LAISSEZ-VOUS RÉCONCILIER PAR LE CHRIST – RÉCONCILIATION CHEZ SAINT PAUL)
http://www.africamission-mafr.org/reconciliation_paul.htm
Missionnaires d’Afrique
Spiritualité
Innocent Maganya M.Afr.
LAISSEZ-VOUS RÉCONCILIER PAR LE CHRIST – RÉCONCILIATION CHEZ SAINT PAUL)
Innocent Maganya -Cette année du bimillénaire de la naissance de Paul, apôtre des nations, nous a permis de revisiter certains de ses enseignements et de les approfondir. Un aspect important de sa pensée est celui de la réconciliation. Le monde dans lequel nous vivons est un monde en crise à tous les niveaux ; c’est un monde marqué par des conflits sociaux, politiques et religieux. Saint Paul peut nous aider à affronter ces conflits dans un esprit chrétien. Il y a chez saint Paul quatre textes principaux qui parlent de la réconciliation. Évidemment, chaque texte doit être lu dans son contexte. Il s’agit de 2 Co 5, 11-21 ; Col 1, 12-23 ; Eph 2, 11-22 ; Rm 5, 6-11. Ces textes nous offrent une base solide, non seulement pour une théologie et une spiritualité de la réconciliation, mais aussi pour un ministère de la réconciliation. Nous allons concentrer notre attention sur la relation entre Paul et la communauté de Corinthe.
Paul débarque dans cette communauté après son expérience d’Athènes où le discours philosophique à l’aréopage n’a pas été un succès. Paul décide de partir de son expérience personnelle avec le Christ afin de pouvoir toucher le cœur des Corinthiens. C’est tout tremblant de peur qu’il entre à Corinthe (1 Co 2, 3-4). Dans sa première lettre, il traite de problèmes d’ordre pastoral : divisions et factions entre groupes rivaux, etc. Les chrétiens prennent parti et se rangent derrière tel ou tel apôtre. Il y a des jalousies et des calomnies au sein de la communauté. Toutes ces questions peuvent nuire à la cohésion de la communauté. La deuxième lettre est motivée par une remise en question de son autorité apostolique. On le qualifie d’homme qui ne sait pas tenir sa parole, d’homme qui change facilement de décision. Il est insulté par certains membres de la communauté. Son message sur le Christ crucifié est rejeté. Paul se défend et appelle la communauté à se réconcilier.
Paul se présente à la communauté de Corinthe comme un apôtre itinérant, persécuté et malade, un homme tremblant, un apôtre qui souffre la passion du Christ. Mais il a été réconforté par le Christ de qui il a reçu son mandat. Il ne cherche pas sa propre gloire, il ne prêche rien d’autre que le Christ, le Christ crucifié, mort pour tous. Il insiste sur le fait qu’il est ministre au service de l’Évangile et du Christ (2 Co 3,6). L’annonce de l’Évangile est pour lui un devoir : « Si j’annonce l’Évangile, je ne peux pas m’en vanter : je le fais par contrainte, et malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile » (1 Co 9, 17-18). Le Christ est le fondement sur lequel Paul se base pour appeler les Corinthiens à la réconciliation. « Frères, je vous en prie au nom de Jésus Christ, notre Seigneur : mettez-vous d’accord au lieu d’être divisés. Soyez unis, ayez un même esprit et la même façon de voir » (1 Co 1, 10-11).
La voie de l’abaissement est une stratégie délibérément choisie par Paul pour laisser transparaître le message du Christ. Il me semble que nous devons redécouvrir cette stratégie missionnaire de Paul. Il nous invite à une attitude humble, dépouillée de toute prétention, centrée sur le Christ. Ce n’est pas nous qui agissons, mais c’est le Christ qui agit et nous, nous sommes ses collaborateurs. Nous sommes des ambassadeurs du Christ. Aux Corinthiens, Paul ne donne pas des ordres. Il supplie, comme un mendiant. C’est là que réside toute la force persuasive de saint Paul. Dans un processus de réconciliation, il faut parfois cette attitude d’abaissement : ne pas tenir à ses certitudes, même si nous pensons que nous avons raison. Ce qui est important, c’est de créer un climat qui favorise le dialogue et l’harmonie, afin de retrouver la paix.
Au milieu des divisions, des rivalités, des querelles d’influence, Paul se présente comme un ambassadeur qui apporte un message de paix et de réconciliation. C’est par sa mort et sa résurrection que le Christ nous a réconciliés avec Dieu. Selon Paul, nous sommes aussi des agents de la réconciliation. Les prédicateurs de l’Évangile ne doivent pas être sources de divisions. La communauté ne doit pas non plus les considérer comme tels. Il dit aux pasteurs : « Vous êtes des administrateurs du mystère de Dieu. » Et aux communautés chrétiennes il dit : « Apprenez à ne pas vous servir de l’un ou l’autre de nous pour vous enfler vous-mêmes ».
Théologie de la réconciliation
Paul développe sa théologie de la réconciliation autour de trois arguments, à savoir l’unicité du baptême, la folie du message évangélique et la mort du Christ. Tous les chrétiens ont été baptisés dans le Christ. Les querelles entre les Corinthiens n’ont pas de sens. Paul essaie de montrer que la seule personne à qui ils appartiennent, c’est le Christ. Le chapitre 12 de la première lettre aux Corinthiens insiste beaucoup sur la communauté comme corps. « Que vous soyez Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, l’Esprit, qui est un, a fait de nous un seul corps au moment de notre baptême. Et nous avons bu de l’Esprit qui est un » (1 Co 12,12).
Le deuxième argument autour duquel Paul développe sa théologie est la folie du message évangélique, c’est-à-dire le paradoxe de la croix. « Alors que les Juifs attendent des miracles et que les Grecs veulent la sagesse, nous proclamons un messie crucifié » (1Co 1, 22-23). Aux yeux du monde, la croix est signe de faiblesse, d’impuissance de Dieu. Mais pour ceux qui ont été appelés, elle est signe de sa puissance. Nul ne peut comprendre ce langage de la folie de la croix, si ce n’est par l’Esprit et dans l’Esprit (1 Co 2, 2-16). Sans l’aide de l’Esprit de Dieu, on peut se laisser facilement entraîner par une mentalité sectaire qui pousse à diviser plutôt qu’à unir et à réconcilier.
Le troisième argument est celui de la mort du Christ : « L’amour du Christ nous obsède et nous disons : si lui est mort pour tous, nécessairement tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que, s’ils vivent, ils ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5, 14-15). Il y a, chez saint Paul, un lien étroit entre la mort du Christ et la réconciliation. Dans la lettre aux Corinthiens, tout comme dans la lettre aux Romains, les affirmations sur la mort du Christ précèdent toujours celles sur la réconciliation.
Notre monde a besoin de témoins authentiques de la réconciliation entre Dieu et les hommes. L’appel à la réconciliation reste pour nous un défi, mais aussi une vocation à vivre en ambassadeurs du Christ. Nous sommes appelés à être des ambassadeurs de la paix et de la réconciliation. Comme saint Paul, nous sommes appelés à vivre la réconciliation et à nous engager dans cette noble œuvre dans un monde de haine, de violence, d’inimitié, d’exclusion, de lutte pour le pouvoir.
Nous sommes des ambassadeurs du Christ, des ambassadeurs de paix dans un monde sans paix, des ambassadeurs de la réconciliation. Pour mieux vivre ce ministère, Paul nous invite à contempler la croix, signe par excellence de la réconciliation entre Dieu et les hommes, et à imiter l’expérience kénotique du Christ. C’est là qu’il a puisé toute la sagesse et toute la force pour appeler et interpeller la communauté à la réconciliation. Puissions-nous, à notre tour, être des ambassadeurs de paix et de réconciliation en commençant dans nos propres communautés.
Innocent Maganya M.Afr.
Tiré du Petit Echo N° 1004 2009/8
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.