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11 AOÛT : SAINTE CLAIRE D’ASSISE

11 août, 2014

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11 AOÛT : SAINTE CLAIRE D’ASSISE

1193-1253, Cofondatrice avec saint François du second ordre franciscain, celui des Pauvres Dames, appelées aussi dans la suite Clarisses, première abbesse de Saint-Damien.

Sources
Les sources fondamentales d’une biographie de sainte Claire peuvent être réparties en quatre groupes :

les propres écrits de la sainte : sa correspondance, sa règle et son testament ;
les documents contemporains parmi lesquels les plus importants sont la règle du cardinal Hugolin, le privilège de pauvreté et la lettre de faire-part annonçant la mort de Claire ;
les biographies : la Legenda Sanctae Clarae virginis et la Vita di Santa Chiara ;
les documents relatifs à sa canonisation.
Tous ces textes ont fait l’objet d’une très bonne analyse critique (M. Fassbinder, Untersuchungen über die Quellen zum Leben der hl. Klara von Assisi, dans Franziskanische Studien, XXIII, 1936, p. 296-335). Nous nous arrêterons ici uniquement à ceux qui, mieux édités ou découverts seulement depuis la fin du XIXe siècle, ont amené les historiens récents à corriger certaines traditions au sujet de l’origine de sainte Claire, de la chronologie de son curriculum vitae, de quelques faits miraculeux rapportés à son actif. Tels sont :
la règle de sainte Claire ; l’original de la bulle Solet annuere d’Innocent IV (9 août 1253), qui confirme solennellement la règle, a été retrouvé en 1893 dans un coffret d’ébène placé dans le tombeau de la sainte ; il est actuellement conservé au monastère de Sainte-Claire à Assise ;
la lettre de faire-part de la mort de Claire, découverte dans un codex de la bibliothèque privée Landau de Florence et publiée par le Père Z. Lazzeri (Il processo de canonizzazione di Santa Chiara d’Assisi, appendice I, dans Archivum franc. hist., XIII, 1920, p. 494-499) ; elle émane de la chancellerie du cardinal Rainaldo, évêque d’Ostie ; c’est une brève biographie de sainte Claire ;
la Legenda Sanctae Clarae virginis ; l’édition de F. Pennacchi (Assise, 1910, in-8°, LXX-140 p.), qui dépasse celle des bollandistes (A. S., août, II, 754-768, avec Commentarius praevius du Père Cuper, ibid. 739-754) a remis en question plusieurs données traditionnelles ; elle se fonde sur le manuscrit 338 de la bibliothèque communale d’Assise, que l’éditeur juge être, sinon l’original, du moins la copie la plus proche du texte primitif ; la paternité de cette Légende est encore discutée : Pennachi et la plupart des historiens versés dans les questions franciscaines continuent à l’attribuer à Thomas de Calano, tandis que le Père Lazzeri tient pour saint Bonaventure ; quoi qu’il en soit, cette biographie révèle un auteur contemporain, écrivant deux ans seulement après la mort de Claire, s’appuyant à la fois sur les actes du procès de canonisation et sur les assertions de témoins immédiats ; un seul point à sa charge : sa propension à la crédulité ;
la Vita di Santa Chiara, par un franciscain toscan anonyme du début du XVIe siècle, qui a utilisé la Légende, les actes du procès de canonisation et la chronique de l’ordre ; elle a été publiée par le Père Lazzeri (La Vita di Santa Chiara, Quaracchi, 1920, in-8°, XIV-22 p.) ;
les actes du procès de canonisation ; nous n’en connaissons pas l’original, mais une traduction italienne du XVe siècle a été découverte, en 1920, dans la bibliothèque Landau de Florence, par B. Bughetti, O.F.M., et éditée par le Père Lazzeri (Archivum franc. hist., XIII, 1920, p. 403-507) ; c’est un document de la plus haute importance, qui en authentique plusieurs autres et apporte une solution à des questions douteuses.

Enfance et jeunesse de Claire,
jusqu’à la fondation du monastère de Saint-Damien
Claire naquit à Assise, en 1193 ou 1194. Son père, du prénom de Favarone, était probablement de la lignée des comtes de Coccorano. De ses ancêtres, le procès de canonisation livre les noms d’Offreduccio et de Bernardino ; ce qui a amené certains auteurs à parler de Messire Favarone d’Offreduccio de Bernardino. Un frère de Favarone s’appelait Scipio ou Cipio, d’où l’expression frater Rufinus Cipii, …consanguinus Sanctae Clarae, rencontrée dans un document littéraire franciscain (Chron. XXIV Generalium, cf. Anal. Franc., III, 46), qui a donné naissance à une interprétation erronée apparentant sainte Claire à une imaginaire famille de comtes de Scifi (déformation de Scipii) dénommés, au surplus, seigneurs de Sasso Rosso. Une tradition, qui remonte seulement au XVe siècle, la rattache, du côté maternel, aux Fiumi, de Sterpeto, famille d’authentique noblesse. La Légende rapporte que la mère de Claire, Ortolane, femme de grande piété, reçut mystérieusement, avant la naissance de l’enfant, le présage de sa haute destinée. Claire eut certainement deux sœurs cadettes, Agnès et Béatrice ; une généalogie, non absolument sûre, lui attribue deux aînés : un frère, Boson, et une sœur, Penenda.
En 1198, les troubles qui éclatèrent à Assise obligèrent les nobles, et notamment Favarone et Leonardo de Gislerio, seigneur de Sasso Rosso, à mettre leur famille en sécurité à Pérouse. Claire y vécut cinq ans. De retour à Assise en 1203, la fillette se tint à l’écart du monde, joignant une excessive réserve aux vertus d’amour pour les pauvres, de mortification et de piété, qui l’avaient déjà signalée à Pérouse.
Vers 1210, alors que ses parents songent pour elle à un riche mariage, Claire n’aspire qu’à une vie de renoncement et d’oraison. C’est alors qu’elle entendit, en l’église Saint-Georges à Assise, un sermon de François, le fondateur des Frères Mineurs. L’aide d’une amie, Bona de Guelfuccio, lui ménagea une entrevue avec le prédicateur ; des entretiens poursuivis pendant une année aboutirent à la décision définitive : le soir des Rameaux 1211 (1212 nouveau style), Claire, s’enfuyant de la maison par la « porte des morts » – celle qui, selon la coutume ombrienne, ne s’ouvre que devant les cercueils – se rendit à Sainte-Marie-des-Anges pour s’y consacrer totalement à Dieu. C’est Pacifica de Guelfuccio qui l’accompagna, cette fois ; Bona, craignant, et non sans raison, les représailles de la famille, s’était rendue à Rome sous prétexte d’y gagner les indulgences du carême.
François confia d’abord sa première « pauvre dame » aux Bénédictines de Saint-Paul, près de Bastia ; puis, après la tentative spectaculaire des parents pour reprendre la jeune fille, il la conduisit aux Bénédictines de Saint-Ange in Panzo, au sud-est de la ville. Seize jours plus tard, Agnès, qui n’avait que quinze ans, venait rejoindre sa sœur aînée (Voir Agnès d’Assise). quelques temps après, François transféra les deux sœurs dans les dépendances de Saint-Damien, la petite église qu’il avait autrefois restaurée de ses mains. Le premier monastère du second ordre franciscain était fondé.

L’abbesse de Saint-Damien
Nombreuses arrivèrent auprès de Claire et d’Agnès les jeunes filles séduites comme elles par l’idéal franciscain de renoncement et de pauvreté : Pacifica de Guelfuccio, Filippa, fille du seigneur de Sasso Rosso, Benvenuta de Pérouse, et bien d’autres dont les noms sont cités dans le procès de canonisation. Plus tard, Claire accueillera à Saint-Damien Ortolana, sa mère, et Béatrice, sa plus jeune sœur, ainsi que ses nièces Balbina et Amata de Coccorano.
Il fallait à cette communauté une abbesse. Le choix de François se porta sur Claire ; on était en 1214, elle n’avait que vingt et un ans, mais l’obéissance la contraignit à accepter une charge que son humilité lui a avait d’abord fait refuser. Dès lors, Claire fut pour ses filles un modèle et une mère : mille traits édifiants et charmants à la fois, consignés dans la Légende et dans les actes du procès de canonisation, témoignent de sa charité et de sa mortification, de son amour du silence et de la prière. Bientôt ses excès dans la pénitence délabrèrent sa santé. Dès l’âge de trente et un ou trente-deux ans, elle est atteinte d’une maladie qui la tenaillera jusqu’à la mort. Mais sa sainteté déjà est révélée par des miracles, tels ceux du pain qui se multiplie, de la cruche d’huile qui se remplit. En 1241, sa dévotion à l’eucharistie sauve le monastère, assailli par des Sarrasins à la solde de Frédéric II ; l’année suivante, la prière des Damianites donne à la ville d’Assise la victoire sur les troupes du capitaine Vitale d’Aversa. Plus merveilleuse est sa vie intérieure, dont quelques reflets transparaissent au dehors, telle l’extase qui la saisit une fois du jeudi saint au soir du vendredi saint.

La « petite plante » de saint François
Tel est le nom que Claire se donne dans son testament. De fait, François, qui avait précisé pour cette âme la vocation de haut renoncement à laquelle elle se sentait appelée, continua à la cultiver jusqu’à sa mort. À l’abbesse de Saint-Damien, il donna une courte Formula vitae, non point une règle à proprement parler, mais l’essence d’une règle pour le gouvernement des Pauvres Dames. Il la visitait et c’est, sans doute, une de leurs conversations tout enflammées de l’amour de Dieu que symbolise le légendaire récit du repas à Sainte-Marie-des-Anges, où la forêt parut embrasée aux yeux des habitants d’alentour. Par lui-même ou par des frères de son ordre, il dispensait aux Damianites la parole de Dieu. Alors qu’il hésitait entre la contemplation et la prédication, François recourut à Claire – en même temps qu’à Frère Sylvestre, l’ermite – pour connaître la volonté divine. Vers la fin de sa vie, lorsque, marqué des stigmates du Christ sur l’Alverne, il revint à Assise, Claire lui construisit une petite hutte de branchages pour qu’il pût se reposer dans le jardin de Saint-Damien. C’est là que, durant l’hiver 1224-25, fut composé l’hymne de louange à Dieu par les créatures, que nous appelons le Cantique du soleil ou Cantique des créatures. Peu avant sa mort, de la Portioncule où il s’était fait ramener, François envoya aux Damianites un ultime conseil, celui de « vivre toujours dans la vie très sainte d’imitation du Seigneur et dans la pauvreté ». Une de ses dernières volontés fut que son corps, lorsqu’on le transporterait à Assise pour les funérailles, fût porté dans l’église de Saint-Damien, afin que Claire et les Pauvres Dames pussent voir une dernière fois leur père.

La cofondatrice du second ordre franciscain
Du vivant de François déjà, nombre de monastères s’étaient fondés se réclamant de l’esprit de Saint-Damien ; des communautés, obéissant jusqu’alors à une autre règle, demandaient leur incorporation au nouvel ordre. François avait confié à la sœur de Claire, Agnès, le couvent de Monticelli à Florence ; Claire envoya sa nièce Balbina fonder celui d’Arezzo ; son amie Pacifica, celui de Vallis Gloriae à Spello ; d’autres, à Pérouse, à Terni, à Spolète, à Volterra, à Pise, à Bologne, à Crémone, à Vérone, à Venise. Bientôt le second ordre s’introduisait à l’étranger, en Espagne, en France, en Allemagne, en Belgique ; à signaler particulièrement le monastère de Prague, que gouverna Agnès, fille de Primislas Ottokar Ier, roi de Bohême, et celui de Bruges, fondé par Ermentrude de Cologne.
La brève Formula vitae de saint François ne pouvait suffire à maintenir dans l’unité d’une même discipline tous ces monastères dispersés. Déjà, le cardinal Hugolin, protecteur du second ordre, avait obtenu d’Honorius III, en 1218, l’exemption, pour les Pauvres Dames, de la juridiction épiscopale ; en 1219, il leur donna une règle qui, suivant les récentes prescriptions du concile de Latran, se fondait sur celle d’un ordre préexistant, en l’occurrence celui de Saint-Benoît. Toutefois, en dehors des dispositions relatives aux trois vœux fondamentaux, toute liberté était laissée de suivre les observances propres au second ordre franciscain. Ces observances, Hugolin les rendit plus austères que dans l’ordre bénédictin : clôture stricte, silence perpétuel, jeûnes et mortification sont minutieusement codifiés. Le pape Honorius III donna son approbation par la bulle Sacrosancta du 9 décembre 1219.
D’aucuns ont imputé à Claire l’austérité de cette règle. L’étude des documents permet de croire qu’elle ne prit aucune part à sa rédaction. Sans doute, l’abbesse de Saint-Damien était portée – et depuis son enfance – à une mortification extraordinaire ; mais, imprégnée de l’esprit du Poverello, c’est sur la pauvreté qu’elle mit l’accent, sur la pauvreté absolue pour laquelle elle lutta jusqu’à sa mort. Elle revendiqua comme un privilège pour ses filles le droit de ne rien posséder jamais, pas plus en commun qu’en propre, et de vivre uniquement d’aumônes. L’examen attentif des sources a prouvé qu’elle obtint gain de cause auprès d’Innocent III. Grégoire IX, autrefois cardinal Hugolin, eût voulu mitiger cette disposition. En 1228, il discuta personnellement avec Claire la possibilité pour les couvents du second ordre d’accepter la possession de biens en commun ; il proposa même de la délier de son vœu d’absolue pauvreté, qu’il croyait être le seul obstacle à son adhésion, mais l’abbesse lui répondit : « Saint Père, déliez-moi de mes péchés, mais non point de l’obligation de suivre Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Vaincu, le pape confirma le privilegium paupertatis, mais uniquement pour Saint-Damien, le 17 septembre 1228. Selon une étude plus récente, il semble que ces faits devraient être reportés à l’année 1231 (P. Pancratius, Het privilegie der armoede, dans Franc. leven, XXII, 1939, p. 176). Quand Innocent IV, le 6 août 1247, autorisa tous les monastères de Clarisses à posséder des revenus, Claire se retrancha derrière son privilège de pauvreté ; et lorsqu’elle même composa une règle pour les Pauvres Dames, elle y enchâssa la pratique de la pauvreté absolue pour tous les couvents de son ordre.
Aux observances en usage à Saint-Damien, conformes d’ailleurs à la Formula vitae, cette règle ajouta quelques prescriptions tirées de la règle d’Hugolin et de celle d’Innocent IV ; dans sa composition comme dans son expression, elle emprunte à la règle des Frères Mineurs de 1223, dont elle reproduit textuellement plusieurs passages. Le cardinal Rainaldo, évêque d’Ostie, alors protecteur du second ordre et, peut être, « rédacteur » de la règle, l’approuva le 16 septembre 1252 et obtint pour elle l’approbation papale. Claire eut le bonheur d’en recevoir la confirmation solennelle, sanction décisive et définitive, par la bulle Solet annuere, qu’un frère mineur, messager d’Innocent IV, lui apporta le 9 août 1253, deux jours avant sa mort.

La mort et la gloire posthume
Malade depuis près de trente ans, Claire, plus d’une fois, avait été aux portes du tombeau. En septembre 1252, on la croyait à toute extrémité ; elle vécut encore cependant jusqu’au début d’août 1253. Innocent IV, alors de passage à Assise, l’honora d’une visite personnelle au cours de laquelle l’abbesse mourante lui recommanda ses filles et leur si précieuse pauvreté. Les derniers instants de Claire, comme tant d’autres circonstances de sa vie, au dire de la Légende, s’accompagnèrent de merveilles célestes ; elle mourut le lundi 11 août 1253.
Le 18 octobre de cette même année, la bulle Gloriosus Deus d’Innocent IV confiait à l’évêque Barthélemy de Spolète la mission d’instruire le procès de canonisation. Les témoins entendus, les actes furent rédigés du 24 au 29 novembre 1253 ; moins de deux ans plus tard, le pape Alexandre IV, l’ancien cardinal Rainaldo, proclamait la nouvelle sainte en l’église d’Agnani, le 15 août 1255. Bientôt s’éleva en son honneur l’église de Sainte-Claire à Assise, où sa vie fut retracée par des disciples de Giotto, tandis que Simone Martini la représentait dans une fresque célèbre de l’église Saint-François.

 

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II : PS 146, 1.4-7.11

11 août, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20030723_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 23 juillet 2003

PUISSANCE ET BONTÉ DU SEIGNEUR

LECTURE: PS 146, 1.4-7.11

1. Le Psaume qui vient d’être chanté est la première partie d’une composition qui comprend également le Psaume 147, qui suit, et que l’original hébreu a conservé dans son unité. Ce sont l’ancienne version grecque et la version latine qui ont divisé le cantique en deux Psaumes distincts.
Le Psaume commence par une invitation à louer Dieu, puis énumère une longue série de motifs de louange, tous exprimés au présent. Il s’agit d’activités de Dieu considérées comme caractéristiques et toujours actuelles; elles sont cependant de genres très divers: certaines concernent les interventions de Dieu dans l’existence humaine (cf. Ps 146, 3.6.11) et en particulier en faveur de Jérusalem et d’Israël (cf. v. 2); d’autres concernent l’univers créé (cf. v. 4) et plus particulièrement la terre avec sa végétation et les animaux (cf. vv. 8-9).
En disant, à la fin, de qui le Seigneur est satisfait, le Psaume nous invite à une double attitude: de crainte religieuse et de confiance (cf. v. 11) Nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes ou aux énergies cosmiques, mais nous sommes toujours entre les mains du Seigneur pour son projet de salut.
2. Après l’invitation joyeuse à la louange (cf. v. 1), le Psaume se déploie en deux mouvements poétiques et spirituels. Dans le premier (cf. vv. 2-6), est introduite avant tout l’action historique de Dieu, sous l’image d’un bâtisseur qui reconstruit Jérusalem revenue à la vie après l’exil de Babylone (cf. v. 2). Mais ce grand artisan qu’est le Seigneur se révèle également comme un père qui se penche sur les blessures intérieures et physiques, présentes chez son peuple humilié et opprimé (cf. v. 3).
Faisons place à saint Augustin qui, dans le Commentaire au Psaume 146 fait à Carthage en 412, commentait la phrase « Le Seigneur guérit les coeurs brisés » de la manière suivante: « Celui qui n’a pas le coeur brisé n’est pas guéri… Qui sont ceux qui ont le coeur brisé? Les humbles. Et ceux qui ne l’ont pas? Les orgueilleux. Quoi qu’il en soit, le coeur brisé est guéri, le coeur gonflé d’orgueil est abaissé à terre. Et même, selon toute probabilité, s’il est abaissé à terre, c’est pour pouvoir être redressé, pour pouvoir être guéri… « Il guérit les coeurs brisés et bande leurs blessures »… En d’autres termes, il guérit ceux qui ont le coeur humble, ceux qui confessent, qui se punissent, qui se jugent avec sévérité pour pouvoir faire l’expérience de sa miséricorde. Voilà ceux qu’il guérit. La santé parfaite ne sera toutefois atteinte qu’au terme de l’état mortel présent, lorsque notre être corruptible se sera revêtu d’incorruptibilité et que notre être mortel se sera revêtu d’immortalité » (5-8: Commentaires sur les Psaumes, IV, Rome, 1977, pp. 772-779).
3. Mais l’oeuvre de Dieu ne se manifeste pas seulement en guérissant son peuple de ses souffrances. Lui qui entoure de tendresse et d’attention les pauvres, s’élève en juge sévère à l’égard des impies (cf. v. 6). Le Seigneur de l’histoire n’est pas indifférent face à la fureur des tyrans qui croient être les seuls juges de l’histoire humaine; Dieu abaisse jusqu’à terre ceux qui défient le ciel par leur orgueil (cf. 1 S 2, 7-8; Lc 51-53).
L’action de Dieu ne se limite pourtant pas à la domination sur l’histoire; il est également le roi de la création, l’univers tout entier répond à son appel de Créateur. Il peut non seulement compter le nombre infini d’étoiles, mais il est également en mesure de donner un nom à chacune d’elles, définissant ainsi sa nature et sa caractéristique (cf. Ps 146, 4).
Le prophète Isaïe chantait déjà: « Levez les yeux là-haut et voyez: qui a créé ces astres? Il déploie leur armée en bon ordre, il les appelle tous par leur nom » (40, 26). Les « armées » du Seigneur sont donc les étoiles. Le prophète Baruch poursuivait ainsi: « Les étoiles brillent à leur poste, joyeuses; les appelle-t-il, elles répondent: Nous voici! elles brillent avec joie pour leur créateur » (3, 34-35).
4. Après une nouvelle invitation joyeuse à la louange (cf. Ps 146, 7), voici que s’ouvre le deuxième mouvement du Psaume 146 (cf. vv. 7-11). Celui-ci met encore en scène l’action créatrice de Dieu dans le cosmos. Dans un paysage souvent aride comme peut l’être le paysage oriental, le premier signe de l’amour divin est la pluie qui féconde la terre (cf. v. 8). Par ce moyen, le Seigneur organise un festin pour les animaux. Il se préoccupe même de donner de la nourriture aux plus modestes êtres vivants, comme les petits corbeaux qui crient de faim (cf. v. 9). Jésus nous invitera à regarder « les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent ni ne recueillent en des greniers, et votre Père céleste les nourrit! » (Mt 6, 26; cf. également Lc 12, 24 avec une référence explicite aux « corbeaux »).
Mais une fois de plus, l’attention passe de la création à l’existence humaine. Et ainsi, le Psaume se conclut en montrant le Seigneur qui se penche sur celui qui est juste et humble (cf. Ps 146, 10-11), comme il était déjà apparu dans la première partie de l’hymne (cf. v. 6). A travers deux symboles de puissance, le cheval et le « jarret de l’homme » qui court, est définie l’attitude divine, qui ne se laisse pas conquérir ou intimider par la force. Une fois de plus, la logique du Seigneur ignore l’orgueil ou l’arrogance du pouvoir, mais prend le parti de ceux qui sont fidèles et « espèrent son amour » (v. 11), c’est-à-dire qui se laissent entièrement guider par Dieu dans leur action et leur pensée, dans leur programme et dans leur vie quotidienne elle-même.
L’orant doit lui aussi se placer parmi ces derniers, en fondant son espérance sur la grâce du Seigneur, assuré d’être enveloppé par le manteau de l’amour divin; « L’oeil de Yahvé est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent son amour, pour préserver leur âme de la mort et les faire vivre au temps de la famine… en lui la joie de notre coeur, en son nom de sainteté notre foi » (Ps 32, 18-19.21).

SAINT LAURENT

10 août, 2014

SAINT LAURENT dans images sacrée
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10 AOÛT : JOUR DE LA SAINT-LAURENT, DIACRE ET MARTYR

10 août, 2014

http://www.calixo.net/~knarf/almanach/laurent/laurent.htm

10 AOÛT : JOUR DE LA SAINT-LAURENT, DIACRE ET MARTYR

LE MARTYRE DE SAINT LAURENT

Laurent serait né vers 210 ou 220 en Espagne, à Huesca, au royaume d’Aragon. Son père s’appelait Orence, et sa mère Patience. Afin de compléter ses études humanistiques et liturgiques il fut envoyé, tout jeune encore, dans la ville de Saragosse, où il fit la connaissance du futur pape Sixte II. Ce dernier, originaire de la Grèce, était investi d’une charge d’enseignant dans l’un des plus importants centres d’études de l’époque et, parmi ses maîtres, le pape était l’un des plus connus et des plus appréciés.
Pour sa part, Laurent, qui devait devenir un jour le chef des diacres de l’Église de Rome, s’imposait par ses qualités humaines, par sa délicatesse d’âme et son intelligence. Entre le maître et l’élève s’instaura une communion et une familiarité qui, avec le passage du temps, augmenta et se cimenta ; entre temps, l’amour qu’ils portaient tous les deux pour Rome, centre de la chrétienté et ville-siège du vicaire du Christ, augmenta au point de suivre un flux migratoire alors très intense et de quitter l’Espagne pour la ville où l’apôtre Pierre avait établi sa chaire et rendu le témoignage suprême. C’est donc à Rome, au cœur de la catholicité, que maître et élève purent réaliser leur idéal d’évangélisation et de mission… jusqu’à l’effusion du sang. Lorsque le 30 août de l’année 257, Sixte II monta sur le trône de Pierre – pour un pontificat qui devait durer moins d’un an – , immédiatement et sans hésiter, il voulut à ses côtés son ancien élève et ami Laurent, en lui confiant la charge délicate de proto diacre, premier des sept diacres de l’Église romaine. Il avait, en cette qualité, la garde du trésor de l’église et était chargé d’en distribuer les revenus aux pauvres.
A cette époque l’empereur Valérien publia de sanglants édits contre les chrétiens, et le pape saint Sixte fut une des premières victimes de cette persécution. Le jour où l’on conduisait au supplice le vénérable pontife, Laurent dont le plus ardent désir était d’être associé à son martyre, le suivait en versant des larmes et lui disait : «Où allez-vous, mon père, sans votre fils ? Saint pontifie, où allez-vous sans votre ministre ?» Saint Sixte lui répondit : «Je ne vous abandonne point, mon fils; une épreuve plus pénible et une victoire plus glorieuse vous sont réservées; vous me suivrez dans trois jours».
Après l’avoir ainsi consolé, il lui ordonna de distribuer aux pauvres toutes les richesses dont il était dépositaire, pour les soustraire à la cupidité des persécuteurs. Laurent distribua donc aux indigents tout l’argent qu’il avait entre les mains, puis il vendit les vases et les ornements sacrés, et en employa le produit de la même manière.
Le préfet de Rome, à cette nouvelle, fit venir Laurent et lui demanda où étaient tous les trésors dont il avait la garde, car l’empereur en avait besoin pour l’entretien de ses troupes: «J’avoue, lui répondit le diacre, que notre Église est riche et que l’empereur n’a point de trésors aussi précieux qu’elle; je vous en ferai voir une bonne partie, donnez-moi seulement un peu de temps pour tout disposer.» Le préfet accorda trois jours de délai.
Pendant ce temps, Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l’Église; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant: «Voilà les trésors de l’Église que je vous avais promis. J’y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu; l’Église n’a point d’autres richesses».
A cette vue, le préfet entra en fureur, et, croyant intimider le saint diacre, il lui dit que les tortures qu’il aurait à souffrir seraient prolongées et que sa mort ne serait qu’une lente et terrible agonie. Alors ayant ordonné qu’on dépouillât Laurent de ses habits, il le fit d’abord déchirer à coups de fouet, puis étendre et attacher sur un lit de fer en forme de gril, de manière que les charbons placés au-dessous et à demi allumés ne devaient consumer sa chair que peu à peu. Au milieu de ses horribles tourments, le saint martyr, sans faire entendre une plainte, pria pour l’église de Rome. Quand il eut un côté tout brûlé, il dit au juge : « Je suis assez rôti de ce côté, faites-moi rôtir de l’autre. » Bientôt, les yeux au Ciel, il rendit l’âme.

Les reliques de saint Laurent
L’empereur Constantin lui fit bâtir à Rome une superbe église, qui est une des cinq patriarcales et une des sept principales stations, gouvernée aujourd’hui par des chanoines réguliers de Saint-Augustin. Le corps de ce saint Martyr y est honoré. L’on y conserve aussi quelques morceaux du gril sur lequel il a été rôti ; et, dans la muraille, de l’un des côtés du chœur, l’on montre une pierre de marbre, sur laquelle il fut mis après avoir été grillé, et où il reste encore quelques marques de son sang et de sa chair. Le pape saint Damase honora aussi sa mémoire d’une autre église qui est collégiale, et qui se nomme Saint-Laurent in Damaso, où l’on conserve de sa cendre et des charbons qui servirent à le rôtir. Il y a encore, dans la même ville, Saint-Laurent in pane et pernâ, bâtie sur le lieu de son martyre, où l’on garde un des ossements de ses bras, avec quelques autres charbons de son brasier. Saint-Laurent in fonte, à l’endroit où ce grand Saint fit sortir une fontaine dont il se servit pour baptiser les nouveaux chrétiens. Saint-Laurent in Lucinâ, où il y a de sa chair brûlée teinte de son sang, et de ses cendres. L’on y voit aussi la fourche de fer dont les bourreaux se servirent pour attiser le feu, et le linge dont un ange vint essuyer ses plaies. Il y a de plus Saint-Laurent in Borgo Vecchio, Saint-Laurent le Petit, et Saint-Laurent in Miranda. Dans le reste de l’Italie, les cathédrales de quelques villes sont dédiées à saint Laurent.
A Constantinople, l’impératrice Pulchérie fit bâtir une belle église en son nom, où elle mit de ses reliques ; et l’empereur Justinien la rendit, depuis, encore plus magnifique. Dans toutes les autres parties de la chrétienté, ce très-illustre Martyr a toujours été en singulière vénération. La France est enrichie de plusieurs de ses ossements et des instruments de son martyre. On voit au trésor de Saint-Denis quelques pièces de son gril, et il s’en trouve aussi des morceaux en l’église de Saint-Vincent, au Mans, qui y furent apportés par saint Domnole, évêque de la même ville. On montre à Laon, dans l’abbaye de Saint-Martin, de l’Ordre des Prémontrés, une partie de son bras gauche encore couvert de sa peau toute rôtie ; et au Puy-en-Velay, dans la cathédrale, une partie de son bras droit. Les autres parties sont à Rome, à Saint-Laurent in pane et pernâ, et en l’église de Saint-Marc. Saint Grégoire de Tours écrit que l’Église de Limoges, et plusieurs autres, ont aussi de ses reliques.

Source : Vie des Saints, par le R.P. Simon Martin, religieux de l’Ordre des Minimes, Imprimerie de Madame Laguerre, Bar-le-Duc,

C’est une icône de l’histoire de Jésus marchant sur la mer et Peter essaie de faire la même chose. (Traduction de l’anglais)

8 août, 2014

C'est une icône de l'histoire de Jésus marchant sur la mer et Peter essaie de faire la même chose. (Traduction de l'anglais)  dans images sacrée Christus+und+Petrus+1.2010.jpg.k

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COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 10 AOÛT – 1ROIS 19, 9A. 11-

8 août, 2014

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut/

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 10 AOÛT

PREMIERE LECTURE – PREMIER LIVRE DES ROIS 19, 9A. 11-13A

Lorsque le prophète Elie fut arrivé à l’Horeb,
la montagne de Dieu,
9 il entra dans une caverne et y passa la nuit.
11 La parole du SEIGNEUR lui fut adressée :
« Sors dans la montagne et tiens-toi devant le SEIGNEUR,
car il va passer. »
A l’approche du SEIGNEUR,
il y eut un ouragan, si fort et si violent
qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers,
mais le SEIGNEUR n’était pas dans l’ouragan ;
et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre,
mais le SEIGNEUR n’était pas dans le tremblement de terre ;
12 et après le tremblement de terre, un feu,
mais le SEIGNEUR n’était pas dans ce feu,
et, après ce feu, le murmure d’une brise légère.
13 Aussitôt qu’il l’entendit,
Elie se couvrit le visage avec son manteau,
il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Ce récit est celui de la grande découverte d’Elie, le jour où il a compris qu’il s’était lourdement trompé sur Dieu. Je m’explique : Tout avait commencé par l’idolâtrie de la reine Jézabel : nous sommes à Samarie (capitale du royaume du Nord) au 9ème siècle av.J.C. Le roi Achab (qui a régné à Samarie de 875 à 853) avait épousé une princesse païenne, Jézabel, fille du roi de Sidon. Celle-ci, comme tout son peuple, pratiquait le culte des Baals : en entrant à la cour de Samarie, elle aurait dû abandonner sa religion, car le roi d’Israël se devait de proscrire de son royaume toute idolâtrie ; car l’Alliance avec le Dieu UN, était exclusive de toute autre ; c’était le sens du tout premier commandement donné par Dieu au Sinaï : « Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi. » (Ex 20, 2).
Mais, bien au contraire, Jézabel avait introduit à la cour de Samarie de nombreux prêtres de Baal : quatre cents prêtres de ce culte idolâtre paradaient au palais et prétendaient désormais que Baal est le vrai Dieu de la fertilité, de la pluie, de la foudre et du vent. Quant au roi Achab, trop faible, il laissait faire ! C’était la honte pour le prophète et les fidèles du Seigneur.
Alors Elie s’était dressé pour défendre l’honneur de son Dieu, face à la paganisation croissante. Dressé avec tant de vigueur que le livre de Ben Sirac a pu dire de lui : « Alors se leva le prophète Elie, brûlant comme une torche. » (Si 48, 1-11). Il s’était fait le champion de l’Alliance : d’emblée, il s’était situé comme le représentant du Dieu d’Israël combien plus puissant que Baal. Inexorablement, les relations entre le prophète et la reine étaient devenues un concours de puissance entre le Dieu d’Israël et le Baal de Jézabel : « Mon Dieu à moi est le plus fort » était leur refrain commun.
Elie s’était placé sur le terrain même de l’idole des Cananéens : d’après lui, seul, le Dieu d’Israël pouvait annoncer la sécheresse et la famine. Qui donc a le pouvoir de donner ou de retenir la pluie ? On va voir ce qu’on va voir. On connaît la suite : une longue période de sécheresse annoncée par Elie jusqu’au jour où Dieu lui demanda de prévenir le roi qu’il allait envoyer la pluie. Or Elie fit du zèle, pourrait-on dire, ce jour-là : au lieu de se contenter de faire ce que Dieu lui avait demandé, c’est-à-dire de porter au roi la bonne nouvelle, il décida d’en profiter pour faire un grand coup d’éclat en l’honneur de son Dieu. Pour que l’on sache bien que le Dieu d’Israël seul maîtrise les éléments, il organisa une sorte de joute entre les prophètes de Baal d’un côté et lui tout seul de l’autre.
C’est le fameux épisode du sacrifice du mont Carmel : on construisit deux autels, un pour Baal, l’autre pour le Dieu d’Israël. Sur chacun des deux autels, on prépara un taureau pour le sacrifice. Et l’on convint que le dieu qui répondrait aux prières par le feu du ciel serait bien évidemment le vrai Dieu.
Alors les prêtres de Baal se mirent en prière les premiers. Mais ils eurent beau implorer toute une journée leur dieu d’envoyer son feu sur leur bûcher, il ne se passa rien. Elie ne leur épargna pas les moqueries et les conseils de crier plus fort, mais rien n’y fit.
Le soir venu, Elie se mit à prier à son tour et Dieu, aussitôt, embrasa le bûcher et le sacrifice préparé par son prophète. Celui-ci avait donc gagné la première manche devant le peuple d’Israël tout entier, médusé ; et sur sa lancée, Elie avait massacré tous les prêtres de Baal ; cela, Dieu ne le lui avait pas demandé !
La reine Jézabel n’était pas présente à l’événement, mais lorsque le roi lui raconta l’histoire, elle entra dans une grande fureur et jura de tuer Elie. Il s’enfuit donc, descendit dans le royaume du Sud, puis dans le désert du Sinaï. Dans sa fuite, il en arrivait à désirer la mort : « Je n’en peux plus ! Maintenant, SEIGNEUR, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères. » (1 R 19, 4).
Cette phrase « je ne vaux pas mieux que mes pères » était le début de sa conversion : il était en train de prendre conscience que, lui aussi, comme ses pères avait exigé que Dieu opère des prodiges. Il lui restait à découvrir que la puissance de Dieu est faite de douceur, celle qui « ne crie pas, n’élève pas le ton, ne fait pas entendre dans la rue sa clameur, ne brise pas le roseau ployé, n’éteint pas la mèche qui s’étiole… » comme dit le prophète Isaïe (Is 42, 2-3). Au bout d’une marche de quarante jours et quarante nuits, au mont Horeb (autre nom du mont Sinaï), Dieu l’attendait 1 : il aura fallu tout ce long chemin à Elie pour s’apercevoir qu’il n’avait pas choisi le bon terrain et que peut-être lui-même se trompait de Dieu : comme ses adversaires, il imaginait un Dieu de puissance.
Mais Dieu ne l’a pas abandonné pour autant, au contraire, il l’a accompagné dans sa longue marche et, peu à peu l’a converti jusqu’à se révéler à lui dans la vision émouvante du mont Horeb (1 R 19, 12) ; dernière préparation à la rencontre, la question du Seigneur à Elie réfugié dans une caverne : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? » Elie répondit : « Je suis passionné pour le SEIGNEUR, le Dieu des puissances ; les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul et l’on cherche à m’enlever la vie. »
Puis vient cette étonnante manifestation de Dieu : il n’est ni dans l’ouragan, ni dans le feu ni dans le tremblement de terre, mais dans le murmure d’une brise légère. Et encore, notre traduction est-elle trop forte si j’ose dire. En hébreu, c’est, littéralement « le son d’un silence en poussière » : un silence, c’est l’absence de son, précisément ! Et que dire d’une poussière de silence ? C’est dire que nous sommes en présence d’un Dieu de douceur, bien loin du vacarme auquel Elie s’attendait peut-être. Mais non, Dieu n’est ni dans l’ouragan, ni dans le feu ni dans le tremblement de terre, mais dans le son du silence.
On est bien loin de la démonstration de puissance qui avait accompagné une autre manifestation de Dieu, quelques siècles plus tôt, sur cette même montagne (Ex 19) 2. Au temps de Moïse, le peuple n’était pas encore prêt à mettre sa confiance en un Dieu qui n’aurait pas déployé les forces des éléments déchaînés. A l’époque d’Elie, l’heure est venue pour une nouvelle étape de la Révélation.
C’est l’honneur et la gloire du peuple élu d’avoir livré au monde cette révélation dont ils ont été les premiers bénéficiaires, avec Elie. C’est dire aussi à quelle douceur nous devons tendre si nous voulons être à l’image de notre Père du ciel !
———————
Notes
1 – D’après notre traduction liturgique « Elie entra dans une caverne et y passa la nuit ». Mais le texte hébreu précise : « Il arriva là, à la caverne et y passa la nuit ». Il s’agit d’une certaine caverne déjà connue, celle où Moïse, bien avant lui, avait eu la révélation du « SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté. » (Ex 34, 6).
2 – « Il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la montagne et la voix d’un cor très puissant… Le mont Sinaï n’était que fumée, parce que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa fumée monta, comme la fumée d’une fournaise et toute la montagne trembla violemment. La voix du cor s’amplifia : Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre. » (Ex 19, 16… 19).

Complément
On ne peut pas ignorer qu’Elie n’est pas devenu un doux pour autant ! Il suffit de relire le premier chapitre du deuxième livre des Rois. Même un très grand prophète ne se convertit pas en un jour !

19E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – HOMÉLIE

8 août, 2014

http://www.homelies.fr/homelie,,3920.html

19E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

DIMANCHE 10 AOÛT 2014

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE – MESSE

Les trois lectures de ce dimanche nous parlent de trois hommes en prise au doute, à la peur, à la tristesse qui vont être amenés par le Seigneur à surmonter ces états d’âme à travers une purification de leur foi.
La première lecture nous situe à un moment clef de la geste d’Elie. Le coup d’éclat du Mont Carmel a plutôt un goût amer. Après que le roi Achab a relaté à Jézabel comment Elie a passé au fil de l’épée tous les prophètes de Baal, celle-ci se promet de les venger. Elie a peur et entame un exode qui à travers le désert le va le conduire jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. Elie en vient même à douter de l’efficacité de sa mission de prophète : « C’en est assez maintenant, Seigneur ; prends ma vie car je ne suis pas meilleur que mes pères… » (1 R 19, 4). Arrivé finalement à l’Horeb, il se réfugie dans la caverne de ses peurs face à l’ouragan, au tremblement de terre et au feu qui successivement se manifestent devant lui.
Au départ, Elie était parti « pour sauver sa vie ». Sa vie sera sauvé mais par Dieu qui se révèlera à lui dans « le murmure d’une brise légère », littéralement « la voix d’un fin silence ». Il est dit que « dès qu’il l’entendit, Elie se voila le visage avec son manteau » comme autrefois Moïse au même mont Horeb.
Contrairement à ce qui se passa au mont Carmel, Dieu n’est pas dans le feu. Ce n’est pas une manifestation toute-puissante du Seigneur, que l’on pourrait presque croire obtenue par le prophète lui-même, qui est à la base de l’adhésion de foi. Non, il s’agit d’une manifestation simple et discrète d’un Dieu qui vient rejoindre un homme démuni, pauvre et fragile bien loin de celui qui paraissait aussi sûr de lui sur le Mont Carmel. Elie découvre que la puissance de Dieu n’est pas celle qu’il croyait. Parce qu’il a reconnu sa fragilité, parce qu’il a fait l’expérience de son besoin d’être sauvé, il est maintenant fort dans la foi et il peut reprendre sa mission au service du Seigneur.
La deuxième lecture, quant à elle, propose à notre méditation ce passage de la lettre aux Romains où saint Paul s’interroge douloureusement sur la destinée de ses frères juifs qui contrairement à lui ne se sont pas convertis.
Sur la route de Damas, lui, il a compris que croire au Christ n’était pas un reniement de sa foi juive, bien au contraire, puisque Jésus accomplissait en sa personne toutes les promesses contenues dans les Ecritures. Mais il est bien obligé de constater que la majorité de ses frères juifs ne l’ont pas suivi sur ce chemin et que beaucoup même sont devenus ses pires persécuteurs.
Comment Dieu pourrait-il laisser ses enfants dans un tel égarement ? Aurait-il oublié son Alliance avec eux ? Aurait-il oublié cette merveilleuse promesse qu’il adressait à son peuple par la bouche du prophète Isaïe : « Une femme oublierait-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15) ?
Saint Paul s’interroge, doute peut-être. Lui aussi d’une certaine manière éprouve la fragilité de sa foi. Lui non plus, il ne trouvera pas son assurance dans ses propres sécurités, mais dans la fidélité même de Dieu à son Alliance. Ses doutes ne se verront levés que par un acte de foi reposant uniquement sur la promesse de salut total faite par Dieu à tout Israël. C’est ce qu’il exprime un peu plus loin dans sa lettre : « Car je ne veux pas, frères, vous laisser ignorer ce mystère, de peur que vous ne vous complaisiez en votre sagesse : une partie d’Israël s’est endurcie jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens, et ainsi tout Israël sera sauvé, comme il est écrit : ‘De Sion viendra le libérateur, il ôtera les impiétés du milieu de Jacob. Et voici quelle sera mon alliance avec eux lorsque j’enlèverai leurs péchés’ » (Rm 11, 25-27).
Enfin, l’évangile nous présente les apôtres et tout particulièrement saint Pierre paralysés par leurs peurs devant la tempête qui les a surpris au cœur de la nuit et devant ce qu’il croit être un fantôme qui s’avance vers eux. Mais résonne ces paroles de Jésus : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! ». Invitation à la foi qui se fonde sur la sécurité des propres paroles du Seigneur : « C’est moi », par lesquelles Jésus ne déclare pas seulement son identité pour se faire reconnaître mais renvoie au mystère divin de sa personne en faisant directement référence aux paroles à travers lesquelles Dieu s’était révélé à Moïse dans le buisson ardent (Cf. Ex 3, 14).
Mais pour que cette foi le conduise à une rencontre authentique avec le Seigneur, Pierre devra faire l’expérience que Jésus le sauve : « Seigneur sauve-moi ». Alors seulement sa foi se voit purifiée de toute prétention à rejoindre Dieu par ses propres moyens.
Ces trois personnages d’Elie, de Paul et de Pierre, nous enseignent à travers les trois lectures de ce dimanche que pour être forte et nous libérer de tous les doutes qui parfois peuvent nous assaillir, notre foi doit reposer sur Dieu seul en naissant de ce cri du cœur : « Seigneur sauve-moi ». Notre foi ne peut nous conduire à une rencontre en vérité avec le Seigneur que lorsque nous avons fait l’expérience de notre propre fragilité à vouloir faire sa volonté, que lorsque nous nous sommes purifiés de toutes prétentions à pouvoir nous avancer vers lui en comptant sur nous-mêmes.
Les tempêtes susceptibles de mettre en péril notre foi et donc notre relation au Seigneur ne manquent pas dans une vie. La victoire que nous accorde le Seigneur n’est pas dans le fait de marcher sur les eaux des tentations qui nous assaillent mais dans le fait de regarder vers lui, d’aller vers lui. Pierre demande à Jésus non pas de marcher sur la mer mais de venir à lui. Ce qu’il désire plus que tout c’est Jésus. Et précisément, il commence à couler lorsqu’il se met à prêter plus d’attention au vent qu’à la personne du Seigneur.
Notre vie est un véritable chemin de foi qui s’approfondit au fur et à mesure que nous dépouillons de nous-mêmes, un exode où comme pour Elie, le Seigneur nous fait quitter nos fausses sécurités pour nous attacher à lui seul. Etre fragile n’est pas un obstacle sur cet itinéraire de conversion mais refuser de se reconnaître tel et de demander l’aide de Dieu pourrait bien en être un.
« Seigneur, chaque fois que je me trouverai dans la tempête, dans les moments de doute, de souffrance, de solitude, de lassitude dans ma foi, donne-moi de réentendre ta voix qui me dit : ‘Confiance, c’est moi, n’aie pas peur. Moi aussi, j’ai éprouvé la solitude et l’angoisse dans ma passion. Mais maintenant, vivant et ressuscité, je demeure à tes côtés. Unis ta souffrance à la mienne, tes peurs aux miennes. Tu expérimenteras alors la joie de la résurrection et de la vie nouvelle’ »
Frère Elie

San Domenico, Fra Angelico (détail du Christ raillé) – Chapelle du couvent dominicain de San Marco, Florence

7 août, 2014

San Domenico, Fra Angelico (détail du Christ raillé) - Chapelle du couvent dominicain de San Marco, Florence dans images sacrée Novena-SD-02-2

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DOMINIQUE DE GUZMAN – 6 AOÛT

7 août, 2014

http://www.prouilhe.com/dominique.htm

DOMINIQUE DE GUZMAN – 6 AOÛT

Dominique de Guzman est né à Caleruega, non loin de Silos, en Castille, en 1170.
Étudiant à Palencia, il se passionne pour l’Écriture Sainte, non seulement étudiée et méditée, mais mise en œuvre comme lors de cet hiver de famine où il vendit ses livres, ne pouvant plus « étudier sur des peaux mortes quand des hommes meurent de faim. »
En 1199, il rejoint la communauté de chanoines réguliers de la cathédrale d’Osma où, pendant six ans, il s’initie à la vie spirituelle et à la vie commune, sous la règle de saint Augustin en méditant les Conférences de Cassien. C’est là qu’il acquiert une grâce particulière de prière pour les pécheurs et les affligés ; là aussi que s’éveille en lui la passion de la Lumière et de la Vérité, pour lui, pour tous les hommes.
En 1201, il est sous-prieur de ce chapitre et collaborateur du nouvel évêque Diego d’Azevedo. À ce titre, il l’accompagne dans une ambassade dont le roi de Castille, Alphonse IX l’a chargé : ramener la fille du roi du Danemark pour son fils.
Deux expéditions s’avèrent nécessaires (1203-1204 et 1205-1206) au cours desquelles les voyageurs se trouvent confrontés à l’hérésie albigeoise en Languedoc. À Toulouse, Dominique passe la nuit à dialoguer avec son hôte cathare qui, au petit matin, confesse la foi catholique. Dès lors, le projet d’instruire le peuple de la vraie foi se forme dans son esprit.
Pour venir en aide à ceux qui méconnaissent le Christ, Diego demande au pape Innocent III à être déchargé de l’évêché d’Osma. Devant l’échec des cisterciens mandatés contre les hérétiques, le pape accepte en décembre 1206. Diego et Dominique partent alors, accompagnés de quelques légats cisterciens, à la manière des apôtres « deux par deux, à pied, sans bourse ni besace ».

Saint Dominique en Languedoc :
Juin1206, Diego et Dominique arrivent à Carcassonne, puis à Montréal, Fanjeaux, passant près de l’antique sanctuaire de Notre-Dame de Prouilhe.
Au cœur de la Sainte Prédication de Prouilhe, il a rassemblé, à la fin de l’année 1206, quelques femmes, presque toutes issues du catharisme ou de la noblesse de Fanjeaux. Il leur a confié la mission de soutenir par leur prière sa prédication et celle de ses compagnons.
En mars 1207 a lieu à Montréal la plus célèbre des disputes théologiques avec les Cathares auxquelles Dominique participe, selon la méthode de l’époque. Le thème est divisé en questions que prépare chaque protagoniste. Les discussions et conclusions se tiennent en public pour convaincre publiquement et solennellement les cathares d’hérésie. Les débats durent quinze jours. Dans chaque camp, des arbitres transcrivent les points de vue et rendent sentence.
La dispute de Montréal constitue un tournant pour les prédicateurs. À partir de ce moment, les missionnaires catholiques changent de méthode : après avoir d’abord évangélisé dans l’itinérance, chaque prédicateur reçoit en partage un « diète » (portion de territoire à évangéliser) dont il a la charge. Dominique s’établit alors à Prouilhe.
À Fanjeaux, dont il devient curé en 1214, Dominique conserve un pied-à-terre. On peut encore y voir la « maison de saint Dominique » dans le « Borget sant Doumenge », l’église paroissiale (bien que rebâtie vers 1280), le couvent des frères avec la chapelle du miracle, sans oublier le promontoire du « Seignadou ».
Sur le chemin qui mène de Prouilhe à Fanjeaux, la « croix du Sicaire » commémore la force de la foi de Dominique, prêt à mourir pour le Christ.
Trois monuments entre Carcassonne et Montréal attestent le souvenir de ses passages : la stèle du miracle des épis, celle du prodige de l’orage et la fontaine où il venait se désaltérer.
Plusieurs détails historiques permettent d’imaginer Dominique prêchant de village en village. Il est en route dès le matin, accompagné d’un frère. Le bâton à la main, il garde toujours avec lui l’évangile de saint Matthieu et les épîtres de saint Paul. Il porte une tunique grossière et rapiécée, en laine non teinte et marche souvent pieds nus. Il mendie son pain en arrivant dans un village. Quand il se met à prêcher, « il trouvait, dit un témoin, des accents si bouleversants que très souvent il s’émouvait lui-même jusqu’aux larmes et faisait pleurer ses auditeurs ».

Les débuts de l’Ordre et la mort de saint Dominique.
Dominique restera pendant près de dix ans en Lauragais. Bien souvent il prêche seul. Diego est mort en 1207. L’année suivante débute la croisade contre les Albigeois et les cisterciens de la première heure sont repartis dans leurs abbayes. Dominique refuse de convaincre autrement que par la force de la Parole…
Ce n’est qu’en avril 1215 que deux compagnons décident de s’adjoindre à lui en se liant par la profession religieuse. La petite communauté naissante s’installe à Toulouse dans la maison de l’un d’entre eux : Pierre Seilhan, avec l’assentiment de l’évêque Foulques. En janvier 1217, la nouvelle fondation est approuvée par le pape Honorius III qui confirme le nom et la mission des Prêcheurs : Dominique et ses compagnons sont désormais « frères de l’Ordre des Prêcheurs ». Le 15 août de cette même année, Dominique réunit les frères à Prouilhe : dans un geste prophétique, il les envoie deux par deux à travers l’Europe. Passant outre les craintes du petit groupe encore peu affermi, il déclare avec assurance : « Je sais ce que je fais ! Le bon grain porte du fruit quand on le dissémine et pourrit s’il demeure en tas ». De Bologne à l’Espagne, de l’Espagne à Bologne, à pied, prêchant le jour, priant la nuit, encourageant les frères et les sœurs, Dominique épuise ses forces au service de l’Evangile et des communautés qui se multiplient.
En 1220, il rédige les Constitutions qui règleront désormais l’organisation de la vie des frères. Leur mode de vie sera celui des pauvres pour le Christ : « ne parlant que de Dieu ou avec Dieu », ils iront sur les routes, mendiant leur pain, annonçant la Bonne Nouvelle de l’Evangile.
Lui-même rêve de partir encore plus loin, jusque vers les Cumans, ces païens de l’est de l’Europe dont il avait découvert l’existence lors de ses voyages vers le Danemark. Ce rêve, ce sont ses frères qui le réaliseront…
A Rome, au début de l’année 1221, il fonde le monastère de Saint-Sixte pour lequel il fait venir huit moniales de Prouilhe. Après le Chapitre de 1221, au début de l’été, il tombe malade. Il meurt le 6 août, entouré de ses frères, au couvent de Bologne où on l’a transporté. Et c’est là, sous les pieds de ses frères, qu’il est enseveli, selon sa demande.
Le Cardinal Hugolin, futur pape Grégoire IX, célèbre lui-même la sépulture. C’est lui encore qui le canonisera en 1237.
« Dieu lui avait donné une grâce spéciale envers les pécheurs, les pauvres, les affligés : il en portait les malheurs dans le sanctuaire intime de sa compassion. Une de ses demandes fréquentes et singulières à Dieu était qu’il lui donnât une charité véritable et efficace pour le salut de tous les hommes. »
Libellus 12, 13, Jourdain de Sax

 

LA LITURGIE COMME LIEU D’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE SAINTE

7 août, 2014

http://www.revuedesbernardins.com/spip.php?article245&lang=fr

LA LITURGIE COMME LIEU D’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE SAINTE

Olivier de CAGNY

La proclamation dans la liturgie de « la partie la plus importante (praestantior pars) des Saintes Écritures [1] » fut sans doute l’une des principales nouveautés qu’apporta la réforme liturgique issue du Concile Vatican II. Ce faisant, l’Église ouvrait largement le trésor de l’Écriture, non seulement par la quantité des textes ainsi proclamés, mais surtout par une démultiplication des lignes interprétatives rendues ainsi possibles. Les correspondances entre l’Ancien et le Nouveau Testament notamment, élargissaient le spectre des interprétations offert aux acteurs de la liturgie.
En un certain sens, l’herméneutique de la foi sur la base des Saintes Écritures, doit toujours avoir comme point de référence la liturgie, où la Parole de Dieu est célébrée comme une parole actuelle et vivante : « Ainsi, dans la liturgie, l’Église suit-elle fidèlement la manière de lire et d’interpréter l’Écriture qui fut celle du Christ, lui qui, depuis l’“aujourd’hui” de sa venue, exhorte à scruter attentivement toutes les Écritures [2]. »
La liturgie est sans doute le lieu où l’interprétation de l’Écriture atteint vraiment sa finalité. Faire ce que Dieu dit a toujours été comme une clause tacite attachée à la proclamation de sa Parole, avant même sa mise par écrit [3]. La conversion du lecteur de l’Écriture et de l’auditeur de la Parole, dès lors qu’ils acceptent de répondre à la Parole qu’ils entendent, est déjà en oeuvre dans l’assemblée chrétienne qui écoute, puisque cette assemblée est le Corps du Verbe fait chair, qui répond en célébrant l’offrande sacrificielle du Fils, l’action de grâce eucharistique où tout est dit et accompli pour rendre gloire au Père. Dans la liturgie, l’Écriture « prend corps », et l’explication y « fait corps » avec la proclamation comme devant la Porte des eaux avec le scribe Esdras [4], tout autant que sur la route d’Emmaüs [5]. Dans la liturgie chrétienne [6]., l’interprétation fait partie de l’acte de proclamation et d’annonce.
Cette explication ne se limite pas à l’homélie, ni même à la prédication : « L’Église a toujours été consciente que durant l’action liturgique, la Parole de Dieu est accompagnée par l’action intime de l’Esprit Saint qui la rend efficace dans les coeurs des fidèles [7]. » L’interprétation se trouve aussi dans la manière dont la Tradition dispose les textes scripturaires parmi les textes liturgiques euxmêmes. Voyons quelques exemples de cas où la liturgie interprète ainsi l’Écriture.
Il n’est pas anodin par exemple de trouver, dans les antiennes des psaumes, des interprétations christologiques de ces derniers. Quand le psaume 2 est chanté dans l’office des lectures du Vendredi saint, l’antienne n’hésite pas à y lire la passion de Jésus : « Peuples et nations se sont ligués contre ton serviteur Jésus, ton messie. » Le psaume 21 est facilement mis sur les lèvres du Christ, quand l’antienne qui lui correspond chante : « Ils me percent les mains, ils me percent les pieds, je peux compter tous mes os. » Le samedi saint, l’antienne suivante : « En toute paix, je me couche et je m’endors, car tu me fais vivre, Seigneur, dans ta seule confiance » fait évidemment écho au verset 9 du psaume 4 : « Dans la paix moi aussi, je me couche et je dors, car tu me donnes d’habiter, Seigneur, seul, dans la confiance. » En la fête de l’Ascension, l’antienne du psaume 67 reconnaît en « celui qui chevauche au plus haut des cieux » (v. 34) le Fils de Dieu vainqueur, qui « gravit les hauteurs et emmène les captifs » (antienne). On pourrait multiplier les exemples à l’envi.
Le rapport de l’Ancien au Nouveau Testament est aussi amplement développé dans les cycles des lectures dominicales. Malgré ce que certains regrettent comme des lacunes ou des maladresses, une interprétation d’une grande richesse s’y déploie, permettant au fidèle de saisir la notion d’accomplissement présente dans toute l’Écriture sainte. L’ordre des quatre lectures traduit aussi une ligne d’interprétation : le psaume répond à la lecture de l’Ancien Testament, et la lecture du Nouveau Testament précède l’Évangile, comme pour indiquer que les deux Testaments convergent vers la figure du Messie crucifié et ressuscité.
Notons également la place donnée aux paroles de l’Écriture dans les textes euchologiques (corpus des prières et autres textes liturgiques) eux-mêmes. Dans la prière d’ordination de l’évêque par exemple, la liturgie n’hésite pas à voir une continuité entre les sacerdoces de l’Ancien et du Nouveau Testament : « Dieu et Père de Jésus Christ notre Seigneur, (…) dès l’origine, tu as destiné le peuple issu d’Abraham à devenir un peuple saint ; tu as institué des chefs et des prêtres et toujours pourvu au service de ton sanctuaire, car, dès la création du monde, tu veux trouver ta gloire dans les hommes que tu choisis. Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit souverain que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus Christ, l’Esprit qu’il a lui-même communiqué aux saints Apôtres qui établirent l’Église en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom [8]. » La prière d’ordination des prêtres développe encore davantage cet usage de la notion d’accomplissement : « Pour former le peuple sacerdotal, tu suscites en lui, par la force de l’Esprit Saint, et selon les divers ordres, les ministres de Jésus, le Christ, ton fils bien-aimé. Déjà, dans la première Alliance, des fonctions sacrées préparaient les ministères à venir. Tu avais mis à la tête du peuple Moïse et Aaron, chargés de le conduire et de le sanctifier. Tu avais aussi choisi des hommes, d’un autre ordre et d’un autre rang, pour les seconder dans leur tâche. C’est ainsi que, pendant la marche au désert, tu as communiqué l’esprit donné à Moïse aux soixantedix hommes pleins de sagesse qui devaient l’aider à gouverner ton peuple. C’est ainsi que tu as étendu aux fils d’Aaron la consécration que leur père avait reçue, pour que les prêtres selon la Loi soient chargés d’offrir des sacrifices qui étaient l’ébauche des biens à venir. Mais, en ces temps qui sont les derniers, Père très saint, tu as envoyé dans le monde ton fils Jésus, l’Apôtre et le Grand Prêtre que notre foi confesse. Par l’Esprit Saint, il s’est offert lui-même à toi comme victime sans tache ; il a fait participer à sa mission ses apôtres consacrés dans la vérité, et tu leur as donné des compagnons pour que l’oeuvre du salut soit annoncée et accomplie dans le monde entier. Aujourd’hui encore, Seigneur, viens en aide à notre faiblesse : accorde-nous le coopérateur dont nous avons besoin pour exercer le sacerdoce apostolique [9]… »
Deux autres exemples parlent d’eux-mêmes : les paroles de la consécration eucharistique et le dialogue qui précède la communion [10].. La liturgie interprète les paroles de Jésus sur le pain et le vin en osant modifier les textes du Nouveau Testament. Non seulement le texte du missel transmet les paroles de la sainte Cène en fondant ensemble les versions des synoptiques et de saint Paul, mais elle adjoint aux paroles de consécration du vin un autre texte, He 13, 20-21, où il est question d’une Alliance « éternelle ». Quant aux paroles du dialogue entre le prêtre et l’assemblée juste avant la communion, elles fusionnent trois textes que ni l’exégèse ancienne ni les travaux plus récents n’avaient encore rassemblés en une unité herméneutique : la béatitude proclamée sur ceux qui participent au festin de l’Agneau (Beati qui ad cenam Agni vocati sunt, Ap 19, 9a), la désignation par Jean-Baptiste de Jésus comme étant cet Agneau qui enlève le péché du monde (Jn 1, 29), et l’aveu du centurion, dont le fils devient l’image de l’âme du chrétien prêt à communier : « Domine non sum dignus ut intres sub tectum meum… » (Mt 8, 8). Ici, la liturgie opère comme un acte de Tradition au service de ce qu’on nomme à juste titre l’analogie, laquelle n’est jamais loin du sens anagogique.
Le chant liturgique est aussi, souvent, un lieu d’interprétation de la Parole de Dieu, avec plus ou moins de bonheur. L’hymnographie antique nous fournit ici de beaux exemples, chez Hilaire et Ambroise notamment, qui puisent largement dans l’Écriture le matériau de leurs hymnes liturgiques. Ainsi, Ambroise n’hésite pas à filer la métaphore à partir d’un mot de l’Écriture : la lumière, l’eau, le coq même, à la fois prophète de la victoire sur la nuit et signe de la conversion de saint Pierre, lui fournissent un matériau suffisant pour faire « circuler son lecteur à travers toute la Bible pour lui faire découvrir le sens spirituel d’un mot, par les divers contextes dans lesquels les auteurs bibliques l’avaient utilisé. On a même pu dire qu’il y “fore des puits” – l’image vient de l’Exode et de son interprétation par Origène –, par où l’intelligence chrétienne accède à l’eau vive de la Parole, saisie en son sens le plus profond [11]. ». L’imagination spirituelle d’Ambroise le porte souvent à la digression dès que le texte biblique lui en offre l’occasion. Jacques Fontaine ose le rapprochement avec un poète contemporain : « Dans cette démarche à la fois sérieuse et ludique, Ambroise peut apparaître parfois comme le digne ancêtre d’un Claudel, commentateur fantasque de l’Écriture [12]. » Mais ici, à notre avis, rien de fantasque : l’exégèse patristique est au service de la prière de l’Église, avec une rigueur et une profondeur théologique et théologale que beaucoup de compositeurs actuels de chants liturgiques pourraient envier.
Ces derniers ont sans doute pâti depuis les années cinquante d’une certaine pauvreté dans la manière d’interpréter l’Écriture. Certains chants liturgiques en français, notamment dans les années 70 et 80, se contentent de mettre bout à bout des morceaux de l’Écriture, sans éprouver toujours le sens plénier caché dans le sens littéral. L’exégèse sous-jacente amalgame des thèmes plus qu’elle ne sert effectivement la réception de la Parole de Dieu. Le travail interprétatif se situe souvent dans un registre sociologique, voire politique, ou encore dans l’ordre de la fête profane. Bien sûr, tous les chants ne méritent pas cette critique. Mais il serait utile de revisiter l’euchologie du missel, des rituels et de la liturgie des heures. Les antiennes d’ouverture et de communion ou les antiennes psalmiques sont un bon exemple de réception de la Parole de Dieu dans la liturgie. La substance de l’Écriture s’y donne à goûter et le sens plénier, analogique et anagogique, s’y déploie heureusement.
La liturgie est le lieu principal d’interprétation de l’Écriture, car celle-ci y est proclamée comme Parole vivante en étant portée par la Tradition qui la livre au coeur et à l’intelligence de ses auditeurs : c’est bien le Christ « qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les saintes Écritures [13] ».

 

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