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LA CRÉATION
Grand Rabbinat du Québec
Au commencement, D’ieu avait créé le ciel et la terre. Or, la terre n’était que solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle de D’ieu planait sur la face des eaux. D’ieu dit : Que la lumière soit! Et la lumière fut. D’ieu considéra que la lumière était bonne, et il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres. D’ieu appela la lumière Jour, et les ténèbres, il les appela Nuit. Il fut soir, il fut matin, un jour Bérèchit 1, 1-5..
Bérèchit est la première sidrade la Tora. La Tora s’ouvre sur le récit de la création du monde. Selon le Midrache Rabba rapporté par Rachi, il n’était point nécessaire de commencer la Tora par le récit de la création. Étant surtout le livre où sont édictées les règles et les lois du judaïsme, la Tora aurait dû débuter par la première loi Chémot 12, 2. : Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier de l’année. Toutefois en relatant la création du monde, la Tora tient à présenter notre Souverain Roi auquel nous devons obéissance puisque c’est Lui l’auteur du monde et son Créateur.
Par ailleurs, s’appuyant sur le texte Téhillim 111, 6. : La puissance de ses hauts faits, il l’a révélée à son peuple le Midrache Tanhouma, affirme que l’intention du créateur était de prouver aux peuples qu’Israël ne les a nullement spoliés de leur terre mais c’est le Maître du monde qui, les ayant dépossédés de leur pays, l’a donné à Israël.
Cependant même si nous devions admettre avec le Tanhouma que l’intention de la Tora était de faire taire tout argument des nations contre Israël, une difficulté subsisterait. Car quand bien même ces peuples auraient confiance et foi absolues en D’ieu, il n’en demeure pas moins qu’une donation reste toujours une donation qu’on ne peut reprendre avec autant de facilité. Une donation est comme une vente, irrévocable et inaliénable.
Mais le Chélah ha-Qadoche, explique à propos du verset Dévarim 4, 39. : Reconnais à présent, et imprime-le dans ton coeur, que l’Ét’ernel seul est D’ieu, dans le ciel en haut comme ici-bas sur la terre, qu’il n’en est point d’autres!que l’intention du texte, n’étant pas de nous convaincre de l’unicité de D’ieu, chose que nous savions déjà par Dévarim 6, 4. : Écoute Israël, l’Ét’ernel notre D’ieu, l’Ét’ernel est un, consiste en fait à affirmer que la présence divine dans le monde est la présence par excellence qui maintient l’existence du monde. C’est ainsi que la présence divine donne la vie à tout ce qui existe comme dit le texte Néhèmya 9, 6. : Tu donnes la vie à tous les êtres.
Rambam, dira également dans le Guide des Égarés Guide des Égarés vol. I chap. 72., D’ieu est appelé vie des mondes car c’est Lui qui les fait vivre et, s’il retirait Sa Providence ne serait-ce qu’un instant, ce sera la fin du monde. En effet, lorsqu’un artisan crée un objet, l’objet créé continue d’exister indépendamment de son auteur, tandis que le monde, même une fois créé, continue à dépendre du D’ieu créateur.
Aussi pour cette raison le Tanhouma base-t-il toute sa preuve sur le texte : La puissance de ses hauts faits, il l’a révélée à son peuple pour nous signaler que la puissance que renferme chaque acte et chaque fait divins, D’ieu les révèle à son peuple. Dans une telle perspective qui fait du peuple d’Israël le partenaire, ou tout au moins l’interlocuteur privilégié du Créateur, la donation du pays de Kénaâne faite aux sept peuples ne pouvait en aucune manière être considérée définitive et inaliénable. Cette donation était provisoire, momentanée car la terre dépendait et continue à dépendre de la Providence qui s’applique à elle d’une manière particulière. Une donation fait que le donateur n’a plus de prétention sur l’objet donné duquel il se détache complètement et définitivement. Ce ne fut nullement le cas du pays de Kénaâne.
Le récit de la création a ceci de particulier c’est qu’il nous renseigne sur la raison principale qui avait motivé la création. Le Midrache Rabba, rapporté par Rachi, affirme :
À cause de la Tora appelée rèchite, tel qu’il est dit Michelè 8, 22. :
L’Ét’ernel me créa au début, rèchite, de son action et à cause d’Israël appelé aussi rèchite tel qu’il est dit Yirmiya 2, 3. : Israël est une chose sainte, appartenant à l’Ét’ernel, les prémices, rèchite, de sa récolte…… que le monde a été créé.
Pour que la création puisse se maintenir Israël doit s’engager à étudier la Tora et à réaliser toutes les mitswot, . Israël est donc le garant de la création. Ce qui confirme les paroles du Talmoud Âvoda Zara 3a et Chabbat 88a., que la création a été soumise à la condition expresse qu’Israël accomplisse la Torasinon le monde serait réduit à néant.
Au commencement, D’ieu avait créé le ciel et la terre.
Ce texte suscite quelques remarques. Ainsi, pour quelle raison la Toracommence-t-elle par Bèt, et non Alèf ?
Bérèchit,est à l’état construit, un génitif, autrement dit, au commencement de.. la Tora n’indique pas le nom qu’il complète. Comment donc comprendre l’emploi de cette forme?
Èl’ohim : plus tard Bérèchit 2, 4. le texte dira : l’Ét’ernel D’ieu, Pourquoi ce changement?
La Tora commence par Bèt, parce que le roi Chélomo, dans son livre Qohèlète, compare la Tora au soleil qui éclaire la terre à partir de trois directions, Est, Sud, Ouest; le Nord n’est jamais visité par le soleil. Tel le Bèt, limité dans trois directions, mais la quatrième, toujours ouverte, que seule la Tora arrive à fermer, ainsi quiconque veut contester la Tora, s’expose aux tentations et aux attaques du yètsèr ha-râ, appelé tséfoni, l’originaire du nord. Mais quiconque désire échapper à ces attaques, la Torasera là pour l’aider.
Les Pirqè de Rabbi Èliêzèr, et le Zohar, rapportent comment le Créateur avait écarté chacune des lettres de l’alphabet pour débuter la Tora, invoquant pour chacune la raison de son refus. Le choix s’étant arrêté sur la lettre Bèt, Alèf, avait marqué son mécontentement. D’ieu le console en le gratifiant du privilège d’être placé en tête du décalogue. Anokhi, commence, en effet, par Alèf. Mais le choix divin s’était porté sur Bèt parce qu’elle débute le mot Bérakha, bénédiction, alors que Alèf est le début de arour, malédiction. La création du monde se situe donc au niveau de la bénédiction.
Zéqènim mi-Baâlè ha-tosséfot, font remarquer que le terme bérèchit, est composé de six lettres rappelant les six jours de création. Le verset se compose de sept mots correspondant aux septjours de la semaine. Et le nombre total des lettres qui composent ce verset est de 28 faisant référence aux 28 jours du mois. Ce verset renferme six fois la lettre Alèf qui se lit Èlèf, millénaire, attirant l’attention sur la durée du monde de la création qui est de 6000 ans.
Au commencement de… ,le texte ne dit pas au commencement de quoi. C’est pourquoi le midrache rapporté par Rachi propose comme lecture du verset Bé = bichevil, à cause d’un rèchite, et rèchites’explique par Tora et Israël. En d’autres termes, à cause de la Tora et d’Israël, D’ieu créa..
Mais le Targoum Yérouchalmi Traduction araméenne de Jérusalem., traduit avec sagesse D’ieu créa… car le verset Téhillim III, 10. dit : rèchite, le début de la sagesse, c’est la crainte de l’Ét’ernel.
Selon le Targoum, l’intention divine qui a présidé à la création est la sagesse autrement dit la crainte de l’Ét’ernel. Aussi pour le Zohar, l’anagramme de Bérèchit, est-il yéra Chabbat, crains le Chabbat. Et qui craint le Chabbat craint le Créateur. Le but de la création est donc que les créatures craignent l’Ét’ernel.
Èl’okim, Au début, D’ieu avait l’intention de créer le monde par la rigueur divine, middate ha-dine, mais comme il a vu que le monde ne pouvait tenir sur la justice stricte, il lui a associé la miséricorde, middate ha-rahamim, . Aussi le texte dira-t-il par la suite Bérèchit 2, 4. :
Telles sont les origines du ciel et de la terre, lorsqu’ils furent créés; à l’époque où l’Ét’ernel, miséricorde, D’ieu, justice, fit une terre et un ciel.
Toujours est-il impossible de penser qu’un changement ait pu intervenir au niveau de la volonté divine. Celle-ci a toujours voulu diriger son monde selon middate ha-dine qui continue d’ailleurs à s’appliquer aux tsaddiqim, en raison de leur aptitude à assumer à accepter la rigueur divine. S’agissant des réchaîm, incapables d’y faire face, le Créateur consent à lui adjoindre clémence et miséricorde. C’est pourquoi il a été donné au rachâ, la possibilité de s’amender et faire un repentir. Car si le monde était dirigé seulement par middate ha-dine, il n’y aurait pas eu de place aux réchaîm.
Ète ha-chamayim wé-ète ha-arèts:
Ces deux éléments ciel et terre ont été au début de la création. Pourtant chamayim, se décompose en èche, feu et mayim, eau! Pourquoi le texte ne donne-t-il pas d’information sur la création de ces deux éléments constitutifs des cieux?
Ète ha-chamayim,
Or ha-Hayim, réfutant l’explication de Bérèchit comme étant au commencement de la création du ciel et de la terre tente de montrer la grandeur du Créateur qui, par le premier verbe, la première parole Bérèchit, avait tout créé. En effet, le contraire serait impossible à comprendre étant difficilement en accord avec le texte. Car chamayim est déjà composé de Èche, feu, et mayim, eau, deux éléments qui n’étaient point jusqu’alors créés. Il cite à l’appui le texte du décalogue Chémot 20, 1. : Alors D’ieu prononça toutes ces paroles, c’est-à-dire, Il avait dit en une parole tous les dix commandements ce qu’aucune bouche ne peut exprimer. Tout ce que le Créateur avait l’intention de créer le fut à la première parole qui est Bérèchit.Aussi le ète, qui accompagne les cieux et la terre signifie ainsi que tout ce qu’ils renferment. Mais si D’ieu avait procédé à d’autres créations durant les jours suivants, ce fut surtout pour mettre de l’ordre dans son monde. Il en veut pour preuve le texte Bérèchit 2, 13. :
D’ieu bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de l’oeuvre entière qu’il avait créée [le jour de la création] et organisée [pendant les six jours].
Or ha-Hayim explique ainsi l’emploi de Bérèchit. Se basant sur le texte Téhillim 33, 6. : Par la parole de l’Ét’ernel les cieux se sont formés, par le souffle de sa bouche, toutes leurs milice, il se demande comment nos Maîtres peuvent-ils affirmer que les créatures célestes ont été créées au deuxième jour pour éviter à l’homme l’erreur de dire qu’elles ont contribué à la création du monde. Le texte stipule, en effet, qu’elles ont été créées par le souffle de sa bouche qui, lui, est antérieur et précède la parole. Mais Bérèchit dont le sens est aussi parole divineatteste que le Créateur a usé de la parole avant le souffle afin que les êtres célestes ne puissent pas dire qu’ils ont participé à la création. Au début, les cieux et la terre furent créés par la parole ce n’est qu’ensuite que furent créés les êtres célestes par le souffle qui précède normalement la parole.
Or, la terre n’était que solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle de D’ieu planait sur la face des eaux.
La terre était solitude et chaos,
Quel besoin de nous renseigner sur ce que la terre était avant la création de la lumière?
À partir des six jours de la création, le monde n’a pas subi, il est vrai, de changement. Le soleil continue toujours à se lever à l’Est et se coucher à l’Ouest. Cette information devient nécessaire car si les réchaîmcontribuaient par leurs mauvaises actions à jeter le monde dans le chaos, ce ne sera nullement un changement ni une nouveauté. Ce sera seulement le retour du chaos originel. L’ordre de la Création ne sera maintenu que si Israël et les tsaddiqim consentent à jouer ce rôle par leur conduite et par l’étude de la Tora.
D’ieu dit : Que la lumière soit! Et la lumière fut.
Et la lumière fut,
Pour quelle raison n’a-t-on pas dit et ce fut ainsi comme pour la plupart des choses créées? Dans ce texte il est écrit cinq fois le terme Or, et dans le texte traitant des luminaires, le quatrième jour, il est dit cinq fois Maor, . Pourquoi?
Rambane remarque, en effet, l’emploi de l’expression et la lumière fut au lieu de ce fut ainsi. L’expression ce fut ainsi suggère, dit-il, que la lumière initiale de la création est celle que nous avons en ce moment alors qu’elle n’a été en service que jusqu’au quatrième jour de la création, jour où furent créés les luminaires.
Rachi dit que cette lumière ne devait pas être au service des réchaîm, c’est pourquoi D’ieu l’avait mise en réserve pour la fin des temps.
C’est cette voie qu’emprunte, Maor Wa-Chèmèche. La Tora évite de préciser ce fut ainsi pour ne pas risquer de voir les réchaîm utiliser cette lumière destinée aux seuls tsaddiqim.
Ainsi pour cette raison trouvons-nous cinq fois le terme or, lumière, le premier jour et, parallèlement cinq fois le terme maor, luminaire, le quatrième jour pour préciser que la lumière qui est en service, celle produite par le soleil, la lune et les étoiles, n’est que le reflet de cette première lumière qui est gardée en réserve pour les tsaddiqim.
D’ieu considéra que la lumière était bonne, et il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres.
Il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres.
Cette information paraît de prime abord inutile puisque le jour sera le règne de la lumière et la nuit celui des ténèbres. Pourquoi alors l’avoir mentionnée?
Rachi explique qu’il n’est point convenable ni esthétique que la lumière et les ténèbres servent confusément.
Mais Sforno, souligne, tout en étant d’accord avec l’opinion de Rachi, que le jour et la nuit connaissent une distinction, pendant les quatre premiers jours, par la seule volonté du Créateur. Pendant ces quatres jours, la durée du jour et de la nuit a été marquée non par l’exercice du soleil et de la lune qui n’étaient pas en fonction, mais par la volonté divine.
D’ieu appela la lumière Jour, et les ténèbres, il les appela Nuit. Il fut soir, il fut matin, un jour.
Yom èhad, un jour.
Pourquoi ne pas employer yom richone, premier jour, comme pour les autres jours où le nombre ordinal est employé?
En ce premier jour D’ieu était unique en son monde. Kéli Yaqar, souligne qu’il faut absolument affirmer l’unicité de D’ieu créateur du jour et de la nuit pour combattre les croyances manichéennes qui enseignent l’existence d’un dieu créateur de la lumière distinct du créateur des ténèbres, dieu du mal distinct du dieu du bien.
Pour nous, D’ieu est èhad, unique. Il ne saurait exister d’autres divinités. Au-delà du récit de la Création, la Tora vise de nous imprégner de l’existence de D’ieu et de Sa Providence. Aussi dans nos prières devons-nous mentionner le jour comme la nuit que D’ieu est le créateur à la fois du jour et de la nuit, de la lumière et des ténèbres.