QU’EST-CE QUE LA TORAH ORALE ? (TORAH CHÉ BÉ ÂL PÉ)
LE LÉV GOMPERS
http://www.modia.org/lev-gompers/
QU’EST-CE QUE LA TORAH ORALE ? (TORAH CHÉ BÉ ÂL PÉ)
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par Yehoshua Ra’hamim Dufour
D’une part, conceptuellement, nous pouvons dire que la Torah orale est composée de différentes dimensions.
D’autre part, pour comprendre son fonctionnement, il faut saisir toutes ces dimensions simultanément, en une seule dynamique vivante.
Les différentes dimensions de la Torah orale
1. La Torah orale est l’une des deux composantes de la révélation qui a été transmise à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï (an 2448 après la création)
La preuve traditionnelle en est donnée dans la Torah écrite elle-même ; dans le livre de Chémote, Exode 34, 27, il est écrit :
ki âl pi haddévarim haéllé karati itékha bérite vé éte Yisrael
car (âl pi, par) par ces paroles j’ai conclu une alliance avec toi et avec Yisrael.
L’importance majeure de cette phrase est manifeste quand nous savons qu’elle est mise, précisément, en tête de leur présentation de la Torah orale ou du talmud aussi bien par
- le Séfér Hakkéritoute,
- le Chla dans Torah che bé al pé, Torah orale, ouvrage inséré dans les Chnéï Lou’hote Habbrite,
- Rabbénou Yossef Qaro dans ses Klaléï Hagguémara, etc.
Essayons de découvrir ce que nous dit cette expression âl pi.
Les deux composantes (parole et écrit) sont indiquées en ce verset car l’expression âl pi (qui signifie par) veut dire littéralement : sur la bouche, par la parole orale. A partir de la condensation de ces deux significations (révélation de la Torah et « sur la bouche »), le Chla présente tout l’ensemble des règles qui permettent de lire et de comprendre le talmud. Il répartit ces règles selon l’anagramme de chacune des lettres de ce verset, artifice pédagogique qui veut authentifier et fixer encore ce point de l’unité de la transmission de la Torah écrite et de la Torah orale.
Le côté oral de la Torah est rendu par la racine (pé, la bouche) indiquée dans le verset cité, mais il est rendu aussi dans l’expression disant que Moché Rabbénou a reçu la Torah par un processus de transmission qui s’est fait (pé él pé, bouche à bouche) ; il est dit ensuite que cette Torah a été transmise de génération en génération, et ainsi (kol é’had omér, chacun dit) ce qu’il a entendu de la bouche dans la chaîne de réception (chemouâto mi pi haqqabbala), chacun de la bouche de chacun (iche mipi iche).
Rachi appelle ce processus : la michna, c’est à dire « le processus continu d’enseignement traditionnel passant de bouche en bouche » et non seulement la michna comme « recueil » réalisé par Ribbi Yéhouda Hannassi.
Le traité Guittine 60 b se réfère également à l’idée de la conjonction de la Torah écrite et de la Torah orale : Moché Rabbénou a reçu en même temps à la fois les mitsvotes, et leur signification, comme le dira Maïmonide (kol mitsva bi féroucha, toute mitsva dans sa signification).
Ensuite, Moché Rabbénou a transmis à la fois la mitsva et sa signification à Yéhochouâ bine Noun (Josué) qui les a intégralement transmises par seule transmission orale aux zéqénim (anciens), eux-mêmes aux néviim (prophètes), eux ensuite aux Anechéï knésséte hagguédola (maîtres de la Grande Assemblée) et ceux-là aux maîtres de la michna (les zougotes puis les tannaïm, puis les amoraïm, puis les savoraïm, puis les guéonim, etc.. Cette partie de la transmission peut être l’objet de la compréhension par la réflexion (dérékh sévara), grâce aux 13 middotes ou règles particulières d’analyse et d’interprétation (dérékh îyoune).
L’instance qui établissait officiellement le contenu de la Torah ché bé âl pé était le Grand Sanhédrine de Jérusalem et, tant qu’il existait, il n’y avait pas de querelles sur ces questions.
2. La Torah orale explicite la Torah écrite
Donnons un exemple : dans le livre de Dévarim (Deutéronome 12, 21), il est écrit :
vézava’hta mibékarékha… kaachér tsivitikha
tu pourras tuer ton bétail de la manière que je t’ai prescrite.
Or cette manière de la tuer, la ché’hita, comme le souligne Rachi, n’est pas décrite dans la Torah ; donc la Torah écrite indique bien par là
- qu’il y a d’autres éléments révélés que ceux qui nous ont été transmis explicitement par la Torah écrite,
- qu’ils sont, de plus, liés à cette Torah écrite, puisqu’elle-même s’y réfère,
- qu’ils ont été transmis de génération en génération, et sont enseignés et pratiqués par transmission jusqu’à aujourd’hui.
Un autre exemple célèbre est celui de la prescription concernant le fruit utilisé dans le loulav pour faire les bénédictions lors de la fête de Souccote. Le texte de la Torah écrite (Vayiqra, Lévitique 23, 40) parle seulement du « fruit de l’arbre de beauté » : péri êts hadar. On sait qu’il s’agit de l’étrog, uniquement par la transmission orale, qui en a été faite à Moché Rabbénou et qu’il a transmise à son tour.
Ces types d’éléments constituent une partie de ce que l’on appelle la Torah orale, qui complète donc la Torah écrite. Le Sifré précise ce principe (c’est un middrache halakha due à Ribbi Chimeône dans la tradition de Ribbi Âqiva).
On verra par ailleurs que cette Torah orale ayant également été mise par écrit (michna) à une certaine époque, le terme « orale » (béâl pé) ne doit donc pas créer une erreur consistant à croire qu’elle n’est pas mise par écrit jusqu’à nos jours.
3. La Torah orale fournit les applications de la Torah écrite
L’exemple précédent nous a montré aussi que la Torah orale concernant la ché’hita (abattage rituel) comporte des applications pratiques des grands principes de la Torah écrite. Sans cette sorte d’éclairage, de nombreux passages de la Torah écrite seraient inapplicables. Ce recueil de la tradition orale, donnant les détails pratiques de l’application dans l’action, est ce que l’on appelle la halakha, qui vient donc également de Moché Rabbénou15.
Rav Lévi bar Hama, au nom de Réche Laqiche, explique cela exactement dans le traité Berakhote 5a, après avoir posé la question :
« Pourquoi est-il écrit dans la Torah (Chémote, Exode 24, 12) : et je te donnerai les tables de pierre et la Torah et la mitsva que j’ai écrites pour qu’on les enseigne ? »
Le talmud détaille ainsi la signification de toutes les parties de ce verset :
a)
lou’hote éllou âsséréte haddibérote
« les tables », ce sont les dix paroles,
b)
Torah zé miqra
« la Torah », c’est l’Écriture,
c)
véhammitsva zo michna
« et la mitsva », c’est la michna,
d)
achér katavti éllou néviim oukhétouvim
« que j’ai écrites », ce sont les prophètes et les écrits hagiographiques,
e)
léhorotam zé guémara
« pour les enseigner », c’est la guémara (et Rachi commente souvent :
la réflexion sur ce qui fonde les mitsvotes, c’est la guémara),
f)
mélaméd chékoulam niténou léMoché misinaï
« enseigne », c’est que tous furent donnés à Moché depuis le Sinaï ».
4. La Torah orale, seule, apporte certaines précisions
Parfois, de nombreux passages de la Torah écrite seraient incompréhensibles en eux-mêmes, comme les totafote ou « téfilines de la tête » (Chémote, Exode 13, 16 et Dévarim, Deutéronome 6, 8), sans l’explication reçue de la tradition, qui se base sur l’origine du mot. Bien souvent, Rachi fournit cette explication recueillie auprès de la tradition orale, par l’enseignement qu’il en a reçu ou tel qu’il est transcrit dans les middrachim, dans le Middrache Tan’houma par exemple, qu’il cite souvent. Cette dimension de la Torah orale est d’éclaircir la Torah écrite et de montrer les nombreuses applications d’un passage qui, de prime abord, ne semblait pas explicite dans la Torah :
miqra mouât véhalakhote méroubote
de l’Ecriture un peu et des halakhotes nombreuses.
5. La Torah orale éclaire sur des prescriptions non écrites
Par ailleurs, certaines prescriptions ont été transmises oralement depuis Moché Rabbénou sans qu’il y ait de support à cette prescription dans le texte écrit ; on parlera alors techniquement de
halakha léMoché missinaï
prescriptions de Moché depuis le Sinaï.
Il s’agit d’une transmission qui ne peut se rencontrer ni par la lecture du texte de la Torah (mine hakkatouv) ni par la réflexion logique (dérékh sévara).
Si la Torah écrite est la Torah fixée en lettres sur les rouleaux de la Torah, la Torah orale est, donc, fixée directement dans le souvenir, les actes et les paroles des Juifs. De plus, ils sont la matière vivante de sa transmission. Des traditions nombreuses et différentes ont ainsi été transmises (‘Haguiga 12) et nous verrons que plusieurs maîtres avaient déjà entrepris de les recueillir avant que Ribbi Yéhouda Hannassi ne décidât de recueillir « toutes » les traditions de la Torah orale.
6. La Torah orale nous donne les middote ou règles de compréhension
La Torah orale inclut aussi la tentative de compréhension de la Torah écrite telle qu’elle découle de la mise en œuvre des règles traditionnelles d’interprétation du texte. Ces règles, les middote, ne sont pas établies par les lecteurs mais elles ont été mises au point, recensées ou transmises par les grands maîtres : ce sont les 7 règles de Hillel (chéva middote chél Hillel), les 13 règles de Ribbi Yichmâel (chloche esré middote), qui sont elles-mêmes en liaison, souligne le Chla, avec les 13 démarches de D-ieu (chloche êsré middote chél Haqqadoche baroukh Hou), les 32 règles de Ribbi Éliêzér, fils de Ribbi Yossi Haggalili (chlochim ouchtayim middote), les 27 règles du Chla. Nous reviendrons sur ces règles.
La mise en jeu de ces règles de lecture et de compréhension n’a pas encore épuisé tout son potentiel, c’est l’œuvre de toutes les générations. Elle demande avant tout une connaissance fine et rigoureuse de la technique de ces systèmes d’interprétation.
Ces règles ne sont pas des artifices d’interprétation mais elles dévoilent la connaissance de la logique interne du texte révélé, qui est bâti selon des règles précises ; ce sont des règles de compréhension exacte.
Une partie très importante de la guémara est constituée par ces tentatives d’interprétation réalisées par les grands maîtres, leurs débats à ce sujet (souguiyote) et leurs contestations des tentatives des collègues, ceci dans le but d’être fidèles au texte. Pour cela, ils utilisent très souvent ces mêmes règles traditionnelles communes. Leur débat n’est donc pas une querelle d’Écoles mais une discussion exigeante par sa rigueur qui est « disputation orientée vers la volonté du Ciel » :
ma’hloqéte léchém chamayim.
Ces middotes, de par leur complexité, demandent un exposé séparé ; il sera présenté plus loin, de même que les règles des (souguiote, débats talmudiques). Comme il y a une gradation dans la force contraignante des différentes middotes, une grande place est laissée au débat, à la confrontation des opinions (ma’hloqète).
7. La Torah orale nous transmet les divréï sofrim
Les divréï sofrim sont les prescriptions formulées par les Sofrim ou Sages experts en toutes les lettres de la Torah, depuis Moché Rabbénou jusqu’à la fin de la rédaction de la michna.
Leurs préceptes, exprimés avec la plus grande minutie, ne sont pas des inventions ni des exercices de rhétorique mais
- ils constituent une formulation des préceptes de la Torah,
- auxquels ils ajoutent aussi des preuves explicites tirées de la Torah.
Le Maharal de Prague estime ce point si important qu’il le précise dès le début de son Béer Haggola, Le Puits de l’exil.
Pour faire comprendre que tout l’édifice de leurs explications n’est pas une broderie autour de la Torah, le talmud dit que
- D-ieu a montré à Moché Rabbénou tout ce que ces Sages apporteraient ultérieurement comme précisions sur la Torah (diqdouqéï sofrim, les précisions des sofrim) ;
- leurs apports sont à respecter plus encore que ce que l’on peut comprendre directement de la Torah, au point que leur transgression est mortelle (voir Méguila 19 b).
8. La Torah orale nous transmet le middrache
Cette formulation est une extension du point précédent. Le middrache est un travail exégétique approfondi sur le texte pour en tirer des interprétations solides, qui ne sont pas évidentes à première lecture. Un témoignage ancien nous est donné en Néhémie 8, 8 : « Ils faisaient la lecture de la Torah de Moché Rabbénou d’une manière distincte et en indiquaient le sens de sorte que l’on comprit le texte » (Qiddouchine 37 b).
On parle ainsi de Sages qui étaient des darchanim guédolim, grands interprètes. Leur activité s’étendait spécialement aux parties de la Torah qui ne sont pas prescriptives en mitsvotes mais davantage centrées sur l’exhortation, la signification et la morale, ce que l’on appelle la haggada (avec un alef en début de mot, et non un avec un hé comme dans la haggada de Pessa’h).
On y ajouta aussi des thèmes de cette nature, qui entouraient les discussions centrées sur la halakha. Ils sont l’œuvre de Sages nommés rabbanane di aggadata. Ceux qui ont collecté ces haggadote ont reçu le nom de méssadér aggadta, comme Rabbi Chimeône ben Pazzi (traité Bérakhote 10 a).
Les principaux recueils de ces nombreux middrachim sont :
- le Béréchite Rabba, qui commente tous les versets du livre de la Genèse, dû à Ribbi Hochaya, amora du 3e siècle de l’ère actuelle ; des recueils plus récents furent groupés également pour les autres livres de la Torah ;
- la Mékhilta sur Chémote, le livre de l’Exode, due à l’École de Ribbi Yichmâel et Ribbi Âqiva ;
- le Sifra, ou Torahte Cohanim sur Vayiqra, le livre du Lévitique, dû à l’École de Ribbi Âqiva, de l’époque de Rabbi et de Ribbi ‘Hiya.
- le Sifré sur Bamidbbar, le livre des Nombres, dû à l’École de Ribbi Yichmâel et de Ribbi Âqiva ;
- le Sifré sur Dévarim, le livre du Deutéronome, composé à la fois de halakha et de haggada et dû à l’École de Ribbi Yichmâel et de Ribbi Âqiva ;
- le Middrache Tan’houma ou Tan’houma Yélamdénou (sur l’ensemble de la Torah) concerne la halakha, l’exégèse et l’exhortation. Rachi y a puisé de nombreuses interprétations.
- les middrachim sur les livres de Eikha, Lamentations, Isaïe, Jonas, Job, Cantique des Cantiques (Chir hacchirim), Ruth, Esther… ;
- les Pirqéï de Ribbi Éliêzér qui dépeignent les merveilles de D-ieu dans la création et dans l’histoire de son peuple ; ils sont antérieurs à la rédaction de la michna.
De nombreux autres recueils de middrachim existent également.
9. La Torah orale nous transmet les séyagim, haies.
La guémara consacre une partie de son propos à la discussion de mesures pertinentes à prendre dans la vie quotidienne pour qu’elle soit vécue selon la Torah et elle constate qu’il y a nécessité d’ajouter aux prescriptions explicites de la Torah des « haies » de protection autour de la Torah : séyag la Torah ; c’est-à-dire placer des haies à proximité de choses interdites par la Torah pour que le Juif parvienne à s’en préserver. Cette préoccupation ne relève pas d’une tendance naturelle à la fermeture de la part de tout groupe spécifique qui s’enclôt sur soi-même en multipliant les interdits, ni même d’une sagesse particulière mais, comme l’explicite le traité Yevamote 21 a, d’une prescription inscrite dans le texte même de la Tora. En effet, dans Vayiqra (Lévitique 18, 30) il est écrit :
ouchémartém éte michmarti
gardez mes observances.
La fonction de ces haies est d’aider l’homme à éviter la transgression. Il va de soi que si des humains peuvent construire des haies pour protéger la Tora écrite, ils ne peuvent pas mettre des haies pour protéger à leur tour celles-là, qui ne sont plus d’origine divine.
On formule ce principe en disant :
éïn gozérim guézéra laguézéra
on ne rajoute pas de haie à la haie (‘Houline 104 b).
Ce sont les prophètes (néviim) puis les Sages (‘hakhamim) de la Grande Assemblée qui, parmi les trois prescriptions qu’ils établirent, fixèrent les principales haies, comme il est écrit dans le traité des Pères 1, 1. Ils les nommèrent guézérote, coupures. Les Sages des différentes époques ont continué à élaborer ces mesures adaptées aux conditions de chaque génération.
En ce sens, on parle aussi de Massoréte sayag la Torah à propos de la tradition qui règle la façon d’écrire le texte de la Torah dans les moindres détails (ibid. 3, 13).
Un principe important est qu’une haie n’est prescrite que lorsque la majorité du peuple peut l’appliquer (Baba Qama 60 b).
10. La Torah orale comprend aussi le nistar
La guémara apporte également, avec discrétion, des indications sur le sens le plus profond, le plus caché de la Torah, le nistar, comme dans le traité ‘Haguiga 13. Elle précise alors comment doit se faire cet enseignement, à un seul élève, en petit groupe ou en public, suivant l’importance du sujet.
Concernant ce nistar, une question est souvent discutée : celle de savoir si l’urgence ou les périls de la destruction de la communauté juive ne rendraient pas obligatoire l’enseignement de cet essentiel. D’autres apportent un critère supplémentaire : l’urgence viendrait du fait que l’on se rapprocherait de la fin des temps espérés.
11. La Torah orale comprend aussi les minhaguim
La guémara inclut également la description d’us et coutumes (minhaguim ; minhag, au singulier) dont, à première vue, il n’est pas toujours clair de savoir s’ils sont référés à la Torah ou non. Cette question touche à la plus vive sensibilité populaire car toute coutume est la forme la plus affective du lien entre les générations familiales :
minhag avotéihém béyadéhém
le minhag des ancêtres est dans leur mains (Chabbate 35, Erouvine 104…),
ce qui sous-entendrait que les descendants ne peuvent le modifier, argument qui est souvent invoqué pour défendre sa propre pratique. Abbayé l’amora emploie la formule naqtinane (est admis chez nous) pour indiquer qu’il va donner à l’appui du problème une tradition de halakha reçue de sa tradition, et Rachi le précise :
massoréte avotéinou, minhag avotéinou
la tradition transmise par nos pères, de génération en génération (Erouvine 5 a).
Les Sages ont été sensibles au risque d’immobilisme ou de transmission de coutumes erronées qui pouvait en découler car la fidélité affective à des erreurs récentes des dernières générations peut ainsi conduire à des traditions nouvelles contraires à la Torah ; c’est pourquoi les Sages ont apporté des règles sûres et faciles à comprendre pour trier le pur de la fantaisie crédule ou de l’imitation des coutumes locales, surtout quand elles invoquent le principe mal compris :
minhag mévatél halakha
la coutume annule la halakha (Yébamote, Jérusalem 12).
En fait, ce principe exact ne s’applique que pour un minhag qui est « antique ».
Le Séfér Hakkéritoute (4, 3, 19) le dit explicitement :
minhag ché amrou ché mévatél halakha minhag vatiqine
un minhag dont on dit qu’il annule la halakha est le minhag ancien ;
et ce n’est pas seulement celui que l’on a vu pratiquer soi-disant « depuis toujours ».
Et le Séfér Hakkéritoute ajoute nettement et délicatement l’adage :
aval minhag ché eïn lo réaya mine hattorah eïno élla kétoêh béchiqoul haddaâte
mais le minhag qui n’a en lui rien de la Torah n’est rien d’autre qu’une faute de jugement.
Donc, seul un talmid ‘hakham (disciple des Sages) instruit dans toute la tradition de la Torah et dans l’histoire de la tradition d’une communauté particulière peut se prononcer sur ces questions, et les particuliers confrontés à ce problème ne doivent pas s’en référer à leur seule fidélité affective ni à leur jugement insuffisamment éclairé. On ne peut se permettre de se tromper en ce qui concerne la Torah elle-même.
Le Rav Ôvadia Yossef, Richone létsione, chalita, recense 24 règles s’appliquant aux minhaguim (pages 17-19 du tome 1 de Yé’ahavé daâte), dont celles-ci :
- ce que la Torah permet, si on y applique des interdits, ils viennent des rabbins (talmidéï ‘hakhamim, posseqim) et ce ne sont pas les particuliers qui ont la compétence pour se prononcer à leur sujet ;
- quand un minhag est en contradiction avec une prescription de la Torah, on ne peut pas lui appliquer la règle minhag mévatél halakha (le minhag annule la halakha) ;
- un minhag qui ajoute des interdits qui conduisent à faire des transgressions de la Torah, c’est une mitsva que de l’annuler, etc.
La technicité et la gravité du problème exigent donc une grande connaissance des règles en la matière.
En fait, la source de la majorité de ces coutumes diverses vient de la dispersion du peuple juif, car lorsque le Béit dine Haggadol existait à Jérusalem et assurait l’unité, il n’y avait pas de disputes au sujet de ces coutumes : il en établissait la validité et leur diversité éventuelle ne faisait que correspondre clairement aux différentes voies de la transmission.
Résumons l’ensemble de ces 11 paramètres de la Torah orale pour bien les mémoriser :
1. Elle est l’une des deux composantes de la révélation qui a été transmise à Moché Rabbénou sur le Mont Sinaï, et la Torah écrite et la Torah orale sont une seule Torah.
2. Elle complète la Torah écrite.
3. Elle fournit les applications de la Torah écrite.
4. Elle apporte certaines précisions.
5. Elle éclaire sur des prescriptions non écrites.
6. Elle donne les middote ou règles de compréhension.
7. Elle transmet les divréï sofrim.
8. Elle transmet le middrache.
9. Elle transmet les séyagim, haies.
10. Elle comprend le nistar.
11. Elle comprend les minhaguim.
Vérification des connaissances
Répondre aux questions suivantes qui ont été traitées dans cette session. Se reporter au texte chaque fois que la réponse donnée est imprécise :
1. Quels rapports existent entre ces trois pôles : la Torah écrite, la Torah orale et la tradition rapportée dans le talmud ?
2. Nommer de mémoire 11 composantes de la Torah orale, et leur caractéristique.
3. Quel enseignement tire-t-on de l’expression âl pi ? Citer par cœur son verset (Chémote, Exode 34, 27).
4. Qu’a reçu simultanément Moshé Rabbénou ?
5. Citer les différentes étapes historiques de la transmission entre Moshé Rabbénou et les maîtres de la michna.
6. Quelle était l’instance qui établissait officiellement le contenu de la Torah ché bé âl pé ?
7. Expliquer les exemples montrant que la Torah orale complète la Torah écrite.
8. Citer les commentaires sur les totafote ou « téfilines de la tête ».
9. Citer les différentes significations de la phrase de Chémote 24, 12.
10. Citer la phrase montrant les nombreuses applications d’un passage qui, de prime abord, ne semblait pas explicite dans la Torah : (miqra…).
11. Que signifie halakha lé Moché miSinaï ?
12. Que sont les middote ?
13. Qu’est la ma’hlokète léchém chamayim ?
14. Que sont les divréi sofrim ?
15. Citer et commenter le verset de Néhémie 8, 8 sur le middrache.
16. Définitions de : darchanim guédolim, haggadah et haggadah.
17. Indiquer les huit principaux recueils de middrachim et leurs caractéristiques.
18. Qui a écrit Béer Haggola ?
19. Que sont les Diqdouqéi sofrim ?
20. Définir sayag la Torah. Citer le verset qui en est la base.
21. Que signifie : guézéra la guézéra éine gozerine ?
22. Combien de prescriptions ont fixé les Sages de la Grande Assemblée ?
Quelle en est la référence ?
23. Qu’est la Massoréte séyag la Torah ?
24. A quelle condition une « haie » est-elle prescrite ?
25. Qu’est le nistar ?
26. Définir les minhaguim.
27. Que signifie : minhag avotéhém béyadéhem ?
28. Que signifie : minhag mévatél halakha ?
29. Que signifie : minhag ché amrou ché mévatél halakha, minhag vatiqine ?
30. Continuer les mots de la phrase : le minhag qui n’a en lui rien de la Torah n’est rien d’autre que.
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