreux middrachim sont :
- le Béréchite Rabba, qui commente tous les versets du livre de la Genèse, dû à Ribbi Hochaya, amora du 3e siècle de l’ère actuelle ; des recueils plus récents furent groupés également pour les autres livres de la Torah ;
- la Mékhilta sur Chémote, le livre de l’Exode, due à l’École de Ribbi Yichmâel et Ribbi Âqiva ;
- le Sifra, ou Torahte Cohanim sur Vayiqra, le livre du Lévitique, dû à l’École de Ribbi Âqiva, de l’époque de Rabbi et de Ribbi ‘Hiya.
- le Sifré sur Bamidbbar, le livre des Nombres, dû à l’École de Ribbi Yichmâel et de Ribbi Âqiva ;
- le Sifré sur Dévarim, le livre du Deutéronome, composé à la fois de halakha et de haggada et dû à l’École de Ribbi Yichmâel et de Ribbi Âqiva ;
- le Middrache Tan’houma ou Tan’houma Yélamdénou (sur l’ensemble de la Torah) concerne la halakha, l’exégèse et l’exhortation. Rachi y a puisé de nombreuses interprétations.
- les middrachim sur les livres de Eikha, Lamentations, Isaïe, Jonas, Job, Cantique des Cantiques (Chir hacchirim), Ruth, Esther… ;
- les Pirqéï de Ribbi Éliêzér qui dépeignent les merveilles de D-ieu dans la création et dans l’histoire de son peuple ; ils sont antérieurs à la rédaction de la michna.

De nombreux autres recueils de middrachim existent également.

9. La Torah orale nous transmet les séyagim, haies.
La guémara consacre une partie de son propos à la discussion de mesures pertinentes à prendre dans la vie quotidienne pour qu’elle soit vécue selon la Torah et elle constate qu’il y a nécessité d’ajouter aux prescriptions explicites de la Torah des « haies » de protection autour de la Torah : séyag la Torah ; c’est-à-dire placer des haies à proximité de choses interdites par la Torah pour que le Juif parvienne à s’en préserver. Cette préoccupation ne relève pas d’une tendance naturelle à la fermeture de la part de tout groupe spécifique qui s’enclôt sur soi-même en multipliant les interdits, ni même d’une sagesse particulière mais, comme l’explicite le traité Yevamote 21 a, d’une prescription inscrite dans le texte même de la Tora. En effet, dans Vayiqra (Lévitique 18, 30) il est écrit :
ouchémartém éte michmarti
gardez mes observances.
La fonction de ces haies est d’aider l’homme à éviter la transgression. Il va de soi que si des humains peuvent construire des haies pour protéger la Tora écrite, ils ne peuvent pas mettre des haies pour protéger à leur tour celles-là, qui ne sont plus d’origine divine.
On formule ce principe en disant :
éïn gozérim guézéra laguézéra
on ne rajoute pas de haie à la haie (‘Houline 104 b).
Ce sont les prophètes (néviim) puis les Sages (‘hakhamim) de la Grande Assemblée qui, parmi les trois prescriptions qu’ils établirent, fixèrent les principales haies, comme il est écrit dans le traité des Pères 1, 1. Ils les nommèrent guézérote, coupures. Les Sages des différentes époques ont continué à élaborer ces mesures adaptées aux conditions de chaque génération.
En ce sens, on parle aussi de Massoréte sayag la Torah à propos de la tradition qui règle la façon d’écrire le texte de la Torah dans les moindres détails (ibid. 3, 13).
Un principe important est qu’une haie n’est prescrite que lorsque la majorité du peuple peut l’appliquer (Baba Qama 60 b).

10. La Torah orale comprend aussi le nistar
La guémara apporte également, avec discrétion, des indications sur le sens le plus profond, le plus caché de la Torah, le nistar, comme dans le traité ‘Haguiga 13. Elle précise alors comment doit se faire cet enseignement, à un seul élève, en petit groupe ou en public, suivant l’importance du sujet.
Concernant ce nistar, une question est souvent discutée : celle de savoir si l’urgence ou les périls de la destruction de la communauté juive ne rendraient pas obligatoire l’enseignement de cet essentiel. D’autres apportent un critère supplémentaire : l’urgence viendrait du fait que l’on se rapprocherait de la fin des temps espérés.

11. La Torah orale comprend aussi les minhaguim
La guémara inclut également la description d’us et coutumes (minhaguim ; minhag, au singulier) dont, à première vue, il n’est pas toujours clair de savoir s’ils sont référés à la Torah ou non. Cette question touche à la plus vive sensibilité populaire car toute coutume est la forme la plus affective du lien entre les générations familiales :
minhag avotéihém béyadéhém
le minhag des ancêtres est dans leur mains (Chabbate 35, Erouvine 104…),
ce qui sous-entendrait que les descendants ne peuvent le modifier, argument qui est souvent invoqué pour défendre sa propre pratique. Abbayé l’amora emploie la formule naqtinane (est admis chez nous) pour indiquer qu’il va donner à l’appui du problème une tradition de halakha reçue de sa tradition, et Rachi le précise :
massoréte avotéinou, minhag avotéinou
la tradition transmise par nos pères, de génération en génération (Erouvine 5 a).
Les Sages ont été sensibles au risque d’immobilisme ou de transmission de coutumes erronées qui pouvait en découler car la fidélité affective à des erreurs récentes des dernières générations peut ainsi conduire à des traditions nouvelles contraires à la Torah ; c’est pourquoi les Sages ont apporté des règles sûres et faciles à comprendre pour trier le pur de la fantaisie crédule ou de l’imitation des coutumes locales, surtout quand elles invoquent le principe mal compris :
minhag mévatél halakha
la coutume annule la halakha (Yébamote, Jérusalem 12).
En fait, ce principe exact ne s’applique que pour un minhag qui est « antique ».
Le Séfér Hakkéritoute (4, 3, 19) le dit explicitement :
minhag ché amrou ché mévatél halakha minhag vatiqine
un minhag dont on dit qu’il annule la halakha est le minhag ancien ;
et ce n’est pas seulement celui que l’on a vu pratiquer soi-disant « depuis toujours ».
Et le Séfér Hakkéritoute ajoute nettement et délicatement l’adage :
aval minhag ché eïn lo réaya mine hattorah eïno élla kétoêh béchiqoul haddaâte
mais le minhag qui n’a en lui rien de la Torah n’est rien d’autre qu’une faute de jugement.
Donc, seul un talmid ‘hakham (disciple des Sages) instruit dans toute la tradition de la Torah et dans l’histoire de la tradition d’une communauté particulière peut se prononcer sur ces questions, et les particuliers confrontés à ce problème ne doivent pas s’en référer à leur seule fidélité affective ni à leur jugement insuffisamment éclairé. On ne peut se permettre de se tromper en ce qui concerne la Torah elle-même.
Le Rav Ôvadia Yossef, Richone létsione, chalita, recense 24 règles s’appliquant aux minhaguim (pages 17-19 du tome 1 de Yé’ahavé daâte), dont celles-ci :
- ce que la Torah permet, si on y applique des interdits, ils viennent des rabbins (talmidéï ‘hakhamim, posseqim) et ce ne sont pas les particuliers qui ont la compétence pour se prononcer à leur sujet ;
- quand un minhag est en contradiction avec une prescription de la Torah, on ne peut pas lui appliquer la règle minhag mévatél halakha (le minhag annule la halakha) ;
- un minhag qui ajoute des interdits qui conduisent à faire des transgressions de la Torah, c’est une mitsva que de l’annuler, etc.
La technicité et la gravité du problème exigent donc une grande connaissance des règles en la matière.
En fait, la source de la majorité de ces coutumes diverses vient de la dispersion du peuple juif, car lorsque le Béit dine Haggadol existait à Jérusalem et assurait l’unité, il n’y avait pas de disputes au sujet de ces coutumes : il en établissait la validité et leur diversité éventuelle ne faisait que correspondre clairement aux différentes voies de la transmission.

Résumons l’ensemble de ces 11 paramètres de la Torah orale pour bien les mémoriser :
1. Elle est l’une des deux composantes de la révélation qui a été transmise à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï, et la Torah écrite et la Torah orale sont une seule Torah.
2. Elle complète la Torah écrite.
3. Elle fournit les applications de la Torah écrite.
4. Elle apporte certaines précisions.
5. Elle éclaire sur des prescriptions non écrites.
6. Elle donne les middote ou règles de compréhension.
7. Elle transmet les divréï sofrim.
8. Elle transmet le middrache.
9. Elle transmet les séyagim, haies.
10. Elle comprend le nistar.
11. Elle comprend les minhaguim.

Vérification des connaissances
Répondre aux questions suivantes qui ont été traitées dans cette session. Se reporter au texte chaque fois que la réponse donnée est imprécise :
1. Quels rapports existent entre ces trois pôles : la Torah écrite, la Torah orale et la tradition rapportée dans le talmud ?
2. Nommer de mémoire 11 composantes de la Torah orale, et leur caractéristique.
3. Quel enseignement tire-t-on de l’expression âl pi ? Citer par cœur son verset (Chémote, Exode 34, 27).
4. Qu’a reçu simultanément Moshé Rabbénou ?
5. Citer les différentes étapes historiques de la transmission entre Moshé Rabbénou et les maîtres de la michna.
6. Quelle était l’instance qui établissait officiellement le contenu de la Torah ché bé âl pé ?
7. Expliquer les exemples montrant que la Torah orale complète la Torah écrite.
8. Citer les commentaires sur les totafote ou « téfilines de la tête ».
9. Citer les différentes significations de la phrase de Chémote 24, 12.
10. Citer la phrase montrant les nombreuses applications d’un passage qui, de prime abord, ne semblait pas explicite dans la Torah : (miqra…).
11. Que signifie halakha lé Moché miSinaï ?
12. Que sont les middote ?
13. Qu’est la ma’hlokète léchém chamayim ?
14. Que sont les divréi sofrim ?
15. Citer et commenter le verset de Néhémie 8, 8 sur le middrache.
16. Définitions de : darchanim guédolim, haggadah et haggadah.
17. Indiquer les huit principaux recueils de middrachim et leurs caractéristiques.
18. Qui a écrit Béer Haggola ?
19. Que sont les Diqdouqéi sofrim ?
20. Définir sayag la Torah. Citer le verset qui en est la base.
21. Que signifie : guézéra la guézéra éine gozerine ?
22. Combien de prescriptions ont fixé les Sages de la Grande Assemblée ?
Quelle en est la référence ?
23. Qu’est la Massoréte séyag la Torah ?
24. A quelle condition une « haie » est-elle prescrite ?
25. Qu’est le nistar ?
26. Définir les minhaguim.
27. Que signifie : minhag avotéhém béyadéhem ?
28. Que signifie : minhag mévatél halakha ?
29. Que signifie : minhag ché amrou ché mévatél halakha, minhag vatiqine ?
30. Continuer les mots de la phrase : le minhag qui n’a en lui rien de la Torah n’est rien d’autre que.

BENOÎT XVI : MOÏSE, LE GRAND PROPHÈTE, 4 SEPTEMBRE

4 septembre, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110601_fr.html

BENOÎT XVI : MOÏSE, LE GRAND PROPHÈTE, 4 SEPTEMBRE

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 1er juin 2011

Chers frères et sœurs,

En lisant l’Ancien Testament, une figure ressort parmi les autres: celle de Moïse, précisément comme homme de prière. Moïse, le grand prophète et «condottiere» du temps de l’Exode, a exercé sa fonction de médiateur entre Dieu et Israël en se faisant le messager, auprès du peuple, des paroles et des commandements divins, en le conduisant vers la liberté de la Terre promise, en enseignant aux juifs à vivre dans l’obéissance et dans la confiance envers Dieu au cours de leur long séjour dans le désert, mais également, et je dirais surtout, en priant. Il prie pour le pharaon lorsque Dieu, avec les plaies, tentait de convertir le cœur des Egyptiens (cf. Ex 8-10); il demande au Seigneur la guérison de sa sœur Marie frappée par la lèpre (cf. Nb 12, 9-13), il intercède pour le peuple qui s’était rebellé, effrayé par le compte-rendu des explorateurs (cf. Nb 14, 1-19), il prie quand le feu va dévorer le campement (cf. Nb 11, 1-2) et quand les serpents venimeux font un massacre (cf. Nb 21, 4-9); il s’adresse au Seigneur et réagit en protestant quand le poids de sa mission devient trop lourd (cf. Nb 11, 10-15); il voit Dieu et parle avec Lui «face à face, comme un homme parle à son ami» (cf. Ex 24, 9-17; 33, 7-23; 34, 1-10. 28-35).
Même quand le peuple, au Sinaï, demande à Aaron de faire le veau d’or, Moïse prie, en accomplissant de manière emblématique sa propre fonction d’intercesseur. L’épisode est raconté au chapitre 32 du Livre de l’Exode et possède un récit parallèle dans le Deutéronome, au chapitre 9. C’est sur cet épisode que je voudrais m’arrêter dans la catéchèse d’aujourd’hui, et en particulier sur la prière de Moïse que nous trouvons dans le récit de l’Exode. Le peuple d’Israël se trouvait au pied du Sinaï tandis que Moïse, sur le mont, attendait le don des tables de la Loi, jeûnant pendant quarante jours et quarante nuits (cf. Ex 24, 18; Dt 9, 9). Le chiffre quarante possède une valeur symbolique et signifie la totalité de l’expérience, alors qu’avec le jeûne, on indique que la vie vient de Dieu, que c’est Lui qui la soutient. L’acte de manger, en effet, implique de prendre la nourriture qui nous soutient; jeûner, en renonçant à la nourriture, acquiert donc, dans ce cas, une signification religieuse: c’est une manière pour indiquer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de chaque parole qui sort de la bouche du Seigneur (cf. Dt 8, 3). En jeûnant, Moïse montre qu’il attend le don de la Loi divine comme source de vie: celle-ci révèle la volonté de Dieu et nourrit le cœur de l’homme, en le faisant entrer dans une alliance avec le Très-Haut, qui est source de la vie, qui est la vie elle-même.
Mais alors que le Seigneur, sur le mont, donne la Loi à Moïse, au pied de la montagne, le peuple la transgresse. Incapable de résister à l’attente et à l’absence du médiateur, les juifs demandent à Aaron: «Allons, fais-nous un dieu qui aille devant nous, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé» (Ex 32, 1). Las d’un chemin avec un Dieu invisible, à présent que Moïse, le médiateur, a lui aussi disparu, le peuple demande une présence tangible, perceptible, du Seigneur, et il trouve dans le veau de métal fondu fait par Aaron, un dieu rendu accessible, manœuvrable, à la portée de l’homme. C’est une tentation constante sur le chemin de foi: éluder le mystère divin en construisant un dieu compréhensible, correspondant à ses propres conceptions, à ses propres projets. Ce qui se produit au Sinaï révèle toute la stupidité et la vanité illusoire de cette prétention car, comme l’affirme ironiquement le Psaume 106, «ils échangeaient ce qui était leur gloire pour l’image d’un taureau, d’un ruminant» (Ps 106, 20). C’est pourquoi le Seigneur réagit et ordonne à Moïse de descendre de la montagne, en lui révélant ce que fait son peuple et en terminant par ces mots: «Ma colère va s’enflammer. De toi en revanche je ferai une grande nation» (Ex 32, 10). Comme avec Abraham à propos de Sodome et de Gomorrhe, à présent aussi, Dieu révèle à Moïse ce qu’il entend faire, comme s’il ne voulait pas agir sans son consentement (cf. Am 3, 7). Il dit: «ma colère va s’enflammer». En réalité, ce «Ma colère va s’enflammer» est dit précisément pour que Moïse intervienne et lui demande de ne pas le faire, révélant ainsi que le désir de Dieu est toujours celui du salut. Comme pour les deux villes de l’époque d’Abraham, la punition et la destruction, à travers lesquelles s’exprime la colère de Dieu comme refus du mal, indiquent la gravité du péché commis; dans le même temps, la demande de l’intercesseur entend manifester la volonté de pardon du Seigneur. Tel est le salut de Dieu, qui implique la miséricorde, mais en même temps également la dénonciation de la vérité du péché, du mal qui existe, de sorte que le pécheur, ayant reconnu et refusé son propre mal, puisse se laisser pardonner et transformer par Dieu. La prière d’intercession rend ainsi agissante, au sein de la réalité corrompue de l’homme pécheur, la miséricorde divine, qui trouve voix dans la supplique de l’orant et qui se fait présente à travers lui là où il y a besoin de salut.
La supplique de Moïse est entièrement axée sur la fidélité et la grâce du Seigneur. Il se réfère tout d’abord à l’histoire de la rédemption que Dieu a commencée avec la sortie d’Israël d’Egypte, pour ensuite rappeler l’antique promesse donnée aux Pères. Le Seigneur a opéré le salut en libérant son peuple de l’esclavage égyptien; pourquoi alors — demande Moïse — «les Egyptiens devraient-ils dire: “c’est par méchanceté qu’il les a fait sortir, pour les faire périr dans les montagnes et les exterminer de la face de la terre”?» (Ex 32, 12). L’œuvre de salut commencée doit être complétée; si Dieu faisait périr son peuple, cela pourrait être interprété comme le signe d’une incapacité divine à mener à bien son projet de salut. Dieu ne peut pas permettre cela: Il est le Seigneur bon qui sauve, le garant de la vie, il est le Dieu de miséricorde et de pardon, de libération du péché qui tue. Et ainsi, Moïse fait appel à Dieu, à la vie intérieure de Dieu contre la sentence extérieure. Mais alors, argumente Moïse avec le Seigneur, si ses élus périssent, même s’ils sont coupables, Il pourrait apparaître incapable de vaincre le péché. Et on ne peut pas accepter cela. Moïse a fait l’expérience concrète du Dieu de salut, il a été envoyé comme médiateur de la libération divine et à présent, avec sa prière, il se fait l’interprète d’une double inquiétude, préoccupé pour le sort de son peuple, mais en même temps également préoccupé pour l’honneur que l’on doit au Seigneur, pour la vérité de son nom. En effet, l’intercesseur veut que le peuple d’Israël soit sauf, car il est le troupeau qui lui a été confié, mais également parce que dans ce salut se manifeste la véritable réalité de Dieu. L’amour des frères et l’amour de Dieu se mêlent dans la prière d’intercession, sont inséparables. Moïse, l’intercesseur, est l’homme tendu entre deux amours, qui dans la prière se superposent dans un unique désir de bien.
Moïse en appelle ensuite à la fidélité de Dieu, en lui rappelant ses promesses: «Souviens toi de tes serviteurs Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même et à qui tu as dit: “Je multiplierai votre postérité comme les étoiles du ciel, et tout ce pays dont je vous ai parlé, je le donnerai à vos descendants et il sera votre héritage à jamais”» (Ex 32, 13). Moïse rappelle l’histoire fondatrice des origines, des Pères du peuple et de leur élection, totalement gratuite, dont Dieu seul avait eu l’initiative. Ce n’est pas en raison de leurs mérites qu’ils avaient reçu la promesse, mais par le libre choix de Dieu et de son amour (cf. Dt 10, 15). Et à présent, Moïse demande que le Seigneur continue dans la fidélité son histoire d’élection et de salut, en pardonnant à son peuple. L’intercesseur ne fournit pas d’excuse pour le péché de son peuple, il ne dresse pas la liste de présumés mérites revenant à son peuple ou à lui-même, mais il fait appel à la gratuité de Dieu: un Dieu libre, totalement amour, qui ne cesse de chercher celui qui s’est éloigné, qui reste toujours fidèle à lui-même et offre au pécheur la possibilité de revenir à Lui et de devenir, avec son pardon, juste et capable de fidélité. Moïse demande à Dieu de se montrer plus fort également que le péché et que la mort, et avec sa prière, il provoque cette révélation divine. Médiateur de vie, l’intercesseur solidarise avec le peuple; désirant uniquement le salut que Dieu lui-même désire, il renonce à la perspective de devenir un nouveau peuple agréable au Seigneur. La phrase que Dieu lui avait adressée, «de toi en revanche je ferai une grande nation», n’est pas même prise en considération par l’«ami» de Dieu, qui en revanche est prêt à assumer sur lui non seulement la faute de son peuple, mais toutes ses conséquences. Lorsque, après la destruction du veau d’or, il reviendra sur le mont pour demander à nouveau le salut pour Israël, il dira au Seigneur: «Pourtant, s’il te plaisait de pardonner leur péché… Sinon, efface-moi, de grâce, du livre que tu as écrit» (v. 32). Avec la prière, désirant le désir de Dieu, l’intercesseur entre toujours plus profondément dans la connaissance du Seigneur et de sa miséricorde et il devient capable d’un amour qui arrive jusqu’au don total de soi. En Moïse, qui se trouve sur la cime du mont face à face avec Dieu et qui se fait l’intercesseur pour son peuple et s’offre lui-même — «efface-moi» —, les Pères de l’Eglise ont vu une préfiguration du Christ, qui sur la haute cime de la Croix se trouve réellement devant Dieu, non seulement comme ami mais comme Fils. Et il ne s’offre pas seulement — «efface-moi» —, mais avec son cœur transpercé, il se fait effacer, il devient, comme le dit saint Paul lui-même, péché, il porte sur lui nos péchés pour nous sauver; son intercession est non seulement solidarité, mais identification avec nous: il nous porte tous dans son corps. Et ainsi, toute son existence d’homme et de Fils est un cri au cœur de Dieu, est pardon, mais un pardon qui transforme et qui renouvelle.
Je pense que nous devons méditer cette réalité. Le Christ se trouve devant la face du Seigneur et prie pour moi. Sa prière sur la Croix est contemporaine de tous les hommes, elle m’est contemporaine: Il prie pour moi, il a souffert et il souffre pour moi, il s’est identifié avec moi en prenant notre corps et l’âme humaine. Et il nous invite à entrer dans son identité, en nous faisant un corps, un esprit avec Lui, car du haut de la cime de la Croix il a apporté non de nouvelles lois, des tables de pierre, mais il a apporté lui-même, son corps et son sang, comme nouvelle alliance. Ainsi, il nous fait devenir ses consanguins, un corps avec Lui, identifiés à Lui. Il nous invite à entrer dans cette identification; à être unis avec Lui dans notre désir d’être un corps, un esprit avec Lui. Prions le Seigneur afin que cette identification nous transforme, nous renouvelle, car le pardon est renouveau, est transformation.
Je voudrais conclure cette catéchèse avec les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Rome: «Qui accusera ceux que Dieu a choisis? Puisque c’est Dieu qui justifie. Qui pourra condamner? Puisque Jésus Christ est mort; plus encore: il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous. Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ? [...] Ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances [...] ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est Jésus Christ notre Seigneur» (Rm 8, 33-35.38.39).

Biblia latina, La creacion del mar

3 septembre, 2014

Biblia latina, La creacion del mar  dans images sacrée 001
http://www.taringa.net/posts/offtopic/6355668/El-mar-terror-y-fascinacion.html

PAPE FRANÇOIS: VEILLÉE DE PRIÈRE POUR LA PAIX (7.9.13)

3 septembre, 2014

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2013/documents/papa-francesco_20130907_veglia-pace.html

VEILLÉE DE PRIÈRE POUR LA PAIX – « Dieu vit que cela était bon »

PAROLES DU PAPE FRANÇOIS

Parvis de la Basilique vaticane

Samedi 7 septembre 2013

« Dieu vit que cela était bon » (Gn 1, 12.18.21.25). Le récit biblique du début de l’histoire du monde et de l’humanité nous parle de Dieu qui regarde la création, la contemple presque, et répète : cela est bon. Cela, chers frères et sœurs, nous fait entrer dans le cœur de Dieu et, de l’intime de Dieu, nous recevons son message.

Nous pouvons nous demander : quelle signification a ce message ? Que me dit ce message à moi, à toi, à nous tous ?

1. Il nous dit simplement que dans le cœur et dans la pensée de Dieu notre monde est la ‘maison de l’harmonie et de la paix’, et est le lieu où tous peuvent trouver leur place et se sentir ‘chez soi’, parce que cela est « bon ». Tout le créé forme un ensemble harmonieux, bon, mais surtout les humains, faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, sont une unique famille, dans laquelle les relations sont marquées par une fraternité réelle non seulement proclamée en paroles : l’un et l’autre sont le frère et la sœur à aimer, et la relation avec Dieu qui est amour, fidélité, bonté se reflète sur toutes les relations entre les êtres humains et apporte l’harmonie à la création tout entière. Le monde de Dieu est un monde dans lequel chacun se sent responsable de l’autre, du bien de l’autre. Ce soir, dans la réflexion, dans le jeûne, dans la prière, chacun de nous, tous nous pensons au fond de nous-mêmes : ne serait-ce pas peut-être ce monde que nous désirons ? Ne serait-ce pas peut-être ce monde que tous portent dans le cœur ? Le monde que nous voulons, n’est-il pas peut-être un monde d’harmonie et de paix, en nous-mêmes, dans les rapports avec les autres, dans les familles, dans les villes, dans et entre les nations ? Et la vraie liberté dans le choix des chemins à parcourir en ce monde, n’est-elle pas peut-être celle qui est orientée vers le bien de tous et qui est guidée par l’amour ?
2. Mais demandons-nous maintenant : est-ce cela le monde dans lequel nous vivons ? Le créé conserve sa beauté qui nous remplit d’émerveillement, reste une œuvre bonne. Mais il y a aussi « la violence, la division, le conflit, la guerre ». Cela arrive quand l’homme, sommet de la création, abandonne le regard sur l’horizon de la beauté et de la bonté, et se renferme dans son égoïsme.
Quand l’homme pense seulement à lui-même, à ses propres intérêts et se place au centre, quand il se laisse séduire par les idoles de la domination et du pouvoir, quand il se met à la place de Dieu, alors il abîme toutes les relations, il ruine tout ; et il ouvre la porte à la violence, à l’indifférence, au conflit. C’est exactement ce que veut nous faire comprendre le passage de la Genèse qui raconte le péché de l’être humain : l’homme entre en conflit avec lui-même, s’aperçoit qu’il est nu et se cache parce qu’il a peur (Gn 3,10), il a peur du regard de Dieu ; il accuse la femme, celle qui est chair de sa chair (v.12) ; il rompt l’harmonie avec le créé, arrive à lever la main contre le frère pour le tuer. Pouvons-nous dire que l’harmonie est devenue ‘dis-harmonie’ ? Pouvons-nous dire cela : que de l’harmonie, on passe à la ‘dis-harmonie’. Non, la ‘dis-harmonie’ n’existe pas : ou il y a l’harmonie, ou on tombe dans le chaos où il y a violence, querelle, conflit, peur…
C’est justement dans ce chaos que Dieu demande à la conscience de l’homme : « Où est Abel ton frère ? ». Et Caïn répond : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? » (v.9). Cette question nous est aussi adressée et il serait bien que nous nous demandions : Suis-je le gardien de mon frère ? Oui, tu es le gardien de ton frère ! Être une personne humaine signifie être gardiens les uns des autres ! Et au contraire, quand se rompt l’harmonie, suit une métamorphose : le frère à garder et à aimer devient l’adversaire à combattre, à supprimer. Que de violence naît à ce moment, que de conflits, que de guerres ont marqué notre histoire ! Il suffit de voir la souffrance de tant de frères et sœurs. Il ne s’agit pas de quelque chose de conjoncturel, mais c’est la vérité : dans chaque violence et dans chaque guerre, nous faisons renaître Caïn. Nous tous ! Et aujourd’hui aussi, nous continuons cette histoire de conflit entre les frères, aujourd’hui aussi, nous levons la main contre celui qui est notre frère. Aujourd’hui aussi nous nous laissons guider par les idoles, par l’égoïsme, pas nos intérêts ; et cette attitude continue : nous avons perfectionné nos armes, notre conscience s’est endormie, nous avons rendu plus subtiles nos raisons pour nous justifier. Comme si c’était une chose normale, nous continuons à semer destruction, douleur, mort ! La violence, la guerre apportent seulement la mort, parlent de mort ! La violence et la guerre ont le langage de la mort !
Après le chaos du Déluge, il s’est arrêté de pleuvoir, on voit l’arc-en-ciel et la colombe porte un rameau d’olivier. Aujourd’hui, je pense aussi à cet olivier que les représentants des différentes religions, nous avons planté à Buenos Aires, sur la Place de Mai, en 2000, demandant qu’il n’y ait plus le chaos, demandant qu’il n’y ait plus la guerre, demandant la paix.
3. Et à ce point, je me demande : Est-il possible de parcourir la voie de la paix ? Pouvons-nous sortir de cette spirale de douleur et de mort ? Pouvons-nous apprendre de nouveau à marcher et à parcourir les chemins de la paix ? En invoquant l’aide de Dieu, sous le regard maternel de la Vierge Salus populis romani, Reine de la paix, je veux répondre : Oui, c’est possible à tous ! Ce soir, je voudrais que de toutes les parties de la terre nous criions : Oui, c’est possible à tous ! Ou mieux, je voudrais que chacun de vous, du plus petit au plus grand, jusqu’à ceux qui sont appelés à gouverner les Nations, réponde : Oui, nous le voulons ! Ma foi chrétienne me pousse à regarder la Croix. Comme je voudrais que pendant un moment tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté regardent la Croix ! On peut y lire la réponse de Dieu : là, à la violence on ne répond pas par la violence, à la mort, on ne répond pas par le langage de la mort. Dans le silence de la Croix, se tait le bruit des armes et parle le langage de la réconciliation, du pardon, du dialogue, de la paix. Je voudrais demander au Seigneur, ce soir, que nous, chrétiens et frères des autres religions, chaque homme et chaque femme de bonne volonté crie avec force : la violence et la guerre ne sont jamais la voie de la paix ! Que chacun s’applique à regarder au fond de sa conscience et écoute cette parole qu’elle dit : sors de tes intérêts qui atrophient le cœur, dépasse l’indifférence envers l’autre qui rend le cœur insensible, vaincs tes raisons de mort et ouvre-toi au dialogue, à la réconciliation : regarde la douleur de ton frère, je pense aux enfants : seulement à ceux-là… regarde la douleur de ton frère, et n’ajoute pas une autre douleur, arrête ta main, reconstruis l’harmonie qui s’est brisée ; et cela non par le conflit, mais par la rencontre ! Que se taisent les armes ! La guerre marque toujours l’échec de la paix, elle est toujours une défaite pour l’humanité. Encore une fois, les paroles de Paul VI résonnent : « Plus les uns contre les autres, plus, jamais !… Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! » (Discours aux Nations unies, 4 octobre 1965 : AAS 57 [1965], 881). « La paix s’affermit seulement par la paix, celle qui n’est pas séparable des exigences de la justice, mais qui est alimentée par le sacrifice de soi, par la clémence, par la miséricorde, par la charité » (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1976 AAS 67 [1975], 671). Frères et sœurs, pardon, dialogue, réconciliation sont les paroles de la paix : dans la bien-aimée nation syrienne, au Moyen-Orient, partout dans le monde ! Prions, ce soir, pour la réconciliation et pour la paix, travaillons pour la réconciliation et pour la paix, et devenons tous, dans tous les milieux, des hommes et des femmes de réconciliation et de paix ! Ainsi-soit-il.

 

BENOÎT XVI : GRÉGOIRE LE GRAND PACIFICATEUR DE L’EUROPE – SEPTEMBRE 3

3 septembre, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080528_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 28 mai 2008

GRÉGOIRE LE GRAND PACIFICATEUR DE L’EUROPE – SEPTEMBRE 3

Chers frères et sœurs,

Mercredi dernier j’ai parlé d’un Père de l’Eglise peu connu en Occident, Romanos le Mélode, je voudrais aujourd’hui présenter la figure de l’un des plus grands Pères dans l’histoire de l’Eglise, un des quatre docteurs de l’Occident, le Pape saint Grégoire, qui fut évêque de Rome entre 590 et 604, et auquel la tradition attribua le titre de Magnus/Grand. Grégoire fut vraiment un grand Pape et un grand Docteur de l’Eglise! Il naquit à Rome vers 540, dans une riche famille patricienne de la gens Anicia, qui se distinguait non seulement par la noblesse de son sang, mais également par son attachement à la foi chrétienne et par les services rendus au Siège apostolique. Deux Papes étaient issus de cette famille: Félix III (483-492), trisaïeul de Grégoire et Agapit (535-536). La maison dans laquelle Grégoire grandit s’élevait sur le Clivus Scauri, entourée par des édifices solennels qui témoignaient de la grandeur de la Rome antique et de la force spirituelle du christianisme. Des sentiments chrétiens élevés lui furent aussi inspirés par ses parents, Gordien et Silvia, tous deux vénérés comme des saints, et par deux tantes paternelles, Emiliana et Tarsilia, qui vécurent dans leur maison en tant que vierges consacrées sur un chemin partagé de prière et d’ascèse.
Grégoire entra très tôt dans la carrière administrative, que son père avait également suivie et, en 572, il en atteint le sommet, devenant préfet de la ville. Cette fonction, compliquée par la difficulté des temps, lui permit de se consacrer à large échelle à chaque type de problèmes administratifs, en en tirant des lumières pour ses futures tâches. Il lui resta en particulier un profond sens de l’ordre et de la discipline: devenu Pape, il suggérera aux évêques de prendre pour modèle dans la gestion des affaires ecclésiastiques la diligence et le respect des lois propres aux fonctionnaires civils. Toutefois, cette vie ne devait pas le satisfaire car, peu après, il décida de quitter toute charge civile, pour se retirer dans sa maison et commencer une vie de moine, transformant la maison de famille dans le monastère Saint André au Celio. De cette période de vie monastique, vie de dialogue permanent avec le Seigneur dans l’écoute de sa parole, il lui restera toujours la nostalgie, qui apparaît toujours à nouveau et toujours davantage dans ses homélies: face aux assauts des préoccupations pastorales, il la rappellera plusieurs fois dans ses écrits comme un temps heureux de recueillement en Dieu, de consécration à la prière, d’immersion sereine dans l’étude. Il put ainsi acquérir cette profonde connaissance de l’Ecriture Sainte et des Pères de l’Eglise dont il se servit ensuite dans ses œuvres.
Mais la retraite dans la clôture de Grégoire ne dura pas longtemps. La précieuse expérience mûrie dans l’administration civile à une époque chargée de graves problèmes, les relations entretenues dans cette charge avec les byzantins, l’estime universelle qu’il avait acquise, poussèrent le Pape Pélage à le nommer diacre et à l’envoyer à Constantinople comme son « apocrisaire », on dirait aujourd’hui « Nonce apostolique », pour permettre de surmonter les dernières séquelles de la controverse monophysite et, surtout, pour obtenir l’appui de l’empereur dans son effort pour contenir la poussée lombarde. Son séjour à Constantinople, où avec un groupe de moines il avait repris la vie monastique, fut très important pour Grégoire, car il lui donna l’occasion d’acquérir une expérience directe du monde byzantin, ainsi que d’approcher la question des Lombards, qui aurait ensuite mis à rude épreuve son habileté et son énergie au cours années de son pontificat. Après quelques années, il fut rappelé à Rome par le Pape, qui le nomma son secrétaire. Il s’agissait d’années difficiles: les pluies incessantes, le débordement des fleuves, la famine qui frappait de nombreuses zones d’Italie et Rome elle-même. A la fin, la peste éclata également, faisant de nombreuses victimes, parmi lesquelles le Pape Pélage II. Le clergé, le peuple et le sénat furent unanime en choisissant précisément lui, Grégoire, pour être son Successeur sur le Siège de Pierre. Il chercha à résister, tentant également la fuite, mais il n’y eut rien à faire: à la fin il dut céder. C’était l’année 590.
Reconnaissant la volonté de Dieu dans ce qui était arrivé, le nouveau Pontife se mit immédiatement au travail avec zèle. Dès le début, il révéla une vision particulièrement clairvoyante de la réalité avec laquelle il devait se mesurer, une extraordinaire capacité de travail pour affronter les affaires ecclésiastiques et civiles, un équilibre constant dans les décisions, parfois courageuses, que sa charge lui imposait. On possède une vaste documentation sur son gouvernement grâce au Registre de ses lettres (environ 800), dans lesquelles se reflète la confrontation quotidienne avec les problèmes complexes qui affluaient sur sa table. Il s’agissait de questions qui provenaient des évêques, des abbés, des clercs, et également des autorités civiles de tout ordre et degré. Parmi les problèmes qui affligeaient l’Italie et Rome à cette époque, il y en avait un d’une importance particulière dans le domaine civil et ecclésial: la question lombarde. Le Pape y consacra toutes les énergies possibles en vue d’une solution vraiment pacificatrice. A la différence de l’empereur byzantin qui partait du présupposé que les Lombards étaient seulement des individus grossiers et prédateurs à vaincre ou à exterminer, saint Grégoire voyait ces personnes avec les yeux du bon pasteur, préoccupé de leur annoncer la parole du salut, établissant avec eux des relations fraternelles en vue d’un avenir de paix fondé sur le respect réciproque et sur la coexistence sereine entre les italiens, les impériaux et les lombards. Il se préoccupa de la conversion des jeunes peuples et de la nouvelle organisation civile de l’Europe: les Wisigoths d’Espagne, les Francs, les Saxons, les immigrés en Britannia et les Lombards furent les destinataires privilégiés de sa mission évangélisatrice. Nous avons célébré hier la mémoire liturgique de saint Augustin de Canterbury, le chef d’un groupe de moines chargés par Grégoire de se rendre en Britannia pour évangéliser l’Angleterre.
Pour obtenir une paix effective à Rome et en Italie, le Pape s’engagea à fond – c’était un véritable pacificateur -, entreprenant des négociations serrées avec le roi lombard Agilulf. Ces négociations conduisirent à une période de trêve qui dura environ trois ans (598-601), après lesquels il fut possible de stipuler, en 603, un armistice plus stable. Ce résultat positif fut rendu possible également grâce aux contacts parallèles que, entre temps, le Pape entretenait avec la reine Théodelinde, qui était une princesse bavaroise et qui, à la différence des chefs des autres peuples germaniques, était catholique, profondément catholique. On conserve une série de lettres du Pape Grégoire à cette reine, dans lesquelles il révèle son estime et son amitié pour elle. Théodelinde réussit peu à peu à guider le roi vers le catholicisme, préparant ainsi la voie à la paix. Le Pape se soucia également de lui envoyer les reliques pour la basilique Saint-Jean-Baptiste qu’elle fit ériger à Monza, et il ne manqua pas de lui faire parvenir ses vœux et des dons précieux à l’occasion de la naissance et du baptême de son fils Adaloald. L’histoire de cette reine constitue un beau témoignage à propos de l’importance des femmes dans l’histoire de l’Eglise. Au fond, les objectifs auxquels Grégoire aspira constamment furent trois: contenir l’expansion des Lombards en Italie; soustraire la reine Théodelinde à l’influence des schismatiques et renforcer sa foi catholique; servir de médiateur entre les Lombards et les Byzantins en vue d’un accord pour garantir la paix dans la péninsule, en permettant dans le même temps d’accomplir une action évangélisatrice parmi les Lombards eux-mêmes. Son orientation constante dans cette situation complexe fut donc double: promouvoir des ententes sur le plan diplomatique et politique, diffuser l’annonce de la vraie foi parmi les populations.
A côté de son action purement spirituelle et pastorale, le Pape Grégoire fut également le protagoniste actif d’une activité sociale multiple. Avec les rentes de l’important patrimoine que le Siège romain possédait en Italie, en particulier en Sicile, il acheta et distribua du blé, il secourut ceux qui étaient dans le besoin, il aida les prêtres, les moines et les moniales qui vivaient dans l’indigence, il paya les rançons des citoyens devenus prisonniers des Lombards, il conclut des armistices et des trêves. En outre, il accomplit aussi bien à Rome que dans d’autres parties de l’Italie une œuvre soignée de réorganisation administrative, en donnant des instructions précises afin que les biens de l’Eglise, utiles à sa subsistance et à son œuvre évangélisatrice dans le monde, soient gérés avec une rectitude absolue et selon les règles de la justice et de la miséricorde. Il exigeait que les colons soient protégés des abus des concessionnaires des terres appartenant à l’Eglise et, en cas de fraude, qu’ils soient rapidement dédommagés, afin que le visage de l’Epouse du Christ ne soit pas défiguré par des profits malhonnêtes.
Cette intense activité fut accomplie par Grégoire malgré sa santé fragile, qui le poussait souvent à rester au lit pendant de longs jours. Les jeûnes pratiqués au cours des années de sa vie monastique lui avaient procuré de sérieux problèmes digestifs. En outre, sa voix était très faible, si bien qu’il était souvent obligé de confier au diacre la lecture de ses homélies, afin que les fidèles présents dans les basiliques romaines puissent l’entendre. Il faisait cependant tout son possible pour célébrer les jours de fête Missarum sollemnia, c’est-à-dire la Messe solennelle, et il rencontrait alors personnellement le peuple de Dieu, qui lui était très attaché, car il voyait en lui la référence autorisée à laquelle puiser son assurance: ce n’est pas par hasard que lui fut très vite attribué le titre de consul Dei. Malgré les conditions très difficiles dans lesquelles il dut œuvrer, il réussit à conquérir, grâce à sa sainteté de vie et à sa riche humanité, la confiance des fidèles, en obtenant pour son époque et pour l’avenir des résultats vraiment grandioses. C’était un homme plongé en Dieu: le désir de Dieu était toujours vivant au fond de son âme et c’est précisément pour cela qu’il était toujours très proche de son prochain, des besoins des personnes de son époque. A une époque désastreuse, et même désespérée, il sut établir la paix et donner l’espérance. Cet homme de Dieu nous montre où sont les véritables sources de la paix, d’où vient la véritable espérance et il devient ainsi un guide également pour nous aujourd’hui.

LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU – PAR FRÉDERIC MANNS

3 septembre, 2014

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2010/sym_100423.html

LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU

PAR FRÉDERIC MANNS

L’eau est, dans la Bible comme dans la vie, un trésor dont on néglige peut-être l’importance. Le père Manns nous rappelle les cinq axes principaux sur lesquels s’articulent le thème de l’eau nous incitant à ne pas perdre une goutte de notre lecture des textes.
L’Esprit de Dieu planant sur les eaux

Le symbole biblique de l’eau associé à l’Esprit est l’objet d’une grande inclusion dans l’histoire biblique : il revient en Genèse 1,2 et en Apocalypse 22,17. L’eau est source de vie et fait revivre l’esprit.
Les valences de l’eau sont diversifiées dans la Bible : l’eau purifie et féconde, elle étanche la soif et elle guérit. Zacharie 13 avait annoncé qu’une source devait jaillir de Jérusalem pour la purification des habitants. Dans le premier Testament l’eau symbolisait soit la Loi soit l’Esprit [1].

Cinq symbolismes majeurs
Cinq directions essentielles du symbolisme de l’eau sont connues : celle de l’eau germinale et fécondante, celle de l’eau médicinale, source miraculeuse ou boisson d’éternité, celle de l’eau lustrale, celle enfin de l’eau diluviale permettant la purification et la régénération du genre humain.
L’eau germinale et fécondante s’explique par le fait qu’une des premières expériences de l’humanité est d’établir le lien entre la pluie et la croissance de la végétation. L’eau tombe du ciel, féconde la terre après l’avoir purifiée. Il en est de même de la Parole de Dieu qui vient du ciel, purifie et féconde, affirme le midrash Cantiques Rabbah. Ce commentaire juif rappelle que l’eau est conservée dans des jarres de terre et non pas dans des vases en or ou en argent, ce qui signifie que la Parole de Dieu demeure chez celui qui est humble, qui sait qu’il est fait de terre et qu’il retournera à la terre.
L’eau est médicinale puisqu’elle est l’inductrice de toute fécondité. Elle peut également redonner, prolonger et sauver la vie puisqu’elle en est la donatrice première.
L’eau est purifiante comme le prouve l’expérience courante de l’eau utilisée pour laver et pour faire disparaître les impuretés. Par l’immersion du bain rituel ou du baptême le symbolisme de l’eau fécondante, régénératrice, médicinale et purificatrice se concentrent dans un même rite.
L’eau est diluviale comme les mythes diluviaux universels l’attestent. Le déluge rejoint le mythe de l’éternel retour aux origines. La notion cyclique du temps exprime cette réalité. Il s’agit de rejoindre l’idéal de l’origine car celui-ci n’a pas été encore corrompu par l’histoire. Le déluge est l’événement purificateur qui permet la fin d’une humanité et le début d’une humanité nouvelle.
Moïse exprime la même réalité que Noé. Il est « tiré et sauvé des eaux » pour donner naissance à un peuple libre. En passant la mer Rouge, le peuple est libéré, il est immergé dans l’eau, il renaît, tout en étant préservé du passage par la mort, contrairement aux Égyptiens et à tous ceux qui ont été engloutis par le déluge mais sont finalement sauvés comme Noé. Noé et Moïse enfant flottent sur les eaux du déluge, alors que le peuple passe à pied sec dans les eaux de la mer (Ex 14,21).
Le salut que Dieu apporte à son peuple est symbolisé par l’eau : le Seigneur fait couler de l’eau, ou jaillir des sources dans le désert. Le Seigneur va désaltérer les assoiffés : la soif représente l’exil, l’oppression, et l’eau la libération, le bonheur. En Isaïe 44,3-5, le salut va plus loin que la simple libération, l’eau devient symbole de l’Esprit qui inspire à Israël une nouvelle fidélité au Seigneur. De la même façon, Dieu change les steppes arides en pays verdoyants, symbole de renouveau et de vivification (Isaïe 41,19; 45,18) où le salut et la justice ruissellent comme la rosée et germent comme les plantes (ls 49,9; 55,13). Inversement, Dieu peut assécher les rivières, dévaster la nature, en signe de sa puissance que rien n’arrête, de sa victoire sur ses ennemis, ou de la manifestation de sa colère contre l’impiété.
La fête des Tentes avait mis au centre de la liturgie la procession à la piscine de Siloé en passant par la porte des eaux. C’est de là que devait jaillir la source annoncée par le prophète Ézéchiel, source qui allait se jeter dans la mer Morte.
Au chapitre 21 de l’Évangile selon saint Jean la pêche miraculeuse au bord du lac de Galilée exploite le symbolisme des 153 gros poissons qui peut renvoyer à la gematrie (valeur numérique des lettres) de Eglaim de Ézéchiel 47,10, endroit où les pêcheurs jetteront leurs filets.
La prophétie d’Ézéchiel 47 est fondamentale dans la tradition juive. Dans la version de la Tosephta Succot 3,3 et du Midrash Pirqe de Rabbi Eliézer 51 l’eau qui sort du Temple se divise en trois, une partie va vers la grande mer, une partie vers la mer Morte et une partie vers la mer de Tibériade. D’après la version du Targum Ez 47,8 les eaux de la mer Morte sont purifiées au contact avec l’eau qui sort du Temple.
L’eau, capable de jouer le rôle d’un miroir, a comme caractéristique d’échapper. Elle échappe parce qu’elle n’a pas de forme tout en étant capable d’épouser toutes les formes possibles et imaginables. Elle va épouser la forme d’un vase et dès qu’elle est versée dans un verre, elle en épouse la forme. Elle échappe parce qu’elle a une très grande capacité de division. Elle s’évapore et, si on l’enferme, elle profite de la moindre faille. La maîtrise de l’eau a mis beaucoup de temps dans l’histoire.
Les eaux symbolisent la totalité des virtualités, la matrice de toutes les possibilités d’existence. Elles précèdent toute forme et l’immersion en elles, symbolise la régression dans le préformel, la régénération totale, une nouvelle naissance, car elles contiennent les germes de vie nouvelle, elles guérissent et, dans les rites funéraires, elles symbolisent la vie éternelle. Elles sont ainsi élevées au rang de symbole de vie. C’est pourquoi l’eau deviendra symbole de la Parole de Dieu et de l’Esprit de Dieu.

[1] F. Manns, Le symbole eau-esprit dans le judaïsme ancien, Jérusalem, Franciscan Printing Press, 1983.

Seventh Day of Creation (from the 1493 Nuremberg Chronicle)

2 septembre, 2014

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http://en.wikipedia.org/wiki/Genesis_creation_narrative

À CAUSE DU CHRIST. LE RETOURNEMENT DE PAUL LE JUIF

2 septembre, 2014

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200042.html

À CAUSE DU CHRIST. LE RETOURNEMENT DE PAUL LE JUIF

Par Yara Matta

À cause du Christ. Le retournement de Paul le Juif
« Lectio divina » 256, Éd. du Cerf, Paris, 2013, 384 p., 

Le beau livre que nous offre Yara Matta (Y.M.), religieuse de la Congrégation des Sœurs maronites de la Sainte-Famille, professeur à l’Institut catholique de Paris et à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, est issu de sa thèse de doctorat. Mais s’il a la précision et l’érudition d’une thèse, il est aussi d’une lecture agréable et soutient l’attention du lecteur tout au long de la démonstration. Y.M. se propose de reprendre à frais nouveaux le chapitre 3 de la lettre aux Philippiens, développement de caractère autobiographique où la « narration de soi » demande à être interprétée. Elle l’aborde en termes d’appartenance(s) et d’identité, fil rouge d’un retournement qui dépasse, annule puis réinterprète l’appartenance juive de l’apôtre, pour donner naissance à une identité nouvelle, elle-même en tension permanente vers son but. Mais l’identité de l’apôtre ne se construit que d’être un appel et un modèle pour que d’autres entrent dans la même dynamique de retournement et de marche en avant, à cause du Christ et vers lui.
Puisqu’il s’agit de montrer que Paul habite pleinement une appartenance pour la dépasser, la méthode originale de Y.M. est d’éclairer le texte paulinien en le situant dans le paysage complexe du judaïsme contemporain. La possibilité de rapprochements avec les traditions juives est certes soumise au problème récurrent de la datation de ces traditions, mais l’auteur maîtrise largement la question et la prudence de ses analyses permet que ses propositions soient toujours pertinentes.
La composition du livre est simple : après la question de l’intégrité de la lettre et de la délimitation du texte étudié, vient une proposition de structuration de Ph 3,2-21. Y.M. y donne une large place aux recherches de type rhétorique dont elle sait aussi relativiser l’importance. Les 5 chapitres suivants offrent une analyse serrée du texte paragraphe par paragraphe. Les traits innés ou acquis de l’appartenance juive, qui sont autant de motifs de fierté pour Paul, sont l’occasion d’une plongée dans les traditions juives contemporaines qui donnent un relief remarquable au discours paulinien. L’exemple le plus marquant est l’étude de la circoncision dont Y.M. détaille les significations multiples pour éclairer l’ampleur des démarches spirituelles en jeu. D’un geste sûr, elle choisit et présente les traits saillants mais composites qui font une appartenance.
Le chapitre central (chap. 5) donne son titre au livre : « À cause du Christ ». L’étude des quelques versets qui opèrent le retournement permet une analyse à nouveaux frais de la conception paulinienne de la « justice », et on résumerait volontiers l’ensemble par l’alternative : « la circoncision ou le Christ ». Le dialogue constant que Y.M. entretient avec les commentateurs récents de la lettre lui permet de guider progressivement le lecteur vers sa propre lecture, à la fois très équilibrée et toujours nuancée. Le fil conducteur d’une nouvelle identité reçue du Christ permet de réévaluer de façon négative l’appartenance juive de Paul (comme d’ailleurs toutes les autres appartenances), sans que soit pour autant niée sa réelle valeur.
Cependant l’ouvrage ne culmine pas sur ces versets qui disent la nouvelle appartenance en termes de connaissance intime et de participation à la dynamique pascale. Il poursuit plus loin, dans le sens de la tension eschatologique qui anime la course de l’apôtre, mais par là même aussi dans l’appel à l’imitation qui transforme l’expérience particulière de Paul en témoignage et exemple pour d’autres. On notera au passage les très jolies remarques sur les pratiques de la course au stade, qui soulignent l’originalité de Paul ; on y lira plus profondément le fait qu’il ne s’agit pas pour l’apôtre d’une compétition mais d’un désir d’entraîner avec lui tous les membres de l’Eglise de Philippes. Du coup, le témoignage personnel et subjectif est inséparable d’une prédication qui lui donne valeur universelle : tous sont appelés avec Paul et à sa suite, quelles que soient leurs appartenances, tous peuvent courir vers le même but, vers une nouvelle identité, à cause du Christ.
Ce livre marquera dans les études pauliniennes, et il passionnera spécialistes et enseignants. Mais la clarté de son écriture et la fermeté du propos, bien annoncé, bien balisé et remarquablement repris en conclusion, font qu’on peut le recommander à tous les animateurs bibliques et passionnés de la Bible : sa lecture renouvellera leur connaissance de l’apôtre Paul, de sa vocation et de sa mission. (Roselyne Dupont-Roc)
Niveau de difficulté : moyen

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