Archive pour le 27 juin, 2014
ENZO BIANCHI POUR LA FÊTE DE PIERRE ET PAUL
27 juin, 2014http://rouen.catholique.fr/spip.php?article1818
ENZO BIANCHI POUR LA FÊTE DE PIERRE ET PAUL
La solennité des saints Pierre et Paul réunit, dans une unique célébration, Pierre, le premier disciple à avoir été appelé selon les récits synoptiques, le premier des douze apôtres, et Paul, qui n’a pas été disciple de Jésus, ni ne fit partie du groupe des Douze, mais que l’Église appelle « l’Apôtre » : l’envoyé par excellence, bien que ce titre, que lui-même se donne, ne lui soit jamais reconnu dans les Actes des apôtres. Cette fête, déjà attestée dans le plus ancien calendrier liturgique qui nous soit parvenu, la Depositio marthyrum, du IIIe siècle, met en commun deux apôtres de Jésus morts à Rome en des temps différents, mais l’un et l’autre martyrs, victimes des persécutions contre les chrétiens : deux vies offertes en libation à cause de Jésus et de l’Évangile.
Les deux apôtres sont ainsi réunis dans la célébration liturgique, après que leurs vies terrestres les ont vus plutôt s’opposer l’un à l’autre : leur communion, parce que vécue dans la parresia, la franchise évangélique, n’a pas toujours été facile, et a même souvent été laborieuse. Le bas-relief en calcaire conservé à Aquilée, tout comme l’iconographie traditionnelle qui représente leur accolade, cherche à exprimer précisément cette communion au prix fort, qui a garanti à chacun des deux de mener à terme son œuvre comme fondement de l’Église de Rome, le lieu où leur course prit fin, le lieu qui les vit l’un et l’autre martyrs à l’époque de Néron, mis à mort pour le même motif.
Pierre est parmi les premiers hommes que Jésus a appelés : un pêcheur de Bethsaïda, sur le lac de Tibériade, un homme qui n’a certainement pas accordé beaucoup de temps à la formation intellectuelle et qui vivait sa foi surtout dans le culte synagogal du sabbat puis, après avoir été appelé par Jésus, à travers l’enseignement de ce maître qui parlait comme personne d’autre avant lui. Homme généreux et impulsif, Pierre suivit Jésus en répondant avec élan à la vocation, mais il restait toutefois inconstant, victime facile de la peur, capable même de lâcheté, au point de méconnaître celui qu’il suivait comme disciple.
Toujours proche de Jésus, il apparaît comme le représentant des autres disciples, parmi lesquels il occupait une position prééminente : on ne pourrait pas parler de la vie de Jésus sans mentionner Pierre, qui osa, le premier, confesser avec audace que Jésus est le Messie (voir Mt 16,16). Quand les disciples, tout comme une grande partie de la foule, se demandaient si Jésus était un prophète ou s’il était même « le » prophète des temps derniers, s’il était le Messie, l’Oint du Seigneur, ce fut Pierre, sollicité par Jésus, qui confessa la foi : les quatre évangiles rapportent chacun différemment les mots utilisés, mais ils attestent tous la priorité de Pierre à reconnaître la vraie identité de Jésus. Toutefois Pierre fit cette confession non pas comme « porte-parole » des Douze, mais animé par une force intérieure, par une révélation qui ne pouvait lui venir que de Dieu. Croire que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, n’était pas possible en ne faisant qu’analyser et interpréter l’accomplissement éventuel des Écritures : c’est Dieu lui-même, le Père qui est dans les cieux, qui révéla à Pierre l’identité de Jésus (voir Mt 16,17). Ainsi Jésus a-t-il reconnu dans son disciple Simon une « roche », Céphas, une pierre, sur la foi duquel la communauté, l’Église pouvait trouver son fondement.
Pierre, que Jésus appelle le « bienheureux », qu’il déclare roche solide capable de confirmer la foi de ses frères, ne sera pas exempt d’erreurs, de chutes, d’infidélités à son Seigneur. Immédiatement après la confession de foi que l’on vient de rappeler, il manifestera sa manière trop mondaine de comprendre le chemin de passion de Jésus, à tel point que ce dernier l’appellera « Satan » (Mt 16,23). Puis, à la fin de la vie terrestre de Jésus, Pierre déclarera bien trois fois qu’il ne l’a jamais rencontré : la peur et la volonté de se sauver soi-même le conduiront à déclarer avec force « ne pas connaître » (Mt 26,70.72.74) ce Jésus dont il avait reçu la connaissance par Dieu même ! Jésus, qui l’avait assuré de sa prière pour que sa foi ne défaille pas, après la Résurrection, le reconfirmera à sa place, en lui demandant toutefois, lui aussi par trois fois, de lui attester son amour : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21,15.16.17.) Touché au vif par cette question, Pierre deviendra l’apôtre de Jésus, le pasteur de ses premières brebis à Jérusalem, puis parmi les communautés judaïques en Palestine, à Antioche ensuite et enfin à Rome, où il déposera la vie à son tour, à l’exemple de son Maître et Seigneur. Et à Rome, Pierre retrouvera aussi Paul : nous ne savons pas si cela se fit dans le quotidien du témoignage chrétien, mais dans tous les cas à travers le signe éloquent du martyre.
Paul, « l’autre », l’apôtre différent, a été placé à côté de Pierre dans son altérité, comme pour garantir dès les premiers pas que l’Église chrétienne est toujours plurielle et qu’elle se nourrit de diversité. Juif de la diaspora, originaire de Tarse, la capitale de la Cilicie, monté à Jérusalem pour devenir scribe et rabbi dans le sillage de Gamaliel, l’un des maîtres les plus fameux de la tradition rabbinique, Paul était un pharisien, expert zélé de la loi de Moïse, qui n’a connu ni Jésus ni ses premiers disciples, mais qui se distingua par son opposition et sa persécution envers le mouvement chrétien naissant. Paul se définit comme un « avorton » (1 Co 15, 8) par rapport aux autres apôtres qui avaient vu le Seigneur Jésus ressuscité, mais il demandait à être reconnu comme envoyé, serviteur, apôtre de Jésus Christ au même titre qu’eux, parce qu’il avait mis sa vie au service de l’Évangile, il s’était fait l’imitateur du Christ jusque dans ses souffrances, il s’était dépensé en voyages apostoliques dans toute la Méditerranée orientale, il était habité par une sollicitude pour toutes les Églises de Dieu. Sa passion, son intelligence, son engagement à annoncer le Seigneur Jésus transparaissent dans toutes ses lettres et les Actes des apôtres en donnent également un témoignage sincère. C’est lui « l’apôtre des gentils », comme il se définit lui-même, alors que Pierre est « l’apôtre des circoncis » (Ga 2,8).
Pierre et Paul, l’un et l’autre disciples et apôtres du Christ, et pourtant si différents : Pierre, un pauvre pêcheur, Paul, un intellectuel rigoureux ; Pierre, un Juif palestinien venu d’un obscur village, Paul, un Juif de la diaspora et citoyen romain ; Pierre, lent à comprendre et à œuvrer en conséquence, Paul, consumé par l’urgence eschatologique… Voilà deux apôtres qui ont eu des styles différents, qui ont servi le Seigneur selon des modalités très diverses, qui ont vécu l’Église de manière parfois dialectique pour ne pas dire opposée, mais l’un et l’autre ont cherché à suivre le Seigneur et sa volonté, et ensemble, grâce à leur diversité précisément, ils ont su donner un visage à la mission chrétienne et un fondement à l’Église de Rome, qui préside dans la charité. Il est juste alors de célébrer leur mémoire ensemble, car c’est la mémoire de l’unité dans la diversité, de deux vies offertes par amour pour le même Seigneur, d’une charité vécue dans l’attente du retour du Christ.
Source : Enzo Bianchi : « Donner sens au temps, Les grandes fêtes chrétiennes », p. 127-132 Éditions Bayard, 2004.
HOMÉLIE SAINTS PIERRE ET PAUL
27 juin, 2014http://www.homelies.fr/homelie,,3878.html
SAINTS PIERRE ET PAUL
DIMANCHE 29 JUIN 2014
FAMILLE DE SAINT JOSEPH JUIN 2014
HOMÉLIE – MESSE
Selon l’antique tradition, nous célébrons ensemble les deux Apôtres Pierre et Paul, les deux colonnes de l’Eglise, en faisant mémoire le même jour de leur martyre. Ensemble, ils ont scellé avec leur propre sang le témoignage qu’ils ont rendu au Christ par la prédication et le ministère ecclésial.
« Jette ton manteau sur tes épaules et suis-moi » (Ac 12, 8). C’est ainsi que l’ange s’adresse à Pierre, qui est détenu dans la prison de Jérusalem. Et Pierre, selon le récit du texte sacré, « sortit, et il le suivait » (Ac 12, 9). La première lecture nous relate ainsi l’évasion miraculeuse de Pierre de la prison de Jérusalem. Par l’intervention extraordinaire de son ange, Dieu vient en aide à son apôtre pour qu’il puisse poursuivre sa mission. Une mission difficile, qui comporte un itinéraire complexe et exigeant. Une mission qui atteindra sa plus haute expression par le martyre à Rome.
Dans la deuxième lecture, Paul réassumant quasiment tout son itinéraire apostolique et missionnaire, lui le persécuteur devenu l’apôtre des nations, affirme : « J’ai échappé à la gueule du lion ; le Seigneur me fera encore échapper à tout ce que l’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume » (2 Tm 4, 17).
Pierre et Paul, tous les deux, furent envoyés par le Christ annoncer l’Evangile dans un contexte hostile à l’œuvre du salut. Et chacun de leur parcours témoigne que le Seigneur n’abandonne jamais dans sa mission celui qu’il a choisi et envoyé.
A Jérusalem, Pierre expérimenta cette résistance en étant emprisonné par le roi Hérode avec l’intention de « le faire comparaître devant le peuple » juif dont il voulait s’attirer les faveurs. Mais, le Seigneur veillait sur celui qu’il avait choisi pour porter sa Bonne Nouvelle et il le libéra miraculeusement.
Le Converti de la route de Damas, lui aussi, envoyé par le Ressuscité, devait rencontrer l’adversité dans l’annonce de l’Evangile du salut. Ses lettres ne sont-elles pas un témoignage des luttes et combats qu’il dut mener dans les différentes cités de l’Empire romain où l’Esprit Saint le conduisit ? Cependant, comme il le rapporte lui-même dans la deuxième lecture de ce jour, le Seigneur l’a toujours assisté, lui donnant d’échapper mainte fois à la gueule de lion, le remplissant de force pour pouvoir annoncer jusqu’au bout l’Evangile et le faire entendre aux nations païennes.
Pour Pierre et Paul, ce parcours apostolique et missionnaire allait s’achever à Rome, scellé dans le témoignage le plus éloquent qui soit. A quelques années de distance, ils subirent le martyre, consacrant ainsi cette ville une fois pour toutes au Christ, leur sang devenant avec celui de toutes celles et ceux qui subirent la persécution de Néron « semence de chrétiens. »
L’itinéraire de foi et d’amour qui conduisit Pierre et Paul de leur terre natale à Jérusalem pour arriver à travers le bassin méditerranéen jusqu’à Rome est en quelque sorte le modèle du parcours que chaque chrétien est appelé à accomplir pour témoigner du Christ ressuscité.
Saint Pierre et saint Paul nous présentent le paradigme du chemin spirituel de tout chrétien : un itinéraire de conversion, de foi et d’amour à l’égard du Christ qui commence par une expérience personnelle de rencontre avec lui (Cf. Evangile). A partir de cette rencontre où nous sommes saisis par le Christ, où nous le reconnaissons comme notre Seigneur et notre Sauveur, où nous l’accueillons comme tel dans chacune de nos vies, nous pouvons alors devenir en chaque circonstance de notre existence un signe éloquent de sa puissance victorieuse.
« Tu es heureux, Simon Fils de Jonas » ! La béatitude de Simon est la même que celle de la Très Sainte Vierge Marie, à laquelle Elisabeth dit : « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur » (Lc 1, 45). Cette béatitude nous est également destinée à nous qui faisons partie de la communauté des croyants de ce début de troisième millénaire. En ce jour, Jésus s’adresse à nous pour nous dire : « Bienheureux êtes-vous, vous qui conservez l’Evangile dans toute sa pureté et qui continuez à le proposer avec un enthousiasme renouvelé aux hommes de votre temps ! »
Dans la foi, fruit de la rencontre mystérieuse entre la grâce divine et l’humilité humaine qui s’en remet tout entière à celle-ci, se trouve le secret de la paix intérieure et de la joie du coeur qui anticipent d’une certaine manière la béatitude du Ciel.
Au sujet de la foi, saint Paul, ce grand missionnaire, nous enseigne qu’elle se « conserve » dans la mesure où on la partage si bien qu’au moment où il fait le bilan de sa vie il peut s’écrier : « J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi » (2 Tm 4, 7). Cette mission évangélisatrice initiée par les disciples à la Pentecôte se poursuit dans le temps et c’est la manière normale avec laquelle l’Eglise, à travers les membres que nous sommes, administre le trésor de la foi.
Cependant, cette foi ne conduit au salut que dans la mesure où elle est animée de l’amour, de la charité. C’est ici que le martyre de Pierre et Paul au terme de toute leur action évangélisatrice vient révéler ce qui en faisait toute l’essence, ce qui en constituait tout le dynamisme : l’amour de Dieu et l’amour des hommes, la gloire de Dieu et le salut des âmes.
« Seigneur, sur le chemin rocailleux de nos existences où les épreuves ne manquent pas, que le témoignage de saint Pierre et de saint Paul nous stimule en intensifiant en nous le désir d’apporter la Bonne Nouvelle de ton amour à chaque être humain. Qu’avec eux, nous puissions proclamer haut et fort et te répéter à chaque instant : ‘Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, notre unique Rédempteur, l’unique Rédempteur du monde !’ »
Frère Elie