Archive pour juillet, 2014

BENOÎT XVI: SAINT BONAVENTURE – 15 JUILLET

14 juillet, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20100303_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 3 mars 2010

SAINT BONAVENTURE - 15 JUILLET

(trois catéchèse, lien vers le deuxième
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20100310_fr.html

lienn vers la troisième
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20100317_fr.html

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je voudrais parler de saint Bonaventure de Bagnoregio. Je vous avoue qu’en vous proposant ce thème, je ressens une certaine nostalgie, car je repense aux recherches que, jeune chercheur, j’ai conduites précisément sur cet auteur, qui m’est particulièrement cher. Sa connaissance a beaucoup influencé ma formation. C’est avec une grande joie que je me suis rendu en pèlerinage, il y a quelques mois, sur son lieu de naissance, Bagnoregio, petite ville italienne dans le Latium, qui conserve avec vénération sa mémoire.
Né probablement aux alentours de 1217 et mort en 1274, il vécut au XIIIe siècle, à une époque où la foi chrétienne, profondément imprégnée dans la culture et dans la société de l’Europe, inspira des œuvres durables dans le domaine de la littérature, des arts visuels, de la philosophie et de la théologie. Parmi les grandes figures chrétiennes qui contribuèrent à la composition de cette harmonie entre foi et culture se distingue précisément Bonaventure, homme d’action et de contemplation, de profonde piété et de prudence dans le gouvernement.
Il s’appelait Jean de Fidanza. Comme il le raconte lui-même, un épisode qui eut lieu alors qu’il était encore jeune garçon, marqua profondément sa vie. Il avait été frappé d’une grave maladie, et pas même son père, qui était médecin, espérait désormais pouvoir le sauver de la mort. Alors, sa mère eut recours à l’intercession de saint François d’Assise, canonisé depuis peu. Et Jean guérit.
La figure du Poverello d’Assise lui devint encore plus familière quelques années plus tard, alors qu’il se trouvait à Paris, où il s’était rendu pour ses études. Il avait obtenu le diplôme de Maître d’art, que nous pourrions comparer à celui d’un prestigieux lycée de notre époque. A ce moment, comme tant de jeunes du passé et également d’aujourd’hui, Jean se posa une question cruciale: « Que dois-je faire de ma vie? ». Fasciné par le témoignage de ferveur et de radicalité évangélique des frères mineurs, qui étaient arrivés à Paris en 1219, Jean frappa aux portes du couvent franciscain de la ville et demanda à être accueilli dans la grande famille des disciples de saint François. De nombreuses années plus tard, il expliqua les raisons de son choix: chez saint François et dans le mouvement auquel il avait donné naissance, il reconnaissait l’action du Christ. Il écrivait ceci dans une lettre adressée à un autre frère: « Je confesse devant Dieu que la raison qui m’a fait aimer le plus la vie du bienheureux François est qu’elle ressemble aux débuts et à la croissance de l’Eglise. L’Eglise commença avec de simples pêcheurs, et s’enrichit par la suite de docteurs très illustres et sages; la religion du bienheureux François n’a pas été établie par la prudence des hommes mais par le Christ » (Epistula de tribus quaestionibus ad magistrum innominatum, in Œuvres de saint Bonaventure. Introduction générale, Rome 1990, p. 29).
C’est pourquoi, autour de l’an 1243, Jean revêtit l’habit franciscain et prit le nom de Bonaventure. Il fut immédiatement dirigé vers les études, et fréquenta la Faculté de théologie de l’université de Paris, suivant un ensemble de cours de très haut niveau. Il obtint les divers titres requis pour la carrière académique, ceux de « bachelier biblique » et de « bachelier sentencier ». Ainsi, Bonaventure étudia-t-il en profondeur l’Ecriture Sainte, les Sentences de Pierre Lombard, le manuel de théologie de l’époque, ainsi que les plus importants auteurs de théologie, et, au contact des maîtres et des étudiants qui affluaient à Paris de toute l’Europe, il mûrit sa propre réflexion personnelle et une sensibilité spirituelle de grande valeur qu’au cours des années suivantes, il sut transcrire dans ses œuvres et dans ses sermons, devenant ainsi l’un des théologiens les plus importants de l’histoire de l’Eglise. Il est significatif de rappeler le titre de la thèse qu’il défendit pour être habilité à l’enseignement de la théologie, la licentia ubique docendi, comme l’on disait alors. Sa dissertation avait pour titre Questions sur la connaissance du Christ. Cet argument montre le rôle central que le Christ joua toujours dans la vie et dans l’enseignement de Bonaventure. Nous pouvons dire sans aucun doute que toute sa pensée fut profondément christocentrique.
Dans ces années-là, à Paris, la ville d’adoption de Bonaventure, se répandait une violente polémique contre les frères mineurs de saint François d’Assise et les frères prédicateurs de saint Dominique de Guzman. On leur contestait le droit d’enseigner à l’Université, et l’on allait jusqu’à mettre en doute l’authenticité de leur vie consacrée. Assurément, les changements introduits par les ordres mendiants dans la manière d’envisager la vie religieuse, dont j’ai parlé dans les catéchèses précédentes, étaient tellement innovateurs que tous ne parvenaient pas à les comprendre. S’ajoutaient ensuite, comme cela arrive parfois même entre des personnes sincèrement religieuses, des motifs de faiblesse humaine, comme l’envie et la jalousie. Bonaventure, même s’il était encerclé par l’opposition des autres maîtres universitaires, avait déjà commencé à enseigner à la chaire de théologie des franciscains et, pour répondre à qui contestait les ordres mendiants, il composa un écrit intitulé La perfection évangélique. Dans cet écrit, il démontre comment les ordres mendiants, spécialement les frères mineurs, en pratiquant les vœux de chasteté et d’obéissance, suivaient les conseils de l’Evangile lui-même. Au-delà de ces circonstances historiques, l’enseignement fourni par Bonaventure dans son œuvre et dans sa vie demeure toujours actuel: l’Eglise est rendue plus lumineuse et belle par la fidélité à la vocation de ses fils et de ses filles qui non seulement mettent en pratique les préceptes évangéliques mais, par la grâce de Dieu, sont appelés à en observer les conseils et témoignent ainsi, à travers leur style de vie pauvre, chaste et obéissant, que l’Evangile est une source de joie et de perfection.
Le conflit retomba, au moins un certain temps, et, grâce à l’intervention personnelle du Pape Alexandre IV, en 1257, Bonaventure fut reconnu officiellement comme docteur et maître de l’université parisienne. Il dut toutefois renoncer à cette charge prestigieuse, parce que la même année, le Chapitre général de l’ordre l’élut ministre général.
Il exerça cette fonction pendant dix-sept ans avec sagesse et dévouement, visitant les provinces, écrivant aux frères, intervenant parfois avec une certaine sévérité pour éliminer les abus. Quand Bonaventure commença ce service, l’Ordre des frères mineurs s’était développé de manière prodigieuse: il y avait plus de 30.000 frères dispersés dans tout l’Occident avec des présences missionnaires en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, et également à Pékin. Il fallait consolider cette expansion et surtout lui conférer, en pleine fidélité au charisme de François, une unité d’action et d’esprit. En effet, parmi les disciples du saint d’Assise, on enregistrait différentes façons d’interpréter le message et il existait réellement le risque d’une fracture interne. Pour éviter ce danger, le chapitre général de l’Ordre, qui eut lieu à Narbonne en 1260, accepta et ratifia un texte proposé par Bonaventure, dans lequel on recueillait et on unifiait les normes qui réglementaient la vie quotidienne des frères mineurs. Bonaventure avait toutefois l’intuition que les dispositions législatives, bien qu’elles fussent inspirées par la sagesse et la modération, n’étaient pas suffisantes à assurer la communion de l’esprit et des cœurs. Il fallait partager les mêmes idéaux et les mêmes motivations. C’est pour cette raison que Bonaventure voulut présenter le charisme authentique de François, sa vie et son enseignement. Il rassembla donc avec un grand zèle des documents concernant le Poverello et il écouta avec attention les souvenirs de ceux qui avaient directement connu François. Il en naquit une biographie, historiquement bien fondée, du saint d’Assise, intitulée Legenda Maior, rédigée également sous forme plus brève, et donc appelée Legenda Minor. Le mot latin, à la différence du mot italien, n’indique pas un fruit de l’imagination, mais, au contraire, « Legenda » signifie un texte faisant autorité, « à lire » de manière officielle. En effet, le chapitre des frères mineurs de 1263, qui s’était réuni à Pise, reconnut dans la biographie de saint Bonaventure le portrait le plus fidèle du fondateur et celle-ci devint, ainsi, la biographie officielle du saint.
Quelle est l’image de François qui ressort du cœur et de la plume de son pieux fils et successeur, saint Bonaventure? Le point essentiel: François est un alter Christus, un homme qui a cherché passionnément le Christ. Dans l’amour qui pousse à l’imitation, il s’est conformé entièrement à Lui. Bonaventure indiquait cet idéal vivant à tous les disciples de François. Cet idéal, valable pour chaque chrétien, hier, aujourd’hui et à jamais, a été indiqué comme programme également pour l’Eglise du Troisième millénaire par mon prédécesseur, le vénérable Jean-Paul II. Ce programme, écrivait-il dans la Lettre Novo millennio ineunte, est centré « sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste » (n. 29).
En 1273, la vie de saint Bonaventure connut un autre changement. Le Pape Grégoire X voulut le consacrer évêque et le nommer cardinal. Il lui demanda également de préparer un événement ecclésial très important: le IIe concile œcuménique de Lyon, qui avait pour but le rétablissement de la communion entre l’Eglise latine et l’Eglise grecque. Il se consacra à cette tâche avec diligence, mais il ne réussit pas à voir la conclusion de cette assise œcuménique, car il mourut pendant son déroulement. Un notaire pontifical anonyme composa un éloge de Bonaventure, qui nous offre un portrait conclusif de ce grand saint et excellent théologien: « Un homme bon, affable, pieux et miséricordieux, plein de vertus, aimé de Dieu et des hommes… En effet, Dieu lui avait donné une telle grâce, que tous ceux qui le voyaient étaient envahis par un amour que le cœur ne pouvait pas cacher » (cf. J.G. Bougerol, Bonaventura, in. A. Vauchez (sous la direction de), Storia dei santi e della santità cristiana. Vol. VI L’epoca del rinnovamento evangelico, Milan 1991, p. 91).
Recueillons l’héritage de ce grand Docteur de l’Eglise, qui nous rappelle le sens de notre vie avec les paroles suivantes: « Sur la terre… nous pouvons contempler l’immensité divine à travers le raisonnement et l’admiration; dans la patrie céleste, en revanche, à travers la vision, lorsque nous serons faits semblables à Dieu, et à travers l’extase… nous entrerons dans la joie de Dieu » (La conoscenza di Cristo, q. 6, conclusione, in Opere di San Bonaventura. Opuscoli Teologici/1, Roma 1993, p. 187).

* * *

Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins de langue française, en particulier le groupe « Chrétiens en grandes écoles », de Paris et les servants d’autel, de Versailles. Que ce temps du Carême soit pour vous tous une occasion de rechercher le véritable visage du Christ, pour lui conformer votre existence! Que Dieu vous bénisse!

 

PAPE FRANÇOIS – (SUR: LE TEMPS DE L’ESPRIT SAINT)

14 juillet, 2014

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2013/documents/papa-francesco_20130508_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

MERCREDI 8 MAI 2013 – (SUR: LE TEMPS DE L’ESPRIT SAINT)

Chers frères et sœurs, bonjour !

Le temps pascal que nous sommes en train de vivre dans la joie, guidés par la liturgie de l’Église, est par excellence le temps de l’Esprit Saint donné « sans mesure » (cf. Jn 3, 34) par Jésus crucifié et ressuscité. Ce temps de grâce se conclut par la fête de la Pentecôte, où l’Église revit l’effusion de l’Esprit sur Marie et sur les apôtres réunis en prière au cénacle.
Mais qui est l’Esprit Saint ? Dans le Credo, nous professons avec foi : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie ». La première vérité à laquelle nous adhérons dans le Credo est que l’Esprit-Saint est Kyrios, Seigneur. Cela signifie qu’il est vraiment Dieu comme le sont le Père et le Fils, objet, de notre part, du même acte d’adoration et de glorification que celui que nous adressons au Père et au Fils. L’Esprit Saint, en effet, est la troisième personne de la Très Sainte Trinité ; il est le grand don du Christ Ressuscité qui ouvre notre esprit et notre cœur à la foi en Jésus comme le Fils envoyé par le Père, et qui nous guide à l’amitié, à la communion avec Dieu.
Mais je voudrais m’arrêter surtout sur le fait que l’Esprit Saint est la source intarissable de la vie de Dieu en nous. L’homme de tous les temps et de tous les lieux désire une vie pleine et belle, juste et bonne, une vie qui ne soit pas menacée par la mort, mais qui puisse mûrir et grandir jusqu’à atteindre sa plénitude. L’homme est comme un marcheur qui, à travers les déserts de la vie, a soif d’une eau vive, jaillissante et fraîche, capable de désaltérer en profondeur son désir intime de lumière, d’amour, de beauté et de paix. Nous ressentons tous ce désir ! Et Jésus nous donne cette eau vive : c’est l’Esprit Saint, qui procède du Père et que Jésus répand dans nos cœurs. « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait surabondante », nous dit Jésus (Jn 10, 10).
Jésus promet à la Samaritaine de donner une « eau vive », en surabondance et pour toujours, à tous ceux qui le reconnaissent comme le Fils envoyé par le Père pour nous sauver (cf. Jn 4, 5-26 ; 3-17). Jésus est venu nous donner cette « eau vive » qu’est l’Esprit Saint pour que notre vie soit guidée par Dieu, soit animée par Dieu, soit nourrie par Dieu. C’est ce que nous voulons dire, lorsque nous disons que le chrétien est un homme spirituel: le chrétien est une personne qui pense et agit selon Dieu, selon l’Esprit Saint. Mais je me pose une question : et nous, est-ce que nous pensons selon Dieu ? Est-ce que nous agissons selon Dieu ? Ou nous laissons-nous guider par beaucoup d’autres choses qui ne sont pas vraiment Dieu ? Chacun de nous doit répondre à cette question au plus profond de son cœur.
Nous pouvons maintenant nous demander : pourquoi cette eau peut-elle désaltérer en profondeur ? Nous savons que l’eau est essentielle à la vie ; sans eau, on meurt ; l’eau désaltère, lave, féconde la terre. Dans la Lettre aux Romains, nous trouvons cette expression : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous fut donné » (5, 5). L’« eau vive », l’Esprit Saint, Don du Ressuscité qui établit sa demeure en nous, nous purifie, nous éclaire, nous renouvelle, nous transforme parce qu’elle nous rend participants de la vie même de Dieu qui est Amour. C’est pourquoi l’apôtre Paul affirme que la vie du chrétien est animée par l’Esprit et par ses fruits, qui sont « amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23). L’Esprit Saint nous introduit dans la vie divine comme « fils du Fils unique ». Dans un autre passage de la Lettre aux Romains, que nous avons rappelé plusieurs fois, saint Paul le synthétise par ces mots : « En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu.. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : “Abba ! Père !”. L’Esprit même se joint à notre esprit pour témoigner que nous sommes fils de Dieu. Et si nous sommes fils, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui » (8, 14-17). Voilà le don précieux que l’Esprit Saint met dans nos cœurs : la vie même de Dieu, une vie de véritables fils, une relation d’intimité, de liberté et de confiance dans l’amour et dans la miséricorde de Dieu, qui a aussi pour effet de nous donner un regard nouveau sur les autres, qu’ils soient proches ou éloignés, que nous voyons toujours comme des frères et sœurs en Jésus, à respecter et à aimer. L’Esprit Saint nous apprend à regarder avec les yeux du Christ, à vivre notre vie comme le Christ a vécue la sienne, à comprendre la vie comme le Christ l’a comprise. Voilà pourquoi l’eau vive qu’est l’Esprit Saint désaltère notre vie, parce qu’il nous dit que nous sommes aimés de Dieu comme des fils, que nous pouvons aimer Dieu comme ses fils et que, avec sa grâce, nous pouvons vivre en fils de Dieu, comme Jésus. Et nous, écoutons-nous l’Esprit Saint ? Que nous dit l’Esprit Saint ? Il dit : Dieu t’aime. Il nous dit ceci. Dieu t’aime. Dieu t’aime vraiment. Et nous, est-ce que nous aimons Dieu et les autres, comme Jésus? Laissons-nous guider par l’Esprit Saint, laissons-le parler à notre cœur et nous dire ceci : que Dieu est amour, que Dieu nous attend, que Dieu est le Père, il nous aime comme un véritable Père, il nous aime vraiment et ceci, seul l’Esprit Saint le dit à notre cœur. Soyons attentifs à l’Esprit Saint, écoutons-le et avançons sur ce chemin d’amour, de miséricorde et de pardon. Merci.

La Parabole du Semeur

11 juillet, 2014

La Parabole du Semeur dans images sacrée pilda-mantuitorului
http://christianorthodox.wordpress.com/2009/10/page/2/

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 13 JUILLET – PREMIERE ET DEUXIEME LECTURES

11 juillet, 2014

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut/

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT, 13 JUILLET – PREMIERE ET DEUXIEME LECTURES

PREMIERE LECTURE – Isaïe 55, 10 – 11

Ainsi parle le Seigneur
10 La pluie et la neige qui descendent des cieux
n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,
sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer,
pour donner la semence au semeur
et le pain à celui qui mange ;
11 ainsi ma parole, qui sort de ma bouche,
ne me reviendra pas sans résultat,
sans avoir fait ce que je veux,
sans avoir accompli sa mission.

Comme le font souvent les prophètes, Isaïe emploie une image pour se faire comprendre. L’image ici est celle de la pluie et de la neige. A Babylone où il est en exil avec son peuple (au 6ème siècle av.J.C), on a l’expérience des bienfaits de la pluie : un pays gorgé de soleil, comme est Israël ou comme est Babylone, ne demande qu’à refleurir dès la première pluie : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange… »
Le prophète applique cette image d’efficacité à la Parole de Dieu : « Ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission. »
Pourquoi insiste-t-il sur l’efficacité de la Parole de Dieu ? Pour deux raisons :
Première raison, il est en train d’annoncer la fin de l’Exil à Babylone, le retour à Jérusalem des déportés. Voilà cinquante ans que les habitants de Jérusalem sont déportés à Babylone ; eh bien, c’est fini, leur promet Isaïe de la part de Dieu, vous allez très bientôt être libérés, vous allez sortir d’ici.
Evidemment, pour oser croire à une telle promesse, à une libération attendue depuis si longtemps, il faut avoir confiance dans la parole de Dieu. C’est pour cela qu’Isaïe est si ferme : « ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission. »
On ne s’étonne pas que de tels propos sur l’efficacité de la Parole de Dieu aient été prononcés toujours dans des moments difficiles de l’histoire du peuple d’Israël. C’est à ces moments-là qu’il faut se raccrocher à sa foi. Par exemple, dès le début du deuxième Isaïe, on trouve cette phrase : « Tous les êtres de chair sont de l’herbe et toute leur constance est comme la fleur des champs : l’herbe sèche, la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsistera toujours. » (Is 40, 6… 8). Ou encore, le premier chapitre de la Genèse, ce long poème de la Création qui a été rédigé lui aussi pendant l’Exil à Babylone, répète à plusieurs reprises : « Dieu dit et cela fut ». On lit la même insistance chez le prophète Jérémie, qui prêche lui aussi en période d’inquiétude ; il dit de la part de Dieu : « Je veille à l’accomplissement de ma parole. » (Jr 1, 12). Au passage, vous savez que c’est le même mot en hébreu (« Davar ») qui signifie à la fois « parole » et « événement ».
La deuxième raison de l’insistance d’Isaïe sur l’efficacité de la Parole de Dieu, c’est sa volonté de lutter contre l’idolâtrie : car la tentation de perdre confiance en Dieu renaissait inévitablement pendant l’Exil ; voilà le raisonnement qu’on entendait parfois : puisque nous (les gens de Jérusalem), nous sommes vaincus, anéantis, nous ferions peut-être mieux de nous tourner vers les dieux des vainqueurs, les Babyloniens en l’occurrence. Eux au moins ils ont des dieux efficaces !
C’est bien chez le deuxième Isaïe, le prophète du temps de l’Exil, qu’on trouve les paroles les plus cinglantes contre les idoles des autres nations : sur le thème : Notre Dieu n’est pas comme les idoles qui sont désespérément muettes et qui ne peuvent rien pour nous. Je vous en cite une phrase : « Qu’un homme crie vers lui (le faux dieu), il ne répond pas, de sa détresse, il ne le sauve pas. » (Is 46, 7). Et si vous avez la curiosité de lire le chapitre 44 d’Isaïe, vous y trouverez tout un développement assez sarcastique sur les pauvres gens qui utilisent le même bois pour faire du feu et pour se fabriquer des statues ; et les malheureux attendent une aide de ces statues inertes qu’ils ont fabriquées eux-mêmes ! En écho, vous connaissez cette phrase du psaume 113 (115 dans la Bible) : « Notre Dieu, il est au ciel ; tout ce qu’il veut, il le fait. Leurs idoles : or et argent, ouvrage de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas. Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier ! »
Je reviens au texte d’aujourd’hui : « Ma parole ne me reviendra pas sans avoir accompli sa mission. » Je m’arrête sur ce mot de mission : Isaïe avait compris une chose, c’est que la grande particularité de la parole de Dieu est d’être une parole de pardon et de réconciliation. Je vous lis les versets qui précèdent tout juste notre texte d’aujourd’hui : « Recherchez le Seigneur parce qu’il se laisse trouver, appelez-le puisqu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme malfaisant, ses pensées. Qu’il retourne vers le Seigneur qui lui manifestera sa tendresse, vers notre Dieu qui pardonne abondamment. CAR vos pensées ne sont pas mes pensées… » (Is 55, 6-9). La mission dont il est question dans le passage d’aujourd’hui (« ma parole ne me reviendra pas sans avoir accompli sa mission ») est donc une mission d’annonce du pardon gratuit de Dieu, et donc de réconciliation de l’humanité avec lui : Traduisez : Dieu finira bien par réconcilier l’humanité avec lui. Plus tard, Saint Paul ne dira pas autre chose : « Dieu notre sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 4).
Même s’il faut pour cela envoyer le Verbe dans le monde : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le. » Les disciples, à leur tour, sont envoyés en ambassade de réconciliation : « Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. » (2 Co 5, 18). Le Verbe fait chair n’est pas retourné vers le Père « sans résultat… sans avoir accompli sa mission » de réconciliation.
Comme le dit la lettre aux Hébreux : « Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes. Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être et il porte l’univers par la puissance de sa parole. » (He 1, 1-3).

DEUXIEME LECTURE – Romains 8, 18 – 23

Frères,
18 j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure
entre les souffrances du temps présent
et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous.
19 En effet, la création aspire de toutes ses forces
à voir cette révélation des fils de Dieu.
20 Car la création a été livrée au pouvoir du néant,
non parce qu’elle l’a voulu,
mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir.
Pourtant, elle a gardé l’espérance
21 d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage,
de la dégradation inévitable,
pour connaître la liberté,
la gloire des enfants de Dieu.
22 Nous le savons bien,
la création tout entière crie sa souffrance,
elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore.
23 Et elle n’est pas seule.
Nous aussi nous crions en nous-mêmes notre souffrance ;
nous avons commencé par recevoir le Saint Esprit,
mais nous attendons notre adoption
et la délivrance de notre corps.

« La création aspire de toutes ses forces à voir la révélation des fils de Dieu ». Cela veut dire que la création n’est pas un événement du passé : elle est un projet en marche.
Je vous propose une comparaison : Imaginons la naissance d’une oeuvre d’art, une immense sculpture de bronze, par exemple. J’ai en tête une grande croix de bronze offerte à une église de mon diocèse par un sculpteur tchèque ; aujourd’hui, elle est admirable, mais que de difficultés, petites et grandes, pour en arriver là !
Depuis le premier jour, l’artiste sait où il va et il sait qu’il lui faudra beaucoup de patience et de temps ; il faudra passer par bien des étapes, des débuts de réalisation, des échecs, peut-être… Dans bien des cas, il devra s’entourer de collaborateurs. Ceux-ci devront endurer les fatigues et les peines, les risques sans très bien savoir où ce travail parfois ingrat les mènera. Car seul l’artiste imagine déjà l’oeuvre achevée ; et la beauté entrevue, comment la décrire, la faire partager à ses collaborateurs ? Ceux-ci devront faire preuve de beaucoup de confiance pour s’engager sur ce chantier.
On pourrait comparer le projet de Dieu à cette naissance d’une oeuvre d’art : d’ailleurs Paul parle bien d’enfantement. Dieu seul, pour l’instant, peut décrire l’oeuvre achevée ; qui est en train d’achever l’oeuvre ? Nous, chacun, pour notre petite part, mais surtout l’Esprit qui souffle sur le monde pour le tourner vers Dieu. « Nous avons commencé par recevoir le Saint Esprit, mais nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps. » : entendons-nous bien, nous n’attendons pas d’être délivrés de notre corps, c’est notre corps, c’est-à-dire notre être tout entier, actuellement encore enchaîné, c’est-à-dire encore lié au péché, qui sera enfin libéré, libre de vivre en fils de Dieu.
La traduction liturgique dit « Nous avons commencé par recevoir le Saint Esprit, mais nous attendons notre adoption » et c’est déjà magnifique, mais il est bon de lire aussi d’autres traductions, tant la réalité qui nous est promise est de fait intraduisible ; ainsi la Traduction Oecuménique a-t-elle préservé le mot « prémices » : « Nous qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption… » Au sens biblique, les prémices, c’est la première gerbe de la récolte ou l’agneau premier-né du troupeau au printemps. Ils étaient à la fois début et promesse de la récolte tout entière. Belle image pour dire que nous possédons déjà les arrhes du salut définitif ; « car l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Et c’est parce que nous possédons déjà les prémices, parce que nous sommes déjà animés par l’Esprit, que nous gémissons dans l’attente de notre transformation définitive.
La quatrième Prière Eucharistique a cette phrase superbe : « Il (Ton Fils) a envoyé d’auprès de toi, comme premier don fait aux croyants, l’Esprit qui poursuit son oeuvre dans le monde et achève toute sanctification. » « Toute sanctification », c’est-à-dire toute transformation. Pour l’instant, la création est encore « livrée au pouvoir du néant » : la formidable puissance qui anime la création tout entière est trop souvent dirigée contre elle-même, elle est le théâtre de toutes sortes de violences. Mais dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle que nous attendons, vers lesquels nous tendons, plutôt, cette puissance sera devenue passion de l’unité : « Nous attendons des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habitera. » (2 P 3, 13). Alors la création sera « libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté ».
Il semble bien que Paul parle de l’ensemble de la création et du cosmos, pas seulement de nous. En cela, il ne fait que reprendre un thème familier aux hommes de la Bible, pour lesquels par exemple, la dysharmonie engendrée par le mauvais choix d’Adam entraîne le jardin tout entier, c’est-à-dire toute la création dans le chaos : « Le sol sera maudit à cause de toi. » (Gn 3, 17). A l’inverse, quand la justice habitera sur la terre, non seulement les hommes, mais aussi les animaux connaîtront la paix. Car l’homme fait partie du cosmos et ne se conçoit pas sans lui ; c’est, je crois, l’un des sens de la magnifique « parabole » des animaux du prophète Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits même gîte. Le lion, comme le boeuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux. » (Is 11, 6-9). Comme le dit Paul ailleurs, dans la lettre aux Ephésiens : c’est « l’univers entier, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » qui sera un jour réuni sous un seul chef (tête), Jésus-Christ. (Ep 1, 9-10).
Je reprends ma comparaison de l’œuvre d’art : pour nous qui sommes engagés dans le projet de Dieu, nous avons un immense privilège par rapport aux collaborateurs habituels d’un artiste : nous entrevoyons déjà l’oeuvre achevée : « Le verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père. » (Jn 1, 14). En attendant, ce grand travail d’enfantement de l’humanité nouvelle se poursuit encore dans les douleurs et les gémissements. Raison de plus pour que les croyants trouvent l’audace d’annoncer dès à présent la gloire promise à toute la création.
————————————–
Complément
« La gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » : la résurrection des fils d’Adam s’accompagnera d’un renouvellement de toutes choses : « La création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu… Elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage… pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu. » « Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur qui est Esprit. » (2 Co 3, 18).

HOMÉLIE – 15E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

11 juillet, 2014

http://www.homelies.fr/homelie,,3892.html

15E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE – MESSE

La première lecture de la liturgie de ce dimanche souligne fortement l’efficacité de la Parole de Dieu en nous et dans l’histoire des hommes :  » La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission. »

Cependant, pour que la Parole de grâce divine porte un fruit qui dure, la terre qui l’accueille doit être bien préparée. C’est ici le message que nous laisse la parabole du Semeur que Jésus nous présente dans l’évangile de ce jour. Certes, la Parole de Dieu est toute puissante mais elle ne s’impose pas, elle demande à être accueilli librement et pour que sa semence grandisse en nous, elle doit trouver un cœur bien disposé.

Revenons successivement sur chacun de ces deux points. « Le semeur est sorti pour semer », nous dit la parabole. Jésus est « sorti de la maison » pour enseigner les foules et ses disciples. Nous pouvons lire dans ce mouvement de sortie toute la dynamique de l’Incarnation. Tout comme la semence a jailli des mains du semeur pour être jetée en terre, le Verbe, Parole vivante, a lui aussi, de la même manière, été envoyé par le Père pour se faire chair et venir féconder la terre de notre humanité.
En lui, le Royaume de Dieu s’est fait proche de tout homme. Car de même que la semence a été envoyée par le semeur sur tout type de terre, qu’elle soit rocailleuse, chargée d’épines ou bien labourée, de même le Père a envoyé son Fils frapper à la porte du cœur de tout homme que ce cœur soit épineux, dur comme la pierre ou prêt à s’ouvrir, ou peut-être un peu des trois. En effet, le semeur de la parabole, que l’on ne peut soupçonner de maladresse, fait manifestement preuve d’une extrême largesse. C’est comme s’il ne voulait oublier aucun coin de terre, si petit soit-il, où sa semence pourrait germer.

La semence a son origine dans l’espérance du semeur parce que personne n’ensemencerait s’il n’entretenait pas la confiance de récolter un jour du fruit. Mais, en même temps, la semence alimente l’espérance. Quand le semeur commence à ensemencer, il est rempli de joie et d’espérance en voyant réalisée dans le futur la promesse de son travail. Il fixe son regard pas tant sur le travail présent avec son lot de fatigue et de sueur mais sur la promesse d’une belle récolte. Il ne veut oublier aucun coin de terre, si petit soit-il, où sa semence pourrait germer.
De même, notre Seigneur porte un regard d’espérance sur chacun et sur l’œuvre en lui de sa grâce. Nonobstant un terrain irrégulier, qui n’offre aucune garantie, il continue à semer jusqu’à ce qu’une de ses semences trouve un endroit bien disposé pour la recevoir et se laisser féconder. Et quelques mois plus tard la semence commence à produire son fruit, là trente, là soixante, là cent pour un. C’est la confirmation qu’il avait raison de semer avec générosité et grand sacrifice. Un semeur qui prévoyant qu’une partie de son grain ne germerait pas parce qu’il serait tombé hors d’un terrain bien préparé renoncerait à semer ne ferait que se comporter de façon insensée.

Cependant, la générosité du semeur dans ses semailles n’enlève rien au fait qu’il s’agisse d’avoir un terrain bien disposé pour accueillir la semence et lui permettre de porter un fruit qui demeure. A partir du moment où la semence est jetée, à partir du moment où le Royaume s’est approché et que Jésus est sorti pour annoncer l’avènement des temps messianique, chacun se trouve engagé et jugé par cette Parole. Autrement dit, il ne peut que se situer par rapport à elle. Il ne peut rester neutre. Les deux types de résultat de la semence posent bien ce problème en révélant la dualité de l’auditoire de Jésus, c’est-à-dire la possibilité qu’il lui est laissée de refuser ou d’accueillir la parole du Maître. « Celui qui a des oreilles qu’il entende ! ». La liberté de l’auditeur est interpellée !
La parabole du Semeur nous invite à examiner notre vie. Quel type de terrain suis-je ? Quel type de terrain est-ce que j’offre à la Semence de sa Parole ? Suis-je prêt à me décider à être une bonne terre en lâchant tout type de compromission, tout type de mensonge, tout type de passions désordonnées ? Est-ce que je pense à préparer le terrain de mon âme et à fortifier ma liberté dans sa capacité à choisir le Bien et à collaborer à l’œuvre de la grâce divine en moi par l’usage des vertus théologales reçues au baptême (foi, espérance et charité) ainsi que par l’exercice des vertus cardinales que sont la prudence, la justice, la force et la tempérance ?

La question soulevée par les textes de la liturgie de ce dimanche est celle de notre libre collaboration à l’œuvre de la grâce divine en nous. Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit que celle-ci ne se fait pas sans douleur. La croissance des prémisses de notre résurrection, déposés en nous au baptême, passe nécessairement par un consentement douloureux dans la mesure où notre liberté reste marquée par les conséquences du péché des origines. L’image de l’enfantement utilisée par saint Paul qui provoque dans le même temps joie et douleur exprime particulièrement bien notre situation ici-bas.
Plutôt que de reprocher à Dieu de ne pas intervenir dans nos vies ou d’agir trop lentement, peut-être serait-il plus juste et plus fructueux de nous émerveiller devant sa patience et la générosité de sa grâce envers nous.

 » Seigneur, puissions-nous trouver dans l’Eucharistie et dans la méditations des textes de ce dimanche le désir et la force de mener une vie chrétienne plus authentique et plus engagée, fondée sur l’efficacité de ta Parole et sur la responsabilité qui est la nôtre face aux dons reçus de toi et la nécessité de porter du fruit. »

Frère Elie

Saint Benoît de Nursie, une fresque de Subiaco

10 juillet, 2014

Saint Benoît de Nursie, une fresque de Subiaco dans images sacrée 800px-Benedikt_von_Nursia_20020817

http://it.wikipedia.org/wiki/Benedetto_da_Norcia

LA RÈGLE DE SAINT BENOÎT

10 juillet, 2014

http://abbaye-fleury.com/la-reacutegle.html

LA RÈGLE DE SAINT BENOÎT

(Sur le site tout au long de la Règle de saint Benoît)

PROLOGUE

Écoute, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l’oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t’aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement. Ainsi tu reviendras par le labeur de l’obéissance, à celui dont tu t’étais éloigné par la lâcheté de la désobéissance. A toi donc, quel que tu sois, s’adresse à présent mon discours, à toi qui, abandonnant tes propres volontés pour servir le Seigneur Christ, le roi véritable, prends les armes très puissantes et glorieuses de l’obéissance.
Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans la prière, de le conduire à sa perfection, afin que celui qui a daigné nous mettre au nombre de ses fils, n’ait jamais à se fâcher de nos mauvaises actions. En tout temps, en effet, il nous faut lui obéir au moyen des biens qu’il met en nous, de sorte que non seulement, tel un père irrité, il ne vienne jamais à déshériter ses fils, mais aussi que, tel un maître redoutable, courroucé de nos méfaits, il ne nous livre pas au châtiment perpétuel, comme des serviteurs détestables qui n’auraient pas voulu le suivre jusqu’à la gloire
Levons-nous donc enfin, puisque l’Écriture nous éveille en disant :  » L’heure est venue de nous lever du sommeil « , et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d’une oreille attentive d’une oreille attentive ce que la voix divine nous montre par ses appels quotidiens :  » Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs  » ; et encore :  » Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises.  » Et que dit-il ?  » Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous enveloppent. »
Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau :  » Quel est l’homme qui désire la vie et désire voir des jours heureux ?  » Si, en entendant cela, tu réponds :  » Me voici ! « , Dieu te dit :  » Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la. Et quand vous aurez fait cela, j’aurai les yeux sur vous et je prêterai l’oreille à vos prières, et avant que vous m’invoquiez, je dirai : me voici !  » Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien-aimés ? Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.
Ceignant donc nos reins de la foi et de l’accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l’évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.
Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d’y courir par de bonnes actions. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant :  » Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui reposera sur ta montagne sainte ?  » Cette question posée, frères, écoutons le Seigneur nous répondre et nous montrer le chemin de cette demeure, en disant :  » C’est celui qui marche sans se souiller et accomplit ce qui est juste ; qui dit la vérité dans son cœur, qui n’a pas commis de tromperie par sa langue ; qui n’a pas fait de mal à son prochain, qui n’a pas laissé l’injure atteindre son prochain ; qui, lorsque le malin, le diable, lui suggérait quelque chose, l’a repoussé loin des regards de son cœur, lui et sa suggestion, l’a réduit à néant et, s’emparant de ses rejetons – les pensées qu’il lui inspirait -, les a écrasés contre le Christ. Ce sont ceux-là qui, craignant le Seigneur, ne s’enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, estimant que ce qui est bon en eux ne peut être leur propre œuvre, mais celle du Seigneur, magnifient le Seigneur qui opère en eux, en disant avec le prophète :  » Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire ! « , de même que l’apôtre Paul, lui non plus, ne s’attribuait rien de sa prédication et disait :  » C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis.  » Et il dit encore :  » Celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur. « 
De là aussi cette parole du Seigneur dans l’Évangile :  » Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage qui a bâti sa maison sur le pierre. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n’est pas tombée parce qu’elle était fondée sur la pierre. « 
Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu’il vient de nous donner. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l’amendement de notre mauvaise conduite, selon le mot de l’Apôtre :  » Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ?  » Car le Seigneur dit dans sa bonté :  » Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. « 
Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l’habitant. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d’ordonner au secours de sa grâce de nous l’accorder. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle, tandis qu’il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu’il reste le temps d’exécuter tout cela à la lumière de cette vie, il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.
Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur. En l’organisant, nous espérons n’instituer rien de dur, rien de pesant. Si toutefois une raison d’équité commandait d’y introduire quelque chose d’un peu strict en vue d’amender les vices et de conserver la charité, ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t’enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu’étroite au début. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi,  » le cœur se dilate et l’on court sur la voie des commandements  » de Dieu avec une douceur d’amour inexprimable. Ainsi, n’abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu’à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen

BENOÎT XVI : SAINT BENOÎT DE NURSIE – 11 JUILLET

10 juillet, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080409_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 9 avril 2008

SAINT BENOÎT DE NURSIE – 11 JUILLET

Chers frères et sœurs,

Je voudrais parler aujourd’hui de saint Benoît, fondateur du monachisme occidental, et aussi Patron de mon pontificat. Je commence par une parole de saint Grégoire le Grand, qui écrit à propos de saint Benoît: « L’homme de Dieu qui brilla sur cette terre par de si nombreux miracles, ne brilla pas moins par l’éloquence avec laquelle il sut exposer sa doctrine » (Dial. II, 36). Telles sont les paroles que ce grand Pape écrivit en l’an 592; le saint moine était mort à peine 50 ans auparavant et il était encore vivant dans la mémoire des personnes et en particulier dans le florissant Ordre religieux qu’il avait fondé. Saint Benoît de Nursie, par sa vie et par son œuvre, a exercé une influence fondamentale sur le développement de la civilisation et de la culture européenne. La source la plus importante à propos de la vie de ce saint est le deuxième livre des Dialogues de saint Grégoire le Grand. Il ne s’agit pas d’une biographie au sens classique. Selon les idées de son temps, il voulut illustrer à travers l’exemple d’un homme concret – précisément saint Benoît – l’ascension au sommet de la contemplation, qui peut être réalisée par celui qui s’abandonne à Dieu. Il nous donne donc un modèle de la vie humaine comme ascension vers le sommet de la perfection. Saint Grégoire le Grand raconte également dans ce livre des Dialogues de nombreux miracles accomplis par le saint, et ici aussi il ne veut pas raconter simplement quelque chose d’étrange, mais démontrer comment Dieu, en admonestant, en aidant et aussi en punissant, intervient dans les situations concrètes de la vie de l’homme. Il veut démontrer que Dieu n’est pas une hypothèse lointaine placée à l’origine du monde, mais qu’il est présent dans la vie de l’homme, de tout homme.
Cette perspective du « biographe » s’explique également à la lumière du contexte général de son époque: entre le V et le VI siècle, le monde était bouleversé par une terrible crise des valeurs et des institutions, causée par la chute de l’Empire romain, par l’invasion des nouveaux peuples et par la décadence des mœurs. En présentant saint Benoît comme un « astre lumineux », Grégoire voulait indiquer dans cette situation terrible, précisément ici dans cette ville de Rome, l’issue de la « nuit obscure de l’histoire » (Jean-Paul II, Insegnamenti, II/1, 1979, p. 1158). De fait, l’œuvre du saint et, en particulier, sa Règle se révélèrent détentrices d’un authentique ferment spirituel qui transforma le visage de l’Europe au cours des siècles, bien au-delà des frontières de sa patrie et de son temps, suscitant après la chute de l’unité politique créée par l’empire romain une nouvelle unité spirituelle et culturelle, celle de la foi chrétienne partagée par les peuples du continent. C’est précisément ainsi qu’est née la réalité que nous appelons « Europe ».
La naissance de saint Benoît se situe autour de l’an 480. Il provenait, comme le dit saint Grégoire, « ex provincia Nursiae » – de la région de la Nursie. Ses parents, qui étaient aisés, l’envoyèrent suivre des études à Rome pour sa formation. Il ne s’arrêta cependant pas longtemps dans la Ville éternelle. Comme explication, pleinement crédible, Grégoire mentionne le fait que le jeune Benoît était écoeuré par le style de vie d’un grand nombre de ses compagnons d’étude, qui vivaient de manière dissolue, et qu’il ne voulait pas tomber dans les mêmes erreurs. Il voulait ne plaire qu’à Dieu seul; « soli Deo placere desiderans » (II Dial. Prol. 1). Ainsi, avant même la conclusion de ses études, Benoît quitta Rome et se retira dans la solitude des montagnes à l’est de Rome. Après un premier séjour dans le village d’Effide (aujourd’hui Affile), où il s’associa pendant un certain temps à une « communauté religieuse » de moines, il devint ermite dans la proche Subiaco. Il vécut là pendant trois ans complètement seul dans une grotte qui, depuis le Haut Moyen-âge, constitue le « coeur » d’un monastère bénédictin appelé « Sacro Speco ». La période à Subiaco, une période de solitude avec Dieu, fut un temps de maturation pour Benoît. Il dut supporter et surmonter en ce lieu les trois tentations fondamentales de chaque être humain: la tentation de l’affirmation personnelle et du désir de se placer lui-même au centre, la tentation de la sensualité et, enfin, la tentation de la colère et de la vengeance. Benoît était en effet convaincu que ce n’était qu’après avoir vaincu ces tentations qu’il aurait pu adresser aux autres une parole pouvant être utile à leur situation de besoin. Et ainsi, son âme désormais pacifiée était en mesure de contrôler pleinement les pulsions du « moi » pour être un créateur de paix autour de lui. Ce n’est qu’alors qu’il décida de fonder ses premiers monastères dans la vallée de l’Anio, près de Subiaco.
En l’an 529, Benoît quitta Subiaco pour s’installer à Montecassino. Certains ont expliqué ce déplacement comme une fuite face aux intrigues d’un ecclésiastique local envieux. Mais cette tentative d’explication s’est révélée peu convaincante, car la mort soudaine de ce dernier n’incita pas Benoît à revenir (II Dial. 8). En réalité, cette décision s’imposa à lui car il était entré dans une nouvelle phase de sa maturation intérieure et de son expérience monastique. Selon Grégoire le Grand, l’exode de la lointaine vallée de l’Anio vers le Mont Cassio – une hauteur qui, dominant la vaste plaine environnante, est visible de loin – revêt un caractère symbolique: la vie monastique cachée a sa raison d’être, mais un monastère possède également une finalité publique dans la vie de l’Eglise et de la société, il doit donner de la visibilité à la foi comme force de vie. De fait, lorsque Benoît conclut sa vie terrestre le 21 mars 547, il laissa avec sa Règle et avec la famille bénédictine qu’il avait fondée un patrimoine qui a porté des fruits dans le monde entier jusqu’à aujourd’hui.
Dans tout le deuxième livre des Dialogues, Grégoire nous montre la façon dont la vie de saint Benoît était plongée dans une atmosphère de prière, fondement central de son existence. Sans prière l’expérience de Dieu n’existe pas. Mais la spiritualité de Benoît n’était pas une intériorité en dehors de la réalité. Dans la tourmente et la confusion de son temps, il vivait sous le regard de Dieu et ne perdit ainsi jamais de vue les devoirs de la vie quotidienne et l’homme avec ses besoins concrets. En voyant Dieu, il comprit la réalité de l’homme et sa mission. Dans sa Règle, il qualifie la vie monastique d’ »école du service du Seigneur » (Prol. 45) et il demande à ses moines de « ne rien placer avant l’Œuvre de Dieu [c'est-à-dire l'Office divin ou la Liturgie des Heures] » (43, 3). Il souligne cependant que la prière est en premier lieu un acte d’écoute (Prol. 9-11), qui doit ensuite se traduire par l’action concrète. « Le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par les faits à ses saints enseignements », affirme-t-il (Prol. 35). Ainsi, la vie du moine devient une symbiose féconde entre action et contemplation « afin que Dieu soit glorifié en tout » (57, 9). En opposition avec une réalisation personnelle facile et égocentrique, aujourd’hui souvent exaltée, l’engagement premier et incontournable du disciple de saint Benoît est la recherche sincère de Dieu (58, 7) sur la voie tracée par le Christ humble et obéissant (5, 13), ne devant rien placer avant l’amour pour celui-ci (4, 21; 72, 11) et c’est précisément ainsi, au service de l’autre, qu’il devient un homme du service et de la paix. Dans l’exercice de l’obéissance mise en acte avec une foi animée par l’amour (5, 2), le moine conquiert l’humilité (5, 1), à laquelle la Règle consacre un chapitre entier (7). De cette manière, l’homme devient toujours plus conforme au Christ et atteint la véritable réalisation personnelle comme créature à l’image et à la ressemblance de Dieu.
A l’obéissance du disciple doit correspondre la sagesse de l’Abbé, qui dans le monastère remplit « les fonctions du Christ » (2, 2; 63, 13). Sa figure, définie en particulier dans le deuxième chapitre de la Règle, avec ses qualités de beauté spirituelle et d’engagement exigeant, peut-être considérée comme un autoportrait de Benoît, car – comme l’écrit Grégoire le Grand – « le saint ne put en aucune manière enseigner différemment de la façon dont il vécut » (Dial. II, 36). L’Abbé doit être à la fois un père tendre et également un maître sévère (2, 24), un véritable éducateur. Inflexible contre les vices, il est cependant appelé à imiter en particulier la tendresse du Bon Pasteur (27, 8), à « aider plutôt qu’à dominer » (64, 8), à « accentuer davantage à travers les faits qu’à travers les paroles tout ce qui est bon et saint » et à « illustrer les commandements divins par son exemple » (2, 12). Pour être en mesure de décider de manière responsable, l’Abbé doit aussi être un personne qui écoute « le conseil de ses frères » (3, 2), car « souvent Dieu révèle au plus jeune la solution la meilleure » (3, 3). Cette disposition rend étonnamment moderne une Règle écrite il y a presque quinze siècles! Un homme de responsabilité publique, même à une petite échelle, doit toujours être également un homme qui sait écouter et qui sait apprendre de ce qu’il écoute.
Benoît qualifie la Règle de « Règle minimale tracée uniquement pour le début » (73, 8); en réalité, celle-ci offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu’à aujourd’hui. Paul VI, en proclamant saint Benoît Patron de l’Europe le 24 octobre 1964, voulut reconnaître l’œuvre merveilleuse accomplie par le saint à travers la Règle pour la formation de la civilisation et de la culture européenne. Aujourd’hui, l’Europe – à peine sortie d’un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après l’effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies – est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas reconstruire l’Europe. Sans cette sève vitale, l’homme reste exposé au danger de succomber à l’antique tentation de vouloir se racheter tout seul – une utopie qui, de différentes manières, a causé dans l’Europe du XX siècle, comme l’a remarqué le Pape Jean-Paul II, « un recul sans précédent dans l’histoire tourmentée de l’humanité » (Insegnamenti, XIII/1, 1990, p. 58). En recherchant le vrai progrès, nous écoutons encore aujourd’hui la Règle de saint Benoît comme une lumière pour notre chemin. Le grand moine demeure un véritable maître à l’école de qui nous pouvons apprendre l’art de vivre le véritable humanisme.

 

Abraham sur la route (vers Canaan?)

9 juillet, 2014

Abraham sur la route (vers Canaan?) dans images sacrée abraham

http://www2.uncp.edu/home/rwb/lecture_ancient_civ.htm

HOMÉLIE PAPE JEAN-PAUL II – LE PATRIARCHE ABRAHAM (2000)

9 juillet, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/homilies/2000/documents/hf_jp-ii_hom_20000223_abraham_fr.html

HOMÉLIE PAPE JEAN-PAUL II – LE PATRIARCHE ABRAHAM

Mercredi 23 février 2000

1. « Je suis Yahvé qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens, pour te donner ce pays en possession [...] Ce jour-là Yahvé conclut une alliance avec Abraham en ces termes: « A ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d’Egypte jusqu’au Grand Fleuve, le fleuve d’Euphrate » (Gn 15, 7.18).

Avant que Moïse n’entendit sur le Mont Sinaï les célèbres paroles de Yahvé: « Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude » (Ex 20, 2), le Patriarche Abraham avait déjà entendu d’autres paroles: « Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens ». Nous devons donc nous tourner par la pensée vers ce lieu important dans l’histoire du Peuple de Dieu, pour y chercher les prémisses de l’alliance de Dieu avec l’homme. Voilà pourquoi, en cette année du grand Jubilé, alors que nous retournons le coeur ouvert aux débuts de l’alliance de Dieu avec l’humanité, notre regard se tourne vers Abraham, vers le lieu où il entendit l’appel de Dieu et où il répondit à celui-ci avec l’obéissance de la foi. En même temps que nous, les juifs et les musulmans se tournent eux aussi vers la figure d’Abraham comme vers un modèle de soumission inconditionnée à la volonté de Dieu. (cf. Nostra aetate, n. 3).
L’auteur de la Lettre aux Hébreux écrit: « Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (11, 8). Voilà: Abraham appelé par l’Apôtre Paul « notre Père dans la foi » (cf. Rm 4, 11-16), crut à Dieu, se fia à Lui qui l’appelait. Il crut à la promesse. Dieu dit à Abraham: « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction. [...] Par toi se béniront tous les clans de la terre » (Gn 12, 1-3). Peut-être sommes-nous en train de parler de l’itinéraire d’une des multiples migrations typiques d’une époque où l’élevage des troupeaux était une forme fondamentale de la vie économique? C’est probable. Certainement, mais cependant, il ne s’agit pas seulement de cela. Dans l’histoire d’Abraham, à partir duquel commença l’histoire du salut, nous pouvons déjà percevoir une autre signification de l’appel et de la promesse. La terre, vers laquelle se dirige l’homme guidé par la voix de Dieu, n’appartient pas exclusivement à la géographie de ce monde. Abraham, le croyant qui accueille l’invitation de Dieu, est celui qui se dirige dans la direction d’une terre promise qui ne se trouve pas ici bas.
2. Nous lisons dans la Lettre aux Hébreux: « Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac, et c’est son fils unique qu’il offrait en sacrifice, lui qui était le dépositaire des promesses, lui à qui il avait été dit: C’est par Isaac que tu auras une postérité » (11, 17-18). Voilà l’apogée de la foi d’Abraham. Abraham est mis à l’épreuve par ce Dieu en qui il avait placé sa confiance, par ce Dieu duquel il avait reçu la promesse concernant un avenir lointain: « C’est par Isaac que tu auras une postérité » (He 11, 18). Il est cependant appelé à offrir précisément Isaac en sacrifice à Dieu, son fils unique, à qui étaient liées toutes ses espérances, du reste conformes à la promesse divine. Comment pourra s’accomplir la promesse que Dieu lui a faite d’une nombreuse descendance, si Isaac, l’unique fils, devra être offert en sacrifice?
Grâce à la foi, Abraham sort victorieux de cette épreuve, une épreuve dramatique qui mettait directement en question sa foi. « Dieu, pensait-il, – écrit l’auteur de la Lettre aux Hébreux – est capable même de ressusciter les morts » (11, 19). En cet instant humainement tragique, où il était désormais prêt à infliger le coup mortel à son fils, Abraham ne cessa pas de croire. Au contraire, sa foi dans la promesse de Dieu atteint son sommet. Il pensait: « Dieu est capable même de ressusciter les morts » (He 11, 19). Ainsi pensait ce père éprouvé, humainement parlant, au-delà de toute mesure. Et sa foi, son total abandon en Dieu, ne le déçut pas. Il est écrit: « C’est pour cela qu’il recouvra son fils ». Il recouvra Isaac, car il crut à Dieu jusqu’au bout et de façon inconditionnée.
L’Auteur de la Lettre semble exprimer quelque chose de plus: toute l’expérience d’Abraham lui apparaît une analogie de l’événement salvifique de la mort et de la résurrection du Christ. Cet homme, placé à l’origine de notre foi, fait partie du dessein divin éternel. Selon une tradition, le lieu où Abraham fut sur le point de sacrifier son propre fils, est le même sur lequel un autre père, le Père éternel, devait accepter l’offrande de son Fils unique, Jésus-Christ. Le sacrifice d’Abraham apparaît ainsi comme une annonce prophétique du sacrifice du Christ. « Car Dieu – écrit saint Jean – a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (3, 16). Le Patriarche Abraham, notre père dans la foi, sans le savoir, introduit d’une certaine façon tous les croyants dans le dessein éternel de Dieu, dans lequel se réalise la rédemption du monde.
3. Un jour le Christ affirma: « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham existât, Je Suis » (Jn 8, 58), et ces paroles provoquèrent l’émerveillement des auditeurs qui objectèrent: « Tu n’as pas cinquante ans et tu as vu Abraham? » (Jn 8, 57). Ceux qui réagissaient ainsi, raisonnaient de façon purement humaine, et c’est pourquoi ils n’acceptèrent pas ce que le Christ disait: « Es-tu donc plus grand qu’Abraham, notre Père, qui est mort? Les prophètes aussi sont morts. Qui prétends-tu être? » (Jn 8, 53). Jésus leur répliqua: « Abraham, votre père exulta à la pen-sée qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu et fut dans la joie » (Jn 8, 56). La vocation d’Abraham apparaît complètement orientée vers le jour dont parle le Christ. Là, les calculs humains ne sont pas valables; il faut appliquer la mesure de Dieu. Ce n’est qu’alors que nous pouvons comprendre la juste signification de l’obéissance d’Abraham, qui « en espérant contre tout espérance, crut » (Rm 4, 18). Il espéra devenir le père de nombreuses nations, et aujourd’hui il se réjouit certainement avec nous, car la promesse de Dieu s’accomplit au cours des siècles, de génération en génération.
Avoir cru, en espérant contre toute espérance, « lui fut compté comme justice » (Rm 4, 22), non seulement pour lui, mais également pour nous tous, ses descendants dans la foi. Nous « qui croyons en celui qui ressuscita d’entre les morts Jésus notre Seigneur » (Rm 4, 24), mis à mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4, 25). Cela, Abraham ne le savait pas; toutefois grâce à l’obéissance de la foi, Abraham se dirige vers l’accomplissement de toutes les promesses divines, animé par l’espérance qu’elles se seraient réalisées. Et existe-t-il plus grande promesse que celle qui s’est accomplie dans le mystère pascal du Christ? Dans la foi d’Abraham, Dieu tout-puissant a véritablement établi une alliance éternelle avec le genre humain, et l’accomplissement définitif de celle-ci est Jésus-Christ. Le Fils unique du Père, de sa même substance, s’est fait Homme pour nous introduire, à travers l’humiliation de la Croix et la gloire de la résurrection, dans la terre de salut que Dieu, riche de miséricorde, a promis à l’humanité dès le début.
4. Le modèle inimitable du peuple racheté, en marche vers l’accomplissement de cette promesse universelle, est Marie, « celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur » (Lc 1, 45).
Fille d’Abraham selon la foi, outre que selon la chair, Marie en partagea en première personne l’expérience. Elle aussi, comme Abraham, accepta l’immolation du Fils, mais alors que le sacrifice effectif d’Isaac ne fut pas demandé à Abraham, le Christ but le calice de la souffrance jusqu’à la dernière goutte. Et Marie participa personnellement à l’épreuve de son Fils, croyant et espérant, debout à côté de la croix (cf. Jn 19, 25).
C’était l’épilogue d’une longue attente. Formée dans la méditation des pages prophétiques, Marie savait ce qui l’attendait et en exaltant la miséricorde de Dieu, fidèle à son peuple de génération en génération, elle exprimait sa propre adhésion à son dessein de salut; elle exprimait en particulier son « oui » à l’événement central de ce dessein, le sacrifice de cet Enfant qu’elle portait dans son sein. Comme Abraham, elle acceptait le sacrifice de son Fils.
Aujourd’hui, nous unissons notre voix à la sienne, et avec Elle, la Vierge Fille de Sion, nous proclamons que Dieu s’est rappelé de sa miséricorde, « selon qu’il l’avait annoncé à nos pères – en faveur d’Abraham et de sa postérité à jamais » (Lc 1, 55).

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