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LA PRIÈRE ET LE SILENCE – ENSEIGNEMENT DU PÈRE BOSCO
17 juillet, 2014http://www.ndarche.org/oraison/bosco.doc.
LA PRIÈRE ET LE SILENCE
ENSEIGNEMENT DU PÈRE BOSCO
Jeudi 04 décembre 2008
Introduction
Deux moines discutaient de la possibilité de fumer pendant la prière. L’un des deux s’est donc approché de l’abbé et a posé cette question : » Est-ce qu’il est permis de fumer lorsqu’on prie ? » L’abbé a vivement répondu en disant que ce n’est pas possible, c’est strictement interdit. L’autre est ensuite allé voir l’abbé poser cette question : » Est-ce qu’on peut prier lorsqu’on fume ? » L’abbé a dit » oui, bien sûr « .
Nous allons réfléchir ensemble sur le thème ‘la prière et le silence’. Est-ce qu’on peut séparer la prière du silence ? Pour cela réalisons un petit exercice: Vous fermez les yeux et vous vous concentrez sur le point le plus important de notre corps (le point situé au centre entre nos 2 yeux). Vous devez tout oublier pour vous concentrer uniquement sur ce point pendant au plus une minute. Ensuite, vous écoutez ce que vous avez ressenti et perçu durant ce temps de concentration.
Et bien, par cet exercice vous avez fait l’expérience de la prière. A mon avis, le silence même est la prière. C’est possible aussi que la prière puisse exister sans avoir aucun rapport avec le silence.
Alors, qu’est-ce que la prière ? le silence ?
La prière est un dialogue avec Dieu. Ici, nos prières sont très souvent verbalisées. La liturgie et le chant nous aident à prier – à penser à Dieu.
Le silence n’est pas seulement rester sans parler mais de rester détaché du monde (le bruit, le sentiment etc.) et d’être attaché à nous-même. Et donc, il y a deux dimensions : détachement et attachement.
1. Le détachement
Introduction : Deux jeunes moines se promenaient. Ils étaient au point de traverser une rivière. Il pleuvait. Pas mal d’eau dans la rivière. Une jeune fille qui était là, trouvait difficile de traverser cette rivière. Alors, l’un des moines a aidé cette jeune fille à traverser cette rivière en la portant sur son épaule. En arrivant au monastère, l’autre l’a interpellé en disant : » Tu ne sais pas qu’on n’a pas le droit de toucher une femme « . » Oui » lui a-t-il répondu et il ajouta : » Je l’ai laissé au bord de la rivière, mais toi, tu la portes encore dans ton cœur « .
Pour prier il est nécessaire de demander le détachement de tous nos soucis, de tous nos problèmes, c’est déposer nos fardeaux.
2. Attachement à notre soi. Etre conscient de nous même
Voici des extraits de La Bible sur la prière et silence
La Bible dit qu’en silence on écoute, on attend et on s’émerveille du mystère divin.
» Ecouter : Lamentation 2 : 10. Ecouter la parole de Dieu nous amène à la repentance. On supplie le pardon de Dieu. On commence à vivre une nouvelle vie. Etre conscient de notre existence. On a du mal à trouver des paroles pour exprimer nos difficultés, et là on est en silence. Ce silence devient la prière. Ici, Dieu parle à notre conscience. On entre dans le fond de son cœur.
» Attendre : Psaumes 37,7: » Reste calme auprès du Seigneur, espère en lui. » Le silence nous donne de la lumière. La distance entre nous et Dieu diminuera. Mais, il faut attendre.
» S’émerveiller de : Job 40.4 : » je mets la main sur ma bouche » Il voit le mystère divin, comment Dieu agit dans sa vie. En voyant tout cela, Job change. Il commence à sentir la présence de Dieu dans sa vie.
Dieu parle quand on est en silence. Notre réponse serait de l’écouter, d’attendre et de s’émerveiller de son amour.
II. DIEU EST SILENCE, POUR L’ENTENDRE IL FAUT FAIRE SILENCE
17 juillet, 2014http://www.cenaclesauges.ch/diary9/35DieuEstSilence.htm
II. DIEU EST SILENCE, POUR L’ENTENDRE IL FAUT FAIRE SILENCE
q L. LAVELLE : « Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr. » (in B. SESBOUÉ, Quand Dieu se tait, Christus N° 194, p. 164)
q Le silence est un élément vital pour la prière, mais aussi pour la vie en soi : car il est la porte d’entrée sur l’intériorité, la porte d’entrée sur le Cœur profond, la porte d’entrée sur la partie la plus intime et la plus précieuse de nous-mêmes.
1. LE SILENCE, QUALITÉ DE PRÉSENCE À SOI
q Le silence n’est pas absence de bruit : (cf. expérience de la chambre insonorisée)
q Le silence est « dans la qualité de présence à soi. Il s’agit de parvenir à un état d’harmonie sonore avec le milieu en sorte que l’esprit ne soit pas dérangé par les bruits du dehors et comme référé à sa propre parole intérieure.» (A. BEAUCHAMP, Les bruits du monde, in Christus N° 194, Avril 2002, p. 137) Ce silence intérieur peut cohabiter avec un environnement extérieur bruyant. ANTHONY DE MELLO dit qu’ «il n’existe pas de son, sauf celui dont l’intensité risque de blesser vos tympans, qui doive troubler votre silence et votre paix. Si vous apprenez à accueillir dans votre contemplation tous les sons environnants (…) vous découvrirez qu’au cœur de tous les bruits se trouve un silence profond. Voilà pourquoi j’aime que mes sessions de groupes de prière aient lieu dans des endroits qui ne soient pas entièrement silencieux.» (Un chemin vers Dieu, p. 63)
q ETTY HILLESUM, alors qu’elle était Juive, menacée de déportation, témoigne du silence qui était en elle : « Toute la journée je vais me tenir dans un coin de cette grande salle de silence qui est en moi. (…) Je reste immobile, un peu lasse, dans un coin de mon silence, assise en tailleur comme Bouddha et avec le même sourire, un sourire intérieur, s’entend. » (Une vie bouleversée, Seuil, 1995, p. 154)
Ø LAURENT DE LA RÉSURRECTION est né en 1614 en Lorraine. Il est entré au Carmel de Paris à 26 ans, où il sera cuisinier puis cordonnier. Ses débuts ont été laborieux, comme pour chacun de nous ; il a du lutter pour trouver le silence dans la prière, pour ne pas se laisser envahir par les distractions. Mais vers la fin de sa vie, il disait qu’il arrivait à être aussi bien en prière à la cuisine, où parfois trois personnes lui demandaient quelque chose en même temps, qu’en adoration à la chapelle. Il disait qu’ « il n’est pas nécessaire d’être toujours à l’église pour être avec Dieu. Nous pouvons faire de notre cœur un oratoire dans lequel nous nous retirons de temps en temps, pour nous y entretenir avec Lui. » De par les aléas de l’histoire, LAURENT DE LA RÉSURRECTION est tombé quelque peu dans l’oubli chez les catholiques français, mais a été adopté par les protestants du monde entier.
2. LE SILENCE DE DIEU ET LE SILENCE DE L’HOMME
q La plainte face au silence de Dieu, c’est un peu le dénominateur commun de presque tous les croyants, chrétiens, juifs ou musulmans. Cf. la parole du Psalmiste : « Mon Dieu, je t’appelle tout le jour et tu ne réponds pas. » (Ps 21, 3)
q Une évidence de la vie courante : je ne peux entendre la personne qui me parle si je parle en même temps qu’elle, si je ne suis pas moi-même en silence. Cela nous semble évident pour les relations interpersonnelles, mais il se peut qu’on l’oublie pour la relation à Dieu. Si nous ne sommes pas nous-mêmes en silence, au fond de nous-mêmes en silence, nous ne pouvons pas entendre Dieu.
q Selon B. SESBOUÉ, silence et parole ne s’opposent pas. Mais, pour comprendre cela, il faut d’abord distinguer différents types de silence : « Il y a le silence vide ou absent de celui qui n’a vraiment rien à dire ; le silence du taciturne qui, par tempérament, s’exprime très peu ; le mutisme, souvent agressif de celui qui ne veut pas parler ; le silence de celui qui proteste de tout son être contre le silence qu’on lui impose ; le silence de celui qui consent à ce qui est dit ; enfin, le silence de présence, le silence plein, celui qui se trouve au-delà de tout langage parce qu’il est devenu le meilleur moyen de communiquer. » (Quand Dieu se tait, in Christus N° 194, Avril 2002, p. 158) [1] A l’exemple des vieux époux qui se connaissent si bien, qui sont dans une telle communion, qu’ils n’ont plus besoin de paroles pour communiquer, qui se comprennent au-delà des paroles. Ce silence-là est un silence qui est amour, un amour si fort qu’il n’a pas besoin de mots pour s’exprimer.
q Il y a le silence entre les personnes, comme on vient de le voir. Mais il y a aussi le silence à l’intérieur d’une personne seule, le silence en soi-même. Selon B. SESBOUÉ, « ce silence-là est la condition d’une triple présence : présence à soi, sans doute, mais qui ouvre à la présence aux autres et à la présence à Dieu. (…) Sans un minimum de silence intérieur, nous sommes absents de nous-mêmes, et par voie de conséquence absents pour les autres et absents pour Dieu. » (Op. cit,. p. 158)
q J’ai dit précédemment que le silence peut être langage, parole ; c’est probablement sous ce mode-là que Dieu communique, lui qui est Tout-Autre, au-delà de tout langage. Et pour entendre ce silence de Dieu qui est parole, il faut faire silence en soi, faire taire le tumulte des multiples préoccupations qui nous habitent. B. SESBOUÉ demande : « Sommes-nous assez silencieux pour comprendre en vérité le silence de Dieu ? (…) Dire que Dieu est silence, c’est exprimer sa transcendance absolue par rapport au monde des hommes. » (Op. cit,. p. 158)
q PIERRE BLANCHARD : « On a remarqué que le silence de Dieu n’est souvent que la surdité de l’homme. » (Jacob et l’ange, Etudes carmélitaines, 1957) Surdité, ou manque de silence intérieur de l’être humain qui ne peut plus entendre Dieu.
3. LE VERBE DE DIEU, LA PAROLE QUI EST SILENCE
q Dieu est silence. Il est paradoxal de parler d’un Dieu qui est silence alors que le Christ est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu faite chair. Il y a un passage de livre la Sagesse, qui parle de la nuit pascale, nuit de la sortie d’Egypte, au temps de Moïse, mais que la liturgie chrétienne lit la nuit de Noël : « Alors qu’un silence paisible enveloppait toute chose, et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, du haut des cieux ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal. » (Sg 18, 14-15) De même, ST PAUL se référant à l’Incarnation du Christ, parle du « mystère gardé dans le silence durant les siècles éternels. » (Rm 16, 25)
q Et le Verbe, la Parole se fait chair, elle se fait petit enfant. Paradoxalement, infans en latin, signifie muet, qui ne peut pas parler ; qui ne parle pas encore. Et de fait, le Christ s’est tu durant les trente premières années de sa vie, les Évangiles ne nous relatant que la parole à ses parents lorsque ceux-ci le retrouvèrent au temple après trois jours : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » (Lc 2, 49) Et ce n’est probablement pas par manque de données, puisque Luc s’était soigneusement informé, et nous a transmis de nombreuses paroles de gens qui l’ont côtoyé. C’est probablement un parti pris qui veut nous dire quelque chose sur le Christ.
q Même durant son ministère, le Christ n’a rien écrit, comme voulant garder une discrétion sur son message, pour que celui-ci ne puisse pas être enfermé par des mots.
q A la fin de sa vie, lors de sa passion, le Christ ne parle presque pas. Il reste silencieux devant le grand prêtre, devant Hérode, devant Pilate qui l’interrogent. (« Il ne lui répondit sur aucun point, si bien que le gouverneur était fort étonné. » (Mt 26, 14 ; cf. aussi Mt 26, 63 ; Mc 14, 61 ; Lc 23, 9 ; Jn 19, 9)
Le Christ est silencieux lors de sa passion, à l’image du Serviteur souffrant d’Isaïe : « Comme un agneau, il a été conduit à la boucherie ; comme une brebis muette devant celui qui la tond, il n’ouvre pas la bouche. » (Is 53, 7 »
q La liturgie du samedi saint met en évidence le grand silence qui suit la mort du Christ, dans l’attente de sa résurrection. Pendant le temps du Cénacle, le temps entre l’Ascension et la Pentecôte, l’Ecriture ne nous relate aucune parole. C’est un temps de silence, du moins intérieur. Et la parole libérée à Pentecôte va naître de ce silence. La parole a besoin de silence pour germer et prendre corps.
4. LE SILENCE S’APPREND, COMME UN ARTISANAT
q F. CARRILLO : « Le silence s’apprend, il s’exerce comme un artisanat. » (Le silence, un artisanat du quotidien, in Itinéraires N° 55, 2006, p. 3) Il y a une pédagogie, une éducation au silence. On ne peut y arriver qu’en s’exerçant longuement.
q Il existe bien sûr des exercices, des lieux pour faire silence en soi. Mais le silence est aussi une manière d’être, une manière de vivre. Il ne peut germer que dans un terrain préparé, un terrain favorable.
q Le principal ennemi du silence n’est pas tant le bruit extérieur, mais l’agitation, le suractivisme. Beaucoup de chrétiens prennent des temps de ressourcement, mais en omettant souvent de faire de l’espace en eux pour cela. Or, on ne peut pas ressourcer, ou remplir un vase qui est déjà plein. Il faut d’abord faire du vide, faire de l’espace. Car aujourd’hui nous sommes pleins par beaucoup trop de choses, trop d’activités (même bonnes), trop de bruits, trop de paroles, trop de nouvelles, trop de tout… Se ressourcer, faire silence, ce n’est pas remplir d’avantage un vase qui est déjà trop plein, et ce, même par du spirituel. Il faut d’abord faire du vide.
Je suis frappé comment certaines personnes prennent ici, le WE, un temps de ressourcement, mais ce même WE, ils ont 36 autres choses : mariage, anniversaire, concert, préparation au baptême de leur enfant… J’ai l’impression que l’on vient remplir ici un vase qui déborde déjà.
q B. PASCAL : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre. » (Fragment 139)
q Pour faire silence en soi, il faut du temps, de l’espace, du calme, du vide.
q Pour moi, faire silence, c’est faire du vide, c’est me retrouver moi-même, retrouver certaines racines, certaines couches profondes de mon être, le cœur profond. Je passe presque tous mes Sabbats en m’imprégnant du silence de la nature. Le contact avec la nature m’aide à me retrouver moi-même, à trouver Dieu. Le temps que je me donne le jour du sabbat, et la manière de le vivre, font que je vis différemment les activités le reste de la semaine, d’une manière plus paisible, dans un plus grand silence intérieur.
q Une légende indienne : « Un indien est invité à faire un voyage en auto. Après quelque kilomètres, il demande qu’on s’arrête. Il s’assied sous un arbre et se repose. Interrogé sur ce qu’il fait, il répond qu’il doit attendre que son âme l’ait rattrapé parce qu’ils allaient si vite qu’elle ne pouvait pas suivre. » En bons occidentaux, nous pouvons peut-être entendre cette légende avec le sourire. Elle nous dit néanmoins quelque chose de profond. Nous ne pouvons pas entendre Dieu si nous ne sommes pas présents à nous-mêmes, si nous ne sommes pas dans notre cœur profond, si nous sommes constamment en avance sur nous-mêmes, si nous allons trop vite.
q Un article d’un psychothérapeute fonde psychologiquement cette légende : l’âme a besoin de temps, d’espace, de silence, sinon elle dépérit. Si l’on va trop vite, on reste à la surface de notre existence, de notre être ; notre âme n’arrive pas à suivre notre train de vie. Nous sommes intérieurement divisés, comme on le verra demain dans l’exemple de Marthe, la sœur de Marie. Dieu ne peut me rejoindre que dans le moment présent, dans l’ici et maintenant. Si moi je reste constamment projeté dans le futur, en avance sur moi-même, projeté dans de multiples activités, Dieu ne peut pas me rejoindre, je ne peux pas l’entendre.
q Un prêtre disait un jour à une religieuse : « Ne courrez pas si vite, vous laissez quelqu’un derrière vous ! » La sœur s’est retournée, et ne voyant personne, elle a dit : « Qui donc ? » Le prêtre a répondu : « Le Seigneur, il ne va pas aussi vite ! »
q D’où la nécessité dans la vie de prévoir chaque journée, chaque semaine des plages qui permettent à mon âme d’être au même rythme que mon corps et mon psychisme. Des plages qui me permettent de me retrouver moi-même, de retrouver mon cœur. Des plages qui me permettent de ne pas rester à la surface de moi-même, à la surface de la vie, et de ne pas passer à côté de la vie. Il se pourrait que le silence soit aussi vital à l’être humain que l’eau qu’il boit ; et s’il manque de silence, il se dessèche.
Maret Michel, Communauté du Cénacle au Pré-de-Sauges
[1] Je me réfère en grande partie à cet article pour la suite de cet exposé.
Jesus bénissant les Enfants
16 juillet, 2014JÉSUS, MON BIEN-AIMÉ, RAPPELLE-TOI ! … Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus LISIEUX
16 juillet, 2014http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/carmel/thereseenfj/index.htm
JÉSUS, MON BIEN-AIMÉ, RAPPELLE-TOI ! …
Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus LISIEUX
21 octobre 1895.
« Ma fille, cherche celles de mes paroles qui respirent le plus d’amour; écris-les, et puis, les gardant précieusement comme des reliques, aie soin de les relire souvent. Quand un ami veut réveiller au coeur de son ami la vivacité première de son affection, il lui dit : Souviens-toi de ce que tu éprouvais quand tu me dis un jour telle parole; ou bien : Te souviens-tu de tes sentiments à telle époque, un tel jour, en un tel lieu ? Crois-le donc, les plus précieuses reliques qui demeurent de moi sur la terre sont les paroles de mon amour, les paroles sorties de mon très doux Coeur. »
NOTRE-SEIGNEUR à sainte Gertrude.
Oh ! souviens-toi de la gloire du Père,
Rappelle-toi les divines splendeurs
Que tu quittas, t’exilant sur la terre,
Pour racheter tous les pauvres pécheurs.
O Jésus ! t’abaissant vers la Vierge Marie,
Tu voilas ta grandeur et ta gloire infinie.
De ce sein maternel
Qui fut ton second ciel,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi qu’au jour de ta naissance,
Quittant le ciel, les Anges ont chanté
« A notre Dieu : gloire, honneur et puissance
Et paix aux coeurs de bonne volonté! »
Depuis dix-neuf cents ans, tu remplis ta promesse.
Seigneur, de tes enfants, la paix est la richesse
Pour goûter à jamais
Ton ineffable paix,
Je viens à toi !
Je viens à toi, cache-moi dans tes langes,
En ton berceau je veux rester toujours !
Là, je pourrai, chantant avec les anges,
Te rappeler les fêtes de ces jours
O Jésus ! souviens-toi des bergers et des mages
Qui t’offrirent, joyeux, leurs coeurs et leurs hommages ;
Du cortège innocent
Qui te donna son sang,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi que, les bras de Marie,
Tu préféras à ton trône royal;
Petit enfant, pour soutenir ta vie,
Tu n avais rien que le lait virginal !
A ce festin d’amour que te donne ta Mère,
Oh ! daigne m’inviter, Jésus, mon petit frère,
De ta petite soeur
Qui fit battre ton Coeur,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi que tu nommas ton père
L’humble Joseph, qui, par l’ordre du Ciel,
Sans t’éveiller sur le sein de ta Mère,
Sut t’arracher aux fureurs d’un mortel.
Verbe-Dieu, souviens-toi de ce mystère étrange
Tu gardas le silence et fis parler un ange !
De ton lointain exil
Sur les rives du Nil,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi que, sur d’autres rivages,
Les astres d’or et la lune d’argent,
Que je contemple en l’azur sans nuages,
Ont réjoui, charmé tes yeux d’enfant.
De ta petite main qui caressait Marie,
Tu soutenais le monde et lui donnais la vie.
Et tu pensais à moi !
Jésus, mon petit Roi,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que, dans la solitude,
Tu travaillais de tes divines mains;
Vivre oublié fut ta plus chère étude,
Tu rejetas le savoir des humains !
O toi qui d’un seul mot pouvais charmer le monde,
Tu te plus à cacher ta sagesse profonde…
Tu parus ignorant!
O Seigneur tout-puissant,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi qu’étranger sur la terre,
Tu fus errant, toi, le Verbe éternel !
Tu n’avais rien, non pas même une pierre,
Pas un abri, comme l’oiseau du ciel.
O Jésus ! viens en moi, viens reposer ta tête,
Viens !… à te recevoir mon âme est toute prête.
Mon bien-aimé Sauveur,
Repose dans mon coeur,
Il est à toi !
Rappelle-toi les divines tendresses
Dont tu comblas les tout petits enfants ;
Je veux aussi recevoir tes caresses.
Ah ! donne-moi tes baisers ravissants !
Pour jouir dans les cieux de ta douce présence,
Je saurai pratiquer les vertus de l’enfance
Tu nous l’as dit souvent :
« Le Ciel est pour l’enfant….. »
Rappelle-toi !
Rappelle-toi qu’au bord de la fontaine
Un Voyageur, fatigué du chemin,
Fit déborder sur la Samaritaine
Les flots d’amour que renfermait son sein.
Ah ! je connais Celui qui demandait à boire
Il est le « Don de Dieu », la source de la gloire !
C’est toi l’eau qui jaillit,
Jésus ! tu nous as dit :
« Venez à moi !
« Venez à moi, pauvres âmes chargées;
« Vos lourds fardeaux bientôt s’allégeront,
« Et, pour toujours, dans mon Coeur submergées,
« De votre sein des sources jailliront. »
J’ai soif, ô mon Jésus ! cette eau, je la réclame.
De ses torrents divins daigne inonder mon âme;
Pour fixer mon séjour
En l’océan d’amour,
Je viens à toi !
Rappelle-toi qu’enfant de la lumière,
Souvent, hélas ! je néglige mon Roi ;
Oh ! prends pitié de ma grande misère,
Dans ton amour, Jésus, pardonne-moi !
Aux affaires du ciel daigne me rendre habile,
Montre-moi les secrets cachés dans l’Evangile.
Ah ! que ce livre d’or
Est mon plus cher trésor,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que ta divine Mère
A sur ton Coeur un pouvoir merveilleux ;
Rappelle-toi qu’un jour, à sa prière,
Tu changeas l’onde en vin délicieux.
Daigne aussi transformer mes oeuvres indigentes…
A la voix de Marie, ô Dieu ! rends-les ferventes
Que je suis son enfant,
Mon Jésus, bien souvent,
Rappelle-toi !
Rappelle ci que souvent les collines
Tu gravissais au coucher du soleil ;
Rappelle-toi tes oraisons divines,
Tes chants d’amour à l’heure du sommeil !
Ta prière, ô mon Dieu, je l’offre avec délice
Pendant mes oraisons, pendant le saint office
Là, tout près de ton Coeur, Je chante avec bonheur,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que, voyant la campagne,
Ton divin Coeur devançait les moissons;
Levant les yeux vers la sainte Montagne,
De tes élus tu murmurais les noms.
Afin que ta moisson soit bientôt recueillie,
Chaque jour, ô mon Dieu, je m’immole et je prie.
Que ma joie et mes pleurs
Sont pour tes moissonneurs,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi cette fête des Anges,
Cette harmonie au royaume des cieux,
Et le bonheur des sublimes phalanges,
Lorsqu’un pécheur vers toi lève les yeux !
Ah l je veux augmenter cette grande allégresse…
Jésus, pour les pécheurs je veux prier sans cesse;
Que je vins au Carmel
Pour peupler ton beau ciel,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi cette très douce flamme
Que tu voulais allumer dans les coeurs
Ce feu du ciel, tu l’as mis en mon âme,
Je veux aussi répandre ses ardeurs.
Une faible étincelle, ô mystère de vie,
Suffit pour allumer un immense incendie.
Que je veux, ô mon Dieu, Porter au loin ton feu,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi cette fête splendide
Que tu donnas à ton fils repentant ;
Rappelle-toi que pour l’âme candide,
Tu la nourris toi-même, à chaque instant!
Jésus, avec amour tu reçois le prodigue…
Mais les flots de ton Coeur, pour moi, n’ont pas de digue.
Que tes biens sont à moi,
Mon Bien-Aimé, mon Roi,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que, méprisant la gloire,
En prodiguant tes miracles divins
Tu t’écriais : « Comment pouvez-vous croire
« Vous qui cherches l’estime des humains?
« Les oeuvres que je fais vous semblent surprenantes
« Mes amis en feront de bien plus éclatantes. »
Que tu fus humble et doux,
Jésus, mon tendre Epoux,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi qu’en une sainte ivresse
L’Apôtre-vierge approcha de ton Coeur !
En son repos il connut ta tendresse ;
Et tes secrets il les comprit, Seigneur
De ton disciple aimé je ne suis pas jalouse;
Je connais tes secrets, car je suis ton épouse…
O mon divin Sauveur,
Je m’endors sur ton Coeur.
Il est à moi !
Rappelle-toi qu’au soir de l’agonie,
Avec ton sang se mêlèrent tes pleurs;
Perles d’amour ! leur valeur infinie
A fait germer de virginales fleurs.
Un Ange, te montrant cette moisson choisie,
Fit renaître la joie en ton âme bénie ;
Jésus, que tu me vis Au milieu de tes lis,
Rappelle-toi !
Ton sang, tes pleurs, cette source féconde
Virginisant les calices des fleurs,
Les a rendus capables, dès ce monde,
De t’enfanter un grand nombre de coeurs.
Je suis vierge, ô Jésus ! Cependant, quel mystère !
En m’unissant à toi, des âmes je suis mère…
Des virginales fleurs
Qui sauvent les pécheurs,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi qu’abreuvé de souffrance
Un Condamné, se tournant vers les cieux,
S’est écrié : « Bientôt dans ma puissance
« Vous me verrez paraître glorieux ! »
Qu’il fût le Fils de Dieu, nul ne le voulait croire,
Car elle se cachait son ineffable gloire.
O Prince de la Paix!
Moi, je te reconnais…
Je crois en toi !
Rappelle-toi que ton divin Visage,
Parmi les tiens, fut toujours inconnu !
Mais tu laissas pour moi ta douce image…
Et tu le sais, je t’ai bien reconnu !
Oui, je te reconnais, même à travers tes larmes,
Face de l’Eternel, je découvre tes charmes.
Que ton regard voilé
Mon coeur a consolé,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi cette amoureuse plainte
Qui, sur la croix, s’échappa de ton Coeur.
Ah ! dans le mien, Jésus, elle est empreinte
Oui… de ta soif il partage l’ardeur !
Plus il se sent blessé de tes divines flammes,
Plus il est altéré de te donner des âmes.
Que, d’une soif d’amour,
Je brûle nuit et jour,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi, Jésus, Verbe de vie,
Que tu m’aimas jusqu’à mourir pour moi !
Je veux aussi t’aimer à la folie ;
Je veux aussi vivre et mourir pour toi
Tu le sais, ô mon Dieu, tout ce que je désire,
C’est de te faire aimer, et d’être un jour martyre.
D’amour je veux mourir.
Seigneur, de mon désir,
Oh ! souviens-toi !
Rappelle-toi qu’au jour de ta victoire,
Tu nous disais : « Celui qui n’a pas vu
« Le Fils de Dieu tout rayonnant de gloire.
« Il est heureux… si quand même il a cru ! »
Dans l’ombre de la foi, je t’aime et je t’adore
O Jésus, pour te voir j’attends en paix l’aurore.
Que mon désir n’est pas
De te voir ici-bas,
Rappelle-toi !
Rappelle-toi que, montant vers le Père,
Tu ne pouvais nous laisser orphelins ;
Que, te faisant prisonnier sur la terre,
Tu sus voiler tes rayons tout divins;
Mais l’ombre de ton voile est lumineuse et pure,
Pain vivant de la foi, céleste nourriture.
O mystère d’amour !
Mon Pain de chaque jour
Jésus, c’est toi !
Jésus, c’est toi qui malgré les blasphèmes
Des ennemis du Sacrement d’amour,
C’est toi qui veux montrer combien tu m’aimes,
Puisqu’en mon coeur tu fixes ton séjour.
O Pain de l’exilé ! sainte et divine Hostie !
Ce n’est plus moi qui vis ; mais je vis de ta vie
Ton ciboire doré,
Entre tous préféré,
Jésus, c’est moi !
Jésus, c’est moi ton vivant sanctuaire
Que les méchants ne peuvent profaner.
Reste en mon coeur, n’est-il pas un parterre
Dont chaque fleur vers toi veut se tourner ?
Mais, si tu t’éloignais, ô blanc Lis des vallées!
Je le sais bien, mes fleurs seraient vite effeuillées.
Toujours, mon Bien-Aimé,
Jésus, Lis embaumé,
Fleuris en moi !
Rappelle-toi que je veux sur la terre
Te consoler de l’oubli des pécheurs ;
Mon seul Amour, exauce ma prière
Ah ! pour t’aimer, donne-moi mille coeurs
Mais c’est encore trop peu, Jésus, beauté suprême,
Donne-moi pour t’aimer ton divin Coeur lui-même ;
De mon désir brûlant,
Seigneur, à chaque instant,
Oh ! souviens-toi
Rappelle-toi que ta volonté sainte
Est mon repos, mon unique bonheur ;
Je m’abandonne et je m’endors sans crainte
Entre tes bras, ô mon divin Sauveur !
Si tu t’endors aussi lorsque l’orage gronde,
Je veux rester toujours en une paix profonde ;
Mais pendant ton sommeil,
Jésus ! pour le réveil Prépare-moi !
Rappelle-toi que souvent je soupire
Après le jour du grand avènement.
Qu’il vienne enfin l’Ange qui doit nous dire
« Le temps n’est plus, venez au jugement! »
Alors rapidement je franchirai l’espace,
Et j’irai me cacher en ta divine Face.
Qu’au séjour éternel
Tu dois être mon ciel,
Rappelle-toi !
BENOÎT XVI – LECTURE: PS 126, 1.3-5 (2005)
16 juillet, 2014BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 31 août 2005
TOUT LABEUR EST VAIN SANS LE SEIGNEUR
LECTURE: PS 126, 1.3-5
Chers frères et soeurs,
1. Le Psaume 126 qui vient d’être proclamé, présente à nos yeux un spectacle en mouvement: une maison en construction, la ville avec ses gardes, la vie des familles, les veillées nocturnes, le travail quotidien, les petits et les grands secrets de l’existence. Mais une présence décisive se dresse sur tout, celle du Seigneur qui plane sur les oeuvres de l’homme, comme le suggère le début incisif du Psaume: « Si Yahvé ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs » (v. 1).
Une société solide naît, certes, de l’engagement de tous ses membres, mais elle a besoin de la bénédiction et du soutien de ce Dieu qui, malheureusement, est souvent exclu ou ignoré. Le Livre des Proverbes souligne le primat de l’action divine pour le bien-être d’une communauté, et il le fait de façon radicale, en affirmant que « c’est la bénédiction de Yahvé qui enrichit, sans que l’effort y ajoute rien » (Pr 10, 22).
2. Ce Psaume sapientiel, fruit de la méditation sur la réalité de la vie de chaque jour, est construit substantiellement sur une opposition: sans le Seigneur, il est vain de chercher à construire une maison stable, à édifier une ville sûre, à faire fructifier son propre labeur (cf. Ps 126, 1-2). Avec le Seigneur, en revanche, on a la prospérité et la fécondité, une famille riche d’enfants et sereine, une ville bien équipée et défendue, libre des cauchemars et du manque de sécurité (cf. vv. 3-5).
Le texte s’ouvre en mentionnant le Seigneur, représenté comme le bâtisseur de la maison et la sentinelle qui veille sur la ville (cf. Ps 120, 1-8). L’homme sort le matin pour accomplir le travail qui fait vivre sa famille et au service du développement de la société. C’est un travail qui occupe ses énergies, provoquant la sueur de son front (cf. Gn 3, 19) au cours de toute la journée (cf. Ps 126, 2).
3. Alors, le Psalmiste, tout en reconnaissant l’importance du travail, n’hésite pas à affirmer que tout ce travail est inutile, si Dieu n’est pas aux côtés de celui qui peine. Et il affirme que, en revanche, Dieu récompense même le sommeil de ses amis. Le Psalmiste veut ainsi exalter le primat de la grâce divine, qui donne sa consistance et sa valeur à l’action humaine, bien qu’elle soit marquée par des limites et son caractère caduc. Dans l’abandon serein et fidèle de notre liberté au Seigneur, même nos oeuvres deviennent solides, capables de porter un fruit permanent. Notre « sommeil » devient ainsi un repos béni par Dieu, destiné à sceller une activité qui a un sens et une teneur.
4. On passe, à ce point, à l’autre scène tirée de notre Psaume. Le Seigneur offre le don des enfants, considérés comme une bénédiction et une grâce, signe de la vie qui continue et de l’histoire du salut tendue vers de nouvelles étapes (cf. v. 3). Le Psalmiste exalte en particulier « les fils de la jeunesse »: le père qui a eu des enfants dans sa jeunesse les verra non seulement dans toute leur vigueur, mais ils seront son soutien dans la vieillesse. Il pourra ainsi affronter l’avenir en sécurité, devenant semblable à un guerrier, armé de ces « flèches » pointues et victorieuses que sont les enfants. (cf. vv. 4-5).
L’image, issue de la culture de l’époque, a pour but de célébrer la sécurité, la stabilité, la force d’une famille nombreuse, comme on le répétera dans le Psaume 127 successif, dans lequel est décrit le portrait d’une famille heureuse.
La scène finale représente un père entouré de ses enfants, qui est accueilli avec respect à la porte de la ville, siège de la vie publique. Avoir des enfants est donc un don qui apporte vie et bien-être à la société. Nous en sommes conscients de nos jours, face aux pays que la baisse démographique prive de la fraîcheur, de l’énergie, de l’avenir incarné par les enfants. Sur tout cela se lève cependant la présence bénissante de Dieu, source de vie et d’espérance.
5. Le Psaume 126 a souvent été utilisé par les auteurs spirituels précisément pour exalter cette présence divine, décisive pour avancer sur la voie du bien et du royaume de Dieu. Ainsi, le moine Isaïe (mort à Gaza en 491) dans son Asceticon (Logos 4, 118), rappelant l’exemple des antiques patriarches et prophètes, enseigne: « Ils se sont placés sous la protection de Dieu en implorant son assistance, sans placer leur confiance dans quelque labeur qu’ils aient pu accomplir. Et la protection de Dieu a été pour eux une ville fortifiée, car ils savaient que sans l’aide de Dieu, ils étaient impuissants et leur humilité leur faisait dire avec le Psalmiste: « Si le Seigneur ne construit pas la maison, en vain peinent les bâtisseurs; si Yahvé ne garde la ville, en vain le gardien veille »" (Recueil ascétique, Abbaye de Bellefontaine, 1976, pp. 74-75).
Cela est aussi valable aujourd’hui: seule la communion avec le Seigneur peut préserver nos maisons et nos villes.
Madonna del Carmelo
15 juillet, 2014LA VIERGE MARIE DANS NOTRE VIE (LE CARMEL)
15 juillet, 2014http://www.ocd.pcn.net/mad_fr.htm
(Ce que je propose, se poursuit avec avec une deuxième partie: Orientations et Suggestions)
LA VIERGE MARIE DANS NOTRE VIE
Spiritualité mariale du Carmel
INTRODUCTION
L’une des notes caractéristiques de la spiritualité du Carmel est la présence de la Vierge Marie dans notre vie, la communion avec sa personne, l’imitation de ses vertus, le culte de spéciale vénération qui lui est rendu. Le Carmel, selon une expression médiévale, est « entièrement à Marie ».
Il ne s’agit donc pas d’une note secondaire du charisme, mais de l’une des expressions les plus intimes et les plus chères de notre tradition.
Le Chapitre 3 de la Première Partie des Constitutions se présente comme une nouveauté importante dans la législation des Carmélites Déchaussées. Pour la première fois, un thème de fondement spirituel aussi important que l’esprit marial de l’Ordre reçoit une place de choix et donne forme, par de brèves touches synthétiques, au sens global de la consécration religieuse et de la vie contemplative des Carmélites Déchaussées. IL ne fait aucun doute que la conscience de l’esprit marial de l’Ordre a toujours été vive dans le Carmel. Mais la richesse doctrinale du Concile Vatican II quant à la place de Marie dans le mystère du Christ et de l’Eglise, ainsi que les orientations de quelques documents post-conciliaires, spécialement l’Exhortation de Paul VI Marialis Cultus, aient offert aux textes législatifs la possibilité d’un traitement adéquat de l’un des points de base de notre spiritualité.
Ce Chapitre 3, bien que bref, nous propose une excellente synthèse d’histoire et de spiritualité mariales, traçant le modèle d’une consécration religieuse qui doit être, selon la plus pure tradition du Carmel, une imitation de Marie. Méditant la Parole de Dieu, il indique le point de convergence entre la spiritualité carmélitaine et l’imitation de Marie qui « méditait toutes ces choses dans son coeur » (cf Lc 2,19.51). Ce texte, selon une tradition ininterrompue d’amour et de vénération envers Notre-Dame, concentre cette consécration spéciale au service et au culte de la Vierge qui caractérise le Carmel, dans la célébration liturgique et la dévotion personnelle et communautaire.
Le début du n° 53 des Constitutions résume bien les motifs et les aspects de cette vie mariale:
« Appelées à faire partie de l’Ordre de la bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel, les carmélites déchaussées appartiennent à une famille consacrée particulièrement à l’amour et au culte de la sainte Mère de Dieu, entendre à la perfection évangélique en communion avec elle ».
Nous pouvons en tirer les phrases clés qui seront développées tout an long de ce commentaire.
« L’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel »: dans ce titre est explicitement affirmé le sens plein de notre identité comme Ordre lié à Marie. « Le Carmel est totalement marial » (Léon XIII), comme le reconnaît 1′Église.
La présence de la Vierge dans nos communautés accroît notre « esprit de famille » par la constante et commune référence à la Vierge, présence maternelle au milieu de ses enfants; le don de nous-mêmes à son amour et à son culte, en vertu d’une consécration toute spéciale, détermine l’intensité du culte marial, à l’intérieur de la plus pure tradition liturgique et spirituelle de l’Eglise, particulièrement bien remise en évidence par les orientations du dernier Concile.
La consécration religieuse et la vie chrétienne vécues dans le Carmel ont pour but, selon la spiritualité de l’Ordre, la perfection de la charité, de l’amour de Dieu et du prochain; la marche vers la sainteté qui caractérise notre vie a, en Marie, non seulement le modèle le plus élevé mais aussi la compagnie la plus efficace; notre vie carmélitaine possède en l’amour de la Vierge son exemple le plus signifiant; en outre, la doctrine et l’expérience de nos Saints montrent que Marie est la Mère gui accompagne notre cheminement dans la vie spirituelle pour que, avec son aide, nous parvenions « au sommet du Mont de la perfection qui est le Christ ».
L’empreinte mariale, si présente à notre histoire et à notre spiritualité, doit se manifester par une vie qui reflète à travers ses enfants la présence vivante de la Mère. Cette dernière imprime à nos communautés un caractère de profondeur spirituelle, de simplicité personnelle et communautaire, d’harmonie et de charité, du fait que nous désirons imiter les attitudes les plus caractéristiques de la vie de la Vierge, que Paul VI a résumées dans une belle page de Marialis Cultus n° 57.
Parmi les caractéristiques de la Carmélite Déchaussée, il est mentionné l’esprit d’oraison et de contemplation. En Marie, ces caractéristiques sont des attitudes permanentes: méditation de 1′Écriture, mémoire des merveilles de Dieu dans son histoire personnelle et dans celle de son peuple, communion attentive aux mystères de son Fils. Telle est bien aussi une constante du Carmel thérésien: s’identifier le plus parfaitement possible aux sentiments et à l’oeuvre du Christ et de son Esprit. En d’autres termes, la dimension ecclésiale de notre vocation contemplative trouve en Marie son degré le plus élevé, qu’il s’agisse de sa consécration totale à sa mission maternelle envers l’Église (sur terre et maintenant au ciel) ou du caractère caché et fécond du service de l’oraison et de la communion avec le Christ pour l’Église: fervente intercession pour le salut de tous les hommes et invocation constante de l’envoi de l’Esprit-Saint en une continuelle Pentecôte.
L’abnégation évangélique elle-même doit avoir un caractère marial: en sa qualité de première disciple du Seigneur, elle est le modèle de l’abnégation évangélique: Elle exercice en effet les attitudes du disciple si soulignées par la spiritualité mariale des Saints du Carmel: l’humilité, l’obéissance à la volonté du Père, la pauvreté, l’oubli de soi, le service désintéressé, la communion aux souffrances du Christ pour son Corps qui est l’Église. L’abnégation évangélique de Marie, Immaculée et Sainte, est centrée sur l’essentiel, intérieure; de même pour nous, sans nous détourner de l’essentiel, nous devons nous mortifier volontairement, choisir l’austérité, opter pour le refus de tout ce qui pourrait obscurcir le sens totalement marial d’une vie qui tend à la pureté du coeur.
Par ces quelques traits doctrinaux, énoncés par les Constitutions et présents dans la féconde tradition spirituelle de l’Ordre, c’est tout le sens de notre vocation carmélitaine qui est globalement présenté. Nous y retrouvons cette note mariale qui est demeurée inchangée dans l’histoire de notre famille religieuse et qui est même allée en s’enrichissant, spécialement à travers la vie des témoins les plus éminents de notre vocation.
I. – LA SPIRITUALITÉ MARIALE DE L’ORDRE
Le n° 54 des Constitutions présente, en son texte et en ses notes, une synthèse de la spiritualité mariale de l’Ordre, dans ses origines que dans l’expérience de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Un texte législatif, sobre et dense, ne pouvait tracer d’une autre manière les lignes maîtresses d’une histoire.
1. Aux origines de notre dévotion mariale
Trois mots résument les traits les plus sûrs qui ont marqué notre spiritualité mariale aux origines: le lieu du Mont-Carmel, le nom marial de l’Ordre, la mention explicite de la consécration de l’Ordre au service de la Vierge.
a. Le lieu : une chapelle en l’honneur de la Vierge Marie sur le Mont Carmel
Un pèlerin anonyme des débuts du XIII siècle nous donne dans un document sur les pèlerinages en Terre Sainte le premier témoignage historique marial concernant l’Ordre en parlant d’ »une belle petite église de Notre-Dame » (que les ermites latins, appelés « frères du Carmel »), avaient dans le Wadi ‘ain es-Siah; une autre rédaction du même manuscrit parle d’une « église de Notre-Dame ».
Par la suite, le titre de la Vierge sera donné à tout le monastère lorsque la chapelle sera agrandie notablement, comme il apparaît dans divers documents anciens (cf Bullarium Carmelitanum, I, pp. 4 et 28). Ce fait primordial de la chapelle du Mont Carmel dédiée à la Mère de Dieu est significatif, car c’est de là que la plus ancienne dévotion des Carmes envers la Vierge tire son origine. Une petite chapelle érigée en son honneur, et probablement ornée de son image, indique que les ermites du Mont Carmel voulaient vivre entièrement à la suite du Christ sous le regard d’amour de la Vierge Mère; c’est elle qui préside à la naissance d’une nouvelle expérience ecclésiale. De là le fait qu’on la reconnaît comme Patronne, selon les paroles du Général Pierre de Millaud au roi d’Angleterre Edouard I à propos de la Vierge Marie (« à la louange et à la gloire de laquelle l’Ordre lui-même a été fondé spécialement »: cf ibidem, 606-607). Affirmation que la tradition postérieure confirmera constamment.
b. Le nom : « Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel »
. Tel est le titre de l’Ordre tel qu’il apparaît dans quelques documents pontificaux, comme la Bulle d’Innocent IV Ex parte dilectorum » I-1252 : « De la part des fils aimés, les ermites frères de l’Ordre de Sainte Marie du Mont Carmel »… (Analecta Ordinis Carmelitarum 2 (1911-1912) p.128). Dans un document postérieur (20-2-1233), Urbain IV, dans la Bulle Quoniam, ut ait, fait référence au « Prieur Provincial de l’Ordre de la Bienheureuse Marie du Mont Carmel en Terre Sainte » et ajoute que « sur le Mont Carmel se trouve le lieu de l’origine de cet Ordre où va s’édifier un nouveau monastère en l’honneur de Dieu et de la glorieuse Vierge sa Patronne » (Bullarium Carmelitanum I, p.88).
Ce nom, qui est signe de familiarité et d’intimité avec la Vierge, a été reconnu par l’Église et sera par la suite source de spiritualité pour les auteurs carmélitains postérieurs, qui parleront de « patronage de la Vierge » et de sa qualité de « Soeur » des Carmes.
c. La consécration à la Vierge
Le Carmel professe sa totale consécration à la Vierge Marie dans son engagement total au service de Jésus-Christ comme Seigneur de la Terre Sainte, selon le sens de « suite » et de service que présente la Règle dans son contexte historique et géographique. C’est ce que manifeste un texte législatif ancien du Chapitre de Montpellier tenu en 1287: « Nous implorons l’intercession de la glorieuse Vierge Marie, Mère de Dieu, à la suite et en l’honneur de laquelle a été fondée notre religion du Mont-Carmel » (cf Acta del Capitolo Generale de Montpellier, Acta cap.gen., Ed. Wessels-Zimmermann, Roma, 1912, p. 7). Cette consécration spéciale, qui est liée au souvenir de la « suite du Christ », aura une conséquence logique dans la formule de la profession qui inclura la mention explicite de la Vierge Marie.
2. Une tradition spirituelle vivante
Parmi les données historiques évoquées et qui appartiennent aux origines de l’expérience mariale du Carmel, les Constitutions signalent les éléments les plus significatifs de la spiritualité mariale de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Cependant nous pouvons condenser en quelques orientations la richesse doctrinale de l’esprit marial de l’Ordre, tel qu’il a été vécu depuis les origines et tel qu’il a été enrichi par la dévotion et les écrits spirituels de quelques carmes insignes.
a. Les titres d’amour et de vénération
On peut affirmer que la tradition carmélitaine ancienne a exprimé les liens d’amour avec la Vierge à travers une série de titres relatifs au mystère de Marie, mais perçus avec une saveur spéciale à partir de l’expérience du Carmel. Ainsi, aux origines, prédomine la dénomination de « Patronne de l’Ordre », mais l’expression plus douce de « Mère » va son chemin, comme il ressort de formules anciennes des Chapitres et des Constitutions: « En l’honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la glorieuse Vierge, Mère de notre Ordre du Carmel »; « Pour la louange de Dieu et de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère » (Constitutions de 1369).
Dans l’ancienne Flos Carmeli, il est parlé de « douce Mère » (« Mater mitis ») et Jean de Chimineto parle de Marie comme « source de miséricordes et Notre Mère ». Ces deux appellations sont en relation avec le mystère de la Vierge Mère dans l’extension de sa maternité à tous les hommes. A ces titres, il faut ajouter celui de « Soeur », assumé par les Carmes du XIV siècle dans la littérature dévotionnelle qui raconte les origines de l’Ordre avec les ermites du Mont Carmel.
D’un autre point de vue doctrinal, dans la contemplation du mystère de la Vierge, les Carmes ont mis en relief sa Virginité, admirant en elle le modèle du choix d’une vie virginale dans le Carmel et sa relation avec la contemplation. Pour les mêmes raisons, les Carmes ont toujours pris part parmi les défenseurs de l’Immaculée Conception de la Vierge, au cours des controverses du Moyen Age, soit au niveau de la théologie, ou soit par l’introduction de cette fête dans le calendrier de l’Ordre qui la célèbre avec une particulière dévotion. De là l’insistance des auteurs carmes sur la contemplation filiale de la Vierge très pure et l’engagement à l’imiter dans cette attitude spirituelle, représentée symboliquement par la cape blanche, vêtement traditionnel.
b. Privilèges marials de l’Ordre
L’histoire et la spiritualité mariale de l’Ordre, surtout durant les XIV-XVI siècles, vont en s’enrichissant de motifs dévotionnels qui développent la tradition historique primitive. La Vierge Marie est l’authentique Protectrice de l’Ordre dans les moments difficiles de son évolution et de son expansion en Occident. Le Catalogue des Saints Carmes a recueilli la vision que le Général de l’Ordre, Simon Stock, a eue vers l’an 1251 lorsque la Vierge lui apparut et lui remit l’habit de l’Ordre assurant le salut éternel pour tous ceux qui le porteraient avec dévotion. Il est attribué au Pape Jean XXII un document communément appelé Bulle Sabbatine (3 mars 1322) et dans lequel est relatée la vision de la Vierge qui lui promettait sa protection personnelle en échange de l’aide qu’il donnerait aux Carmes; la Bulle fait allusion au privilège d’une libération des peines du Purgatoire pour tous ceux qui auront porté dignement le Saint Scapulaire: moyennant l’intercession de la Vierge, ils seront délivrés le samedi suivant leur mort.
Ces deux faits ont polarisé l’attention populaire sur la dévotion mariale proposée par les Carmes et ont monopolisé, en un certain sens, la vision spirituelle que l’Ordre a eue du mystère de Marie.
Depuis le XIV siècle, l’Ordre a voulu célébrer, par une fête spéciale, la commémoration solennelle de la Vierge Marie du Mont-Carmel, les grâces reçues de la Vierge; cette fête avait pour but de rappeler la protection de Marie et de manifester l’action de grâces de l’Ordre. Dans le choix de la date a influé, comme on sait, l’approbation partielle de l’Ordre obtenue au Concile de Lyon II, le 17 juillet 1274, alors que l’Ordre était en danger de disparaître. Ultérieurement, la date du 16 juillet a été considérée comme la date de l’apparition de la Vierge à saint Simon Stock et le souvenir de la protection de la Vierge s’est concentré dans la gratitude particulière pour ce qui constitue la somme et le résumé de l’amour de la Vierge pour les Carmes : le Saint Scapulaire.
c. Spiritualité mariale de l’Ordre : Marie modèle et Mère
Une note caractéristique de l’attitude des Carmes envers la Vierge Marie est le désir d’imiter ses vertus à l’intérieur de leur vocation religieuse. Déjà le théologien carme bien connu Jean Baconthorp (1294-1348) avait essayé de faire un parallèle entre la vie du carme et la vie de la Vierge Marie, dans son commentaire de la Règle; il s’agissait d’un principe exégétique de grande importance, car il centre la dévotion sur l’imitation. Un autre grand mariologue, Arnold Botius (1445-1499), a magnifié dans son oeuvre, à propos du Patronage marial de l’Ordre, le sens d’intimité avec la Vierge, la filiation spéciale du carme, la communion des biens avec la Mère, le sens de la « fraternité » avec elle. Le bienheureux Baptiste Mantouan (1447-1516), dans sa production poétique, est un chantre insigne de la Vierge. Fidèles interprètes de la tradition carmélitaine, le P. Michel de Saint-Augustin (1621-1684) et sa dirigée Marie de Sainte-Thérèse (1623-1677), ont porté à sa perfection le sens de l’intimité avec la Vierge et de la conformité intérieure à son mystère.
Bien que ce ne soit pas ici le lieu pour développer la doctrine de tous ces auteurs, nous avons voulu rendre témoignage à la riche tradition doctrinale et spirituelle que l’on trouvera dans les représentants du Carmel thérésien.
d. Liturgie et dévotion populaire
Les Carmes ont particulièrement exprimé leur consécration à la Vierge au moyen de la liturgie. Ils ont édifié des églises à sa mémoire et vénéré son image. Les anciens rituels de l’Ordre, à partir du XIII siècle, montrent la ferveur liturgique du Carmel dans la célébration des fêtes mariales de l’Eglise et dans l’adoption de nouvelles célébrations qui en d’autres lieux et dans d’autres Ordres ne sont pas accueillies avec tant de ferveur (par exemple: la fête de l’Immaculée Conception). La fête de la commémoration solennelle de la Vierge du Mont-Carmel devient sa fête principale. L’ancien rite hiérosolomitain réserve à Marie de multiples invocations dans les Heures Canoniques: antiennes mariales à la fin de chaque heure et solennisation spéciale du « Salve Regina » à Complies.
En l’honneur de Marie, on célèbre des messes votives et son nom est introduit fréquemment dans les textes liturgiques de la vêture et de la Profession. On peut dire que la liturgie carmélitaine a laissé de profondes traces d’esprit marial dans la tradition spirituelle et a modelé intérieurement la consécration que l’Ordre a professée à la Vierge. À côté de la liturgie, des pratiques caractéristiques de dévotion populaire fleurissent, tels l’ »Angelus », le chapelet et d’autres propres à l’Ordre, unies à la dévotion au Scapulaire.
3. La spiritualité mariale dans le Carmel thérésien
La deuxième partie du n°54 des Constitutions présente la continuité logique de l’expérience mariale du Carmel chez sainte Thérèse et saint Jean de la Croix : « Sainte Thérèse de Jésus et saint Jean de la Croix ont confirmé et rénové la piété mariale du Carmel… ». Suit une brève et substantielle synthèse de la pensée mariale des deux saints. Dans l’espace du bref commentaire qu’offrent ces pages, il vaut la peine d’élargir un peu plus la vision que les Constitutions présentent de ce point de vue, pour voir jusqu’à quel point le thème marial a été enrichi par les Saints de l’Ordre et comment il reste actuellement représenté dans notre spiritualité à partir de l’expérience et de la doctrine de Thérèse de Jésus, de Jean de la Croix et des autres témoins du Carmel thérésien.
MONT CARMEL: SANCTUAIRE STELLA MARIS
15 juillet, 2014http://www.fr.josemariaescriva.info/article/article-mont-carmel-sanctuaire-stella-maris
MONT CARMEL: SANCTUAIRE STELLA MARIS
TRACES DE NOTRE FOI
Jésus parcourut de nombreuses villes et villages de Palestine durant les trois années de sa vie publique pour annoncer le Royaume de Dieu.
Son ministère itinérant eut surtout lieu autour de la mer de Génésareth, à Jérusalem et lorsqu’il séjourna entres ces deux endroits, du nord au sud et du sud au nord, sur la route longée par le Jourdain ou à travers la Samarie.
« L’histoire du Carmel est intimement liée au prophète Élie qui vécut au IXème siècle avant le Christ. »
Les évangélistes nous disent aussi qu’à un moment donné, il se retira aux confins de la Galilée, dans la région de Tyr et de Sidon, l’ancienne Phénicie, devenue le Liban de nos jours (Cf. Mt 15, 21 y Mc 7, 24); nous n’avons cependant aucun indice d’un voyage sur la côte méditerranéenne où les habitants étaient des gentils pour la plupart. C’est là que se trouve le Mont Carmel, spécialement rattaché au souvenir d’Élie et d’Élisée, deux grands prophètes de l’Ancien Testament et c’est là que plus tard, à l’époque chrétienne, est né l’Ordre des Carmes.
L’histoire du Carmel est intimement liée au prophète Élie qui vécut au IXème siècle avant le Christ. Le Carmel est une chaîne de montagnes de formation calcaire, qui se détache des montagnes de Samarie pour s’avancer vers la Méditerranée et surplomber, comme une proue, la ville de Haïfa. Il a vingt cinq kilomètres de long et dix ou quinze de large, il culmine à 525 m. Son nom vient de kerem qui veut dire jardin/verger divin, vignoble de Dieu.
Et c’est bien vrai : cette chaîne est pleine de sources d’eau jaillissantes dotant ses collines et ses gorges d’une flore riche et variée, typiquement méditerranéenne : des lauriers, des myrtes, des chênes, des tamariniers, des cèdres, des pins, des caroubiers, des lentisques.
Cette fertilité proverbiale dont parlent plusieurs livres de l’Ancien Testament est le symbole de la prospérité d’Israël, mais aussi de son malheur en cas de désolation : « Yahweh rugira de Sion; de Jérusalem il fera entendre sa voix ; les pâturages des bergers seront en deuil, et le sommet du Carmel sera desséché » (Am 1, 2. Cf. Is 33, 9 et 35, 2; Jr 50, 19; et Na 1, 4). Il y a aussi plus de mille cavernes, à l’ouest surtout, dont l’accès est très réduit mais qui sont très spacieuses à l’intérieur.
D’après des traditions que rapportent les Saints Pères et les auteurs anciens, plusieurs de ces endroits étaient marqués par l’empreinte de sa présence dont une caverne sur le flanc nord, sur le cap de Haïfa où Élie puis Élisée s’étaient installés. Près de là, se trouve la caverne où ils convoquaient leurs disciples et que les chrétiens ont appelé l’École des Prophètes, El Hader, en langue arabe. Dans cette zone-là, vers l’ouest, il y a une source dite source d’Élie qu’il aurait lui-même fait jaillir du rocher. Au sud-est du massif on trouve le sommet d’El Muhraqa et le torrent du Qison, où il affronta les quatre cents prophètes de Baal : grâce à sa prière, Dieu fit descendre du feu du ciel et le peuple se détourna de l’idolâtrie comme le rapporte le premier livre des Rois (Cf. 1 R 18, 19-40).
Sur ces lieux vénérés depuis le début du christianisme, où l’on avait bâti des églises et des monastères en souvenir d’Élie, est né l’Ordre des Carmes. Vers la moitié du XII siècle, un croisé français, saint Berthold de Malifaye, rassembla quelques ermites dispersés sur El Hader, dans la zone du Mont Carmel près de Haïfa.
Ils construisirent un sanctuaire. Vers l’an 1200, ils en bâtirent un second sur le versant occidental, à Wadi es-Siah. Saint Brocard, successeur de Berthold, au tout début du XIIIème s demanda au patriarche de Jérusalem son approbation officielle et une règle pour organiser sa vie religieuse dans la solitude, l’ascèse et la prière contemplative : c’est la Règle du Carmel, appelée aussi Règle de notre Sauveur, qui est toujours en vigueur actuellement.
Des circonstances diverses firent que le pape ne l’approuve qu’en 1226, date à partir de laquelle, à cause de l’incertitude qui planait sur les chrétiens en orient, quelques carmélites rentrèrent chez eux, en Europe, où ils constituèrent de nouveaux monastères. Cet exode fut providentiel pour la survie et l’expansion de l’Ordre puisqu’en 1291 les armées d’Égypte conquirent Acre et Haïfa, brûlèrent les sanctuaires du mont Carmel et assassinèrent leurs moines.
L’histoire de l’Ordre du Carmel serait longue à raconter ici. Concernant la Terre Sainte, il suffit de dire qu’après une parenthèse au XVII siècle, cet ordre ne put s’établir de nouveau au mont Carmel qu’au début du XIX. Entre 1827 et 1836, le monastère actuel de Stella Maris fut construit à la pointe nord, sur une grotte qui rappelle la présence d’Élie. De même que le petit nuage que perçut le serviteur d’Élie apporta la pluie qui féconda la terre d’Israël, après l’épisode des faux prophètes (Cf. 1 Re 18, 44), de même le Christ naquit de la Vierge Marie par laquelle la grâce de Dieu se déverse sur toute la terre. Les bâtiments sont construits sur trois hauteurs et dans un complexe architectural rectangulaire de soixante mètres de long par trente six mètres de large.
Au nord, la vue de la baie d’Haïfa est magnifique et, par temps dégagé, on arrive à voir Acre en suivant la ligne du littoral. On pénètre dans l’église par la façade ouest : l’espace central est octogonal, recouvert d’un dôme avec des fresques d’Élie et d’autres prophètes, de la Sainte Famille, des Évangélistes et de quelques saints carmélites. Ces peintures furent réalisées en 1928.
Le revêtement de marbre de ce temple, de cette époque-là, fut terminé en 1931. Le regard est attiré vers le chœur : sur l’autel, dans une grande niche, il y a une statue de la Vierge du Carmel placée au-dessus de la grotte où, d’après la tradition, vécut Élie. Il s’agit d’une enceinte d’à peu près trois mètres sur cinq, séparée de la nef par deux colonnes en porphyre et des marches. Au fond, il y a un autel et une représentation du prophète.
Avec le sanctuaire Stella Maris, l’Ordre du Carmel a un autre temple à la pointe sud du mont Carmel, à l’El-Muhraga, dit aussi temple du Sacrifice d’ Élie : il évoque l’épisode des prophètes de Baal dont nous avons déjà parlé. L’ordre avait aussi un monastère fondé à Wadi es-Siah —actuellement Nahal Siakh— qui est en ruines.
Au fil des siècles, l’ordre du Carmel a offert à la chrétienté d’innombrables trésors spirituels. On pense en effet aux vies exemplaires et aux enseignements de sainte Thérèse d’Avila, de saint Jean de la Croix ou de sainte Thérèse de Lisieux, trois docteurs de l’Église. Parmi ces richesses se trouve le scapulaire dont saint Josémaria diffusa la coutume qu’il pratiqua lui-même : « Porte sur ta poitrine le scapulaire du Carmel. Peu de dévotions, —et il y a de nombreuses et très bonnes dévotions mariales—, sont si enracinées parmi les fidèles et ont reçu autant de bénédictions des Pontifes. Et puis ce privilège sabbatin est si maternel !» (Chemin, n. 500).
Lorsque l’on porte avec dévotion ce scapulaire on peut être assuré des secours pour persévérer dans le bien jusqu’au moment de la mort et de la grâce d’être délivrés des peines du purgatoire. L’ordre du Carmel faisait ses premiers pas en Europe et en 1251, dans des circonstances particulièrement pénibles de contradiction, cette dévotion lui apporta la consolation. C’est dans une ancienne rédaction du catalogue des saints carmélites que l’on trouve le récit de cette histoire. Un certain Simon, que l’on identifia par la suite à saint Simon Stock, prieur général anglais, avait instamment recours à Notre Dame :
Flos Carmeli /; vitis florigera / vid florida; splendor coeli /; Virgo puerpera /; singularis /; Mater mitis /; sed viri nescia /; Carmelitis /; da privilegia /; Stella Maris /.
« Ô Fleur du Carmel, Vigne fleurie, Splendeur du Ciel, Vierge féconde, Unique, Ô Douce Mère, mais qui ne connut pas d’homme, aux Carmes accorde tes faveurs, Étoile de la mer ».
À l’extrême nord du Mont Carmel, se dresse l’actuel monastère et le sanctuaire Stella Maris.
Sa prière fut exaucée et la Sainte Vierge lui apparut tenant à la main un Scapulaire. Elle le lui remit et lui dit : `Voici un signe pour toi et un privilège pour tous les Carmes : celui qui mourra dans cet habit sera préservé des flammes éternelles ». Le scapulaire faisait partie de l’habit de l’époque. À l’origine c’était un vêtement de travail que portaient les serfs et les artisans, destiné à protéger les vêtements ordinaires, normalement serré à la taille par une ceinture. Il se composait de deux pans d’étoffe, devant et derrière, tombant jusqu’aux pieds
Privilège sabbatin
« Le scapulaire devient le signe de l’alliance et de la communion réciproque entre Marie et les fidèles »
La seconde prérogative, dite privilège sabbatin, découle d’une tradition médiévale. Le saint-siège promulgua un décret en 1613 affirmant que le peuple chrétien est en droit de croire que la Sainte Vierge vient au secours des âmes des frères et des confrères de l’Ordre du Carmel décédés en grâce de Dieu qui ont porté le scapulaire, observé la chasteté selon leur état, dit le Petit Office, et, s’ils ne savent pas lire, ont observé les jeûnes et abstinences prescrits par l’Église. Notre Dame les protègera spécialement le samedi, jour consacré par l’Église à la Mère de Dieu.
Ce privilège sabbatin découle d’une vérité de la doctrine chrétienne : la sollicitude maternelle de Sainte Marie envers ses enfants qui expient leurs fautes au purgatoire pour qu’ils atteignent la gloire du Ciel le plus vite possible grâce à son intercession.
L’ordre des Carmes se développa surtout aux XVIème et XVIIème siècles ainsi que ses confrèreries. Elles attiraient beaucoup de fidèles qui tout en ne faisant pas partie des religieux, partageaient la dévotion à Notre Dame diffusée par la spiritualité des carmélites. Ils revêtaient ainsi le scapulaire dont la forme se simplifia petit à petit pour devenir deux morceaux de laine brune de forme rectangulaire ou carrée, non tricotés mais tissés, reliés entre eux par deux fils de manière à pouvoir être portés, un morceau sur la poitrine et l’autre sur le dos.
Le saint-siège, qui a tenu à plusieurs reprises à cultiver cette coutume, lui a rattaché la faculté de gagner des indulgences et a fixé quelques question pratiques : la cérémonie d’imposition est faite d’une fois pour toutes, tout prêtre peut la réaliser. On bénit un nouveau scapulaire qui remplace l’ancien trop usé. On peut remplacer le scapulaire en tissu par une médaille frappée aux images du Sacré-Cœur de Jésus et de la Sainte Vierge.
Lorsque le bienheureux Jean-Paul II, qui le portait depuis sa jeunesse, célébra le 750ème anniversaire de la remise du scapulaire lors de l’apparition de Marie à saint Simon, il évoqua ainsi sa valeur religieuse : « Il y a deux vérités évoquées par le signe du scapulaire : d’un côté la protection continuelle de la Très Sainte Vierge, non seulement sur le chemin de la vie, mais aussi dans le passage à la plénitude de la gloire éternelle et de l’autre, la conscience que la dévotion envers elle ne saurait se limiter à des prières et des hommages en son honneur en des circonstances particulières parce qu’elle doit être une « habitude », c’est-à-dire un style de vie chrétienne, tissée de prière et de vie intérieure, moyennant la pratique fréquente des sacrements et la pratique concrète des œuvres de miséricorde spirituelles et corporelles. Ainsi le scapulaire devient le « signe de l’alliance » et de la « communion réciproque » entre Marie et les fidèles, en somme, une façon concrète de traduire les paroles de Jésus en Croix à Jean, en lui confiant sa Mère, et « notre Mère spirituelle » (Bienheureux Jean-Paul II, message à l’Ordre du Carmel lors de la consécration de l’année 2001 à Marie, 25 mars 2001).
C’est le contenu de la prière que dit le célébrant dans la bénédiction du scapulaire :
« Père saint, qui aimes à nous faire grandir dans ta charité par ton Esprit qui a fécondé le sein de la Vierge Marie, tu as voulu revêtir ton Fils unique, Jésus-Christ, d’un corps semblable au nôtre ; accorde à ton fils (à ta fille) qui va endosser avec dévotion le scapulaire de la famille de la bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel la grâce de revêtir le Seigneur Jésus-Christ dans toutes les circonstances de la vie présente et d’avoir part ainsi à la gloire éternelle » (De benedictionibus, n. 1218).
« Le début du chemin qui conduit à la folie de l’amour de Dieu est un amour confiant envers la Très Sainte Vierge »
Lorsqu’il parlait de notre amitié avec Dieu, saint Josémaria nous encourageait souvent à nous faire tout-petits, à reconnaître que nous avons toujours besoin de l’aide de la grâce. Il nous apprit aussi à parcourir ce chemin la main dans la main de Notre Dame : « Le début du chemin qui conduit à la folie de l’amour de Dieu est un amour confiant envers la Très Sainte Vierge ». « C’est parce que Marie est Mère que sa dévotion nous apprend à être fils : à aimer vraiment, sans mesure ; à être simples, sans ces complications issues de l’égoïsme de ne penser qu’à soi ; à être joyeux, conscients que rien ne saurait démolir notre espérance. Le début du chemin qui conduit à la folie de l’amour de Dieu est un amour confiant envers la Très Sainte Vierge, ai-je écrit il y a déjà très longtemps, dans le prologue à des commentaires sur le saint rosaire et depuis, j’ai très souvent constaté la vérité de ces paroles. Je ne vais pas me livrer ici à développer cette idée : je vous invite plutôt à en faire l’expérience, à le découvrir par vous-mêmes en entourant Marie de votre amour, en lui ouvrant votre cœur, en lui confiant vos joie et vos peines, en lui demandant de vous aider à connaître et à suivre Jésus » (Quand le Christ passe, n. 143).