Archive pour juillet, 2014

HOMÉLIE – 14E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

4 juillet, 2014

http://www.homelies.fr/homelie,,3885.html

14E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

FAMILLE DE SAINT JOSEPH JUILLET

HOMÉLIE – MESSE

« Dieu qui as relevé le monde par les abaissements de ton Fils, donne à tes fidèles une joie sainte : tu les as tirés de l’esclavage du péché ; fais-leur connaître le bonheur impérissable, par Jésus- Christ, Notre-Seigneur. » L’oraison d’ouverture nous invite à oser demander à Dieu « le bonheur impérissable », c’est-à-dire la participation à sa propre béatitude. Pourtant, l’affirmation de Jésus est très claire : « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils ». Il est inutile de nous hisser sur la pointe des pieds : nous n’atteindrons jamais le ciel par nos propres forces. Car Dieu est l’infiniment autre, d’une nature incommensurable à la nôtre ; nous ne pouvons le connaître que dans la mesure où il se révèle à nous, et que nous nous mettons dans les dispositions d’accueillir cette révélation en son Fils unique. C’est précisément cette attitude de réceptivité à l’égard de l’initiative du Père, que Notre-Seigneur décrit par le terme de « tout-petits ». Seuls ceux qui, reconnaissant leur ignorance, renoncent à leur propre sagesse et acceptent de s’ouvrir à Dieu, peuvent découvrir son visage de Père. Car le Très-Haut se révèle en se donnant, et c’est précisément en se recevant de lui, comme le Fils unique se reçoit à chaque instant de son Père que les « petits » découvrent sa paternité. « Personne ne connaît le Fils sinon le Père » qui l’engendre de toute éternité. C’est en regardant le Père que le Fils se connaît dans son essence. A fortiori ne nous connaissons-nous pas nous-mêmes, mais devons-nous recevoir la révélation de notre identité filiale dans le don que le Père nous fait à chaque instant de la « vie, du mouvement et de l’être » (cf. Ac 17, 28). « Personne ne connaît le Père » : comment pourrions-nous connaître Dieu ? Ne s’agit-il pas plutôt d’être connus de lui en nous laissant combler de sa Présence dans l’Esprit, en qui nous devenons ses enfants ? C’est précisément cela la foi : connaître Dieu dans la lumière de sa présence au plus intime de nous-mêmes où il a voulu élire sa demeure. Cette connaissance est bien réelle, même si elle n’est pas ressentie, car le Tout-Autre se reflète réellement en nos cœurs pour y reconstituer son image et nous unir à lui dans l’amour. Le plus humble acte de foi nous rend participants de la vie divine (cf. 2 P 1, 4) par l’action de l’Esprit Saint qui s’unit à notre esprit pour nous permettre de confesser Jésus-Christ Seigneur et Sauveur, unique chemin vers le Père. Croire, c’est prendre sur soi le joug de Jésus, devenir son disciple ; c’est renoncer à être à nous-même notre propre origine, et oser courir le risque de la confiance filiale, en acceptant de dépendre totalement d’un Autre reconnu comme Père. Cette proposition est au cœur du christianisme, et dans la foi, nous en reconnaissons la pertinence ; mais qu’elle est difficile à mettre en pratique dans notre monde qui exalte tout au contraire la suffisance de l’individu, et exècre toute forme de dépendance, fût-elle de l’amour. Celui qui en nous revendique cette autonomie n’est autre que le vieil homme, c’est-à-dire la part obscure de nous-même agissant « sous l’emprise de la chair », que Saint Paul dénonce dans la seconde lecture. Or le « fardeau » dont Jésus veut nous soulager, est précisément celui de nos fausses identités accumulées au fil des années et des circonstances, celui de notre prétention à l’autosuffisance, voire celui de la rivalité avec un Dieu que nous cherchons secrètement à manipuler. Le « joug » qu’il nous offre en échange, est la douceur et l’humilité d’un cœur filial qui s’abandonne entre les mains du Très Haut comme un enfant dans les bras de sa mère. Car ce Père est aussi une Mère : le baptême n’est-il pas une nouvelle naissance ? Dieu ne nous a-t-il pas engendrés à la vie divine par la résurrection de son Fils et dans l’Esprit (2nd lect.) ? Père, Mère et Epoux : si Dieu nous recrée à son image, n’est-ce pas ultimement pour nous unir à lui dans l’amour comme l’Epoux s’unit à son Epouse ? « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient vers toi : il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune » (1ère lect.). Par sa victoire sur « les désordres de l’homme pécheur » (2nd lect.), ce Roi d’humilité et de douceur fera fleurir la justice et la paix, ces dons messianiques par excellence, que l’homme charnel ne peut cultiver. A condition bien sûr que nous acceptions de venir à lui et de prendre sur nous son joug. Le « joug » dans le langage biblique, représente la Loi. Cette Loi qui nous accuse et nous enferme dans la peur des représailles d’un Législateur intransigeant. C’est de cette idole et de nos culpabilités morbides que Jésus veut nous sauver, en nous manifestant le vrai visage de Dieu ; visage d’un Père qui se révèle « dans sa bonté » ; visage d’une Mère « pleine de tendresse et de pitié » (Ps 144), qui nous réengendre dans sa miséricorde afin de nous « procurer le repos » ; visage du Roi Epoux qui triomphe de nos résistances par la douceur et l’humilité de son amour crucifié. Et si nous prenions comme résolution de demeurer attentifs, tout au long de cette semaine qui s’ouvre devant nous, aux invitations concrètes que Notre-Seigneur nous adresse à venir à lui, lorsque nous peinons sous le poids du fardeau de l’épreuve, de la contradiction, de l’incompréhension, d’un travail que nous ne parvenons pas à assumer, voire d’un péché dont nous ne réussissons pas à nous débarrasser ? Plutôt que de nous raidir dans une attitude volontariste, ou de nous refermer sur nous-même et sur notre impuissance, ou encore de nous laisser glisser dans le victimisme ou le découragement, faisons plutôt mémoire de la Parole que nous venons d’entendre : un ami nous attend, qui est capable de nous arracher à notre trouble, notre lassitude, notre culpabilité, notre impuissance ; un ami qui peut nous procurer le repos, au moment où nous en sommes le plus éloignés. C’est ainsi que nous découvrirons peu à peu que nous ne sommes jamais seuls ; une lumière reste allumée au cœur des situations les plus obscures ; dans les impasses les plus resserrées, une porte demeure ouverte. Alors nous nous exclamerons comme Jacob : « Vraiment, le Seigneur est dans ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas ! ». Saisi de crainte filiale, d’émerveillement et de reconnaissance, nous ajouterons avec le patriarche : « Que ce lieu est redoutable ! Il est réellement la maison de Dieu, la porte du ciel ! » (Gn 28, 16-17). « Dieu de tendresse, par Jésus ton Fils, tu nous a montré ton visage de Père. Qu’à ton image, nous devenions doux et humbles de cœur pour annoncer ton Royaume aux siècles des siècles » (Or. Pr. Univ.). Père Joseph-Marie

SAIN THOMAS Ap

3 juillet, 2014

SAIN THOMAS Ap  dans images sacrée saint-thomas-the-apostle-06

http://saints.sqpn.com/saint-thomas-the-apostle-gallery/

BENOÎT XVI – THOMAS Ap – 3 Juillet

3 juillet, 2014

 

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060927_fr.html  

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 27 septembre 2006

THOMAS Ap – 3 Juillet

Chers frères et soeurs,

Poursuivant nos rencontres avec les douze Apôtres choisis directement par Jésus, nous consacrons aujourd’hui notre attention à Thomas. Toujours présent dans les quatre listes établies par le Nouveau Testament, il est placé dans les trois premiers Evangiles, à côté de Matthieu (cf. Mt 10, 3; Mc 3, 18; Lc 6, 15), alors que dans les Actes, il se trouve près de Philippe (cf. Ac 1, 13). Son nom dérive d’une racine juive, ta’am, qui signifie « apparié, jumeau ». En effet, l’Evangile de Jean l’appelle plusieurs fois par le surnom de « Didyme » (cf. Jn 11, 16; 20, 24; 21, 2), qui, en grec, signifie précisément « jumeau ». La raison de cette dénomination n’est pas claire. Le Quatrième Evangile, en particulier, nous offre plusieurs informations qui décrivent certains traits significatifs de sa personnalité. La première concerne l’exhortation qu’il fit aux autres Apôtres lorsque Jésus, à un moment critique de sa vie, décida de se rendre à Béthanie pour ressusciter Lazare, s’approchant ainsi dangereusement de Jérusalem (cf. Mc 10, 32). A cette occasion, Thomas dit à ses condisciples:  « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui! » (Jn 11, 16). Sa détermination à suivre le Maître est véritablement exemplaire et nous offre un précieux enseignement:  elle révèle la totale disponibilité à suivre Jésus, jusqu’à identifier son propre destin avec le sien et à vouloir partager avec Lui l’épreuve suprême de la mort. En effet, le plus important est de ne jamais se détacher de Jésus. D’ailleurs, lorsque les Evangiles utilisent le verbe « suivre » c’est pour signifier que là où Il se dirige, son disciple doit également se rendre. De cette manière, la vie chrétienne est définie comme une vie avec Jésus Christ, une vie à passer avec Lui. Saint Paul écrit quelque chose de semblable, lorsqu’il rassure les chrétiens de Corinthe de la façon suivante:  « Vous êtes dans nos coeurs à la vie et à la mort » (2 Co 7, 3). Ce qui a lieu entre l’Apôtre et ses chrétiens doit, bien sûr, valoir tout d’abord pour la relation entre les chrétiens et Jésus lui-même:  mourir ensemble, vivre ensemble, être dans son coeur comme Il est dans le nôtre. Une deuxième intervention de Thomas apparaît lors de la Dernière Cène. A cette occasion, Jésus, prédisant son départ imminent, annonce qu’il va préparer une place à ses disciples pour qu’ils aillent eux aussi là où il se trouve; et il leur précise:  « Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin » (Jn 14, 4). C’est alors que Thomas intervient en disant:  « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas; comment pourrions-nous savoir le chemin? » (Jn 14, 5). En réalité, avec cette phrase, il révèle un niveau de compréhension plutôt bas; mais ses paroles fournissent à Jésus l’occasion de prononcer la célèbre définition:  « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). C’est donc tout d’abord à Thomas que cette révélation est faite, mais elle vaut pour nous tous et pour tous les temps. Chaque fois que nous entendons ou que nous lisons ces mots, nous pouvons nous placer en pensée aux côtés de Thomas et imaginer que le Seigneur nous parle à nous aussi, comme Il lui parla. Dans le même temps, sa question nous confère à nous aussi le droit, pour ainsi dire, de demander des explications à Jésus. Souvent, nous ne le comprenons pas. Ayons le courage de dire:  je ne te comprends pas, Seigneur, écoute-moi, aide-moi à comprendre. De cette façon, avec cette franchise qui est la véritable façon de prier, de parler avec Jésus, nous exprimons la petitesse de notre capacité à comprendre et, dans le même temps, nous nous plaçons dans l’attitude confiante de celui qui attend la lumière et la force de celui qui est en mesure de les donner. Très célèbre et même proverbiale est ensuite la scène de Thomas incrédule, qui eut lieu huit jours après Pâques. Dans un premier temps, il n’avait pas cru à l’apparition de Jésus en son absence et il avait dit:  « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté; non, je ne croirai pas! » (Jn 20, 25). Au fond, ces paroles laissent apparaître la conviction que Jésus est désormais reconnaissable non pas tant par son visage que par ses plaies. Thomas considère que les signes caractéristiques de l’identité de Jésus sont à présent surtout les plaies, dans lesquelles se révèle jusqu’à quel point Il nous a aimés. En cela, l’Apôtre ne se trompe pas. Comme nous le savons, huit jours après, Jésus réapparaît parmi ses disciples, et cette fois, Thomas est présent. Jésus l’interpelle:  « Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta main, et mets-la dans mon côté:  cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jn 20, 27). Thomas réagit avec la plus splendide profession de foi de tout le Nouveau Testament:  « Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jn 20, 28). A ce propos, saint Augustin commente:  Thomas « voyait et touchait l’homme, mais il confessait sa foi en Dieu, qu’il ne voyait ni ne touchait. Mais ce qu’il voyait et touchait le poussait à croire en ce que, jusqu’alors, il avait douté » (In Iohann. 121, 5). L’évangéliste poursuit par une dernière parole de Jésus à Thomas:  « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu » (Jn 20, 29). Cette phrase peut également être mise au présent:  « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Quoi qu’il en soit, Jésus annonce un principe fondamental pour les chrétiens qui viendront après Thomas, et donc pour nous tous. Il est intéressant d’observer qu’un autre Thomas, le grand théologien médiéval d’Aquin, rapproche de cette formule de béatitude celle apparemment opposée qui est rapportée par Luc:  « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez » (Lc 10, 23). Mais saint Thomas d’Aquin commente:  « Celui qui croit sans voir mérite bien davantage  que  ceux  qui  croient en voyant » (In Johann. XX lectio VI  2566). En effet, la Lettre aux Hébreux, rappelant toute la série des anciens Patriarches bibliques, qui crurent en Dieu sans voir l’accomplissement de ses promesses, définit la foi comme « le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (11, 1). Le cas de l’Apôtre Thomas est important pour nous au moins pour trois raisons:  la première, parce qu’il nous réconforte dans nos incertitudes; la deuxième, parce qu’il nous démontre que chaque doute peut déboucher sur une issue lumineuse au-delà de toute incertitude; et, enfin, parce que les paroles qu’il adresse à Jésus nous rappellent le sens véritable de la foi mûre et nous encouragent à poursuivre, malgré les difficultés, sur notre chemin d’adhésion à sa personne. Une dernière annotation sur Thomas est conservée dans le Quatrième Evangile, qui le présente comme le témoin du Ressuscité lors du moment qui suit la pêche miraculeuse sur le Lac de Tibériade (cf. Jn 21, 2). En cette occasion, il est même mentionné immédiatement après Simon-Pierre:  signe évident de la grande importance dont il jouissait au sein des premières communautés chrétiennes. En effet, c’est sous son nom que furent ensuite écrits les Actes et l’Evangile de Thomas, tous deux apocryphes, mais tout de même importants pour l’étude des origines chrétiennes. Rappelons enfin que, selon une antique tradition, Thomas évangélisa tout d’abord la Syrie et la Perse (c’est ce que réfère déjà Origène, rapporté par Eusèbe de Césarée, Hist. eccl. 3, 1), se rendit ensuite jusqu’en Inde occidentale (cf. Actes de Thomas 1-2 et 17sqq), d’où il atteignit également l’Inde méridionale. Nous terminons notre réflexion dans cette perspective missionnaire, en formant le voeu que l’exemple de Thomas corrobore toujours davantage notre foi en Jésus Christ, notre Seigneur et notre Dieu.

* * * J’accueille avec joie les pèlerins de langue française présents ce matin. Je salue en particulier le groupe de l’École normale catholique Blomet, de Paris. Que l’exemple de l’Apôtre Thomas rende toujours plus forte votre foi en Jésus et qu’il vous incite à être d’ardents missionnaires de l’Évangile parmi vos frères.

PIERRE ET LES PIERRES DE LA VILLE ÉTERNELLE – PAR LE CARDINAL PAUL POUPARD

3 juillet, 2014

http://www.30giorni.it/articoli_id_8371_l4.htm

PIERRE ET LES PIERRES DE LA VILLE ÉTERNELLE

UNE ÉTUDE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA CULTURE

PAR LE CARDINAL PAUL POUPARD

Je ne sais pas s’il y a quelque impertinence dans la question posée: Rome est-elle au centre du monde? Mais je sais qu’il y a bien des manières pertinentes d’y répondre. Je le ferai pour ma part, en partant d’une confidence de Madame Swetchine, l’amie de Lacordaire, lui-même ami d’un prêtre français assez oublié aujourd’hui, l’abbé Louis Bautain.

MADAME SWETCHINE, LACORDAIRE, BAUTAIN Écoutons Madame Swetchine: «Rome est la reine des villes, c’est un monde différent de tout ce qui nous a frappé ailleurs, dont les beautés et les contrastes sont d’un ordre si élevé que rien n’y prépare, que rien ne saurait en faire deviner ni même pressentir l’effet. Les idées s’agrandissent ici, les sentiments y deviennent plus religieux, le cœur s’apaise. Toutes les époques de l’histoire sont là en présence, séparées et distinctes, et il semble que chacune d’elles a voulu imprimer son caractère aux monuments qui en restent, avoir un horizon qui lui soit propre et, pour ainsi dire, une atmosphère particulière… La beauté n’est-elle pas éternelle comme la vérité? Et dès lors, quelle étroite alliance entre la religion et l’art!». Et l’orthodoxe convertie reparaît lorsqu’elle fait la constatation suivante: «Une des preuves de la vérité du catholicisme est de répondre si bien à la nature exclusive de notre cœur. Les autres Églises croient simplifier la religion, la rendre plus accessible, plus acceptable, en étendant à toutes les communions les promesses faites par son divin Auteur, et c’est bien étrangement méconnaître nos véritables besoins. Plus une règle est positive, exclusive, austère, exigeante et plus elle a pour nous d’attrait, par cet instinct vague qui nous a fait sentir combien notre mobilité a besoin d’être fixée, notre mollesse d’être affermie, notre pensée ramenée et assujettie. On ne s’attachera jamais passionnément à une religion qui trouvera que les autres la valent, et le Dieu jaloux le savait bien. Du moment où une chose n’est pas, je ne dis pas seulement la meilleure, mais la seule complètement bonne, pourquoi choisir, préférer, concentrer, et ne pas laisser fractionner son hommage et son amour?». Ce texte de Madame Swetchine re­trouvé un peu au hasard m’a conduit à relire les pages qu’avec ferveur le jeune romain que j’étais alors proposait aux lecteurs de La vie spirituelle en novembre 1961, sur Lacordaire, Bautain et Madame Swetchine. Le centre en est Rome, où l’Abbé Bautain, le philosophe de Strasbourg, est dénoncé par son évêque pour cause de fidéisme. Lacordaire lui écrit, le 1er février 1838: «Une condamnation de Rome est à jamais acquise à l’histoire, l’infaillibilité en assure la destinée éternelle. Au lieu que la condamnation d’un évêque n’a ni le même avenir, ni la même solidité…». Il présente du reste ainsi à sa correspondante Mgr le Pappe de Trévern: «Le vieil Évêque de Strasbourg est évidemment un outré gallican beaucoup moins effrayé de ce qu’il y a de faux chez Monsieur Bautain que de ce qu’il y a de vrai… Personne plus que moi n’estime à son prix la pureté de la doctrine et j’ose dire que chaque jour j’en deviens plus jaloux pour moi-même; mais la charité dans l’appréciation des doctrines est le contrepoids absolument nécessaire de l’inflexibilité théologique. Le mouvement du vrai chrétien est de chercher la vérité et non l’erreur dans une doctrine, et de faire tous ses efforts pour l’y trouver, tous ses efforts jusqu’au sang, comme on cueille une rose à travers les épines. Celui qui fait bon marché de la pensée d’un homme, d’un homme sincère…, celui-là est un pharisien, la seule race d’hommes qui ait été maudite par Jésus-Christ. Y a-t-il un Père de l’Église qui n’ait des opinions et même des erreurs? Jetterons-nous leurs écrits par la fenêtre pour que l’océan de la vérité soit plus pur? Oh que l’homme qui combat pour Dieu est un être sacré et que jusqu’au jour d’une condamnation manifeste, il faut porter sa pensée dans des entrailles amies!». Et le 1er février 1840, dans une nouvelle lettre à sa correspondante, Lacordaire ajoute: «En 1838, étant à Metz, je fus averti qu’on cherchait à le perdre à Rome, ce dernier refuge de ceux qui errent contre la dureté de ceux qui n’errent pas… Je le déterminai à aller à Rome. Il partit, fut bien accueilli, revint enchanté de Rome…»1. J’ai édité autrefois Le Journal romain de l’abbé Bautain (1838) qui retrace cette histoire aujourd’hui bien oubliée. J’ai voulu la rappeler, comme je l’ai fait, dans mon Rome Pèlerinage2, car, pour beaucoup de pèlerins des siècles passés et du temps présent, le pèlerinage à Rome, c’est d’abord la prière à la basilique Saint-Pierre, dans une démarche de foi envers le magistère vivant de l’Église qui, selon les promesses faites par le Christ à Pierre, se continue dans la personne de son successeur, le pape. C’est une grâce du pèlerinage à Rome que cette adhésion renouvelée à Pierre, dont le successeur demeure garant de la vérité de l’Évangile au milieu des tourbillons du siècle. Bautain écrit, le soir même de son arrivée, dans son Journal, le 28 février 1838: «Enfin nous partîmes… Nous étions dans une grande impatience de voir apparaître la grande ville, et cependant la fatigue de la nuit passée et des précédentes nous jetait tous dans l’accablement, quand, tout à coup, arrivés sur une hauteur, le “vetturino” nous cria du dehors en nous faisant signe avec son fouet: “Roma”: Nous vîmes, en effet, dans le brouillard du matin, la Coupole de Saint-Pierre et en un moment elle fit comme apparaître à nos yeux Rome tout entière, ancienne et moderne, la Rome maîtresse du monde, soit par la force, soit par l’esprit. Il nous fallut monter et descendre bien des côtes, après cette apparition, et enfin nous aperçûmes de près Saint-Pierre et le Vatican et ce fut la première chose de Rome que nous vîmes en entrant par la porte de Civitavecchia qui est justement derrière, en sorte qu’on a l’air d’entrer dans le Vatican même. Ainsi ce que nous avons vu de Rome, tout d’abord c’est ce que nous sommes venus uniquement y chercher, savoir Saint-Pierre et le Vatican»3.

LA VOCATION DE ROME Ainsi, me semble-t-il, s’éclaire la réponse à donner à la question: Rome est-elle au centre du monde? Car ce mot de “centre” peut être compris en plusieurs sens: centre d’attraction ou centre de rayonnement? Si on l’entend d’un centre d’attraction ou de rayonnement dans le monde, il faut savoir si l’on pense au Pape ou à la Curie. Nous savons que les deux ne se confondent pas, la seconde est au service du premier. Il faut d’autre part distinguer l’aspect religieux, l’aspect moral et l’aspect politique des choses. La réponse ne sera pas la même suivant que l’on considère l’un ou l’autre de ces aspects. Si l’on se met en face de ce que l’on appelle l’opinion et que l’on s’efforce de juger ensuite cette opinion à la lumière de ce que l’Église pense d’elle-même, il me semble qu’on est en présence de deux conceptions également fausses de Rome et du Saint-Siège: une conception qui tend à minimiser indûment le rôle de Rome comme centre d’attraction ou de rayonnement en la considérant comme une simple Église parmi d’autres. Par contraste avec cette conception minimisante, il y en a une autre qui tend à exagérer d’une certaine façon son rôle, en l’assimilant plus ou moins formellement à un “pouvoir”, dans l’ignorance de ce que l’Église a dit d’elle-même au Concile quant à la liberté religieuse4. Rome, me semble-t-il, et c’est sa vocation propre, voudrait être considérée comme un témoin principal – et l’Église à travers elle – comme un témoin du Christ vivant, mort et ressuscité, témoin qualifié à un titre unique de par la mission donnée à Pierre par le Christ. Ce témoignage trouve à Rome une expression exceptionnellement authentique pour ceux qui croient et même pour certains de ceux qui ne croient pas. Rome donc, comme centre de l’Église, peut et doit accepter de porter une responsabilité universelle et missionnaire, quelles que soient les faiblesses inséparables de toute collaboration humaine à l’œuvre de Dieu. L’URBS Telle est, me semble-t-il, la vocation de Rome, qui explique en quelque sorte la fascination de Rome. Car depuis deux millénaires, c’est une véritable fascination qu’exerce à travers le monde la Ville de Rome, c’est une véritable fascination tout court: l’URBS. C’est sur la Ville et sur le Monde, Urbi et Orbi, que le saint Père donne sa bénédiction solennelle du haut de la loggia de la basilique Saint-Pierre, face à cette place admirable qui porte le nom de l’apôtre fondateur. Les téléspectateurs ne se lassent pas de la regarder et souhaitent un jour faire en vérité le pèlerinage de Rome. Car si tous les chemins mènent à Rome, il est encore plus vrai d’ajouter aujourd’hui qu’ils y mènent le voyageur ébloui, le pèlerin désireux une fois encore de porter ses pas sur ceux des apôtres, de prier dans les grandes basiliques, de participer à la ferveur d’un peuple multicolore dont la foi se ravive en chantant avec le successeur de Pierre le Credo catholique. INÉPUISABLE ROME! Inépuisable Rome! On a pu l’appeler capitale de la civilisation et du droit, de l’art et de l’histoire, Rome des pierres et des siècles inextricablement emmêlés, Rome souterraine des Catacombes, Rome bâtie sur la sépulture de Pierre découverte au Vatican, Rome édifiée sur le martyre des apôtres, mais aussi sur les débris des temples païens et des villes antiques, Rome moderne enfin, bruissante de tant de souvenirs et bruyante à travers les grandes artères ou dans les étroites venelles du Transtévère, Rome des églises et des couvents, Rome des universités et des collèges, Rome des pèlerins dont le flot vient battre, semaine après semaine, le parvis de Saint-Pierre, sous les fenêtres du Pape. Comme le disait Jean Paul II le 25 avril 1979, pour l’anniversaire de la fondation de Rome, cette date ne marque pas seulement le commencement d’une succession de générations humaines qui ont habité cette ville. Elle constitue aussi un commencement pour des nations et des peuples lointains qui ont conscience d’avoir un lien et une unité particulière avec la tradition culturelle latine dans ce qu’elle a de plus profond. Les apôtres de l’Évangile, et en premier lieu Pierre de Galilée et Paul de Tarse, sont venus à Rome et y ont implanté l’Église. C’est ainsi que, dans la capitale du monde antique, a commencé son existence le Siège des successeurs de Pierre, des évêques de Rome. Ce qui était chrétien s’est enraciné en ce qui était païen et, après s’être développé dans l’humus romain, a commencé à croître avec une nouvelle force. Le successeur de Pierre y est l’héritier de cette mission universelle que la Providence a inscrite dans le livre de l’histoire de la Ville éternelle.

PIERRE ET LES PIERRES Reine de l’histoire, fête des arts, délice des yeux et joie du cœur, Rome est pour le pèlerin le centre vivant et visible de l’unité de l’Église catholique, fécondé par le martyre des apôtres, irrigué par des siècles de foi, rayonnant de la présence du successeur de Pierre. Que vous arriviez par l’aérodrome de Fiumicino, la gare Termini ou l’autoroute del Sole ruisselante de voitures, la même préoccupation vous habite, le même ardent désir brûle de se réaliser: voir Saint-Pierre et le Saint Père. Pour le pèlerin de Rome, en effet, le message des pierres du passé se conjugue avec les visages de l’aujourd’hui de Dieu, en un vivant témoignage de foi. Il ne visite pas seulement les lieux prestigieux chargés d’une histoire millénaire. Il prend place dans une lignée de témoins et met ses pas sur ceux de ses devanciers à travers les âges, avec ses contemporains à travers le monde. Vivante continuité dans le temps et l’espace, l’Église que forment les chrétiens se re­trouve à Rome dans une coulée séculaire. Membres de multiples communautés dispersées à travers les peuples, les chrétiens, à Rome, d’un coup, découvrent leur unité profonde de peuple de Dieu rassemblé autour de la tombe de Pierre et de son vivant successeur, au Vatican. L’énorme capitale du monde antique a en effet été choisie par les Apôtres, parce qu’ils voulaient implanter l’Évangile au cœur même de l’Empire. Venus à Rome y annoncer la foi au Christ ressuscité, Pierre et Paul y ont trouvé la mort. Leur martyre y a enraciné l’Église. Selon l’adage antique: le sang des martyrs est la semence des chrétiens. Et c’est dès les premiers siècles que mus par un sentiment irrépressible, les chrétiens se sont mis en mouvement vers les tombeaux des saints apôtres, pour y confesser leur foi, en vivante continuité avec leurs pères et en union étroite avec l’évêque de Rome.

SAINT PIERRE ET LE SAINT PÈRE Rome comme pèlerinage. Ce n’est point une terre étrangère, que l’on aborde pour une visite éphémère, vite décidée, tôt oubliée. Ce n’est pas non plus un sanctuaire étroitement localisé, limité à une apparition lointaine. C’est la Ville tout entière qui est la patrie des fidèles catholiques, et aussi de nombre de chrétiens, depuis bientôt deux millénaires. Le temps qui ailleurs s’évanouit dans l’histoire, s’enracine ici dans la durée. Alors que, dans un pèlerinage où la Vierge Marie ou un saint s’est manifesté, la continuité s’éprouve dans la seule fidélité à ce message, Rome s’affermit dans le temps qu’elle emplit de sa présence et de son action. Pierre et Paul, martyrs, y sont ensevelis. Des basiliques s’élèvent sur leurs tombes. Les catacombes gardent la trace des vivants et des morts des premiers siècles. Mais les pèlerins ne se contentent pas de fréquenter des lieux. Ils rencontrent, à Rome, le Vicaire du Christ, successeur de Pierre. Entre Pierre et les pierres, ce n’est pas un antagonisme mais un complément. Qu’allez-vous faire à Rome? Faire un pèlerinage aux basiliques? Ou voir le Pape? Pourquoi ce “ou”, alors que c’est à l’évidence “et” qu’il faut dire et faire! Telle est la singularité de Rome comme pèlerinage: des lieux et des hommes qu’on ne saurait séparer parce que tout les unit. Le pèlerin va vers la place Saint-Pierre pour prier dans la basilique Saint-Pierre et pour voir le Saint Père. Videre Petrum: ce vieux cri de foi jailli du fond des âges, c’est la démarche croyante qui unit Pierre à Jean Paul II, l’un et l’autre, l’un après l’autre destinataires de la promesse inouïe du Christ: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église». Il s’agit là d’une démarche de foi, animée par la certitude qui anime le poète: «Et nous sommes tombés dans le filet de Pierre. Parce que c’est Jésus qui nous l’avait tendu» (Charles Péguy).

DE PIERRE À KAROL Pierre est venu à Rome. Il en a été le premier évêque. Et depuis sa mort, l’évêque de Rome lui succède dans sa charge de pasteur, responsable au premier chef du collège des évêques dont il est le premier: clé de voûte – et ils sont la voûte – de cette Église répandue à travers le temps et l’espace, dispersée aux quatre coins de l’univers, en marche vers la patrie éternelle. Cité de Dieu au cœur de la cité des hommes, dont elle voudrait être l’âme, l’Église de Jésus-Christ n’est point conglomérat informel, mais organisme charpenté. Ses structures visibles sont porteuses de l’invisible et essentielle nervure spirituelle de grâce, dont le Seigneur est la source et l’Esprit le canal. Mêlé étroitement à ses frères de toutes races et de toutes langues, le pèlerin de Rome prend mieux conscience en cette ville qu’il chemine du temps vers l’éternité. Car l’éternité déjà y a laissé sa trace. Le temps a beau défaire les pierres au cours des âges, Pierre lui-même est toujours vivant, de Simon le Galiléen à Karol le Cracovien, comme lui venu de loin, pour mieux nous entraîner au loin, dans la barque de l’Église, au souffle de l’Esprit. Le pèlerin qui visite des édifices matériels, signes et porteurs d’une réalité spirituelle, ne les aborde pas comme un touriste découvre une œuvre d’art. C’est un croyant qui met ses pas dans ceux des générations qui l’ont précédé et dont il a reçu, avec l’église où il vient prier, la foi qui anime sa prière. Aussi le cœur du pèlerinage à Rome est-il la rencontre et la bénédiction reçue du successeur de Pierre. C’est la grâce propre de l’audience dans laquelle, chaque mercredi, le Saint Père s’adresse aux pèlerins, en témoin de la foi et en interprète autorisé de l’Évangile, ainsi que chaque dimanche où il récite avec eux l’Angélus. La vocation de Rome est de les confirmer dans la foi pour qu’ils la vivent sur toutes les routes de l’Église et du monde, au milieu des hommes, toutes les routes qui sont les routes du Christ, selon la belle image de Jean Paul II dans sa première encyclique Redemptor hominis. Comment ne pas penser que, de toutes ces routes, Rome est privilégiée, de par la continuité d’une tradition dont la Ville est dépositaire. Le successeur de Pierre n’est pas une mythique soucoupe volante tombée du ciel de Pologne sur les bords du Tibre. Ce n’est pas un nouveau Melchisédech, sans père ni mère ni généalogie. Comme son nom l’indique, il est un successeur. Sa personne s’identifie avec sa fonction… Celle-ci, héritière de l’Évangile et marqué du poids de l’histoire, s’inscrit dans la durée de deux millénaires qui ont empli la ville de Rome, hissant son devenir dans la cité des hommes au destin de Cité de Dieu. Église incarnée, l’Église de Rome n’est pas sans tache, pure et dure comme le serait une utopie dont la seule qualité réelle serait l’inexis­tence. Elle existe au contraire, aux traits fortement marqués par le temps et l’espace, les hommes et leurs constructions de pierre. Aussi la vocation de Rome est-elle l’incarnation de la foi avec les apôtres Pierre et Paul et les millions de croyants qui sont venus prier sur leurs tombes et s’y ressourcer dans la foi. Comme le disait Jean Paul II, le 4 juillet 1979, alors qu’il venait de célébrer pour la première fois à Rome la fête des saints apôtres Pierre et Paul: «Combien est éloquent l’autel, au centre de la basilique, sur lequel le successeur de Pierre célèbre l’eucharistie en pensant que c’est tout près de cet autel que Pierre a fait, sur la croix, le sacrifice de sa vie en union avec Celui, sur le calvaire, du Christ crucifié et ressuscité».

REGARDER ET COMPRENDRE Devant tant de trésors accumulés, les critiques ne manquent pas, qui se scandalisent de ce mécénat alors que tant de détresses crient vers le ciel. On ne peut récrire l’histoire, et nous comprenons difficilement aujourd’hui le comportement des papes de la Renaissance. Paul VI en inaugurant la nouvelle Salle d’audiences de Nervi, le 30 juin 1971, déclarait qu’elle «n’exprime nul orgueil monumental ou vanité ornementale, mais que l’audace propre de l’art chrétien est de s’exprimer en termes grands et majestueux». Mais voici déjà bien longtemps, alors qu’il était le Substitut de la Secrétairerie d’État, Mgr Montini s’exprimait en ces termes, que je livre à quarante ans de distance, au pèlerin d’aujourd’hui: «Charme, révérence, stupeur ou simple curiosité, ou encore méfiance prudente guident les pas du moderne Romée qui n’a pu se soustraire à la visite d’obligation et qui goûte, en lui-même, le besoin de regarder et de comprendre. Regarder et comprendre: c’est peut-être ici qu’est la différence psychologique entre la visite de la Cité du Vatican et celle d’un autre grand monument de l’antiquité, le Forum Romain, les Pyramides, le Parthénon, les restes de Ninive ou de la civilisation des Incas. Pour ceux-ci, il suffit de regarder; ici, il faut aussi comprendre. Car ici, il survit quelque chose d’infiniment présent, quelque chose qui appelle la réflexion, qui exige une rencontre, qui impose un effort intérieur, une synthèse spirituelle.Car le Vatican n’est pas seulement un ensemble d’édifices monumentaux pouvant intéresser l’artiste; ni seulement un signe magnifique des siècles passés pouvant intéresser l’historien; ni seulement non plus un écrin débordant de trésors bibliographiques et archéologiques pouvant intéresser l’érudit; ni seulement encore le musée fameux de chefs-d’œuvre souverains pouvant intéresser le touriste; ni seulement enfin le temple sacré du martyre de l’apôtre Pierre pouvant intéresser le fidèle: le Vatican n’est pas seulement le passé; c’est la demeure du Pape, d’une autorité toujours vivante et agissante». C’est la Ville tout entière qui est la patrie des fidèles catholiques, et aussi de nombre de chrétiens, depuis bientôt deux millénaires. Le temps qui ailleurs s’évanouit dans l’histoire, s’enracine ici dans la durée. Alors que, dans un pèlerinage où la Vierge Marie ou un saint s’est manifesté, la continuité s’éprouve dans la seule fidélité à ce message, Rome s’affermit dans le temps qu’elle emplit de sa présence et de son action… LE MESSAGE DE LA VILLE ÉTERNELLE Comme la voix du Christ sur les eaux démontées du lac de Tibériade, celle de son vicaire Jean Paul II retentit avec puissance et ébranle les vieux slogans comme les idéologies nouvelles: «N’ayez pas peur, ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ. À sa puissance salvatrice, ou­vrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur… Permettez au Christ de parler à l’homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle». Tel est le message de Rome, cet extraordinaire carrefour des peuples et des civilisations. Pierre n’a pas eu peur, avec Paul, de venir y planter la croix au cœur de cet Empire unifié et puissant. L’unité politique et linguistique, la centralisation administrative seront, depuis Rome, des atouts précieux pour la diffusion de l’Évangile à partir de la capitale du monde antique. Lorsqu’elle va s’effacer de l’histoire, c’est lui qui en fait la Ville éternelle. Après le déclin de l’Empire d’Occident et l’éloignement de l’Empire d’Orient, sans peur Rome se lie à la nouvelle Europe qui s’enfante laborieusement. En l’an 800, le Pape y couronne Charlemagne, l’empereur d’Occident. Après la tourmente des siècles de fer, Rome devient le nœud de la défense catholique contre le morcellement des hérésies. Le flamboiement du baroque y atteste tout particulièrement la joie de la foi après la tourmente, la joie de la foi et la joie de la vie qui ne font qu’un. N’est-ce pas la leçon de Rome, en nous faisant découvrir ces étapes successives d’un art toujours en symbiose avec son temps, que de nous affermir dans le sens de l’universel, de nous rappeler notre vocation catholique?Rome a toujours pratiqué avec succès l’assimilation. La communauté chrétienne y est aussi à l’aise pendant trois siècles, dans la langue grecque, qu’elle le sera plus tard avec le latin. Elle célébrera aussi bien dans les maisons privées des origines que dans les grandes basiliques de Constantin. «Où vous réunissez-vous?», demandait-on à Justin. Et le philosophe chrétien de répondre tout simplement: «Là où chacun le peut».Telle est la leçon de Rome. Ce n’est pas de l’extérieur mais de l’intérieur que se convertissent le monde et la société. Les chrétiens leur empruntent sans difficultés leurs usages, quand ils n’ont rien de répréhensible. De même les chrétiens de Rome ont-ils adopté pour leurs édifices cultuels le plan des basiliques païennes. Et l’on retrouve la représentation du dieu soleil dans la mosaïque qui décore le plafond d’un cubicule, chrétien par ailleurs, puisque la scène de Jonas orne l’un des murs. À Sainte-Prisque, à Saint-Étienne le Rond, l’église est implantée au-dedans du mithreum préexistant, alors que, dans le sous-sol de Saint-Clément, nous le voyons, l’église chrétienne du IVe siècle est tout contre le mithreum familial. Plus tard, ce seront les dépouilles de l’antiquité qui orneront les sanctuaires chrétiens et décoreront les places qui y donnent accès: colonnes de marbre des temples païens devenus les supports des églises chrétiennes, obélisques égyptiens surmontés de la croix du Christ.  La via Appia antica. C’est par cette route que Pierre et Paul sont arrivés à Rome LE CULTE DES MARTYRS Rome, avec les premiers apôtres Pierre et Paul, puis Ignace, Justin, Ptolémée, Lucius, le patricien Apollonius et tant d’autres demeurés anonymes, est devenue un vivant martyrologe. Dans cette ville qui était l’épicentre du monde, le sang des martyrs est une semence de chrétiens. La prestigieuse communauté des Romains, déjà attirante pour l’apôtre Paul, est devenue une nouvelle terre sainte, marquée du sang des martyrs. «Présidente de la charité et de la fraternité», comme l’écrit Ignace dans sa lettre aux Romains, elle rayonne à travers tout l’Empire. C’est le culte des martyrs qui a véritablement créé le pèlerinage et contribué à faire de Rome une ville sainte qui s’équipe progressivement pour recevoir les pèlerins et rendre aux martyrs un culte digne de leur renommée. Saint Jérôme écrit: «Où accourt-on ailleurs qu’à Rome dans les églises et sur les tombeaux des martyrs avec tant de zèle et en si grand nombre? Il faut louer la foi du peuple romain». Et saint Ambroise décrit la fête des saints Pierre et Paul célébrée le 29 juin: «Des armées pressées parcourent les rues d’une si grande ville. Sur trois chemins différents (Vatican, route d’Ostie, via Appia), on célèbre la fête des saints martyrs. On croirait que le monde entier s’avance».Au début du Ve siècle, c’est Prudence qui écrit: «Des portes d’Albe sortent de longues processions qui se déroulent en blanches lignes dans la campagne. L’habitant des Abruzzes, le paysan de l’Étrurie viennent en même temps. Le farouche Samnite, l’habitant de la superbe Capoue sont là. Voici même le peuple de Nole»… Nole, dont l’évêque Paulin écrit: «Ainsi, Nole, tu te lèves tout entière à l’image de Rome». L’évêque lettré fait lui-même le pèlerinage au moins une fois chaque année pour la saint Pierre et Paul. LE PÈLERINAGE Le pèlerinage à Rome est d’abord une obligation traditionnelle pour tous les évêques. Déjà le Concile de Rome, en 743, sous le pape Zacharie, mentionne la visite ad limina apostolorum comme traditionnelle et en renouvelle l’obligation. Après des siècles où l’usage s’était affaibli, Sixte Quint, par la Constitution apostolique Romanus Pontifex du 20 décembre 1585, en renouvelle l’obligation et en établit la fréquence. Chaque évêque a désormais une double obligation, aller vénérer les tombeaux des saints apôtres et exposer au pape la situation de son diocèse. À l’Angélus du 9 septembre 1979, Jean Paul II dégageait pour les pèlerins la signification de ces visites ad limina: «À l’occasion de notre commune prière de l’Angélus de midi», disait-il, «je désire aujourd’hui me rapporter à la très antique tradition de la visite au siège des apôtres, ad limina apostolorum. Parmi tous les pèlerins qui, venant à Rome, manifestent la fidélité à cette tradition, les évêques du monde entier méritent une attention spéciale. Car, à travers leur visite au Siège des apôtres, ils expriment ce lien avec Pierre, qui unit l’Église sur toute la terre. En venant à Rome tous les cinq ans, ils y apportent dans un certain sens toutes ces Églises, c’est-à-dire les diocèses qui, par leur ministère épiscopal, et en même temps par l’union avec le Siège de Pierre se maintiennent dans la communauté catholique de l’Église universelle. En même temps que leur visite au Siège apostolique, les évêques portent aussi à Rome les nouvelles sur la vie des églises dont ils sont les pasteurs, sur le progrès de l’œuvre d’évangélisation; sur les joies et les difficultés des hommes, des peuples parmi lesquels ils accomplissent leur mission».Ces pèlerins ont un double but: voir le pape et aller prier dans les grandes églises et les basiliques, et tout d’abord à Saint-Pierre. Édifiée à grands frais, la plus grande basilique de la chrétienté témoigne d’un long effort et d’une rare persévérance en l’honneur de Pierre et de ses successeurs tout à la fois. La basilique Saint-Pierre, c’est en effet le double et même symbole de la foi dans la mission confiée par le Christ à Pierre et de la vénération de tous les chrétiens, pasteurs et fidèles, pour son successeur, l’évêque de Rome. Obéissance et respect se conjuguent dans un même hommage au pêcheur de Galilée et au pape de Rome dont la fonction, enracinée sur la tombe de l’apôtre, rayonne, comme la gloire du Bernin, sur toute la chrétienté. LES SAINTS Rome est un aimant aussi pour les saints. Non seulement les fondateurs d’Ordres religieux, mais aussi les saints du peuple, les plus populaires, tel un Benoît Labre. Séminariste, chartreux puis trappiste à Sept-Fons, il vint à Rome vers 1771 pour prier et il y demeura, vagabond, clochard et mendiant. Miracle de Rome! Cette ville dont un saint Bernard avait fustigé en traits de feu le luxe et la puissance et dont un Joachim Du Bellay avait blâmé la vanité courtisane, comprit sans hésiter ce pouilleux plein de vermine, l’admira et l’aima dans sa pauvreté silencieuse et sa prière hiératique. Lorsque sa mort fut annoncée, le 16 avril 1783, ce fut une ruée de toute la ville vers Santa Maria ai Monti. On découpa ses haillons pour en faire des reliques. Ses funérailles, le jour de Pâques, furent un triomphe. La troupe qui gardait l’église fut balayée par la foule. Plus tard, au XIXe siècle, ce fut une poussée continue vers Rome de toute la chrétienté, à commencer par la France dont le gallicanisme muait sans soubresauts vers l’ultramontanisme. La Révolution avait persécuté l’Église. Napoléon avait humilié le pape. Le père humilié, selon la belle expression de Claudel, devint l’objet d’une intense vénération. Devant les écroulements successifs des régimes les mieux établis, la papauté et Rome apparaissent désormais comme le rocher solide sur lequel s’appuyer dans la tempête. On sait l’aventure des pèlerins de la liberté avec Lamennais. Tant d’autres, moins célèbres, allèrent à Rome et y puisèrent, avec un amour renouvelé de l’Église, une conviction profonde, celle-là même du «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église».Tels furent, bien différents dans leur psychologie et leurs orientations, mais unis dans les mêmes motivations, un Dom Guéranger, restaurateur bénédictin de Solesmes, en France, et un Lacordaire qui y rétablit les Frères Prêcheurs. On connaît le portrait fameux de Théodore Chassériau qui le représente, au lendemain de sa profession religieuse, le 12 avril 1840, dans le cloître romain de Sainte-Sabine. Telles furent encore Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld, ces deux «phares que la main de Dieu a allumés au seuil du siècle atomique», selon la forte expression du Père Congar.  MADELEINE DELBRÊL Plus proche de nous, Madeleine Delbrêl, convertie de l’athéisme et témoin de l’amour de Dieu au cœur de la ville d’Ivry, païenne et marxiste, sent, un jour de mai 1952, le besoin impérieux d’aller à Rome prier sur le tombeau de saint Pierre. On lui objecte que c’est bien cher de l’heure de prière. Elle déclare à son équipe sceptique qu’elle ira si le prix du voyage lui parvient de manière inattendue…, ce qui advient sous forme d’un billet gagnant de la loterie nationale offert par une amie latino-américaine! Au prix de deux jours et deux nuits de train, elle passe sa journée de douze heures en prière à Saint-Pierre: «Devant l’autel du pape et sur le tombeau de saint Pierre, j’ai prié à cœur perdu… et d’abord à perdre le cœur. Je n’ai pas réfléchi ni demandé de “lumières”, je n’étais pas là pour cela. Pourtant plusieurs choses se sont imposées à moi et restent en moi. D’abord: Jésus dit à Pierre: “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église…”. Il devait devenir une pierre et l’Église devait être bâtie. Jésus qui a tant parlé de la puissance de l’Esprit, de sa vitalité, a, quand il a parlé de l’Église, dit qu’il la bâtirait sur cet homme qui deviendrait comme une pierre. C’est la pensée du Christ que l’Église ne soit pas seulement quelque chose de vivant, mais quelque chose de bâti. Deuxième chose: j’ai découvert les évêques… J’ai découvert pendant mon voyage, et à Rome, l’immense importance dans la foi et dans la vie de l’Église, des évêques. “Je vous ferai pêcheurs d’hommes”. Il m’a semblé que, vis-à-vis de ce que nous appelons l’autorité, mous agissons tantôt comme des fétichistes, tantôt comme des libéraux. Nous sommes sous le régime des autorisations, non de l’autorité, qui serait d’apporter de quoi “faire”, de quoi être les “auteurs” de l’œuvre de Dieu… Quand on parle de l’obéissance des saints, on réalise mal, je crois, combien elle s’apparente dans le corps de l’Église à cette lutte interne des organismes vivants, où l’unité se fait dans des activités, des oppositions. Enfin j’ai pensé que si Jean était “le disciple que Jésus aimait”, c’est à Pierre que Jésus a demandé: “M’aimes-tu?” et c’est après ses affirmations d’amour qu’il lui a donné le troupeau. Il a dit aussi tout ce qui était à aimer: “Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait”. Il m’est apparu à quel point il faudrait que l’Église hiérarchique soit connue par les hommes, tous les hommes, comme les aimant. Pierre: une pierre à qui on demande d’aimer. J’ai compris ce qu’il fallait faire passer d’amour dans tous les signes de l’Église»5 . CONCLUSION Je conclus: Rome est-elle au centre du monde? La réponse ne fait aucun doute pour le pèlerin de Rome, d’où qu’il vienne: ne se sent-il pas chez lui en cette ville universelle? Par-delà l’éclat de son soleil, la pureté de son ciel, le flamboiement de ses œuvres d’art, le charme de ses quartiers, le pittoresque de ses habitants, un je ne sais quoi vous attire et vous émeut, qui vous retient de partir et vous presse de revenir. Il est des villes que l’on visite, des trésors que l’on contemple, des sites qu’il faut avoir vus. Rome ne se regarde pas de l’extérieur, mais se pénètre de l’intérieur. Nul ne se lasse de revenir place Saint-Pierre, d’aller prier dans sa crypte, de descendre aux catacombes, d’aller au Colisée, de remonter aux Quatre-Saints Couronnés, de redescendre vers Saint-Clément, de s’arrêter encore à la Maddalena, de retourner à Sainte-Sabine. Partout et toujours des pèlerins sont là, des Romains devisent ou prient, les uns et les autres vraiment chez eux, chez le bon Dieu, comme on disait en mon enfance angevine. Les uns sont plus sensibles aux scintillements des mosaïques, les autres à l’éclat des marbres, d’autres au rayonnement de la lumière des Caravage. Tous sont émus par la candeur des fresques primitives où un rien de matière devient messager de l’Esprit qui l’anime et de cette eau vive qui murmure en nous, depuis saint Ignace, de Rome: viens vers le Père. De Pierre et Paul à Jean Paul II, le génie de la Rome chrétienne a assumé l’héritage de la Rome païenne. Les temples convertis en églises, leurs colonnes en devenaient le nouveau support, Santa Maria s’érigeant sopra Minerva. Loin d’être comme écrasé par tant de splendeurs, le pèlerin y découvre le message de Pierre inscrit dans les pierres des basiliques et incarné dans les saints. Chacun s’y trouve à sa place au sein du peuple de Dieu, non point marginalisé dans quelque étroite chapelle ou refoulé en quelque sombre crypte, mais bien à sa place, en pleine lumière, dans la vaste nef, devant la confession de l’apôtre, dont le sang versé atteste le salut apporté par le Christ pour tous les hommes. Marqué de l’empreinte de Rome, le chrétien se re­trouve catholique. Avec le poids de l’histoire, la Rome des papes et des saints nous rappelle que le spirituel est lui-même charnel et que l’Évangile s’inscrit au cœur de la cité des hommes pour les acheminer, du temps vers l’éternité, la Cité de Dieu.Aussi, à la question posée – Rome est-elle au centre du monde? –, je réponds sans hésiter: oui pour le conduire à Dieu. Notes1 Paul Poupard, La charité de Lacordaire, homme d’Église, dans La Vie Spirituelle, nov. 1961, p. 530-543, repris dans XXe siècle, siècle de grâces, Paris, Ed. S.O.S., 1982, p. 111-128.2 Paul Poupard, Rome-Pèlerinage, nouvelle édition mise à jour pour l’Année sainte, Paris, D.D.B., 1983.3 Journal romain de l’abbé Louis Bautain (1838), édité par Paul Poupard, Rome, Edizioni di storia e letteratura, coll. Quaderni di cultura francese, sous la direction de la Fondation Primoli. 1964, p. 6-7. 4 Cf. Paul Poupard, Le Concile Vatican II, Paris, P.U.F., coll. Que sais-je?, 1983, p. 105-112. 5 Madeleine Delbrêl, Nous autres, gens des rues. Présentation de Jacques Loew, Éd. Du Seuil, Paris, 1966, p. 138-139.

Marie a connu la douceur de Jésus

2 juillet, 2014

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DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II LORS DE LA VISITE AU PARLEMENT EUROPÉEN* (1988)

2 juillet, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/1988/october/documents/hf_jp-ii_spe_19881011_european-parliament_fr.html

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II LORS DE LA VISITE AU PARLEMENT EUROPÉEN*

PÈLERINAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE

Palais d’Europe – Strasbourg (France)

Mardi, 11 octobre 1988

Mr President,
Ladies and Gentlemen,

1. First of all, permit me to say how much I appreciate the words of welcome and consideration which you have been good enough to express in my regard. I wish to thank you most warmly, Mr President, for having personally renewed the invitation, first extended in 1980, to come and address this prestigious Assembly. The hope which I expressed more than three years ago before the representatives of the European Institutions is now being realized, and I am very conscious of the importance of my present meeting with the representatives of the twelve countries which make up the European Community, that is to say, the representatives of some three hundred and thirty million citizens who have entrusted to you the mandate of directing their common destinies.
Now that your Assembly, which has been the centre of European integration since the beginnings of the European Coal and Steel Community and the signing of the Treaty of Rome, is elected by direct universal suffrage and, consequently, enjoys increased prestige and authority, it rightly appears to your compatriots as the institution that will guide their future as a democratic community of countries, desirous of integrating their economy more closely, of harmonizing their legislations on a number of points, and of offering all their citizens greater freedom in the perspective of mutual cooperation and cultural enrichment.
Our encounter takes place at a special moment in the history of this continent when after a long journey, not without difficulties, we stand at the beginning of new and decisive stages which, with the coming into force of the Single European Act will hasten the process of integration which has been patiently conducted during recent decades.
2. Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, le Saint-Siège n’a pas cessé d’encourager la construction de l’Europe. Certes, l’Eglise a pour mission de faire connaître à tous les hommes leur salut en Jésus-Christ, quelles que soient les conditions de leur histoire présente, car il n’y a jamais de préalable à cette tâche. Aussi, sans sortir de la compétence qui est la sienne, considère-t-elle comme son devoir d’éclairer et d’accompagner les initiatives développées par les peuples qui vont dans le sens des valeurs et des principes qu’elle se doit de proclamer, attentive aux signes des temps qui invitent à traduire dans les réalités changeantes de l’existence les requêtes permanentes de l’Evangile.
Comment l’Eglise pourrait-elle se désintéresser de la construction de l’Europe, elle qui est implantée depuis des siècles dans les peuples qui la composent et les a un jour portés sur les fonts baptismaux, peuples pour qui la foi chrétienne est et demeure l’un des éléments de leur identité culturelle?
3. L’Europe d’aujourd’hui peut certainement accueillir comme un signe des temps l’état de paix et de coopération définitivement installé entre ses Etats membres, qui pendant des siècles avaient épuisé leurs forces à se faire la guerre et à rechercher l’hégémonie les uns sur les autres.
Signe des temps encore, la sensibilité accrue aux droits de l’homme et à la valeur de la démocratie, dont votre Assemblée est l’expression et veut aussi être le garant. Cette adhésion est d’ailleurs toujours à confirmer pour que prévale en toutes circonstances le respect du droit et de la dignité de la personne humaine.
Signe des temps aussi, croyons-nous, le fait que cette partie de l’Europe, qui a jusqu’ici tant investi dans le domaine de sa coopération économique, soit de plus en plus intensément à la recherche de son âme, et d’un souffle capable d’assurer sa cohésion spirituelle. Sur ce point, me semble-t-il, l’Europe que vous représentez se trouve au seuil d’une nouvelle étape de sa croissance, tant pour elle-même que dans sa relation avec le reste du monde.
4. L’«Acte unique», qui entrera en vigueur à la fin de 1992, va hâter le processus de l’intégration européenne. Une structure politique commune, émanation de la libre volonté des citoyens européens, loin de mettre en péril l’identité des peuples de la Communauté, sera plus à même de garantir plus équitablement les droits, notamment culturels, de toutes ses régions. Ces peuples européens unis n’accepteront pas la domination d’une nation ou d’une culture sur d’autres, mais soutiendront le droit égal pour toutes d’enrichir les autres de leur différence.
Les empires du passé ont tous failli, qui tentaient d’établir leur prépondérance par la force de coercition et la politique d’assimilation. Votre Europe sera celle de la libre association de tous ses peuples et de la mise en commun des multiples richesses de sa diversité.
5. D’autres nations pourront certainement rejoindre celles qui aujourd’hui sont ici représentées. Mon vœu de Pasteur suprême de l’Eglise universelle, venu de l’Europe de l’Est et qui connaît les aspirations des peuples slaves, cet autre «poumon» de notre même patrie européenne, mon vœu est que l’Europe, se donnant souverainement des institutions libres, puisse un jour se déployer aux dimensions que lui ont données la géographie et plus encore l’histoire. Comment ne le souhaiterais-je pas, puisque la culture inspirée par la foi chrétienne a profondément marqué l’histoire de tous les peuples de notre unique Europe, grecs et latins, germaniques et slaves, malgré toutes les vicissitudes et par-delà les systèmes sociaux et les idéologies?
6. Les nations européennes se sont toutes distinguées dans leur histoire par leur ouverture sur le monde et les échanges vitaux qu’elles ont établis avec les peuples d’autres continents. Nul n’imagine qu’une Europe unie puisse s’enfermer dans son égoïsme. Parlant d’une seule voix, unissant ses forces, elle sera en mesure, plus encore que par le passé, de consacrer ressources et énergies nouvelles a la grande tâche du développement des pays du tiers-monde, spécialement ceux qui entretiennent déjà avec elle des liens traditionnels. La «Convention de Lomé», qui a donné lieu à une coopération institutionnalisée entre des membres de votre Assemblée et des représentants de soixante-six pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, est à bien des égards exemplaire. La coopération européenne sera d’autant plus crédible et fructueuse qu’elle se poursuivra, sans arrière-pensée de domination, avec l’intention d’aider les pays pauvres à prendre en charge leur propre destin.
II
7. Monsieur le Président, le message de l’Eglise concerne Dieu et la destinée ultime de l’homme, questions qui ont au plus haut point imprègne la culture européenne. En vérité, comment pourrions-nous concevoir l’Europe privée de cette dimension transcendante?
Depuis que, sur le sol européen, se sont développés, à l’époque moderne, les courants de pensée qui ont peu à peu écarté Dieu de la compréhension du monde et de l’homme, deux visions opposées alimentent une tension constante entre le point de vue des croyants et celui des tenants d’un humanisme agnostique et parfois même «athée».
Les premiers, considèrent que l’obéissance à Dieu est la source de la vraie liberté, qui n’est jamais liberté arbitraire et sans but, mais liberté pour la vérité et le bien, ces deux grandeurs se situant toujours au-delà de la capacité des hommes de se les approprier complètement.
Sur le plan éthique, cette attitude fondamentale se traduit par l’acceptation de principes et de normes de comportement s’imposant à la raison ou découlant de l’autorité de la Parole de Dieu, dont l’homme, individuellement ou collectivement, ne peut disposer à sa guise, au gré des modes ou de ses intérêts changeants.
8. La deuxième attitude est celle qui, ayant supprimé toute subordination de la créature à Dieu, ou à un ordre transcendant de la vérité et du bien, considère l’homme en lui-même comme le principe et la fin de toutes choses, et la société, avec ses lois, ses normes, ses réalisations, comme son œuvre absolument souveraine. L’éthique n’a alors d’autre fondement que le consensus social, et la liberté individuelle d’autre frein que celui que la société estime devoir imposer pour la sauvegarde de celle d’autrui.
Chez certains, la liberté civile et politique, jadis conquise par un renversement de l’ordre ancien fondé sur la foi religieuse, est encore conçue comme allant de pair avec la marginalisation, voire la suppression de la religion, dans laquelle on a tendance à voir un système d’aliénation. Pour certains croyants, en sens inverse, une vie conforme à la foi ne serait possible que par un retour à cet ordre ancien, d’ailleurs souvent idéalisé. Ces deux attitudes antagonistes n’apportent pas de solution compatible avec le message chrétien et le génie de l’Europe. Car, lorsque règne la liberté civile et que se trouve pleinement garantie la liberté religieuse, la foi ne peut que gagner en vigueur en relevant le défi que lui adresse l’incroyance, et l’athéisme ne peut que mesurer ses limites devant le défi que lui adresse la foi. Devant cette diversité des points de vue, la fonction la plus élevée de la loi est de garantir également à tous les citoyens le droit de vivre en accord avec leur conscience et de ne pas contredire les normes de l’ordre moral naturel reconnues par la raison.
9. A ce point, il me paraît important de rappeler que c’est dans l’humus du christianisme que l’Europe moderne a puisé le principe – souvent perdu de vue pendant les siècles de «chrétienté» – qui gouverne le plus fondamentalement sa vie publique: je veux dire le principe, proclamé pour la première fois par le Christ, de la distinction de «ce qui est à César» et de «ce qui est à Dieu»[1].
Cette distinction essentielle entre la sphère de l’aménagement du cadre extérieur de la cité terrestre et celle de l’autonomie des personnes s’éclaire à partir de la nature respective de la communauté politique à laquelle appartiennent nécessairement tous les citoyens et de la communauté religieuse à laquelle adhérent librement les croyants.
Après le Christ, il n’est plus possible d’idolâtrer la société comme grandeur collective dévoratrice de la personne humaine et de son destin irréductible. La société, l’Etat, le pouvoir politique appartiennent au cadre changeant et toujours perfectible de ce monde. Nul projet de société ne pourra jamais établir le Royaume de Dieu, c’est-à-dire la perfection eschatologique, sur la terre. Les messianismes politiques débouchent le plus souvent sur les pires tyrannies. Les structures que les sociétés se donnent ne valent jamais d’une façon définitive; elles ne peuvent pas non plus procurer par elles-mêmes tous les biens auxquels l’homme aspire. En particulier, elles ne peuvent se substituer à la conscience de l’homme ni à sa quête de la vérité et de l’absolu.
La vie publique, le bon ordre de l’Etat reposent sur la vertu des citoyens, qui invite à subordonner les intérêts individuels au bien commun, à ne se donner et à ne reconnaître pour loi que ce qui est objectivement juste et bon. Déjà les anciens Grecs avaient découvert qu’il n’y a pas de démocratie sans assujettissement de tous à la loi, et pas de loi qui ne soit fondée sur une norme transcendante du vrai et du juste.
Dire qu’il revient à la communauté religieuse, et non à l’Etat, de gérer «ce qui est à Dieu», revient à poser une limite salutaire au pouvoir des hommes, et cette limite est celle du domaine de la conscience, des fins dernières, du sens ultime de l’existence, de l’ouverture sur l’absolu, de la tension vers un achèvement jamais atteint, qui stimule les efforts et inspire les choix justes. Toutes les familles de pensée de notre vieux continent devraient réfléchir à quelles sombres perspectives pourrait conduire l’exclusion de Dieu de la vie publique, de Dieu comme ultime instance de l’éthique et garantie suprême contre tous les abus du pouvoir de l’homme sur l’homme.
10. Notre histoire européenne montre abondamment combien souvent la frontière entre «ce qui est à César» et «ce qui est à Dieu» a été franchie dans les deux sens. La chrétienté latine médiévale – pour ne mentionner qu’elle –, qui pourtant a théoriquement élaboré, en reprenant la grande tradition d’Aristote, la conception naturelle de l’Etat, n’a pas toujours échappé à la tentation intégriste d’exclure de la communauté temporelle ceux qui ne professaient pas la vraie foi. L’intégrisme religieux, sans distinction entre la sphère de la foi et celle de la vie civile, aujourd’hui encore pratiqué sous d’autres cieux, paraît incompatible avec le génie propre de l’Europe tel que l’a façonné le message chrétien.
Mais c’est d’ailleurs que sont venues, en notre temps, les plus grandes menaces, lorsque des idéologies ont absolutisé la société elle-même ou un groupe dominant, au mépris de la personne humaine et de sa liberté. Là où l’homme ne prend plus appui sur une grandeur qui le transcende, il risque de se livrer au pouvoir sans frein de l’arbitraire et des pseudo-absolus qui le détruisent.

III
11. D’autres continents connaissent aujourd’hui une symbiose plus ou moins profonde entre la foi chrétienne et la culture, qui est pleine de promesse. Mais, depuis bientôt deux millénaires, l’Europe offre un exemple très significatif de la fécondité culturelle du christianisme qui, de par sa nature, ne peut être relégué dans la sphère privée. Le christianisme, en effet, a vocation de profession publique et de présence active dans tous les domaines de la vie. Aussi mon devoir est-il de souligner avec force que si le substrat religieux et chrétien de ce continent devait en venir à être marginalisé dans son rôle d’inspirateur de l’éthique et dans son efficacité sociale, c’est non seulement tout l’héritage du passé européen qui serait nié, mais c’est encore un avenir digne de l’homme européen – je dis de tout homme européen, croyant ou incroyant – qui serait gravement compromis.
12. En terminant, j’évoquerai trois domaines où il me semble que l’Europe intégrée de demain, ouverte vers l’Est du continent, généreuse envers l’autre hémisphère, devrait reprendre un rôle de phare dans la civilisation mondiale:
– D’abord, réconcilier l’homme avec la création, en veillant à préserver l’intégrité de la nature, sa faune et sa flore, son air et ses fleuves, ses subtiles équilibres, ses ressources limitées, sa beauté qui loue la gloire du Créateur.
– Ensuite, réconcilier l’homme avec son semblable, en s’acceptant les uns les autres entre Européens de diverses traditions culturelles ou familles de pensée, en étant accueillant à l’étranger et au réfugié, en s’ouvrant aux richesses spirituelles des peuples des autres continents.
– Enfin, réconcilier l’homme avec lui-même: oui, travailler à reconstituer une vision intégrée et complète de l’homme et du monde, à l’encontre des cultures du soupçon et de la déshumanisation, une vision où la science, la capacité technique et l’art n’excluent pas mais appellent la foi en Dieu.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, en répondant à votre invitation de m’adresser à votre illustre Assemblée, j’avais devant les yeux les millions d’hommes et de femmes européens que vous représentez. C’est à vous que ceux-ci ont confié la grande tâche de maintenir et de développer les valeurs humaines – culturelles et spirituelles – qui correspondent à l’héritage de l’Europe et qui seront la meilleure sauvegarde de son identité, de sa liberté et de son progrès. Je prie Dieu de vous inspirer et de vous fortifier dans ce grand dessein.

————————————————–
[1] Cfr. Matth. 22, 21.
*AAS 81 (1988), p. 695-701.
Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. XI, 3 pp. 1171-1179.
L’Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n. 43 pp. 16, 17, 18.
La Documentation Catholique n.1971 pp.1043-1046.

 

ESPÉRER CONTRE TOUTE ESPÉRANCE – ( Romains 4:13-25 )

2 juillet, 2014

http://oratoiredulouvre.fr/predications/esperer-contre-toute-esperance.php

ESPÉRER CONTRE TOUTE ESPÉRANCE – ( Romains 4:13-25 )

Culte du dimanche 7 mars 2010 à l’Oratoire du Louvre

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, il me semble que, si, au sein des croyances disponibles, le christianisme est délaissé par tant de nos contemporains, c’est qu’il apparaît très souvent comme impraticable. L’Evangile est bien joli sur le papier, mais au jour le jour, il est impossible à appliquer : trop exigeant ou trop en décalage avec la réalité, l’Evangile semble inaccessible ou hors de propos pour nous aider à vivre au quotidien.

Contre toute espérance
Cette critique pourrait nous accabler si elle n’était assumée par la Bible elle-même. Oui, la Bible elle-même, ce passage biblique en particulier, assume le fait qu’il y a un écart terrible entre l’Evangile et notre vie quotidienne. Plus qu’un écart, il y a même une opposition. Dans ce texte, l’apôtre Paul la pointe en une formule « contre toute espérance ». Abraham a cru, il a espéré contre toute espérance. Cette opposition, Jürgen Moltmann l’érige au rang de conflit qui traverse la notre vie spirituelle. C’est le conflit entre l’expérience, la réalité (ce qui est) et l’espérance, justement (ce qui peut être, l’expérience possible). C’est le conflit entre tout ce qui, dans notre histoire, démontre la domination de la souffrance, du mal et de la mort, d’une part, et l’espérance, d’autre part, qui nous oriente vers un mieux. C’est un conflit que Jean Calvin relevait déjà : « La vie éternelle nous est promise : mais cependant nous sommes morts. On nous tient propos de la résurrection bienheureuse : mais cependant nous sommes environnés de pourriture… » (Comment. Hb 11/1).
Ce conflit, c’est la contradiction entre ce qui est et ce qui devrait être ; c’est la contradiction entre la prédication chrétienne et la vie quotidienne ; c’est la contradiction entre les bons sentiments chrétiens et leur mise en œuvre ; c’est la contradiction entre le monde et l’Evangile dont l’évangile selon Jean est gorgé.
L’Evangile ne va pas de soi, c’est le moins qu’on puisse dire. Il suffit de consulter les informations des médias pour avoir la liste détaillée de tout ce qui va de travers dans notre monde et qui contredit le bien fondé de l’espérance chrétienne. Il n’y a qu’à laisser parler notre expérience pour que s’exprime nos désillusions, parfois notre détresse à l’égard de tout ce qui ne va pas comme nous serions en doit de l’espérer. Il n’est qu’à regarder les travailleurs sociaux, ceux qui sont dans des relations d’aide et qui sont menacés par le fameux « burn out », cette forme de dépression qui touche ceux qui ont le sentiment que ce qu’ils font ne sert à rien, que le monde ne va pas mieux, que la société continue à dévorer ses membres, que c’est foutu, de toutes manières. C’est le cas de nos jours, c’était déjà le cas du temps où des hommes réfléchissaient à leur condition et essayaient d’en dire quelque chose à travers la mise en récit de figures exemplaires parmi lesquelles Abraham.
Face à ce constat, certains baissent les bras, ils se résignent et, avant de sombrer totalement, ils se détachent de cet environnement et se réfugient derrière une forme de cynisme, à la manière de ce que Camus présente dans le mythe de Sisyphe : « des hommes qui pensent clair mais qui n’espèrent plus » (p. 124). C’est leur manière de se protéger, de ne pas être affecté par des situations qui leur semblent être des impasses de la vie. Jürgen Moltmann, qui admet que Dieu ne soit pas impassible et que la souffrance en Dieu lui-même soit possible, y voit là le véritable péché. Selon lui, le péché ne relève pas d’un comportement moral défaillant, mais de l’abandon de soi au désespoir. Le véritable péché, selon Moltmann, c’est le désespoir, désespoir qui est « l’absence muette de sens, de perspective, d’avenir et de visée » (Théol. de l’espérance, p. 19). Certains se désespèrent, d’autres, au contraire, gardent le feu sacré. Ils persévèrent et continuent à lutter à contre courant d’une espérance qui est devenue une peau de chagrin aux yeux du monde.

Fidélité de Dieu
Avec l’apôtre Paul, nous pouvons découvrir les racines de cette ténacité, de cette espérance qui surmonte le désespoir, dans la fidélité de Dieu. Espérer encore parce que Dieu est fidèle à ses promesses. Ce n’est pas espérer malgré tout, ce n’est pas adopter une posture optimiste. Moltmann insiste aussi pour dire que « l’espérance chrétienne n’est pas un optimisme de l’homme poussé par son désir mais un ‘extra nos’ de la promesse de Dieu » (p. 392). Inscrire l’espérance dans la fidélité de Dieu, c’est un acte de foi, bien entendu, et les non-chrétiens pourraient objecter que ça ne fonctionne qu’à la condition de croire dans cette illusion qu’on appelle Dieu. Et lorsque Moltmann inscrit l’espérance chrétienne dans le fait central de la résurrection, les non-chrétiens pourraient objecter que ça ne fonctionne qu’à la condition de croire dans cette histoire incroyable de Pâques. Ces objections, nous ne pouvons les balayer négligemment d’un revers de main. Ces objections nous obligent. Nous devons les prendre au sérieux pour que notre espérance ne soit pas, justement, un optimisme illusoire. De même que nous ne pouvons pas nous contenter de dire « oui, c’est vrai, Dieu est fidèle puisque dans la Bible il est écrit que Dieu est fidèle », de même que nous ne pouvons pas nous contenter de dire « oui, c’est vrai, Dieu accomplit ses promesses puisqu’il est écrit dans la Bible qu’il a fait pour Abraham tout ce qu’il lui avait promis », sans risquer de confondre foi et crédulité, nous ne pouvons pas prendre cette déclaration de principe pour argent comptant.
Penser la foi, penser la fidélité de Dieu, c’est ce que fait l’apôtre Paul, c’est ce que nous invite à faire Moltmann à sa suite : lorsqu’il reprend la vieille histoire d’Abraham, Paul rappel que l’accomplissement de la promesse divine doit être assurée à toute la descendance au sens universel du terme : tous sans exception. C’est le terme bebaios que Paul utilise (4/16) pour exprimer la confirmation de la promesse que nous devons tous vérifier, génération après génération. Il ne suffit pas de recevoir cette promesse, encore faut-il l’éprouver, encore faut-il qu’elle soit vraie pour nous. C’est la raison pour laquelle Moltmann dit que l’Evangile n’accomplit pas les promesses, mais qu’il les valide. Il les valide pour ceux de la génération de Jésus. A notre tour, il faut aussi vérifier que cette promesse est valide, aujourd’hui encore. Cela implique que nous mettions à l’écoute du monde pour y entendre la promesse divine à l’œuvre et cela implique que nous nous engagions pour que cette promesse devienne réaliste. En termes clairs, il s’agit d’entendre que ressusciter est possible de nos jours encore et il s’agit d’être agent de résurrection. C’est à nous, personnellement, qu’une telle tâche théologique incombe. Je prends un exemple pour illustrer en quoi cela peut consister, avec l’histoire d’un enfant, « Maurice, qui a passé les dix premières années de sa vie en compagnie de deux parents alcooliques qui se battaient tous les jours. A l’âge de dix ans il a été placé dans une institution où il n’a pas été malheureux, jusqu’au jour où il a rencontré un jardinier qui a enchanté sa vie. Chaque jour, l’enfant attendait ce travailleur et s’empressait de lui poser quelques questions banales auxquelles l’homme répondait gentiment. Pour l’adulte, ce n’était rien, quelques minutes de vacances pour répondre à un enfant. Pour le petit, ce fut un événement énorme, fabuleux, car c’était la première fois de sa vie qu’on lui parlait gentiment… » (Cyrulnik, Un merveilleux malheur, p. 74). C’est ainsi, au contact d’un jardinier (ce qui n’a rien de nouveau pour un lecteur de la Bible), que ce petit a été ressuscité, relevé de son malheur. C’est vrai pour les anonymes qui sont autour de nous, c’est vrai pour des personnes aussi célèbres que les chanteurs Georges Brassens ou Barbara, que pour Niki de Saint Phalle qui s’est donné ce nom comme un étendard qui transgresse la transgression de l’enfance et qui signifie la résurrection de son âme blessée.

Espérer contre toute espérance
Transgresser… tel est bien le sens profond de cette théologie de l’espérance qui point dans cette lettre aux Romains et que Moltmann mit en musique. Moltmann qui écrit que « croire signifie transgresser par une espérance anticipante les limites où la résurrection du crucifié à pratiqué une brèche » (p.17). L’espérance chrétienne, est ce moteur qui nous pousse à transgresser les lois qui condamnent l’humanité à n’être que l’ombre d’elle-même. L’espérance nous pousse à transgresser les habitudes qui nous empêchent de donner le meilleur de nous même. L’espérance nous pousse à transgresser le réel, à faire craquer tous les vernis qui figent la vie et font de nous des personnages de musée. Transgresser, par ce que l’espérance que Dieu suscite en nous revient à ajouter de l’espérance à l’espérance ou, pour le dire avec l’expression grecque de l’apôtre Paul, une espérance au-dessus de l’espérance, sous-entendu supérieure à l’espérance commune, l’espérance bon marché qui n’est qu’un optimisme de confort. Précisément, l’espérance est ce qui nous pousse à attaquer le monde lorsque celui-ci impose le conformisme comme mode d’existence, lorsqu’il réduit notre horizon d’attente, lorsqu’il ampute notre futur de tout ce que Dieu nous rend capable d’entreprendre. Transgresser, combattre car, comme l’écrit Moltmann, « on ne peut pas simplement espérer et attendre la Seigneurie à venir du Christ ressuscité : cette espérance et cette attente façonnent en outre la vie, l’action et la souffrance, dans l’histoire de la société » (p. 355) ; et il ajoute : « ne pas se conformer à ce monde veut dire transformer, par sa résistance et par son attente créatrice, la forme du monde où l’on croit, où l’on espère et où l’on aime ».

Amen. 

Joies suaves de Marie

1 juillet, 2014

Joies suaves de Marie dans images sacrée SWEET+JOYS+OF+MARY+All+the+happiness+of+Mary+is+concentrated+in+the+contemplation+of+the+joys+of+Jesus.+Boumard

http://marysmeadow.blogspot.it/

ETES-VOUS DANS LA JOIE ? ETES-VOUS CHRÉTIEN ? C?EST LA MÊME QUESTION.

1 juillet, 2014

http://chapitre.st.martin.free.fr/?/28-textes.htm

ETES-VOUS DANS LA JOIE ? ETES-VOUS CHRÉTIEN ? C?EST LA MÊME QUESTION.

Ces paroles peuvent paraître dures, surtout à ceux d?entre nous qui passent quelque cap difficile, qu?ils soient atteints dans leur santé, dans leur travail, dans leur famille, dans leur c?ur, ou dans leur âme.
Si ces paroles nous paraissent dures, c?est que nous nous trompons sur ce qu?est la joie chrétienne. Nous la confondons peut-être avec la gaieté qui est une qualité naturelle que nous ne possédons pas tous. Il est des gens qui naissent avec le sourire. Il est agréable de rencontrer ces personnes qui jouissent naturellement de gaieté. Mais ce n?est pas la joie chrétienne. C?est une bonne disposition à la joie. Mais ce n?est pas la joie.
Peut-être confondons-nous aussi la joie avec l?humour. Les pitres ne sont pas toujours les plus joyeux. L?expérience humaine montre même que les grands comiques sont parfois tristes dans la vie quotidienne. Mais il est vrai qu?on peut avoir de l?humour sans être un pitre. L?humour s?harmonise alors assez bien avec la joie parce qu?il marche au même pas que l?humilité, et l?humilité est vertu chrétienne. Ne pas se prendre trop au sérieux et savoir rire de soi-même, voilà des qualités chrétiennes ! On les retrouve souvent chez ceux qui ont de l?humour et que n?arrêtent pas l?inquiétude du ?qu?en dira-t-on?. Mais tout le monde n?a pas forcément de l?humour. Là aussi nous trouvons des dispositions naturelles chez certains. Je crois cependant que la vie chrétienne authentique développe beaucoup le sens de l?humour.
La joie chrétienne n?est pas non plus ce sentiment de bonheur que l?on peut éprouver lors de succès scolaires ou professionnels ou sentimentaux… Tous ces sentiments ne sont pas étrangers à la joie, bien sûr, mais ils passent avec le temps. Dès lors, faire reposer sur eux notre joie est périlleux. On ne dit pas du temps qu?il a fait pendant un camp qu?il était beau si, un jour sur deux, ou un jour sur trois, il a plu. On ne dit pas non plus de quelqu?un qu?il a trouvé la joie, s?il oscille sans arrêt entre des moments de bonheur euphorique, et des heures d?abattement.
La joie chrétienne est beaucoup plus profonde, beaucoup plus stable, infiniment plus vive que ces sentiments qui peuvent nous faire croire parfois que le bonheur est bien de ce monde. La joie chrétienne est, pour ainsi dire, le fruit des trois vertus théologales conjuguées : la Foi, l?Espérance et la Charité. Elle est principalement le fruit de la Charité, parce qu?elle est la jouissance de l?être aimé et possédé. Or, par la charité, nous aimons Dieu que nous possédons. Et Dieu est le Bien infini. Lui seul peut combler notre soif inextinguible de bonheur.
Mais, ici-bas, cet amour est rendu difficile par le fait que nous ne voyons pas celui que nous aimons. L?étreinte, véritable, qui s?opère dans l?acte de charité entre l?âme et Dieu, se réalise à travers le voile de la Foi. C?est dans la certitude surnaturelle de cette présence, et non dans la vision de cette présence, que nous atteignons Dieu. Aussi pouvons-nous comprendre deux choses. Premièrement, plus nous vivrons de la foi, plus notre joie sera forte et durable. Deuxièmement, la joie de posséder Dieu par la charité peut s?accompagner de la souffrance de ne pas lui être encore uni selon tout notre être, un peu comme des époux qui jouissent de leur amour mutuel alors même que les circonstances de la vie leur fait douloureusement porter un éloignement temporaire. Vous sentez que ces époux connaissent une joie que n?éprouvent pas le veuf ou la veuve. Mais vous comprenez aussi que leur joie cohabite avec une certaine souffrance. Bref, joie et souffrance ne sont pas, ici-bas, contradictoires.
Ce qui vient précisément nous aider à vivre cette difficulté, c?est l?Espérance. Dans l?exemple des époux, c?est l?espoir de se retrouver bientôt qui les aide à porter le poids de la séparation et qui développe aussi en eux la joie des retrouvailles, laquelle n?attend pas ce moment pour être déjà goûtée. Dans la vie chrétienne, c?est l?espérance d?être uni à jamais à Dieu qui nous aide à aimer à travers le voile de la foi, et, en même temps, qui nous fait déjà goûter, comme par anticipation, la joie à venir.
Nous avons donc en main tous les instruments de la joie : la Foi, l?Espérance et la Charité. A nous de mettre en ?uvre ces instruments (par des actes fréquents de foi, d?espérance et de charité, ceux que l?Eglise nous incite à réciter) pour être les témoins de cette flamme que nous devons porter non comme des abat-jour mais comme des chandeliers qui portent au loin leur lumière radieuse. La joie est le secret gigantesque du chrétien, parce que Dieu est la Joie et que le chrétien possède Dieu en son âme. Celui qui vivra de cette vie divine en lui, notamment par l?activité des vertus théologales, celui-la goûtera dès ici-bas une joie dont les plaisirs de cette terre sont une vilaine et piètre caricature.

LE «NOM DE DIEU» DANS LA LITURGIE CATHOLIQUE ROMAINE + Cardinal Francis Arinze, Préfet

1 juillet, 2014

http://tj-tjc-bibliquement.exprimetoi.net/t40-le-nom-de-dieu-dans-la-liturgie-catholique-romaine

LE «NOM DE DIEU» DANS LA LITURGIE CATHOLIQUE ROMAINE

+ Cardinal Francis Arinze, Préfet

Le 29 juin 2008, le Cardinal Francis Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, adressait aux conférences épiscopales une lettre sur l’usage du Nom de Dieu (YHWH) dans le culte liturgique catholique romain. Réagissant à la «nouvelle pratique» de prononcer ce nom (ce dont s’abstient la communauté juive), le préfet rappelle qu’il doit plutôt être traduit dans chaque langue, comme l’ont fait autrefois les traductions grecque (la Septante) et latine (la Vulgate). Bien qu’elle ne soit pas adressée directement à la communauté juive, cette directive peut aussi être comprise comme un signe de respect envers elle, d’où l’intérêt de la porter à l’attention des personnes et groupes engagées dans le dialogue entre juifs et chrétiens.1

CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS
Prot. N. 213/08/L
LETTRE AUX CONFÉRENCES ÉPISCOPALES CONCERNANT LE « NOM DE DIEU »
Éminence, Excellence,

En réponse à une directive du Saint Père, en accord avec la Congrégation pour la doctrine de la Foi, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements estime qu’il est pertinent de communiquer aux conférences épiscopales quelques précisions et directives concernant la traduction et la prononciation, dans un cadre liturgique, du Nom divin signifié dans le tétragramme sacré.
I – Exposé
1) Les paroles des Saintes Écritures contenues dans l’Ancien et le Nouveau Testament expriment une vérité qui transcende les limites imposées par le temps et l’espace. Elles sont la Parole de Dieu exprimée en paroles humaines. À travers ces paroles de vie, l’Esprit Saint introduit les fidèles dans la connaissance de la vérité tout entière et ainsi le Verbe du Christ vient habiter chez les fidèles dans toute sa richesse (voir Jean 14,26; 16,12-15). Pour que la Parole de Dieu, inscrite dans les textes sacrés, puisse être conservée et transmise d’une manière intégrale et fidèle, toute traduction moderne des livres de la Bible cherche à être une transposition fidèle et exacte des textes originaux. Un tel effort littéraire exige que le texte original soit traduit de la façon la plus fidèle et la plus exacte possible, sans omission ni ajout eu égard au contenu, et sans introduction de gloses ou de paraphrases explicatives qui n’appartiennent pas au texte sacré lui-même.
En ce qui concerne le Nom sacré de Dieu lui-même, les traducteurs doivent le traiter avec grande fidélité et de manière extrêmement respectueuse. En particulier, comme l’affirme l’Instruction «Pour la correcte application de la constitution sur La sainte liturgie» (Liturgicam authenticam, n° 41)2:
[…] en se conformant à une tradition immémoriale, évidente déjà dans […] la version des Septante, le nom du Dieu tout-puissant, exprimé en hébreu dans le tétragramme, et traduit en latin par le mot Dominus, doit être rendu dans chaque langue vernaculaire par un mot de même signification. [(...) iuxta traditionem ab immemorabili receptam, immo in (…) versione «LXX virorum» iam perspicuam, nomen Dei omnipotentis, sacro tetragrammate hebraice expressum, latine vocabulo «Dominus» in quavis lingua populari vocabulo quodam eiusdem significationis reddatur.]
Une norme aussi claire n’a pas empêché ces dernières années l’introduction d’une pratique nouvelle, la prononciation du nom propre du Dieu d’Israël, connu comme le saint ou divin tétragramme, formé de quatre consonnes de l’alphabet hébraïque,(YHWH). On le vocalise de différentes façons, aussi bien dans la lecture des textes bibliques tirés du Lectionnaire, que dans l’utilisation de prières et d’hymnes, ce qui donne plusieurs variantes écrites ou orales telles que: «Yahweh», «Yahvé», «Jahwè», «Javé», «Jéhovah», etc. La présente lettre vise donc à établir certains faits essentiels, sous-jacents à la norme sus-mentionnée, et à poser certaines directives qui doivent être observées en cette matière.
2) La vénérable tradition des Saintes Écritures, appelée Ancien Testament, emploie une série d’appellations divines, parmi lesquelles le nom sacré de Dieu, révélé comme le tétragramme(YHWH). Tenu pour une expression de la grandeur et de la majesté infinies de Dieu, il était considéré comme imprononçable, et on le remplaçait donc, pendant la lecture des Saintes Écritures, par un nom substitutif, Adonai, qui signifie «Seigneur».
La traduction grecque de l’Ancien Testament, appelée la Septante, qui remonte aux derniers siècles avant l’ère chrétienne, rendait régulièrement le tétragramme hébraïque par le terme grec Kyrios, qui signifie «Seigneur». Comme la Septante constituait la Bible de la première génération de chrétiens parlant le grec, langue dans laquelle ont été rédigés tous les livres du Nouveau Testament, ces chrétiens, depuis le début, n’ont jamais prononcé non plus le tétragramme divin. Un phénomène semblable s’est produit chez les chrétiens de langue latine, dont la littérature a commencé à émerger à partir du deuxième siècle, comme l’attestent d’abord la Vetus Latina, et, plus tard, la Vulgate de saint Jérôme: dans ces traductions également, le tétragramme a été remplacé par le mot latin «Dominus», qui correspondait à la fois à l’Adonai hébreu et au Kyriosgrec. La même démarche prévaut dans la version latine récente, la Néo-Vulgate, que l’Église utilise pour sa liturgie.
Ce fait a eu des incidences importantes pour la christologie même du Nouveau Testament. Lorsque saint Paul écrit, eu égard à la crucifixion, «Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom» (Philippiens 2,9), il ne réfère à aucun autre nom que celui de «Seigneur», puisqu’il poursuit en disant «et que toute langue proclame, de Jésus-Christ, qu’il est Seigneur» (Philippiens 2,11). L’attribution de ce titre au Christ ressuscité correspond exactement à la proclamation de sa divinité. De fait, ce titre devient interchangeable entre le Dieu d’Israël et le Messie de la foi chrétienne, même si, en fait, il ne s’agit pas de l’un des titres utilisés pour le Messie d’Israël. Au sens strictement théologique, le titre se trouve déjà, par exemple, dans le premier Évangile canonique (voir Matthieu 1,20: «L’ange du Seigneur apparut à Joseph en songe.») et il semble être la règle en usage pour toutes les citations de l’Ancien Testament dans le Nouveau (voir Actes 2,20: «Le soleil se changera en ténèbres … avant que vienne le Jour du Seigneur» [Joël 3,4]; 1 Pierre 1,25: «La Parole du Seigneur demeure pour l’éternité» [Is 40. 8]). En ce qui a trait au sens proprement christologique, en dehors du texte de Philippiens 2,9-11 déjà cité, nous pouvons encore évoquer Romains 10,9 («si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé»), 1 Corinthiens 2,8 («s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire»), 1 Corinthiens 12,3 («nul ne peut dire ‘Jésus est Seigneur’, si ce n’est sous l’action de l’Esprit Saint») et la formule fréquente à propos du chrétien qui vit «dans le Seigneur» (Romains 16,2; 1 Corinthiens 7,22; 1 Thessaloniciens 3,8; etc.).
3) La pratique d’éviter de prononcer le tétragramme du nom de Dieu dans l’Église a donc ses fondements. Elle est motivée non seulement par un argument d’ordre purement philologique, mais aussi par une volonté de demeurer fidèle à la tradition ecclésiale qui, depuis les origines, veut que le tétragramme sacré ne soit jamais prononcé en contexte chrétien ni traduit dans aucune des langues de traduction de la Bible.
II – Directives
À la lumière de ce qui vient d’être exposé, les directives suivantes devront être observées:
Dans les célébrations liturgiques, dans les chants et les prières, le nom de Dieu ne doit être ni employé ni prononcé sous la forme du tétragramme YHWH.
Pour la traduction du texte biblique en langues modernes en vue de leur usage liturgique dans l’Église, ce qui est déjà prescrit par la disposition n° 41 de l’Instruction «Pour la correcte application de la constitution sur La sainte liturgie» doit être observé; c’est-à-dire que le tétragramme divin doit être rendu par les équivalents des termes Adonai/Kyrios: «Seigneur», «Lord», «Signore», «Herr», «Señor», etc.
Lorsque l’on traduit, dans un contexte liturgique, des textes où se trouvent, dans cet ordre, le terme hébraïque Adonai ou le tétragramme YHWH, il faut traduire Adonai par «Seigneur» et le tétragramme YHWH par «Dieu», comme cela est le cas dans la traduction grecque des Septante et dans la traduction latine de la Vulgate.
De la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le 29 juin 2008.

+ Cardinal Francis Arinze, Préfet

+ Albert Malcolm Ranjith, Archevêque secrétaire

2008-10-01

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