Archive pour le 3 septembre, 2014
PAPE FRANÇOIS: VEILLÉE DE PRIÈRE POUR LA PAIX (7.9.13)
3 septembre, 2014VEILLÉE DE PRIÈRE POUR LA PAIX – « Dieu vit que cela était bon »
PAROLES DU PAPE FRANÇOIS
Parvis de la Basilique vaticane
Samedi 7 septembre 2013
« Dieu vit que cela était bon » (Gn 1, 12.18.21.25). Le récit biblique du début de l’histoire du monde et de l’humanité nous parle de Dieu qui regarde la création, la contemple presque, et répète : cela est bon. Cela, chers frères et sœurs, nous fait entrer dans le cœur de Dieu et, de l’intime de Dieu, nous recevons son message.
Nous pouvons nous demander : quelle signification a ce message ? Que me dit ce message à moi, à toi, à nous tous ?
1. Il nous dit simplement que dans le cœur et dans la pensée de Dieu notre monde est la ‘maison de l’harmonie et de la paix’, et est le lieu où tous peuvent trouver leur place et se sentir ‘chez soi’, parce que cela est « bon ». Tout le créé forme un ensemble harmonieux, bon, mais surtout les humains, faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, sont une unique famille, dans laquelle les relations sont marquées par une fraternité réelle non seulement proclamée en paroles : l’un et l’autre sont le frère et la sœur à aimer, et la relation avec Dieu qui est amour, fidélité, bonté se reflète sur toutes les relations entre les êtres humains et apporte l’harmonie à la création tout entière. Le monde de Dieu est un monde dans lequel chacun se sent responsable de l’autre, du bien de l’autre. Ce soir, dans la réflexion, dans le jeûne, dans la prière, chacun de nous, tous nous pensons au fond de nous-mêmes : ne serait-ce pas peut-être ce monde que nous désirons ? Ne serait-ce pas peut-être ce monde que tous portent dans le cœur ? Le monde que nous voulons, n’est-il pas peut-être un monde d’harmonie et de paix, en nous-mêmes, dans les rapports avec les autres, dans les familles, dans les villes, dans et entre les nations ? Et la vraie liberté dans le choix des chemins à parcourir en ce monde, n’est-elle pas peut-être celle qui est orientée vers le bien de tous et qui est guidée par l’amour ?
2. Mais demandons-nous maintenant : est-ce cela le monde dans lequel nous vivons ? Le créé conserve sa beauté qui nous remplit d’émerveillement, reste une œuvre bonne. Mais il y a aussi « la violence, la division, le conflit, la guerre ». Cela arrive quand l’homme, sommet de la création, abandonne le regard sur l’horizon de la beauté et de la bonté, et se renferme dans son égoïsme.
Quand l’homme pense seulement à lui-même, à ses propres intérêts et se place au centre, quand il se laisse séduire par les idoles de la domination et du pouvoir, quand il se met à la place de Dieu, alors il abîme toutes les relations, il ruine tout ; et il ouvre la porte à la violence, à l’indifférence, au conflit. C’est exactement ce que veut nous faire comprendre le passage de la Genèse qui raconte le péché de l’être humain : l’homme entre en conflit avec lui-même, s’aperçoit qu’il est nu et se cache parce qu’il a peur (Gn 3,10), il a peur du regard de Dieu ; il accuse la femme, celle qui est chair de sa chair (v.12) ; il rompt l’harmonie avec le créé, arrive à lever la main contre le frère pour le tuer. Pouvons-nous dire que l’harmonie est devenue ‘dis-harmonie’ ? Pouvons-nous dire cela : que de l’harmonie, on passe à la ‘dis-harmonie’. Non, la ‘dis-harmonie’ n’existe pas : ou il y a l’harmonie, ou on tombe dans le chaos où il y a violence, querelle, conflit, peur…
C’est justement dans ce chaos que Dieu demande à la conscience de l’homme : « Où est Abel ton frère ? ». Et Caïn répond : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? » (v.9). Cette question nous est aussi adressée et il serait bien que nous nous demandions : Suis-je le gardien de mon frère ? Oui, tu es le gardien de ton frère ! Être une personne humaine signifie être gardiens les uns des autres ! Et au contraire, quand se rompt l’harmonie, suit une métamorphose : le frère à garder et à aimer devient l’adversaire à combattre, à supprimer. Que de violence naît à ce moment, que de conflits, que de guerres ont marqué notre histoire ! Il suffit de voir la souffrance de tant de frères et sœurs. Il ne s’agit pas de quelque chose de conjoncturel, mais c’est la vérité : dans chaque violence et dans chaque guerre, nous faisons renaître Caïn. Nous tous ! Et aujourd’hui aussi, nous continuons cette histoire de conflit entre les frères, aujourd’hui aussi, nous levons la main contre celui qui est notre frère. Aujourd’hui aussi nous nous laissons guider par les idoles, par l’égoïsme, pas nos intérêts ; et cette attitude continue : nous avons perfectionné nos armes, notre conscience s’est endormie, nous avons rendu plus subtiles nos raisons pour nous justifier. Comme si c’était une chose normale, nous continuons à semer destruction, douleur, mort ! La violence, la guerre apportent seulement la mort, parlent de mort ! La violence et la guerre ont le langage de la mort !
Après le chaos du Déluge, il s’est arrêté de pleuvoir, on voit l’arc-en-ciel et la colombe porte un rameau d’olivier. Aujourd’hui, je pense aussi à cet olivier que les représentants des différentes religions, nous avons planté à Buenos Aires, sur la Place de Mai, en 2000, demandant qu’il n’y ait plus le chaos, demandant qu’il n’y ait plus la guerre, demandant la paix.
3. Et à ce point, je me demande : Est-il possible de parcourir la voie de la paix ? Pouvons-nous sortir de cette spirale de douleur et de mort ? Pouvons-nous apprendre de nouveau à marcher et à parcourir les chemins de la paix ? En invoquant l’aide de Dieu, sous le regard maternel de la Vierge Salus populis romani, Reine de la paix, je veux répondre : Oui, c’est possible à tous ! Ce soir, je voudrais que de toutes les parties de la terre nous criions : Oui, c’est possible à tous ! Ou mieux, je voudrais que chacun de vous, du plus petit au plus grand, jusqu’à ceux qui sont appelés à gouverner les Nations, réponde : Oui, nous le voulons ! Ma foi chrétienne me pousse à regarder la Croix. Comme je voudrais que pendant un moment tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté regardent la Croix ! On peut y lire la réponse de Dieu : là, à la violence on ne répond pas par la violence, à la mort, on ne répond pas par le langage de la mort. Dans le silence de la Croix, se tait le bruit des armes et parle le langage de la réconciliation, du pardon, du dialogue, de la paix. Je voudrais demander au Seigneur, ce soir, que nous, chrétiens et frères des autres religions, chaque homme et chaque femme de bonne volonté crie avec force : la violence et la guerre ne sont jamais la voie de la paix ! Que chacun s’applique à regarder au fond de sa conscience et écoute cette parole qu’elle dit : sors de tes intérêts qui atrophient le cœur, dépasse l’indifférence envers l’autre qui rend le cœur insensible, vaincs tes raisons de mort et ouvre-toi au dialogue, à la réconciliation : regarde la douleur de ton frère, je pense aux enfants : seulement à ceux-là… regarde la douleur de ton frère, et n’ajoute pas une autre douleur, arrête ta main, reconstruis l’harmonie qui s’est brisée ; et cela non par le conflit, mais par la rencontre ! Que se taisent les armes ! La guerre marque toujours l’échec de la paix, elle est toujours une défaite pour l’humanité. Encore une fois, les paroles de Paul VI résonnent : « Plus les uns contre les autres, plus, jamais !… Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! » (Discours aux Nations unies, 4 octobre 1965 : AAS 57 [1965], 881). « La paix s’affermit seulement par la paix, celle qui n’est pas séparable des exigences de la justice, mais qui est alimentée par le sacrifice de soi, par la clémence, par la miséricorde, par la charité » (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1976 AAS 67 [1975], 671). Frères et sœurs, pardon, dialogue, réconciliation sont les paroles de la paix : dans la bien-aimée nation syrienne, au Moyen-Orient, partout dans le monde ! Prions, ce soir, pour la réconciliation et pour la paix, travaillons pour la réconciliation et pour la paix, et devenons tous, dans tous les milieux, des hommes et des femmes de réconciliation et de paix ! Ainsi-soit-il.
BENOÎT XVI : GRÉGOIRE LE GRAND PACIFICATEUR DE L’EUROPE – SEPTEMBRE 3
3 septembre, 2014BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 28 mai 2008
GRÉGOIRE LE GRAND PACIFICATEUR DE L’EUROPE – SEPTEMBRE 3
Chers frères et sœurs,
Mercredi dernier j’ai parlé d’un Père de l’Eglise peu connu en Occident, Romanos le Mélode, je voudrais aujourd’hui présenter la figure de l’un des plus grands Pères dans l’histoire de l’Eglise, un des quatre docteurs de l’Occident, le Pape saint Grégoire, qui fut évêque de Rome entre 590 et 604, et auquel la tradition attribua le titre de Magnus/Grand. Grégoire fut vraiment un grand Pape et un grand Docteur de l’Eglise! Il naquit à Rome vers 540, dans une riche famille patricienne de la gens Anicia, qui se distinguait non seulement par la noblesse de son sang, mais également par son attachement à la foi chrétienne et par les services rendus au Siège apostolique. Deux Papes étaient issus de cette famille: Félix III (483-492), trisaïeul de Grégoire et Agapit (535-536). La maison dans laquelle Grégoire grandit s’élevait sur le Clivus Scauri, entourée par des édifices solennels qui témoignaient de la grandeur de la Rome antique et de la force spirituelle du christianisme. Des sentiments chrétiens élevés lui furent aussi inspirés par ses parents, Gordien et Silvia, tous deux vénérés comme des saints, et par deux tantes paternelles, Emiliana et Tarsilia, qui vécurent dans leur maison en tant que vierges consacrées sur un chemin partagé de prière et d’ascèse.
Grégoire entra très tôt dans la carrière administrative, que son père avait également suivie et, en 572, il en atteint le sommet, devenant préfet de la ville. Cette fonction, compliquée par la difficulté des temps, lui permit de se consacrer à large échelle à chaque type de problèmes administratifs, en en tirant des lumières pour ses futures tâches. Il lui resta en particulier un profond sens de l’ordre et de la discipline: devenu Pape, il suggérera aux évêques de prendre pour modèle dans la gestion des affaires ecclésiastiques la diligence et le respect des lois propres aux fonctionnaires civils. Toutefois, cette vie ne devait pas le satisfaire car, peu après, il décida de quitter toute charge civile, pour se retirer dans sa maison et commencer une vie de moine, transformant la maison de famille dans le monastère Saint André au Celio. De cette période de vie monastique, vie de dialogue permanent avec le Seigneur dans l’écoute de sa parole, il lui restera toujours la nostalgie, qui apparaît toujours à nouveau et toujours davantage dans ses homélies: face aux assauts des préoccupations pastorales, il la rappellera plusieurs fois dans ses écrits comme un temps heureux de recueillement en Dieu, de consécration à la prière, d’immersion sereine dans l’étude. Il put ainsi acquérir cette profonde connaissance de l’Ecriture Sainte et des Pères de l’Eglise dont il se servit ensuite dans ses œuvres.
Mais la retraite dans la clôture de Grégoire ne dura pas longtemps. La précieuse expérience mûrie dans l’administration civile à une époque chargée de graves problèmes, les relations entretenues dans cette charge avec les byzantins, l’estime universelle qu’il avait acquise, poussèrent le Pape Pélage à le nommer diacre et à l’envoyer à Constantinople comme son « apocrisaire », on dirait aujourd’hui « Nonce apostolique », pour permettre de surmonter les dernières séquelles de la controverse monophysite et, surtout, pour obtenir l’appui de l’empereur dans son effort pour contenir la poussée lombarde. Son séjour à Constantinople, où avec un groupe de moines il avait repris la vie monastique, fut très important pour Grégoire, car il lui donna l’occasion d’acquérir une expérience directe du monde byzantin, ainsi que d’approcher la question des Lombards, qui aurait ensuite mis à rude épreuve son habileté et son énergie au cours années de son pontificat. Après quelques années, il fut rappelé à Rome par le Pape, qui le nomma son secrétaire. Il s’agissait d’années difficiles: les pluies incessantes, le débordement des fleuves, la famine qui frappait de nombreuses zones d’Italie et Rome elle-même. A la fin, la peste éclata également, faisant de nombreuses victimes, parmi lesquelles le Pape Pélage II. Le clergé, le peuple et le sénat furent unanime en choisissant précisément lui, Grégoire, pour être son Successeur sur le Siège de Pierre. Il chercha à résister, tentant également la fuite, mais il n’y eut rien à faire: à la fin il dut céder. C’était l’année 590.
Reconnaissant la volonté de Dieu dans ce qui était arrivé, le nouveau Pontife se mit immédiatement au travail avec zèle. Dès le début, il révéla une vision particulièrement clairvoyante de la réalité avec laquelle il devait se mesurer, une extraordinaire capacité de travail pour affronter les affaires ecclésiastiques et civiles, un équilibre constant dans les décisions, parfois courageuses, que sa charge lui imposait. On possède une vaste documentation sur son gouvernement grâce au Registre de ses lettres (environ 800), dans lesquelles se reflète la confrontation quotidienne avec les problèmes complexes qui affluaient sur sa table. Il s’agissait de questions qui provenaient des évêques, des abbés, des clercs, et également des autorités civiles de tout ordre et degré. Parmi les problèmes qui affligeaient l’Italie et Rome à cette époque, il y en avait un d’une importance particulière dans le domaine civil et ecclésial: la question lombarde. Le Pape y consacra toutes les énergies possibles en vue d’une solution vraiment pacificatrice. A la différence de l’empereur byzantin qui partait du présupposé que les Lombards étaient seulement des individus grossiers et prédateurs à vaincre ou à exterminer, saint Grégoire voyait ces personnes avec les yeux du bon pasteur, préoccupé de leur annoncer la parole du salut, établissant avec eux des relations fraternelles en vue d’un avenir de paix fondé sur le respect réciproque et sur la coexistence sereine entre les italiens, les impériaux et les lombards. Il se préoccupa de la conversion des jeunes peuples et de la nouvelle organisation civile de l’Europe: les Wisigoths d’Espagne, les Francs, les Saxons, les immigrés en Britannia et les Lombards furent les destinataires privilégiés de sa mission évangélisatrice. Nous avons célébré hier la mémoire liturgique de saint Augustin de Canterbury, le chef d’un groupe de moines chargés par Grégoire de se rendre en Britannia pour évangéliser l’Angleterre.
Pour obtenir une paix effective à Rome et en Italie, le Pape s’engagea à fond – c’était un véritable pacificateur -, entreprenant des négociations serrées avec le roi lombard Agilulf. Ces négociations conduisirent à une période de trêve qui dura environ trois ans (598-601), après lesquels il fut possible de stipuler, en 603, un armistice plus stable. Ce résultat positif fut rendu possible également grâce aux contacts parallèles que, entre temps, le Pape entretenait avec la reine Théodelinde, qui était une princesse bavaroise et qui, à la différence des chefs des autres peuples germaniques, était catholique, profondément catholique. On conserve une série de lettres du Pape Grégoire à cette reine, dans lesquelles il révèle son estime et son amitié pour elle. Théodelinde réussit peu à peu à guider le roi vers le catholicisme, préparant ainsi la voie à la paix. Le Pape se soucia également de lui envoyer les reliques pour la basilique Saint-Jean-Baptiste qu’elle fit ériger à Monza, et il ne manqua pas de lui faire parvenir ses vœux et des dons précieux à l’occasion de la naissance et du baptême de son fils Adaloald. L’histoire de cette reine constitue un beau témoignage à propos de l’importance des femmes dans l’histoire de l’Eglise. Au fond, les objectifs auxquels Grégoire aspira constamment furent trois: contenir l’expansion des Lombards en Italie; soustraire la reine Théodelinde à l’influence des schismatiques et renforcer sa foi catholique; servir de médiateur entre les Lombards et les Byzantins en vue d’un accord pour garantir la paix dans la péninsule, en permettant dans le même temps d’accomplir une action évangélisatrice parmi les Lombards eux-mêmes. Son orientation constante dans cette situation complexe fut donc double: promouvoir des ententes sur le plan diplomatique et politique, diffuser l’annonce de la vraie foi parmi les populations.
A côté de son action purement spirituelle et pastorale, le Pape Grégoire fut également le protagoniste actif d’une activité sociale multiple. Avec les rentes de l’important patrimoine que le Siège romain possédait en Italie, en particulier en Sicile, il acheta et distribua du blé, il secourut ceux qui étaient dans le besoin, il aida les prêtres, les moines et les moniales qui vivaient dans l’indigence, il paya les rançons des citoyens devenus prisonniers des Lombards, il conclut des armistices et des trêves. En outre, il accomplit aussi bien à Rome que dans d’autres parties de l’Italie une œuvre soignée de réorganisation administrative, en donnant des instructions précises afin que les biens de l’Eglise, utiles à sa subsistance et à son œuvre évangélisatrice dans le monde, soient gérés avec une rectitude absolue et selon les règles de la justice et de la miséricorde. Il exigeait que les colons soient protégés des abus des concessionnaires des terres appartenant à l’Eglise et, en cas de fraude, qu’ils soient rapidement dédommagés, afin que le visage de l’Epouse du Christ ne soit pas défiguré par des profits malhonnêtes.
Cette intense activité fut accomplie par Grégoire malgré sa santé fragile, qui le poussait souvent à rester au lit pendant de longs jours. Les jeûnes pratiqués au cours des années de sa vie monastique lui avaient procuré de sérieux problèmes digestifs. En outre, sa voix était très faible, si bien qu’il était souvent obligé de confier au diacre la lecture de ses homélies, afin que les fidèles présents dans les basiliques romaines puissent l’entendre. Il faisait cependant tout son possible pour célébrer les jours de fête Missarum sollemnia, c’est-à-dire la Messe solennelle, et il rencontrait alors personnellement le peuple de Dieu, qui lui était très attaché, car il voyait en lui la référence autorisée à laquelle puiser son assurance: ce n’est pas par hasard que lui fut très vite attribué le titre de consul Dei. Malgré les conditions très difficiles dans lesquelles il dut œuvrer, il réussit à conquérir, grâce à sa sainteté de vie et à sa riche humanité, la confiance des fidèles, en obtenant pour son époque et pour l’avenir des résultats vraiment grandioses. C’était un homme plongé en Dieu: le désir de Dieu était toujours vivant au fond de son âme et c’est précisément pour cela qu’il était toujours très proche de son prochain, des besoins des personnes de son époque. A une époque désastreuse, et même désespérée, il sut établir la paix et donner l’espérance. Cet homme de Dieu nous montre où sont les véritables sources de la paix, d’où vient la véritable espérance et il devient ainsi un guide également pour nous aujourd’hui.
LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU – PAR FRÉDERIC MANNS
3 septembre, 2014http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2010/sym_100423.html
LE SYMBOLE BIBLIQUE DE L’EAU
PAR FRÉDERIC MANNS
L’eau est, dans la Bible comme dans la vie, un trésor dont on néglige peut-être l’importance. Le père Manns nous rappelle les cinq axes principaux sur lesquels s’articulent le thème de l’eau nous incitant à ne pas perdre une goutte de notre lecture des textes.
L’Esprit de Dieu planant sur les eaux
Le symbole biblique de l’eau associé à l’Esprit est l’objet d’une grande inclusion dans l’histoire biblique : il revient en Genèse 1,2 et en Apocalypse 22,17. L’eau est source de vie et fait revivre l’esprit.
Les valences de l’eau sont diversifiées dans la Bible : l’eau purifie et féconde, elle étanche la soif et elle guérit. Zacharie 13 avait annoncé qu’une source devait jaillir de Jérusalem pour la purification des habitants. Dans le premier Testament l’eau symbolisait soit la Loi soit l’Esprit [1].
Cinq symbolismes majeurs
Cinq directions essentielles du symbolisme de l’eau sont connues : celle de l’eau germinale et fécondante, celle de l’eau médicinale, source miraculeuse ou boisson d’éternité, celle de l’eau lustrale, celle enfin de l’eau diluviale permettant la purification et la régénération du genre humain.
L’eau germinale et fécondante s’explique par le fait qu’une des premières expériences de l’humanité est d’établir le lien entre la pluie et la croissance de la végétation. L’eau tombe du ciel, féconde la terre après l’avoir purifiée. Il en est de même de la Parole de Dieu qui vient du ciel, purifie et féconde, affirme le midrash Cantiques Rabbah. Ce commentaire juif rappelle que l’eau est conservée dans des jarres de terre et non pas dans des vases en or ou en argent, ce qui signifie que la Parole de Dieu demeure chez celui qui est humble, qui sait qu’il est fait de terre et qu’il retournera à la terre.
L’eau est médicinale puisqu’elle est l’inductrice de toute fécondité. Elle peut également redonner, prolonger et sauver la vie puisqu’elle en est la donatrice première.
L’eau est purifiante comme le prouve l’expérience courante de l’eau utilisée pour laver et pour faire disparaître les impuretés. Par l’immersion du bain rituel ou du baptême le symbolisme de l’eau fécondante, régénératrice, médicinale et purificatrice se concentrent dans un même rite.
L’eau est diluviale comme les mythes diluviaux universels l’attestent. Le déluge rejoint le mythe de l’éternel retour aux origines. La notion cyclique du temps exprime cette réalité. Il s’agit de rejoindre l’idéal de l’origine car celui-ci n’a pas été encore corrompu par l’histoire. Le déluge est l’événement purificateur qui permet la fin d’une humanité et le début d’une humanité nouvelle.
Moïse exprime la même réalité que Noé. Il est « tiré et sauvé des eaux » pour donner naissance à un peuple libre. En passant la mer Rouge, le peuple est libéré, il est immergé dans l’eau, il renaît, tout en étant préservé du passage par la mort, contrairement aux Égyptiens et à tous ceux qui ont été engloutis par le déluge mais sont finalement sauvés comme Noé. Noé et Moïse enfant flottent sur les eaux du déluge, alors que le peuple passe à pied sec dans les eaux de la mer (Ex 14,21).
Le salut que Dieu apporte à son peuple est symbolisé par l’eau : le Seigneur fait couler de l’eau, ou jaillir des sources dans le désert. Le Seigneur va désaltérer les assoiffés : la soif représente l’exil, l’oppression, et l’eau la libération, le bonheur. En Isaïe 44,3-5, le salut va plus loin que la simple libération, l’eau devient symbole de l’Esprit qui inspire à Israël une nouvelle fidélité au Seigneur. De la même façon, Dieu change les steppes arides en pays verdoyants, symbole de renouveau et de vivification (Isaïe 41,19; 45,18) où le salut et la justice ruissellent comme la rosée et germent comme les plantes (ls 49,9; 55,13). Inversement, Dieu peut assécher les rivières, dévaster la nature, en signe de sa puissance que rien n’arrête, de sa victoire sur ses ennemis, ou de la manifestation de sa colère contre l’impiété.
La fête des Tentes avait mis au centre de la liturgie la procession à la piscine de Siloé en passant par la porte des eaux. C’est de là que devait jaillir la source annoncée par le prophète Ézéchiel, source qui allait se jeter dans la mer Morte.
Au chapitre 21 de l’Évangile selon saint Jean la pêche miraculeuse au bord du lac de Galilée exploite le symbolisme des 153 gros poissons qui peut renvoyer à la gematrie (valeur numérique des lettres) de Eglaim de Ézéchiel 47,10, endroit où les pêcheurs jetteront leurs filets.
La prophétie d’Ézéchiel 47 est fondamentale dans la tradition juive. Dans la version de la Tosephta Succot 3,3 et du Midrash Pirqe de Rabbi Eliézer 51 l’eau qui sort du Temple se divise en trois, une partie va vers la grande mer, une partie vers la mer Morte et une partie vers la mer de Tibériade. D’après la version du Targum Ez 47,8 les eaux de la mer Morte sont purifiées au contact avec l’eau qui sort du Temple.
L’eau, capable de jouer le rôle d’un miroir, a comme caractéristique d’échapper. Elle échappe parce qu’elle n’a pas de forme tout en étant capable d’épouser toutes les formes possibles et imaginables. Elle va épouser la forme d’un vase et dès qu’elle est versée dans un verre, elle en épouse la forme. Elle échappe parce qu’elle a une très grande capacité de division. Elle s’évapore et, si on l’enferme, elle profite de la moindre faille. La maîtrise de l’eau a mis beaucoup de temps dans l’histoire.
Les eaux symbolisent la totalité des virtualités, la matrice de toutes les possibilités d’existence. Elles précèdent toute forme et l’immersion en elles, symbolise la régression dans le préformel, la régénération totale, une nouvelle naissance, car elles contiennent les germes de vie nouvelle, elles guérissent et, dans les rites funéraires, elles symbolisent la vie éternelle. Elles sont ainsi élevées au rang de symbole de vie. C’est pourquoi l’eau deviendra symbole de la Parole de Dieu et de l’Esprit de Dieu.
[1] F. Manns, Le symbole eau-esprit dans le judaïsme ancien, Jérusalem, Franciscan Printing Press, 1983.