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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 28 SEPTEMBRE – Ezéchiel 18, 25 – 28
26 septembre, 2014http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/commentaires-de-marie-noelle-thabut/
COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 28 SEPTEMBRE
PREMIERE LECTURE – Ezéchiel 18, 25 – 28
Parole du SEIGNEUR tout-puissant
Je ne désire pas la mort du méchant,
25 et pourtant vous dites :
« La conduite du SEIGNEUR est étrange. »
Ecoutez donc, fils d’Israël :
est-ce ma conduite qui est étrange ?
N’est-ce pas plutôt la vôtre ?
26 Si le juste se détourne de sa justice,
se pervertit, et meurt dans cet état,
c’est à cause de sa perversité qu’il mourra.
27 Mais si le méchant se détourne de sa méchanceté
pour pratiquer le droit et la justice,
il sauvera sa vie.
28 Parce qu’il a ouvert les yeux,
parce qu’il s’est détourné de ses fautes,
il ne mourra pas, il vivra.
Pour comprendre cette prédication d’Ezéchiel, il faut se rappeler le contexte : Ezéchiel fait partie des habitants de Jérusalem déportés à Babylone par les armées de Nabuchodonosor, en 597 av.J.C. C’est la catastrophe : on a vécu toutes les atrocités d’une guerre, et maintenant, à Babylone, loin du pays, la fameuse Terre Promise, qui devait ruisseler de lait et de miel, disait-on… loin de Jérusalem détruite, loin du Temple saccagé, la population décimée, on a tout perdu.
La tentation est grande de se révolter contre Dieu ; les exilés se plaignent et disent « La conduite du SEIGNEUR est étrange », ce qui signifie en clair : « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu pour mériter une telle punition ? »
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?
Car, à l’époque, on est convaincu qu’il y a un lien entre notre comportement bon ou mauvais et les événements de notre vie, heureux ou malheureux. Les bons sont toujours récompensés, les méchants sont toujours punis. Donc, s’il nous arrive un malheur, c’est parce que nous avons commis une faute.
Or cette génération dans la tourmente n’est pas pire que les précédentes. Et elle a quand même bien l’impression qu’elle paie tout le poids du passé, les fautes accumulées des générations précédentes, comme si le vase de la colère de Dieu avait tout d’un coup débordé. Et on se met à répandre le dicton : « Les pères ont mangé du raisin vert et les dents des fils en ont été agacées » (Ez 18, 2). Traduisez : notre génération paie pour toutes celles qui l’ont précédée.
Voilà dans quel contexte Ezéchiel prend la parole. Et il nous offre ici toute une méditation sur la justice de Dieu.
Qu’est-ce que la justice de Dieu ?
Cette question de la justice de Dieu a habité la réflexion du peuple d’Israël tout au long de son histoire. Et la réponse a varié au cours du temps. La prédication d’Ezéchiel que nous lisons aujourd’hui se situe donc à un moment précis de ce long cheminement. Et elle va constituer une étape importante dans ce déroulement.
Comme tous ses contemporains, Ezéchiel raisonne dans une logique de récompense / punition, ce que l’on appelle « la logique de rétribution ». Et sur ce point précis, il n’apporte rien de neuf. Toute faute reçoit un châtiment : telle est, croit-on, la justice de Dieu.
En revanche, il apporte du nouveau au sujet de ce fameux dicton sur les raisins verts. « Les pères ont mangé du raisin vert et les dents des fils en ont été agacées » (Ez 18, 2). C’est-à-dire que notre génération paie pour toutes celles qui l’ont précédée.
Personne n’est jamais puni pour la faute d’un autre
La nouveauté apportée par Ezéchiel consiste à dire : le dicton sur les raisins verts est faux. On ne paie pas les fautes de ceux qui nous ont précédés. Au contraire, chacun est rétribué pour sa propre conduite. Quelques lignes avant le texte d’aujourd’hui, Dieu a fait dire par son prophète : « Par ma vie, dit Dieu, vous ne répéterez plus ce dicton en Israël ». Et Ezéchiel développe tout un raisonnement pour bien préciser que la justice est individuelle et non pas collective.
« Si le méchant se détourne de sa méchanceté, s’il se met à pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Parce qu’il a ouvert les yeux, parce qu’il s’est détourné de ses fautes, il ne mourra pas, il vivra ». Donc personne n’est jamais puni pour la faute d’un autre.
Une étape mais seulement une étape
C’est évidemment une étape très importante dans la découverte de la justice de Dieu, mais ce n’est qu’une étape. Plus tard, en particulier avec le livre de Job (dans la partie centrale du livre), on reconnaîtra que la justice de Dieu n’est pas une affaire de rétribution : qu’il n’y a pas de mesure automatique entre nos actions, bonnes ou mauvaises, et ce qui nous arrive de bon ou de mauvais… que les bons ne sont pas forcément récompensés et les méchants punis. On découvrira qu’on ne paie jamais rien, ni pour d’autres, ni pour soi-même… parce que Dieu ne punit jamais.
Plus tard encore, on découvrira que Dieu n’est pas la cause directe de tout ce qui nous arrive. Pour l’instant, avec Ezéchiel, on cesse d’accuser Dieu de nous faire payer les fautes de nos parents. C’est déjà un grand pas.
Un avenir est toujours possible
Ce texte d’Ezéchiel nous apporte une autre bonne nouvelle : un avenir est toujours possible ; rien n’est jamais définitivement joué. Cette leçon-là est capitale !… Pour nous encore aujourd’hui, d’ailleurs. Car effectivement, tant qu’on croit que tout est joué d’avance, on est tenté de s’abandonner au désespoir ; or Ezéchiel, comme tout bon prophète, n’a pas de pire ennemi que le découragement. C’est pourquoi il faut prendre au sérieux cette phrase : « Si le méchant se détourne de sa méchanceté, s’il se met à pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Parce qu’il a ouvert les yeux, parce qu’il s’est détourné de ses fautes, il ne mourra pas, il vivra ». Il est toujours temps de changer de conduite ou de chemin, pour reprendre une image biblique. Se convertir, étymologiquement, en hébreu, cela veut dire « faire demi-tour ».
Il est toujours temps de se convertir
Au passage, Ezéchiel lance donc un vibrant appel à la conversion. Et, tout compte fait, c’est bien simple, puisque le prophète juge notre conversion à notre conduite à l’égard des autres : d’après lui, pour le méchant, se détourner de sa méchanceté, c’est se mettre à pratiquer le droit et la justice.
Et le sort des justes ?
« Si le juste se détourne de sa justice… il mourra à cause de sa perversité. » Mais cela ne doit pas nous inquiéter, aucun de nous n’est concerné, car aucun de nous n’oserait se prétendre juste !
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Compléments au texte d’Ezéchiel
- Entre nous, il faut bien reconnaître que, même aujourd’hui, au vingt-et-unième siècle, cette phrase « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu pour mériter une telle punition ? » nous vient spontanément à la bouche quand le malheur nous arrive. On se rappelle l’histoire de l’aveugle-né chez Saint Jean : en le voyant, les disciples de Jésus lui ont posé la question classique : « Qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » (Jn 9), en d’autres termes « A qui la faute ? ».
- Vie et mort en langage biblique : le texte d’Ezéchiel peut se lire à un deuxième niveau, si on se souvient que, pour les prophètes, quand ils parlent de vie ou de mort, ils parlent de vie spirituelle et de mort spirituelle.
Dans ce chapitre 18, Ezéchiel parle beaucoup de vie et de mort. Mais il vise autre chose que la vie et la mort physiques. Les exilés, d’ailleurs, parlaient de leur exil comme d’une situation de mort ; ils disaient : « Nos révoltes et nos péchés sont sur nous, nous pourrissons à cause d’eux, comment pourrons-nous vivre ? » (Ez 33, 11). A leurs yeux, privés de tout ce qui faisait leur vie et en particulier la pratique de leur foi, l’exil était une situation de non-vie, une espèce de mort larvée… Ezéchiel ne leur promet pas tout de suite le retour, mais il leur dit : « La vraie vie, c’est l’intimité avec Dieu » et cela, c’est possible partout. « Convertissez-vous et vivez ! » Cela veut dire que, même dans le malheur, vivre au plein sens du terme, c’est-à-dire en union avec Dieu, est toujours possible.
HOMÉLIE 26E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
26 septembre, 2014http://www.homelies.fr/homelie,,3969.html
26E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2014
FAMILLE DE SAINT JOSEPH
HOMÉLIE – MESSE
La liturgie de ce jour est un appel à l’espérance. Aucun malheur n’est assez grand pour empêcher le Bon Dieu de nous rejoindre.
Certes, nous dit Ézéchiel, le juste peut chuter, emporté par sa propre perversité, et devenir méchant. Mais ce n’est jamais irrémédiable, car Dieu ne veut pas la mort du méchant mais qu’il vive ! Cette première lecture contient d’ailleurs, à mon sens, la clé de lecture de l’évangile de ce jour. Par la bouche de son prophète, Dieu déploie en effet un plaidoyer, il présente sa propre défense. Dénoncé comme responsable de nos propres turpitudes, le Seigneur réagit : « est-ce ma conduite qui est étrange ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? ». Voilà qui est bien étrange en effet, et qui nous invite à adopter un autre point de vue. Pour comprendre la parabole de Jésus, fallait-il seulement nous concentrer sur l’attitude contrastée des deux frères ? Comment la lirions-nous si nous nous attachions à regarder le visage du Père ?
L’exercice est déroutant car ce visage se fait discret.
Il y a d’abord le dialogue avec le fils aîné. Il dit « non ». Pas question d’aller à la vigne ! Pas question d’obéir comme un valet de pied. Le père doit apprendre qu’il y a quelqu’un en face de lui. C’est tout ce que nous savons de cet entretien, et de ce qui a suivi. Nous ne savons rien de la réaction du père, nous ne savons pas ce qui s’est passé en chemin, quand le fils est parti, quand il a finalement décidé d’aller à la vigne.
Justement, n’est-ce pas le silence du père qui a touché son fils ? Le père n’a pas réagit pas. Sans doute qu’après l’avoir quitté, le fils s’est-il rappelé la conversation, et a-t-il revu le visage étonné de son père. Son regard sans reproche, sans rancœur. Un regard qui s’étonne simplement de ce que le fils choisisse d’agir ainsi. « Est-ce ma conduite qui est étrange ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? » En un mot, le père n’a pas répondu à la violence par la violence. Il n’a pas monté le ton, il n’a pas manifesté son autorité pour obliger son fils à lui obéir. Le fils aîné a fait un bras de fer… mais seul. Le père, lui, l’a laissé partir, comme jadis le père du fils prodigue…
Cette attitude fait tout basculer. Celui que Jésus appelait « un homme », « un homme avait deux fils », maintenant que son aîné entre dans l’obéissance, est désormais appelé un « père ». La filiation ne peut exister qu’une fois la relation d’obéissance vécue. Ainsi quand nous nous rebellons contre Dieu, nous courrons stupidement vers notre mort et nous empêchons le Bon Dieu d’être père…
Voilà pourquoi nous pouvons dire, avec les grands prêtres à qui ce cas est soumis, que ce fils a fait la volonté du père. Il est entré en relation filiale, il ne va pas à la vigne par intérêt mais pour respecter de la parole de son père. L’amour de son père lui a donc fait faire les premiers pas d’un chemin de croissance, d’une sincère conversion.
L’autre fils en revanche dit « oui » d’emblée, mais il n’agit pas en conséquence. Cela porte à considérer qu’il n’a d’autre souci que de présenter une façade correcte. Ce qui prime pour lui, c’est de montrer à son père qu’il est conforme à l’image d’un bon fils. Il pousse d’ailleurs le zèle un peu trop loin. Appeler « Seigneur » celui qu’on peut appeler « père » n’est pas très naturel.
Ce fils construit une image de lui-même, mais il ne se construit pas lui-même. Peu à peu, avec le temps, il est même devenu calculateur. Il sait dire à son père les paroles qui conviennent, qui vont lui plaire. Pire, il n’est pas exclu qu’il s’appuie sur la certitude d’être aimé pour l’image qu’il donne. C’est pourquoi il pense pouvoir se permettre de ne pas aller à la vigne. Son père lui pardonnera bien puisqu’il l’aime. Bref, comme l’autre frère, il n’a pas appris à regarder son père, il n’a pas cherché à le connaître, à le rencontrer, si bien qu’il ne peut plus connaître la vérité ni le bonheur d’être aimé.
S’il l’avait fait, il n’aurait pas pris l’ordre d’aller à la vigne pour lui-même, par rapport à ce que cela réclame de lui. Il aurait essayé de comprendre pourquoi le père l’envoie à la vigne, il se serait demandé ce qu’est cette vigne aux yeux de son père pour qu’il ait choisi d’y envoyer ses fils et non des ouvriers journaliers. Il a donc un projet particulier, il considère donc que la tâche est d’importance, qu’elle est un honneur dont seuls ses fils sont dignes.
C’est à ce point que la parabole nous rejoint. La vigne, nous le savons, est le Royaume inauguré par Jésus. C’est à nous que le Père confie l’honneur de la faire fructifier. Pourtant nous sommes comme les deux fils : notre obéissance filiale est loin d’être parfaite, nous le reconnaissons sans peine. Pour le moins, tirons la leçon que Jésus donne aux grands prêtres et ne laissons pas un endurcissement semblable au leur tenir notre relation à Dieu. Ils incarnent en effet le scandale latent à cette parabole. En voyant son frère travailler à la vigne, celui qui refuse d’y aller ne se laisse pas remettre en question par le choix de son aîné. On peut ne pas comprendre le Bon Dieu, on peut ne pas mesurer la grandeur de son appel sur nous, mais qu’il est triste de ne pas comprendre l’exemple que les saints nous donnent. Le salut est pourtant à portée de nos mains. Jésus ne parle pas d’une récompense future, d’un bonheur lointain. Il dit : « aujourd’hui, ils vous précèdent ».
Alors vite en route ! Mettons-nous sur les chemins du Seigneur que nous indique clairement saint Paul. Pour que notre vie filiale prenne visage, pour que notre vie fraternelle fasse de nous des ouvriers dignes de la mission qui nous est confiée, centrons nos regards sur le Christ. Il est l’image parfaite, celui qui a compris l’intimité de l’amour du Père, celui dont l’obéissance infaillible vient au secours de la nôtre. Cessons d’être préoccupés de nous-mêmes et gardons fidèlement les dispositions que l’on a dans le Christ Jésus, il, lui, est le chemin qui nous conduit au Père, et proclamons, dans l’Eglise des frères qu’il a réconciliés : « Jésus Christ est Seigneur, pour la gloire de Dieu le Père, Amen ».
Frère Dominique