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PIERRE ET LES PIERRES DE LA VILLE ÉTERNELLE
UNE ÉTUDE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA CULTURE
PAR LE CARDINAL PAUL POUPARD
Je ne sais pas s’il y a quelque impertinence dans la question posée: Rome est-elle au centre du monde? Mais je sais qu’il y a bien des manières pertinentes d’y répondre. Je le ferai pour ma part, en partant d’une confidence de Madame Swetchine, l’amie de Lacordaire, lui-même ami d’un prêtre français assez oublié aujourd’hui, l’abbé Louis Bautain.
MADAME SWETCHINE, LACORDAIRE, BAUTAIN Écoutons Madame Swetchine: «Rome est la reine des villes, c’est un monde différent de tout ce qui nous a frappé ailleurs, dont les beautés et les contrastes sont d’un ordre si élevé que rien n’y prépare, que rien ne saurait en faire deviner ni même pressentir l’effet. Les idées s’agrandissent ici, les sentiments y deviennent plus religieux, le cœur s’apaise. Toutes les époques de l’histoire sont là en présence, séparées et distinctes, et il semble que chacune d’elles a voulu imprimer son caractère aux monuments qui en restent, avoir un horizon qui lui soit propre et, pour ainsi dire, une atmosphère particulière… La beauté n’est-elle pas éternelle comme la vérité? Et dès lors, quelle étroite alliance entre la religion et l’art!». Et l’orthodoxe convertie reparaît lorsqu’elle fait la constatation suivante: «Une des preuves de la vérité du catholicisme est de répondre si bien à la nature exclusive de notre cœur. Les autres Églises croient simplifier la religion, la rendre plus accessible, plus acceptable, en étendant à toutes les communions les promesses faites par son divin Auteur, et c’est bien étrangement méconnaître nos véritables besoins. Plus une règle est positive, exclusive, austère, exigeante et plus elle a pour nous d’attrait, par cet instinct vague qui nous a fait sentir combien notre mobilité a besoin d’être fixée, notre mollesse d’être affermie, notre pensée ramenée et assujettie. On ne s’attachera jamais passionnément à une religion qui trouvera que les autres la valent, et le Dieu jaloux le savait bien. Du moment où une chose n’est pas, je ne dis pas seulement la meilleure, mais la seule complètement bonne, pourquoi choisir, préférer, concentrer, et ne pas laisser fractionner son hommage et son amour?». Ce texte de Madame Swetchine retrouvé un peu au hasard m’a conduit à relire les pages qu’avec ferveur le jeune romain que j’étais alors proposait aux lecteurs de La vie spirituelle en novembre 1961, sur Lacordaire, Bautain et Madame Swetchine. Le centre en est Rome, où l’Abbé Bautain, le philosophe de Strasbourg, est dénoncé par son évêque pour cause de fidéisme. Lacordaire lui écrit, le 1er février 1838: «Une condamnation de Rome est à jamais acquise à l’histoire, l’infaillibilité en assure la destinée éternelle. Au lieu que la condamnation d’un évêque n’a ni le même avenir, ni la même solidité…». Il présente du reste ainsi à sa correspondante Mgr le Pappe de Trévern: «Le vieil Évêque de Strasbourg est évidemment un outré gallican beaucoup moins effrayé de ce qu’il y a de faux chez Monsieur Bautain que de ce qu’il y a de vrai… Personne plus que moi n’estime à son prix la pureté de la doctrine et j’ose dire que chaque jour j’en deviens plus jaloux pour moi-même; mais la charité dans l’appréciation des doctrines est le contrepoids absolument nécessaire de l’inflexibilité théologique. Le mouvement du vrai chrétien est de chercher la vérité et non l’erreur dans une doctrine, et de faire tous ses efforts pour l’y trouver, tous ses efforts jusqu’au sang, comme on cueille une rose à travers les épines. Celui qui fait bon marché de la pensée d’un homme, d’un homme sincère…, celui-là est un pharisien, la seule race d’hommes qui ait été maudite par Jésus-Christ. Y a-t-il un Père de l’Église qui n’ait des opinions et même des erreurs? Jetterons-nous leurs écrits par la fenêtre pour que l’océan de la vérité soit plus pur? Oh que l’homme qui combat pour Dieu est un être sacré et que jusqu’au jour d’une condamnation manifeste, il faut porter sa pensée dans des entrailles amies!». Et le 1er février 1840, dans une nouvelle lettre à sa correspondante, Lacordaire ajoute: «En 1838, étant à Metz, je fus averti qu’on cherchait à le perdre à Rome, ce dernier refuge de ceux qui errent contre la dureté de ceux qui n’errent pas… Je le déterminai à aller à Rome. Il partit, fut bien accueilli, revint enchanté de Rome…»1. J’ai édité autrefois Le Journal romain de l’abbé Bautain (1838) qui retrace cette histoire aujourd’hui bien oubliée. J’ai voulu la rappeler, comme je l’ai fait, dans mon Rome Pèlerinage2, car, pour beaucoup de pèlerins des siècles passés et du temps présent, le pèlerinage à Rome, c’est d’abord la prière à la basilique Saint-Pierre, dans une démarche de foi envers le magistère vivant de l’Église qui, selon les promesses faites par le Christ à Pierre, se continue dans la personne de son successeur, le pape. C’est une grâce du pèlerinage à Rome que cette adhésion renouvelée à Pierre, dont le successeur demeure garant de la vérité de l’Évangile au milieu des tourbillons du siècle. Bautain écrit, le soir même de son arrivée, dans son Journal, le 28 février 1838: «Enfin nous partîmes… Nous étions dans une grande impatience de voir apparaître la grande ville, et cependant la fatigue de la nuit passée et des précédentes nous jetait tous dans l’accablement, quand, tout à coup, arrivés sur une hauteur, le “vetturino” nous cria du dehors en nous faisant signe avec son fouet: “Roma”: Nous vîmes, en effet, dans le brouillard du matin, la Coupole de Saint-Pierre et en un moment elle fit comme apparaître à nos yeux Rome tout entière, ancienne et moderne, la Rome maîtresse du monde, soit par la force, soit par l’esprit. Il nous fallut monter et descendre bien des côtes, après cette apparition, et enfin nous aperçûmes de près Saint-Pierre et le Vatican et ce fut la première chose de Rome que nous vîmes en entrant par la porte de Civitavecchia qui est justement derrière, en sorte qu’on a l’air d’entrer dans le Vatican même. Ainsi ce que nous avons vu de Rome, tout d’abord c’est ce que nous sommes venus uniquement y chercher, savoir Saint-Pierre et le Vatican»3.
LA VOCATION DE ROME Ainsi, me semble-t-il, s’éclaire la réponse à donner à la question: Rome est-elle au centre du monde? Car ce mot de “centre” peut être compris en plusieurs sens: centre d’attraction ou centre de rayonnement? Si on l’entend d’un centre d’attraction ou de rayonnement dans le monde, il faut savoir si l’on pense au Pape ou à la Curie. Nous savons que les deux ne se confondent pas, la seconde est au service du premier. Il faut d’autre part distinguer l’aspect religieux, l’aspect moral et l’aspect politique des choses. La réponse ne sera pas la même suivant que l’on considère l’un ou l’autre de ces aspects. Si l’on se met en face de ce que l’on appelle l’opinion et que l’on s’efforce de juger ensuite cette opinion à la lumière de ce que l’Église pense d’elle-même, il me semble qu’on est en présence de deux conceptions également fausses de Rome et du Saint-Siège: une conception qui tend à minimiser indûment le rôle de Rome comme centre d’attraction ou de rayonnement en la considérant comme une simple Église parmi d’autres. Par contraste avec cette conception minimisante, il y en a une autre qui tend à exagérer d’une certaine façon son rôle, en l’assimilant plus ou moins formellement à un “pouvoir”, dans l’ignorance de ce que l’Église a dit d’elle-même au Concile quant à la liberté religieuse4. Rome, me semble-t-il, et c’est sa vocation propre, voudrait être considérée comme un témoin principal – et l’Église à travers elle – comme un témoin du Christ vivant, mort et ressuscité, témoin qualifié à un titre unique de par la mission donnée à Pierre par le Christ. Ce témoignage trouve à Rome une expression exceptionnellement authentique pour ceux qui croient et même pour certains de ceux qui ne croient pas. Rome donc, comme centre de l’Église, peut et doit accepter de porter une responsabilité universelle et missionnaire, quelles que soient les faiblesses inséparables de toute collaboration humaine à l’œuvre de Dieu. L’URBS Telle est, me semble-t-il, la vocation de Rome, qui explique en quelque sorte la fascination de Rome. Car depuis deux millénaires, c’est une véritable fascination qu’exerce à travers le monde la Ville de Rome, c’est une véritable fascination tout court: l’URBS. C’est sur la Ville et sur le Monde, Urbi et Orbi, que le saint Père donne sa bénédiction solennelle du haut de la loggia de la basilique Saint-Pierre, face à cette place admirable qui porte le nom de l’apôtre fondateur. Les téléspectateurs ne se lassent pas de la regarder et souhaitent un jour faire en vérité le pèlerinage de Rome. Car si tous les chemins mènent à Rome, il est encore plus vrai d’ajouter aujourd’hui qu’ils y mènent le voyageur ébloui, le pèlerin désireux une fois encore de porter ses pas sur ceux des apôtres, de prier dans les grandes basiliques, de participer à la ferveur d’un peuple multicolore dont la foi se ravive en chantant avec le successeur de Pierre le Credo catholique. INÉPUISABLE ROME! Inépuisable Rome! On a pu l’appeler capitale de la civilisation et du droit, de l’art et de l’histoire, Rome des pierres et des siècles inextricablement emmêlés, Rome souterraine des Catacombes, Rome bâtie sur la sépulture de Pierre découverte au Vatican, Rome édifiée sur le martyre des apôtres, mais aussi sur les débris des temples païens et des villes antiques, Rome moderne enfin, bruissante de tant de souvenirs et bruyante à travers les grandes artères ou dans les étroites venelles du Transtévère, Rome des églises et des couvents, Rome des universités et des collèges, Rome des pèlerins dont le flot vient battre, semaine après semaine, le parvis de Saint-Pierre, sous les fenêtres du Pape. Comme le disait Jean Paul II le 25 avril 1979, pour l’anniversaire de la fondation de Rome, cette date ne marque pas seulement le commencement d’une succession de générations humaines qui ont habité cette ville. Elle constitue aussi un commencement pour des nations et des peuples lointains qui ont conscience d’avoir un lien et une unité particulière avec la tradition culturelle latine dans ce qu’elle a de plus profond. Les apôtres de l’Évangile, et en premier lieu Pierre de Galilée et Paul de Tarse, sont venus à Rome et y ont implanté l’Église. C’est ainsi que, dans la capitale du monde antique, a commencé son existence le Siège des successeurs de Pierre, des évêques de Rome. Ce qui était chrétien s’est enraciné en ce qui était païen et, après s’être développé dans l’humus romain, a commencé à croître avec une nouvelle force. Le successeur de Pierre y est l’héritier de cette mission universelle que la Providence a inscrite dans le livre de l’histoire de la Ville éternelle.
PIERRE ET LES PIERRES Reine de l’histoire, fête des arts, délice des yeux et joie du cœur, Rome est pour le pèlerin le centre vivant et visible de l’unité de l’Église catholique, fécondé par le martyre des apôtres, irrigué par des siècles de foi, rayonnant de la présence du successeur de Pierre. Que vous arriviez par l’aérodrome de Fiumicino, la gare Termini ou l’autoroute del Sole ruisselante de voitures, la même préoccupation vous habite, le même ardent désir brûle de se réaliser: voir Saint-Pierre et le Saint Père. Pour le pèlerin de Rome, en effet, le message des pierres du passé se conjugue avec les visages de l’aujourd’hui de Dieu, en un vivant témoignage de foi. Il ne visite pas seulement les lieux prestigieux chargés d’une histoire millénaire. Il prend place dans une lignée de témoins et met ses pas sur ceux de ses devanciers à travers les âges, avec ses contemporains à travers le monde. Vivante continuité dans le temps et l’espace, l’Église que forment les chrétiens se retrouve à Rome dans une coulée séculaire. Membres de multiples communautés dispersées à travers les peuples, les chrétiens, à Rome, d’un coup, découvrent leur unité profonde de peuple de Dieu rassemblé autour de la tombe de Pierre et de son vivant successeur, au Vatican. L’énorme capitale du monde antique a en effet été choisie par les Apôtres, parce qu’ils voulaient implanter l’Évangile au cœur même de l’Empire. Venus à Rome y annoncer la foi au Christ ressuscité, Pierre et Paul y ont trouvé la mort. Leur martyre y a enraciné l’Église. Selon l’adage antique: le sang des martyrs est la semence des chrétiens. Et c’est dès les premiers siècles que mus par un sentiment irrépressible, les chrétiens se sont mis en mouvement vers les tombeaux des saints apôtres, pour y confesser leur foi, en vivante continuité avec leurs pères et en union étroite avec l’évêque de Rome.
SAINT PIERRE ET LE SAINT PÈRE Rome comme pèlerinage. Ce n’est point une terre étrangère, que l’on aborde pour une visite éphémère, vite décidée, tôt oubliée. Ce n’est pas non plus un sanctuaire étroitement localisé, limité à une apparition lointaine. C’est la Ville tout entière qui est la patrie des fidèles catholiques, et aussi de nombre de chrétiens, depuis bientôt deux millénaires. Le temps qui ailleurs s’évanouit dans l’histoire, s’enracine ici dans la durée. Alors que, dans un pèlerinage où la Vierge Marie ou un saint s’est manifesté, la continuité s’éprouve dans la seule fidélité à ce message, Rome s’affermit dans le temps qu’elle emplit de sa présence et de son action. Pierre et Paul, martyrs, y sont ensevelis. Des basiliques s’élèvent sur leurs tombes. Les catacombes gardent la trace des vivants et des morts des premiers siècles. Mais les pèlerins ne se contentent pas de fréquenter des lieux. Ils rencontrent, à Rome, le Vicaire du Christ, successeur de Pierre. Entre Pierre et les pierres, ce n’est pas un antagonisme mais un complément. Qu’allez-vous faire à Rome? Faire un pèlerinage aux basiliques? Ou voir le Pape? Pourquoi ce “ou”, alors que c’est à l’évidence “et” qu’il faut dire et faire! Telle est la singularité de Rome comme pèlerinage: des lieux et des hommes qu’on ne saurait séparer parce que tout les unit. Le pèlerin va vers la place Saint-Pierre pour prier dans la basilique Saint-Pierre et pour voir le Saint Père. Videre Petrum: ce vieux cri de foi jailli du fond des âges, c’est la démarche croyante qui unit Pierre à Jean Paul II, l’un et l’autre, l’un après l’autre destinataires de la promesse inouïe du Christ: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église». Il s’agit là d’une démarche de foi, animée par la certitude qui anime le poète: «Et nous sommes tombés dans le filet de Pierre. Parce que c’est Jésus qui nous l’avait tendu» (Charles Péguy).
DE PIERRE À KAROL Pierre est venu à Rome. Il en a été le premier évêque. Et depuis sa mort, l’évêque de Rome lui succède dans sa charge de pasteur, responsable au premier chef du collège des évêques dont il est le premier: clé de voûte – et ils sont la voûte – de cette Église répandue à travers le temps et l’espace, dispersée aux quatre coins de l’univers, en marche vers la patrie éternelle. Cité de Dieu au cœur de la cité des hommes, dont elle voudrait être l’âme, l’Église de Jésus-Christ n’est point conglomérat informel, mais organisme charpenté. Ses structures visibles sont porteuses de l’invisible et essentielle nervure spirituelle de grâce, dont le Seigneur est la source et l’Esprit le canal. Mêlé étroitement à ses frères de toutes races et de toutes langues, le pèlerin de Rome prend mieux conscience en cette ville qu’il chemine du temps vers l’éternité. Car l’éternité déjà y a laissé sa trace. Le temps a beau défaire les pierres au cours des âges, Pierre lui-même est toujours vivant, de Simon le Galiléen à Karol le Cracovien, comme lui venu de loin, pour mieux nous entraîner au loin, dans la barque de l’Église, au souffle de l’Esprit. Le pèlerin qui visite des édifices matériels, signes et porteurs d’une réalité spirituelle, ne les aborde pas comme un touriste découvre une œuvre d’art. C’est un croyant qui met ses pas dans ceux des générations qui l’ont précédé et dont il a reçu, avec l’église où il vient prier, la foi qui anime sa prière. Aussi le cœur du pèlerinage à Rome est-il la rencontre et la bénédiction reçue du successeur de Pierre. C’est la grâce propre de l’audience dans laquelle, chaque mercredi, le Saint Père s’adresse aux pèlerins, en témoin de la foi et en interprète autorisé de l’Évangile, ainsi que chaque dimanche où il récite avec eux l’Angélus. La vocation de Rome est de les confirmer dans la foi pour qu’ils la vivent sur toutes les routes de l’Église et du monde, au milieu des hommes, toutes les routes qui sont les routes du Christ, selon la belle image de Jean Paul II dans sa première encyclique Redemptor hominis. Comment ne pas penser que, de toutes ces routes, Rome est privilégiée, de par la continuité d’une tradition dont la Ville est dépositaire. Le successeur de Pierre n’est pas une mythique soucoupe volante tombée du ciel de Pologne sur les bords du Tibre. Ce n’est pas un nouveau Melchisédech, sans père ni mère ni généalogie. Comme son nom l’indique, il est un successeur. Sa personne s’identifie avec sa fonction… Celle-ci, héritière de l’Évangile et marqué du poids de l’histoire, s’inscrit dans la durée de deux millénaires qui ont empli la ville de Rome, hissant son devenir dans la cité des hommes au destin de Cité de Dieu. Église incarnée, l’Église de Rome n’est pas sans tache, pure et dure comme le serait une utopie dont la seule qualité réelle serait l’inexistence. Elle existe au contraire, aux traits fortement marqués par le temps et l’espace, les hommes et leurs constructions de pierre. Aussi la vocation de Rome est-elle l’incarnation de la foi avec les apôtres Pierre et Paul et les millions de croyants qui sont venus prier sur leurs tombes et s’y ressourcer dans la foi. Comme le disait Jean Paul II, le 4 juillet 1979, alors qu’il venait de célébrer pour la première fois à Rome la fête des saints apôtres Pierre et Paul: «Combien est éloquent l’autel, au centre de la basilique, sur lequel le successeur de Pierre célèbre l’eucharistie en pensant que c’est tout près de cet autel que Pierre a fait, sur la croix, le sacrifice de sa vie en union avec Celui, sur le calvaire, du Christ crucifié et ressuscité».
REGARDER ET COMPRENDRE Devant tant de trésors accumulés, les critiques ne manquent pas, qui se scandalisent de ce mécénat alors que tant de détresses crient vers le ciel. On ne peut récrire l’histoire, et nous comprenons difficilement aujourd’hui le comportement des papes de la Renaissance. Paul VI en inaugurant la nouvelle Salle d’audiences de Nervi, le 30 juin 1971, déclarait qu’elle «n’exprime nul orgueil monumental ou vanité ornementale, mais que l’audace propre de l’art chrétien est de s’exprimer en termes grands et majestueux». Mais voici déjà bien longtemps, alors qu’il était le Substitut de la Secrétairerie d’État, Mgr Montini s’exprimait en ces termes, que je livre à quarante ans de distance, au pèlerin d’aujourd’hui: «Charme, révérence, stupeur ou simple curiosité, ou encore méfiance prudente guident les pas du moderne Romée qui n’a pu se soustraire à la visite d’obligation et qui goûte, en lui-même, le besoin de regarder et de comprendre. Regarder et comprendre: c’est peut-être ici qu’est la différence psychologique entre la visite de la Cité du Vatican et celle d’un autre grand monument de l’antiquité, le Forum Romain, les Pyramides, le Parthénon, les restes de Ninive ou de la civilisation des Incas. Pour ceux-ci, il suffit de regarder; ici, il faut aussi comprendre. Car ici, il survit quelque chose d’infiniment présent, quelque chose qui appelle la réflexion, qui exige une rencontre, qui impose un effort intérieur, une synthèse spirituelle.Car le Vatican n’est pas seulement un ensemble d’édifices monumentaux pouvant intéresser l’artiste; ni seulement un signe magnifique des siècles passés pouvant intéresser l’historien; ni seulement non plus un écrin débordant de trésors bibliographiques et archéologiques pouvant intéresser l’érudit; ni seulement encore le musée fameux de chefs-d’œuvre souverains pouvant intéresser le touriste; ni seulement enfin le temple sacré du martyre de l’apôtre Pierre pouvant intéresser le fidèle: le Vatican n’est pas seulement le passé; c’est la demeure du Pape, d’une autorité toujours vivante et agissante». C’est la Ville tout entière qui est la patrie des fidèles catholiques, et aussi de nombre de chrétiens, depuis bientôt deux millénaires. Le temps qui ailleurs s’évanouit dans l’histoire, s’enracine ici dans la durée. Alors que, dans un pèlerinage où la Vierge Marie ou un saint s’est manifesté, la continuité s’éprouve dans la seule fidélité à ce message, Rome s’affermit dans le temps qu’elle emplit de sa présence et de son action… LE MESSAGE DE LA VILLE ÉTERNELLE Comme la voix du Christ sur les eaux démontées du lac de Tibériade, celle de son vicaire Jean Paul II retentit avec puissance et ébranle les vieux slogans comme les idéologies nouvelles: «N’ayez pas peur, ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ. À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur… Permettez au Christ de parler à l’homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle». Tel est le message de Rome, cet extraordinaire carrefour des peuples et des civilisations. Pierre n’a pas eu peur, avec Paul, de venir y planter la croix au cœur de cet Empire unifié et puissant. L’unité politique et linguistique, la centralisation administrative seront, depuis Rome, des atouts précieux pour la diffusion de l’Évangile à partir de la capitale du monde antique. Lorsqu’elle va s’effacer de l’histoire, c’est lui qui en fait la Ville éternelle. Après le déclin de l’Empire d’Occident et l’éloignement de l’Empire d’Orient, sans peur Rome se lie à la nouvelle Europe qui s’enfante laborieusement. En l’an 800, le Pape y couronne Charlemagne, l’empereur d’Occident. Après la tourmente des siècles de fer, Rome devient le nœud de la défense catholique contre le morcellement des hérésies. Le flamboiement du baroque y atteste tout particulièrement la joie de la foi après la tourmente, la joie de la foi et la joie de la vie qui ne font qu’un. N’est-ce pas la leçon de Rome, en nous faisant découvrir ces étapes successives d’un art toujours en symbiose avec son temps, que de nous affermir dans le sens de l’universel, de nous rappeler notre vocation catholique?Rome a toujours pratiqué avec succès l’assimilation. La communauté chrétienne y est aussi à l’aise pendant trois siècles, dans la langue grecque, qu’elle le sera plus tard avec le latin. Elle célébrera aussi bien dans les maisons privées des origines que dans les grandes basiliques de Constantin. «Où vous réunissez-vous?», demandait-on à Justin. Et le philosophe chrétien de répondre tout simplement: «Là où chacun le peut».Telle est la leçon de Rome. Ce n’est pas de l’extérieur mais de l’intérieur que se convertissent le monde et la société. Les chrétiens leur empruntent sans difficultés leurs usages, quand ils n’ont rien de répréhensible. De même les chrétiens de Rome ont-ils adopté pour leurs édifices cultuels le plan des basiliques païennes. Et l’on retrouve la représentation du dieu soleil dans la mosaïque qui décore le plafond d’un cubicule, chrétien par ailleurs, puisque la scène de Jonas orne l’un des murs. À Sainte-Prisque, à Saint-Étienne le Rond, l’église est implantée au-dedans du mithreum préexistant, alors que, dans le sous-sol de Saint-Clément, nous le voyons, l’église chrétienne du IVe siècle est tout contre le mithreum familial. Plus tard, ce seront les dépouilles de l’antiquité qui orneront les sanctuaires chrétiens et décoreront les places qui y donnent accès: colonnes de marbre des temples païens devenus les supports des églises chrétiennes, obélisques égyptiens surmontés de la croix du Christ. La via Appia antica. C’est par cette route que Pierre et Paul sont arrivés à Rome LE CULTE DES MARTYRS Rome, avec les premiers apôtres Pierre et Paul, puis Ignace, Justin, Ptolémée, Lucius, le patricien Apollonius et tant d’autres demeurés anonymes, est devenue un vivant martyrologe. Dans cette ville qui était l’épicentre du monde, le sang des martyrs est une semence de chrétiens. La prestigieuse communauté des Romains, déjà attirante pour l’apôtre Paul, est devenue une nouvelle terre sainte, marquée du sang des martyrs. «Présidente de la charité et de la fraternité», comme l’écrit Ignace dans sa lettre aux Romains, elle rayonne à travers tout l’Empire. C’est le culte des martyrs qui a véritablement créé le pèlerinage et contribué à faire de Rome une ville sainte qui s’équipe progressivement pour recevoir les pèlerins et rendre aux martyrs un culte digne de leur renommée. Saint Jérôme écrit: «Où accourt-on ailleurs qu’à Rome dans les églises et sur les tombeaux des martyrs avec tant de zèle et en si grand nombre? Il faut louer la foi du peuple romain». Et saint Ambroise décrit la fête des saints Pierre et Paul célébrée le 29 juin: «Des armées pressées parcourent les rues d’une si grande ville. Sur trois chemins différents (Vatican, route d’Ostie, via Appia), on célèbre la fête des saints martyrs. On croirait que le monde entier s’avance».Au début du Ve siècle, c’est Prudence qui écrit: «Des portes d’Albe sortent de longues processions qui se déroulent en blanches lignes dans la campagne. L’habitant des Abruzzes, le paysan de l’Étrurie viennent en même temps. Le farouche Samnite, l’habitant de la superbe Capoue sont là. Voici même le peuple de Nole»… Nole, dont l’évêque Paulin écrit: «Ainsi, Nole, tu te lèves tout entière à l’image de Rome». L’évêque lettré fait lui-même le pèlerinage au moins une fois chaque année pour la saint Pierre et Paul. LE PÈLERINAGE Le pèlerinage à Rome est d’abord une obligation traditionnelle pour tous les évêques. Déjà le Concile de Rome, en 743, sous le pape Zacharie, mentionne la visite ad limina apostolorum comme traditionnelle et en renouvelle l’obligation. Après des siècles où l’usage s’était affaibli, Sixte Quint, par la Constitution apostolique Romanus Pontifex du 20 décembre 1585, en renouvelle l’obligation et en établit la fréquence. Chaque évêque a désormais une double obligation, aller vénérer les tombeaux des saints apôtres et exposer au pape la situation de son diocèse. À l’Angélus du 9 septembre 1979, Jean Paul II dégageait pour les pèlerins la signification de ces visites ad limina: «À l’occasion de notre commune prière de l’Angélus de midi», disait-il, «je désire aujourd’hui me rapporter à la très antique tradition de la visite au siège des apôtres, ad limina apostolorum. Parmi tous les pèlerins qui, venant à Rome, manifestent la fidélité à cette tradition, les évêques du monde entier méritent une attention spéciale. Car, à travers leur visite au Siège des apôtres, ils expriment ce lien avec Pierre, qui unit l’Église sur toute la terre. En venant à Rome tous les cinq ans, ils y apportent dans un certain sens toutes ces Églises, c’est-à-dire les diocèses qui, par leur ministère épiscopal, et en même temps par l’union avec le Siège de Pierre se maintiennent dans la communauté catholique de l’Église universelle. En même temps que leur visite au Siège apostolique, les évêques portent aussi à Rome les nouvelles sur la vie des églises dont ils sont les pasteurs, sur le progrès de l’œuvre d’évangélisation; sur les joies et les difficultés des hommes, des peuples parmi lesquels ils accomplissent leur mission».Ces pèlerins ont un double but: voir le pape et aller prier dans les grandes églises et les basiliques, et tout d’abord à Saint-Pierre. Édifiée à grands frais, la plus grande basilique de la chrétienté témoigne d’un long effort et d’une rare persévérance en l’honneur de Pierre et de ses successeurs tout à la fois. La basilique Saint-Pierre, c’est en effet le double et même symbole de la foi dans la mission confiée par le Christ à Pierre et de la vénération de tous les chrétiens, pasteurs et fidèles, pour son successeur, l’évêque de Rome. Obéissance et respect se conjuguent dans un même hommage au pêcheur de Galilée et au pape de Rome dont la fonction, enracinée sur la tombe de l’apôtre, rayonne, comme la gloire du Bernin, sur toute la chrétienté. LES SAINTS Rome est un aimant aussi pour les saints. Non seulement les fondateurs d’Ordres religieux, mais aussi les saints du peuple, les plus populaires, tel un Benoît Labre. Séminariste, chartreux puis trappiste à Sept-Fons, il vint à Rome vers 1771 pour prier et il y demeura, vagabond, clochard et mendiant. Miracle de Rome! Cette ville dont un saint Bernard avait fustigé en traits de feu le luxe et la puissance et dont un Joachim Du Bellay avait blâmé la vanité courtisane, comprit sans hésiter ce pouilleux plein de vermine, l’admira et l’aima dans sa pauvreté silencieuse et sa prière hiératique. Lorsque sa mort fut annoncée, le 16 avril 1783, ce fut une ruée de toute la ville vers Santa Maria ai Monti. On découpa ses haillons pour en faire des reliques. Ses funérailles, le jour de Pâques, furent un triomphe. La troupe qui gardait l’église fut balayée par la foule. Plus tard, au XIXe siècle, ce fut une poussée continue vers Rome de toute la chrétienté, à commencer par la France dont le gallicanisme muait sans soubresauts vers l’ultramontanisme. La Révolution avait persécuté l’Église. Napoléon avait humilié le pape. Le père humilié, selon la belle expression de Claudel, devint l’objet d’une intense vénération. Devant les écroulements successifs des régimes les mieux établis, la papauté et Rome apparaissent désormais comme le rocher solide sur lequel s’appuyer dans la tempête. On sait l’aventure des pèlerins de la liberté avec Lamennais. Tant d’autres, moins célèbres, allèrent à Rome et y puisèrent, avec un amour renouvelé de l’Église, une conviction profonde, celle-là même du «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église».Tels furent, bien différents dans leur psychologie et leurs orientations, mais unis dans les mêmes motivations, un Dom Guéranger, restaurateur bénédictin de Solesmes, en France, et un Lacordaire qui y rétablit les Frères Prêcheurs. On connaît le portrait fameux de Théodore Chassériau qui le représente, au lendemain de sa profession religieuse, le 12 avril 1840, dans le cloître romain de Sainte-Sabine. Telles furent encore Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld, ces deux «phares que la main de Dieu a allumés au seuil du siècle atomique», selon la forte expression du Père Congar. MADELEINE DELBRÊL Plus proche de nous, Madeleine Delbrêl, convertie de l’athéisme et témoin de l’amour de Dieu au cœur de la ville d’Ivry, païenne et marxiste, sent, un jour de mai 1952, le besoin impérieux d’aller à Rome prier sur le tombeau de saint Pierre. On lui objecte que c’est bien cher de l’heure de prière. Elle déclare à son équipe sceptique qu’elle ira si le prix du voyage lui parvient de manière inattendue…, ce qui advient sous forme d’un billet gagnant de la loterie nationale offert par une amie latino-américaine! Au prix de deux jours et deux nuits de train, elle passe sa journée de douze heures en prière à Saint-Pierre: «Devant l’autel du pape et sur le tombeau de saint Pierre, j’ai prié à cœur perdu… et d’abord à perdre le cœur. Je n’ai pas réfléchi ni demandé de “lumières”, je n’étais pas là pour cela. Pourtant plusieurs choses se sont imposées à moi et restent en moi. D’abord: Jésus dit à Pierre: “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église…”. Il devait devenir une pierre et l’Église devait être bâtie. Jésus qui a tant parlé de la puissance de l’Esprit, de sa vitalité, a, quand il a parlé de l’Église, dit qu’il la bâtirait sur cet homme qui deviendrait comme une pierre. C’est la pensée du Christ que l’Église ne soit pas seulement quelque chose de vivant, mais quelque chose de bâti. Deuxième chose: j’ai découvert les évêques… J’ai découvert pendant mon voyage, et à Rome, l’immense importance dans la foi et dans la vie de l’Église, des évêques. “Je vous ferai pêcheurs d’hommes”. Il m’a semblé que, vis-à-vis de ce que nous appelons l’autorité, mous agissons tantôt comme des fétichistes, tantôt comme des libéraux. Nous sommes sous le régime des autorisations, non de l’autorité, qui serait d’apporter de quoi “faire”, de quoi être les “auteurs” de l’œuvre de Dieu… Quand on parle de l’obéissance des saints, on réalise mal, je crois, combien elle s’apparente dans le corps de l’Église à cette lutte interne des organismes vivants, où l’unité se fait dans des activités, des oppositions. Enfin j’ai pensé que si Jean était “le disciple que Jésus aimait”, c’est à Pierre que Jésus a demandé: “M’aimes-tu?” et c’est après ses affirmations d’amour qu’il lui a donné le troupeau. Il a dit aussi tout ce qui était à aimer: “Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait”. Il m’est apparu à quel point il faudrait que l’Église hiérarchique soit connue par les hommes, tous les hommes, comme les aimant. Pierre: une pierre à qui on demande d’aimer. J’ai compris ce qu’il fallait faire passer d’amour dans tous les signes de l’Église»5 . CONCLUSION Je conclus: Rome est-elle au centre du monde? La réponse ne fait aucun doute pour le pèlerin de Rome, d’où qu’il vienne: ne se sent-il pas chez lui en cette ville universelle? Par-delà l’éclat de son soleil, la pureté de son ciel, le flamboiement de ses œuvres d’art, le charme de ses quartiers, le pittoresque de ses habitants, un je ne sais quoi vous attire et vous émeut, qui vous retient de partir et vous presse de revenir. Il est des villes que l’on visite, des trésors que l’on contemple, des sites qu’il faut avoir vus. Rome ne se regarde pas de l’extérieur, mais se pénètre de l’intérieur. Nul ne se lasse de revenir place Saint-Pierre, d’aller prier dans sa crypte, de descendre aux catacombes, d’aller au Colisée, de remonter aux Quatre-Saints Couronnés, de redescendre vers Saint-Clément, de s’arrêter encore à la Maddalena, de retourner à Sainte-Sabine. Partout et toujours des pèlerins sont là, des Romains devisent ou prient, les uns et les autres vraiment chez eux, chez le bon Dieu, comme on disait en mon enfance angevine. Les uns sont plus sensibles aux scintillements des mosaïques, les autres à l’éclat des marbres, d’autres au rayonnement de la lumière des Caravage. Tous sont émus par la candeur des fresques primitives où un rien de matière devient messager de l’Esprit qui l’anime et de cette eau vive qui murmure en nous, depuis saint Ignace, de Rome: viens vers le Père. De Pierre et Paul à Jean Paul II, le génie de la Rome chrétienne a assumé l’héritage de la Rome païenne. Les temples convertis en églises, leurs colonnes en devenaient le nouveau support, Santa Maria s’érigeant sopra Minerva. Loin d’être comme écrasé par tant de splendeurs, le pèlerin y découvre le message de Pierre inscrit dans les pierres des basiliques et incarné dans les saints. Chacun s’y trouve à sa place au sein du peuple de Dieu, non point marginalisé dans quelque étroite chapelle ou refoulé en quelque sombre crypte, mais bien à sa place, en pleine lumière, dans la vaste nef, devant la confession de l’apôtre, dont le sang versé atteste le salut apporté par le Christ pour tous les hommes. Marqué de l’empreinte de Rome, le chrétien se retrouve catholique. Avec le poids de l’histoire, la Rome des papes et des saints nous rappelle que le spirituel est lui-même charnel et que l’Évangile s’inscrit au cœur de la cité des hommes pour les acheminer, du temps vers l’éternité, la Cité de Dieu.Aussi, à la question posée – Rome est-elle au centre du monde? –, je réponds sans hésiter: oui pour le conduire à Dieu. Notes1 Paul Poupard, La charité de Lacordaire, homme d’Église, dans La Vie Spirituelle, nov. 1961, p. 530-543, repris dans XXe siècle, siècle de grâces, Paris, Ed. S.O.S., 1982, p. 111-128.2 Paul Poupard, Rome-Pèlerinage, nouvelle édition mise à jour pour l’Année sainte, Paris, D.D.B., 1983.3 Journal romain de l’abbé Louis Bautain (1838), édité par Paul Poupard, Rome, Edizioni di storia e letteratura, coll. Quaderni di cultura francese, sous la direction de la Fondation Primoli. 1964, p. 6-7. 4 Cf. Paul Poupard, Le Concile Vatican II, Paris, P.U.F., coll. Que sais-je?, 1983, p. 105-112. 5 Madeleine Delbrêl, Nous autres, gens des rues. Présentation de Jacques Loew, Éd. Du Seuil, Paris, 1966, p. 138-139.