Archive pour mai, 2014
CHRÉTIENS ET JUIFS APPELÉS À COOPÉRER POUR UN MONDE PLUS JUSTE – Pape François
22 mai, 2014http://www.zenit.org/fr/articles/chretiens-et-juifs-appeles-a-cooperer-pour-un-monde-plus-juste
CHRÉTIENS ET JUIFS APPELÉS À COOPÉRER POUR UN MONDE PLUS JUSTE
Le Comité juif américain au Vatican (texte intégral)
Rome, 13 février 2014 (Zenit.org) Pape François
« En plus du dialogue, il est aussi important de trouver des voies sur lesquelles juifs et chrétiens puissent coopérer dans la construction d’un monde plus juste et fraternel », déclare le pape François.
Il mentionne « les efforts communs pour servir les pauvres, les personnes marginalisées et celles qui souffrent » : « une responsabilité confiée par Dieu, une véritable obligation religieuse».
Le pape François a en effet reçu une délégation du « Comité juif américain » (« American Jewish Committee », AJC), ce matin, 13 février 2014, au Vatican.
Insistant sur « le patrimoine spirituel » qui unit juifs et chrétiens, il a fait observer que le fondement du dialogue n’était « pas simplement l’expression de respect et d’estime mutuels » mais qu’il était « théologique » et qu’il devait donc être « marqué par la conscience de [la] relation avec Dieu ».
Discours du pape François
Chers amis,
Je vous souhaite la bienvenue ici, en ce jour. Votre organisation, qui a rencontré mes vénérables prédécesseurs à plusieurs reprises, entretient de bonnes relations avec le Saint-Siège et avec de nombreux représentants du monde catholique. Je vous suis très reconnaissant pour la remarquable contribution que vous avez apportée au dialogue et à la fraternité entre juifs et catholiques, et je vous encourage à continuer sur cette voie.
L’année prochaine, nous commémorerons le cinquantième anniversaire de la Déclaration du concile Vatican II, Nostra aetate, qui constitue pour l’Église aujourd’hui le point de référence sûr de nos relations avec nos « frères ainés ». C’est à partir de ce document que notre réflexion sur le patrimoine spirituel qui nous unit et qui est le fondement de notre dialogue s’est développée avec une nouvelle vigueur. Ce fondement est théologique, il n’est pas simplement l’expression de notre désir de respect et d’estime mutuels. Il est donc important que notre dialogue soit toujours profondément marqué par la conscience de notre relation avec Dieu.
En plus du dialogue, il est aussi important de trouver des voies sur lesquelles juifs et chrétiens puissent coopérer dans la construction d’un monde plus juste et fraternel. À cet égard, je rappelle tout particulièrement nos efforts communs pour servir les pauvres, les personnes marginalisées et celles qui souffrent. Notre engagement dans ce service est ancré dans la protection des pauvres, des veuves, des orphelins et des réfugiés telle que l’enseigne l’Écriture sainte (cf. Ex 20,20-22). C’est une responsabilité qui nous est confiée par Dieu, qui reflète sa sainte volonté et sa justice ; c’est une véritable obligation religieuse.
Enfin, afin que nos efforts ne restent pas vains, il est important que nous nous appliquions à transmettre aux jeunes générations l’héritage de notre connaissance réciproque, de notre estime mutuelle et de notre amitié qui s’est développé grâce à l’engagement d’associations comme la vôtre. Par conséquent, je souhaite que l’étude des relations avec le judaïsme se poursuive dans les séminaires et les centres de formation pour les laïcs catholiques, et j’espère également que le désir de connaître le christianisme grandira parmi les jeunes rabbins et au sein de la communauté juive.
Chers amis, dans quelques mois, j’aurai la joie de me rendre à Jérusalem, lieu où nous sommes tous nés, comme le dit le psaume (cf. Ps 87,5), et où tous les peuples se rassembleront un jour (cf. Is 25,6-10). Accompagnez-moi, s’il vous plaît, par vos prières, afin que ce pèlerinage porte des fruits de communion, d’espérance et de paix. Shalom !
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
‘RÉFLEXIONS SUR L’ALLIANCE ET LA MISSION’, (FIN DE LA CONVERSION DES JUIFS) – Washington, 13 août 2002
22 mai, 2014http://www.debriefing.org/30993.html
‘RÉFLEXIONS SUR L’ALLIANCE ET LA MISSION’, (FIN DE LA CONVERSION DES JUIFS)
13/01/2012
Document publié par le Comité Episcopal des Affaires Œcuméniques et Interreligieuses et le Conseil National des Synagogues, disant que la conversion des Juifs est un but inacceptable.
Texte original anglais. Traduction française : Claude Detienne.
Washington, 13 août 2002
Les dirigeants des communautés juive et catholique romaine aux Etats-Unis, qui, depuis plus de vingt ans, se rencontrent, deux fois par an, pour discuter des sujets touchant les relations catholico-juives, publient aujourd’hui (13 août 2002) un document intitulé Réflexions sur l’Alliance et la Mission.
Evoquant le respect croissant pour la tradition juive, qui s’est développé depuis le Concile Vatican II, et l’approfondissement de l’appréciation catholique de l’alliance éternelle entre Dieu et le peuple juif, la partie catholique des Réflexions dit que des campagnes de conversion au christianisme qui visent les juifs ne sont plus théologiquement acceptables dans l’Église catholique.
Cette réflexion commune marque une avancée significative dans le dialogue entre l’Église catholique et la communauté juive dans ce pays, a dit le cardinal William Keeler, modérateur des évêques des Etats-Unis pour les relations catholico-juives. On peut voir ici, peut-être plus clairement que jamais auparavant, une compatibilité essentielle, de même que des différences également significatives, entre les compréhensions chrétienne et juive de l’appel de Dieu à nos deux peuples pour témoigner du Nom du Dieu unique au monde en harmonie. Ce qui fait écho aux paroles de Jean-Paul II, priant pour que, en tant que chrétiens et juifs, nous puissions être une bénédiction l’un pour l’autre, pour être ensemble une bénédiction pour le monde. (Pape Jean-Paul II, Sur le 50e anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie, 6 avril 1993).
Pour le rabbin Gilbert Rosenthal, directeur exécutif du Conseil national des synagogues :
Le communiqué commun catholico-juif sur la mission est une nouvelle étape qui tourne une nouvelle page dans la relation souvent tumultueuse entre le peuple juif et l’Église catholique romaine. Les deux groupes de foi croient que nous ne devrions pas faire de l’autre l’objet de la mission pour sauver des âmes par la conversion. Bien au contraire : nous croyons que les deux groupes de foi sont chéris de Dieu et assurés de Sa grâce. Le communiqué commun sur la mission a exprimé clairement un nouveau but, à savoir la guérison d’un monde malade et la nécessité impérieuse de réparer les dommages que nous, humains, avons causés aux créatures de Dieu. Nous croyons être des partenaires pour apporter des bénédictions à toute l’humanité car c’est la volonté de Dieu.
Les participants à la consultation permanente sont des délégués du Comité Episcopal pour les Affaires Oecuméniques et Interreligieuses (BCEIA = Bishops Committee for Ecumenical and Interreligious Affairs) et le Conseil National des Synagogues (NCS = National Council of Synagogues). Le NCS représente la Conférence Centrale des Rabbins Américains, l’Assemblée Rabbinique du Judaïsme Conservateur, l’Union des Congrégations Hébraïques Américaines, et la Synagogue Unie du Judaïsme Conservateur. La consultation est co-présidée par le Cardinal Keeler, le rabbin Joel Zaiman, de l’Assemblée Rabbinique du Judaïsme Conservateur, et le rabbin Michael Signer, de l’Union des Congrégations Hébraïques Américaines.
Ci-dessous, le texte intégral du document
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RÉFLEXIONS SUR L’ALLIANCE ET LA MISSION
Consultation du Conseil national des synagogues et du Comité Episcopal des affaires oecuméniques et interreligieuses, 12 août 2002
PRÉFACE
Pendant plus de vingt ans, des dirigeants de communautés juives et catholiques romaines aux Etats-Unis se sont réunis, deux fois par an, pour discuter d’un large éventail de sujets touchant aux relations catholico-juives. Actuellement les participants de ces consultations permanentes sont des délégués des délégués du Comité Episcopal pour les Affaires Oecuméniques et Interreligieuses (BCEIA = Bishops Committee for Ecumenical and Interreligious Affairs) et le Conseil national des synagogues (NCS = National Council of Synagogues). Le NCS représente la Conférence Centrale des Rabbins Américains, l’Assemblée Rabbinique du Judaïsme Conservateur, l’Union des Congrégations Hébraïques Américaines, et la Synagogue Unie du Judaïsme Conservateur. La consultation est co-présidée par le Cardinal Keeler, le rabbin Joel Zaiman, de l’Assemblée Rabbinique du Judaïsme Conservateur et le rabbin Michael Signer, de l’Union des Congrégations Hébraïques Américaines. Les Dialogues ont précédemment produit des communiqués publics sur des sujets comme les Enfants, l’Environnement et les Actes de haine religieuse.
Lors de la session qui s’est tenue le 13 mars 2002, à New York City, la consultation BCEIA-NCS a examiné comment les traditions juive et catholique romaine comprennent actuellement les notions d’«alliance» et de «mission». Chaque délégation a préparé des réflexions qui ont été discutées et clarifiées par la Consultation comme des formulations de l’état actuel de la question dans chaque communauté. La Consultation a décidé de publier ses considérations, pour encourager une réflexion sérieuse sur ces matières par les juifs et les catholiques dans tous les Etats-Unis. Après un certain délai pour affiner les formulations initiales, les réflexions catholiques romaines et juives sur les sujets «Alliance» et «Mission» sont présentées séparément ci-dessous.
Les réflexions catholiques romaines décrivent le respect croissant pour la tradition juive qui s’est développé depuis le Concile Vatican II. Un approfondissement de l’appréciation catholique de l’alliance éternelle entre Dieu et le peuple juif, de même qu’une reconnaissance de la mission donnée par Dieu aux juifs de témoigner de l’amour fidèle de Dieu, mènent à la conclusion que des campagnes qui visent à convertir des juifs au christianisme ne sont plus théologiquement acceptables dans l’Église catholique.
Les réflexions juives décrivent la mission des juifs et la perfection du monde. Cette mission semble revêtir trois aspects. Il y a d’abord les obligations qui résultent de l’élection aimante du peuple juif dans une alliance avec Dieu. Ensuite, il y a la mission de témoigner de la puissance rédemptrice de Dieu dans le monde. Enfin, le peuple juif a une mission qui s’adresse à tous les êtres humains. Les réflexions juives concluent en pressant juifs et chrétiens d’articuler un agenda commun pour guérir le monde.
La consultation NCS-BCEIA a exprimé sa préoccupation de l’ignorance et des caricatures continues de l’autre qui prévalent encore dans de nombreux segments des communautés catholique et juive. La Consultation espère que ces réflexions seront lues et discutées comme une partie d’un processus continu de compréhension mutuelle croissante.
La Consultation NCS-BCEIA réaffirme son engagement à approfondir notre dialogue et à promouvoir l’amitié entre les communautés juive et catholique aux Etats-Unis
RÉFLEXIONS CATHOLIQUES ROMAINES
Introduction
Les dons accordés par l’Esprit Saint à l’Église par l’intermédiaire de la déclaration Nostra Aetate, du Concile Vatican II continuent à se déployer. Les décennies qui se sont écoulées depuis sa proclamation en 1965 ont été le témoin d’un rapprochement régulier entre l’Église catholique romaine et le peuple juif. Même si des controverses et des malentendus continuent à se produire, il y a néanmoins eu un approfondissement progressif de la compréhension mutuelle et de la communauté d’intention.
Nostra Aetate a aussi inspiré une série d’instructions du magistère, incluant trois documents préparés par la Commission pontificale pour les relations religieuses avec les juifs: Orientations et suggestions pour l’application de la déclaration conciliaire Nostra Aetate No. 4 (1974); Notes pour une présentation correcte des Juifs dans la prédication et la catéchèse de l’Église catholique (1985); et « Nous nous souvenons » (1998). Le pape Jean Paul II a prononcé de nombreux discours et s’est engagé dans plusieurs actions importantes qui ont favorisé l’amitié entre catholiques et Juifs. De nombreuses déclarations concernant les relations catholico-juives ont aussi été composées par des Conférences nationales d’évêques catholiques dans le monde. Aux États-Unis, la conférence des évêques catholiques et ses comités ont publié de nombreux documents pertinents, dont: Directives pour les relations catholico-juives (1967, 1985); Critères pour l’évaluation des représentations dramatiques de la Passion (1988); La miséricorde de Dieu dure à jamais : directives pour la présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication catholique (1988); et, plus récemment : Enseignement catholique de la Shoah: Mise en œuvre de ‘Nous nous souvenons’ du Saint-Siège (2001).
Un examen de ces communiqués catholiques des dernières décennies montre qu’ils ont progressivement pris en considération de plus en plus d’aspects de la relation complexe entre les juifs et les catholiques, de même que leur impact sur la pratique de la foi catholique. Ce travail, inspiré par Nostra Aetate, a mis en oeuvre un dialogue interreligieux, des initiatives éducatives en collaboration et une recherche théologique et historique commune, de catholiques et de juifs. Cela continuera durant ce nouveau siècle.
Au stade actuel de ce processus de renouveau, les notions d »alliance’ et de ‘mission’ sont venus sur le devant de la scène. Nostra Aetate a déclenché cette réflexion en citant Romains 11, 28-29, et en décrivant le peuple juif comme «très cher à Dieu à cause des patriarches, puisque Dieu ne revient pas sur les dons qu’il a accordés, ni sur le choix qu’il a fait». Jean Paul II a enseigné explicitement que les juifs sont «le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, jamais révoquée par Dieu», «le peuple contemporain de l’Alliance conclue avec Moïse», et des «partenaires dans une Alliance d’amour éternel jamais révoquée».
Après Nostra Aetate, la reconnaissance de la permanence de la relation d’alliance du peuple juif avec Dieu a conduit à un nouveau regard positif, sans précédent dans l’histoire chrétienne, sur la tradition juive post-biblique ou rabbinique. Les Orientations publiées par le Vatican en 1974, insistaient sur le fait que les chrétiens «doivent s’efforcer d’apprendre par quels traits essentiels les Juifs se définissent eux-mêmes, à la lumière de leur propre expérience religieuse». Les Notes, publiées par le Vatican, en 1985, firent l’éloge du judaïsme post-biblique, pour avoir offert «au monde entier un témoignage – souvent héroïque – de sa fidélité au Dieu unique et ‘pour l’exalter face à tous les vivants’ (Tobie 13, 4)». Les Notes poursuivirent en citant Jean Paul II pressant les chrétiens de se rappeler «combien cette permanence d’Israël s’accompagne d’une créativité spirituelle continue, dans la période rabbinique, au Moyen-Âge, et dans la période moderne, à partir d’un patrimoine qui nous fut longtemps commun, si bien que «la foi et la vie religieuse du peuple juif telles qu’elles sont professées et vécues, encore maintenant, (peuvent) aider à mieux comprendre certains aspects de la vie de l’Église» (Jean Paul Il, 6 mars 1982)». Ce thème a été repris dans des déclarations d’évêques catholiques des Etats-Unis, comme « La miséricorde de Dieu dure à jamais », qui conseillait aux prédicateurs «de se sentir libres d’utiliser des sources juives (rabbiniques, médiévales et modernes) pour exposer le sens des Écritures hébraïques et des écrits apostoliques».
La « fécondité spirituelle » du judaïsme post-biblique continua dans des pays où les Juifs constituaient une faible minorité. Ce fut vrai dans l’Europe chrétienne, même si, comme l’a noté le cardinal Idris Cassidy, «à partir de l’époque de l’empereur Constantin, les Juifs furent isolés et victimes de discriminations dans le monde chrétien. Il y eut des expulsions et des conversions forcées. La littérature répandit des stéréotypes et la prédication accusa, de tout temps, les Juifs de déicide.» Ce résumé historique accentue l’importance de l’enseignement des Notes (Vatican, 1985), selon lesquelles «La permanence d’Israël (alors que tant de peuples anciens ont disparu sans laisser de traces) est un fait historique et un signe à interpréter dans le plan de Dieu.»
La connaissance de l’histoire de la vie des Juifs en chrétienté fait aussi relire des textes bibliques, comme Actes 5, 33-39, avec un regard nouveau. Dans ce passage, le pharisien Gamaliel déclare que seules des entreprises d’origine divine peuvent perdurer. Si ce principe néo-testamentaire est considéré aujourd’hui par les chrétiens comme valide pour le christianisme, alors, il doit être considéré comme tel également pour le judaïsme post-biblique. Le judaïsme rabbinique, qui s’est développé après la destruction du Temple, doit aussi être «de Dieu».
Outre ces considérations théologiques et historiques, dans les décennies qui ont suivi Nostra Aetate, de nombreux catholiques ont reçu en bénédiction l’opportunité de faire l’expérience personnelle de la riche vie religieuse et des dons divins de sainteté du judaïsme.
La mission de l’Église: Évangélisation
De telles réflexions et expériences de la vie d’alliance éternelle du peuple juif avec Dieu suscitent des questions sur le devoir chrétien de témoigner des dons de salut, que l’Église reçoit par sa «nouvelle alliance» en Jésus-Christ. Le Concile Vatican II résumait la mission de l’Église de la manière suivante :
Qu’elle aide le monde ou qu’elle reçoive de lui, l’Eglise tend vers un but unique: que vienne le règne de Dieu et que s’établisse le salut du genre humain. D’ailleurs, tout le bien que le Peuple de Dieu, au temps de son pèlerinage terrestre, peut procurer à la famille humaine, découle de cette réalité que l’Eglise est « le sacrement universel du salut », manifestant et actualisant tout à la fois le mystère de l’amour de Dieu pour l’homme.
Cette mission de l’Église peut se résumer en un mot: évangélisation. Le pape Paul VI a donné la définition classique :
« Évangéliser, pour l’Église, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même »
L’évangélisation renvoie à une réalité complexe qui est parfois mal comprise et réduite à la seule recherche de nouveaux candidats au baptême. C’est la continuation de la mission de Jésus-Christ par l’Église. Comme l’a expliqué le pape Jean-Paul II,
Le Royaume concerne les personnes humaines, la société, le monde entier. Travailler pour le Royaume signifie reconnaître et favoriser le dynamisme divin qui est présent dans l’histoire humaine et la transforme. Construire le Royaume signifie travailler pour la libération du mal sous toutes ses formes. En un mot, le Royaume de Dieu est la manifestation et la réalisation de son dessein de salut dans sa plénitude.
Il faudrait souligner que l’évangélisation, l’œuvre de l’Église pour le royaume de Dieu, ne peut pas être séparée de sa foi en Jésus-Christ, en qui les chrétiens trouvent le Royaume «présent et accompli». L’évangélisation comprend les activités de présence et de témoignage de l’Église ; l’engagement en faveur du développement social et de la libération de l’homme ; le culte chrétien, la prière et la contemplation ; le dialogue interreligieux ; et la proclamation et la catéchèse.
Cette dernière activité de proclamation et de catéchèse – «l’invitation à un engagement de foi en Jésus-Christ et à entrer par le baptême dans la communauté de croyants qu’est l’Église» – est parfois considérée comme synonyme d’«évangélisation». Cependant, c’est une interprétation très étroite, qui n’est, en fait, qu’un des nombreux aspects de la «mission évangélisatrice» de l’Église au service du Royaume de Dieu. Les catholiques qui participent au dialogue interreligieux – partage de dons, mutuellement enrichissant, sans aucune intention d’inviter le partenaire du dialogue au baptême, ne témoignent donc pas moins de leur propre foi dans le Royaume de Dieu incarné en Christ. C’est une forme d’évangélisation, un moyen de s’engager dans la mission de l’Église.
L’évangélisation et le peuple juif
Le christianisme a une relation totalement unique avec le judaïsme, puisque « nos deux communautés religieuses sont liées et étroitement apparentées au niveau de leurs identités religieuses respectives. »
L’histoire du salut clarifie notre relation spéciale avec le peuple juif. Jésus appartient au peuple juif, et il a inauguré son Église à l’intérieur de la nation juive. Une grande partie des Saintes Écritures, que nous chrétiens lisons comme la parole de Dieu, constitue un patrimoine spirituel que nous partageons avec les Juifs. Par conséquent, toute attitude négative à leur égard doit être évitée, puisque « pour être une bénédiction pour le monde, Juifs et chrétiens doivent d’abord être une bénédiction les uns pour les autres.”
Dans le sillage de Nostra Aetate, il y a eu une appréciation catholique, toujours plus profonde, de nombreux aspects de notre lien spirituel unique avec les Juifs. De manière spécifique, l’Église catholique en est venue à reconnaître que sa mission de préparer la venue du royaume de Dieu est partagée avec le peuple juif, même si les Juifs n’ont pas la même conception christologique de cette tâche que celle de l’Église. Les Notes du Vatican (1985) observaient :
Attentifs au même Dieu qui a parlé, suspendus à la même parole, nous avons à témoigner d’une même mémoire et d’une commune espérance en Celui qui est le maître de l’histoire. Il faudrait ainsi que nous prenions notre responsabilité de préparer le monde à la venue du Messie, en oeuvrant ensemble pour la justice sociale, le respect des droits de la personne humaine et des nations, pour la réconciliation sociale et internationale. A cela nous sommes poussés, Juifs et Chrétiens, par le précepte de l’amour du prochain, une espérance commune du Règne de Dieu et le grand héritage des Prophètes.
Si donc l’Église partage une tâche centrale et déterminante avec le peuple juif, quelles sont les implications pour la proclamation chrétienne de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ? Les chrétiens devraient-ils inviter des Juifs au baptême ? C’est une question complexe, pas seulement en termes d’autodéfinition théologique chrétienne, mais aussi à cause de l’histoire des baptêmes forcés de Juifs par les chrétiens.
Dans une étude remarquable et toujours très pertinente, présentée à la sixième rencontre du Comité de liaison international catholico-juif, à Venise, il y a vingt-cinq ans, le Prof. Tommaso Federici examinait les implications missiologiques de Nostra Aetate. Sur des bases historiques et théologiques, il argumentait qu’il ne devrait y avoir dans l’Église aucune organisation, de quelque type que ce soit, dédiée à la conversion de Juifs. Telle a été la pratique de facto de l’Église catholique dans les années suivantes.
Plus récemment, le cardinal Walter Kasper, président de la Commission pontificale pour les relations religieuses avec les Juifs, expliquait cette pratique. Dans une déclaration formelle, faite d’abord à la dix-septième rencontre du Comité de liaison international catholico-juif en mai 2001, et répétée plus tard, la même année, à Jérusalem, le cardinal Kasper parlait de «mission», dans un sens étroit, pour signifier la «proclamation», ou l’invitation au baptême et la catéchèse. Il montrait pourquoi de telles initiatives ne s’adressaient pas de façon appropriée aux Juifs:
Au sens propre, le terme mission se réfère à la conversion de [la foi aux] faux dieux et idoles [à la foi] au Dieu vrai et unique, qui s’est révélé dans l’histoire du salut avec Son peuple élu. Au sens strict, mission ne peut donc pas être utilisé pour les Juifs, qui croient au Dieu unique et vrai. Aussi, et ceci est caractéristique, il y a un dialogue, mais aucune organisation missionnaire catholique pour les Juifs.
Comme nous l’avons dit précédemment, le dialogue n’est pas une simple information objective; le dialogue implique la personne tout entière. Dans le dialogue, les Juifs témoignent donc de leur foi, témoignent de ce qui les a soutenus dans les périodes sombres de leur histoire et de leur vie, et les chrétiens rendent compte de l’espoir qu’ils ont en Jésus-Christ. Ce faisant, ils sont très éloignés de toute forme de prosélytisme, mais ils peuvent apprendre les uns des autres et s’enrichir les uns les autres. Nous voulons tous partager nos plus profondes inquiétudes avec un monde souvent désorienté qui a besoin de tels témoignages et les recherche.
Du point de vue de l’Église catholique, le judaïsme est une religion qui découle de la révélation divine. Comme l’a noté le cardinal Kasper, «la grâce de Dieu, qui, selon notre foi, est la grâce de Jésus-Christ, est accessible à tous. Aussi l’Église croit-elle que le judaïsme, c’est-à-dire la réponse fidèle du peuple juif à l’alliance irrévocable de Dieu, est salvifique pour eux, parce que Dieu est fidèle à ses promesses.»
Cette déclaration à propos de l’alliance salvatrice de Dieu est tout à fait spécifique au judaïsme. Bien que l’Église catholique respecte toutes les traditions religieuses, et peut, par le dialogue avec elles, discerner les actions de l’Esprit Saint, et bien que nous croyions que la grâce infinie de Dieu est certainement accessible aux croyants d’autres fois, l’Église ne peut parler avec la certitude du témoignage biblique que de l’alliance d’Israël. Cela est dû au fait que les Ecritures d’Israël forment une partie de notre propre canon biblique et qu’elles ont une «valeur perpétuelle… qui n’a pas été annulée par l’interprétation postérieure du Nouveau Testament.»
Selon l’enseignement catholique romain, tant l’Église que le peuple juif se conforment à une alliance avec Dieu. Nous avons donc tous des missions devant Dieu à entreprendre dans le monde. L’Église croit que la mission du peuple juif ne se limite pas à son rôle comme peuple duquel Jésus est né «selon la chair» (Rm 9, 5) et d’où sont venus les apôtres. Comme l’a écrit récemment le cardinal Kasper, «la providence de Dieu… a manifestement confié à Israël une mission particulière en ce « temps des gentils ». Mais seul le peuple juif lui-même peut mener à bien sa mission «à la lumière de sa propre expérience religieuse.»
Néanmoins, l’Église réalise que la mission du peuple juif ad gentes (aux nations) continue. C’est une mission que l’Église poursuit aussi à sa façon selon sa compréhension de l’alliance. Le commandement de Jésus ressuscité, en Matthieu 28, 19, de faire des disciples «de toutes les nations» (en grec, ethnê, équivalent de l’hébreu goyim, c’est-à-dire les nations autres qu’Israël), signifie que l’Église doit témoigner dans le monde de la Bonne Nouvelle du Christ pour préparer le monde à la plénitude du Royaume de Dieu. Cependant cette tâche évangélisatrice n’inclut plus la volonté d’absorber la foi juive dans le christianisme et de mettre ainsi fin au témoignage spécifique que les Juifs rendent à Dieu dans l’histoire de l’humanité.
Ainsi, l’Église catholique, tout en considérant l’acte salvateur du Christ comme central dans le processus du salut pour toute l’humanité, reconnaît que les Juifs demeurent déjà dans une alliance salvatrice avec Dieu. L’Église catholique doit toujours évangéliser et témoignera toujours, devant les Juifs et tous les autres peuples, de sa foi en la présence du Royaume de Dieu en Jésus-Christ. Ce faisant, l’Église catholique respecte pleinement les principes de la liberté de religion et de conscience, de sorte que des conversions individuelles sincères, de toute tradition ou de tout peuple, y compris le peuple juif, seront bienvenues et acceptées.
Mais elle reconnaît maintenant que les Juifs sont aussi appelés par Dieu à préparer le monde au Royaume de Dieu. Leur témoignage du Royaume, qui ne tire pas son origine de l’expérience qu’a l’Église du Christ crucifié et ressuscité, ne doit pas être tronqué par la recherche de la conversion du peuple juif au christianisme. Le témoignage spécifique juif doit se maintenir, si les catholiques et les Juifs doivent vraiment être, comme annoncé, «une bénédiction les uns pour les autres». Cela est en accord avec la promesse divine, exprimée dans le Nouveau Testament, que les Juifs sont appelés à «servir Dieu sans crainte, dans la sainteté et la droiture devant Dieu tous les jours» (Luc 1, 74-75).
Avec le peuple juif, l’Église catholique, selon les termes de Nostra Aetate, «attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et « le serviront sous un même joug » (So 3, 9 ; cf. Is 66, 23, Ps 65, 4 ; Rom 11, 11-32)».
REFLEXIONS JUIVES
La mission des Juifs et la perfection du monde
Dans la quête sans fin visant à donner sens à la vie, les communautés, tout comme les individus, cherchent à définir leur mission dans le monde. Il en va certainement de même des Juifs.
La mission des Juifs fait partie d’une triple mission, enracinée dans l’Écriture et développée dans les sources juives postérieures. Il y a d’abord la mission d’alliance : l’élan, toujours formateur pour la vie juive, qui résulte de l’alliance entre Dieu et les Juifs. Ensuite, la mission de témoignage, par laquelle les Juifs se voient eux-mêmes (et sont souvent vus par les autres) comme les témoins éternels, devant Dieu, de Son existence et de Sa force rédemptrice dans le monde. Enfin, la mission d’humanité, une mission qui comprend l’histoire biblique des Juifs comme porteuse d’un message qui n’est pas destiné aux seuls Juifs. Elle présuppose un message et une mission destinés à tous les êtres humains.
La mission d’alliance
Les Juifs sont la descendance d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, l’incarnation de l’alliance de Dieu avec ces ancêtres.
Après avoir été appelé par Dieu, non seulement Abraham entreprend un voyage vers la terre de Canaan, mais, quand il a quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparaît et lui dit : «Marche en ma présence et sois parfait. J’institue mon alliance entre moi et toi, et je t’accroîtrai extrêmement.» L’alliance est décrite comme «perpétuelle… pour être ton Dieu et celui de ta race après toi». L’alliance implique la Terre de Canaan qui est une possession perpétuelle. Il y a un symbole physique de l’alliance : la circoncision de tous les mâles le huitième jour de leur vie.
L’alliance est à la fois physique et spirituelle. Les Juifs sont un peuple physique. L’alliance est une alliance de la chair. La Terre est un lieu physique. Mais c’est aussi une alliance de l’esprit car elle est liée à la «marche en Sa présence».
Les Juifs sont un peuple appelé à l’existence par Dieu, dans un choix d’amour. Pourquoi Dieu ferait-il une telle chose ? La Torah nous conte l’histoire d’un Dieu unique qui, si différent du Dieu d’Aristote, ne se contenta pas de se contempler lui-même. C’est un grand mystère, mais Dieu, qui dépasse essentiellement notre capacité d’entendement, a voulu faire accéder le monde à l’existence. Il a donné à ses créatures un seul commandement, de ne pas manger d’un certain fruit du Jardin d’Eden. Que font-elles ? Bien sûr, elles mangent ce fruit.
Ainsi, Dieu, qui avait décidé de partager son être ineffable, fut rejeté. Il ne fallut pas attendre longtemps pour que la terre se corrompe devant Dieu. Alors, Il recommence, détruisant la création, réunissant les eaux primordiales et ne laissant subsister que Noé et sa famille. Mais cela ne marche pas non plus, car, à peine Noé est-il sorti de l’Arche, qu’il se saoule et se découvre. Nouvel échec – jusqu’à ce que la Torah commence le récit qui marche, qui est le cœur de la saga biblique : le récit d’Abraham et de sa descendance, les Juifs.
L’alliance n’est pas une simple promesse ou une exhortation générale à la perfection. Quand le peuple d’Israël est devenu une énorme communauté et a souffert sous le servage de Pharaon, le peuple est racheté d’Egypte par des miracles extraordinaires. Ils viennent au Sinaï et l’alliance acquiert son contenu : les lois et statuts qui sont donnés là, puis sous la Tente de la Rencontre.
« Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigles et amenés vers moi. Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte. »
Pour les Juifs, ce n’est pas de la flatterie divine, mais le fardeau de l’obligation divine. Telle est donc la définition théologique des Juifs : un peuple physique appelé à vivre dans une relation spéciale avec Dieu. Cette relation a un contenu spécifique. Il y a des récompenses pour son observance et des punitions pour son abandon.
Une telle vision des Juifs ne correspond pas aux définitions sociologiques normales d’un peuple, d’une communauté ou d’une famille. Il est même possible que la plupart des Juifs seraient gênés de cette sociologie théologique. D’habitude, on préfère présenter les Juifs soit comme un groupe ethnique, soit comme une communauté religieuse non liée à un peuple. Mais ce n’est pas la notion des Juifs dans la Bible et dans la littérature juive ultérieure. Les Juifs sont, pour le meilleur ou pour le pire, pour la richesse ou la pauvreté, partenaires de Dieu, dans un roman, parfois tumultueux et parfois idyllique, dans un mariage d’amour qui lie ensemble Dieu et le peuple d’Israël pour toujours et donne son sens le plus profond possible à l’existence juive.
La conséquence pratique de tout cela, c’est que la première mission des Juifs est pour les Juifs. Cela signifie que la communauté juive est vouée à préserver son identité. Comme cela ne va pas toujours de soi, c’est la raison pour laquelle les Juifs parlent constamment des forces institutionnelles et de la capacité, qu’a la communauté, d’éduquer ses enfants. Cela crée une horreur du mariage mixte. Cela explique la passion pour l’étude de la Torah. Les enjeux sont élevés, dans la vie juive, et pour ne pas abandonner Dieu, la communauté juivdépense une grande quantité d’énergie à veiller à ce que la communauté d’alliance réussisse.
La mission de témoignage
Isaïe parle d’un rôle que jouent les Juifs et qui les dépasse. «C’est vous qui êtes mes témoins, oracle de [L'Eternel], vous êtes le serviteur que je me suis choisi.»
Les Juifs sont Ses témoins, qui témoignent qu’il y a, dans le monde, un Dieu qui est Créateur, qu’Il est unique et que les idoles n’ont pas de pouvoir – «Oui, devant moi tout genou fléchira, par moi jurera toute langue» -, et que la puissance de Dieu est une puissance rédemptrice, plus imposante que ce que les êtres humains peuvent concevoir.
Comment se manifeste la puissance de Dieu ? Dans la vie des nations, y compris dans la chute et le relèvement de la nation d’Israël. Et il est bien connu, par la Torah et les livres prophétiques, que la souffrance d’Israël est comprise comme un témoignage de l’alliance de Dieu avec Israël.
Ce qui n’est pas compris, en tout cas pas assez, c’est que Dieu veut que les nations voient la rédemption d’Israël et en soient impressionnées. C’est, par exemple, ce que Dieu veut que voient Pharaon et les Égyptiens. Il ne suffit apparemment pas de se contenter de racheter le peuple d’Israël de l’esclavage. Il est prévu que la rédemption soit publique, pleine de signes et de miracles. Car elle doit apprendre à la grande nation d’Égypte la puissance, la gloire et l’intérêt qu’a le Dieu d’Israël à racheter des esclaves.
C’est aussi dans ce sens que le prophète Isaïe parle des Juifs comme de la « lumière des nations ». «Je relève les tribus de Jacob et ramène les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne les extrémités de la terre.» Les nations regarderont et verront la rédemption du peuple d’Israël, et elles seront surprises. Elles apprendront ainsi, si elles ne l’avaient pas fait auparavant, que le Seigneur, Dieu d’Israël, rend Sa terre à Son peuple.
Le messager de joie pour Sion dit: «Que toute vallée soit comblée, toute montagne et toute colline abaissées, que les lieux accidentés se changent en plaine et les escarpements en large vallée». Ce n’est pas de la rhétorique à propos d’une quelconque manifestation mystique de Dieu transformant la nature. C’est une image vigoureuse qui parle de la création d’une grande route extraordinaire qui doit ramener les exilés dans leur pays.
Alors que nous passons beaucoup de temps à penser à nos péchés, ce n’est pas la souffrance qui est le message de Dieu. Le message de Dieu est le pouvoir du repentir et le pouvoir de Son amour manifesté dans la rédemption d’Israël. Aussi, l’un des besoins majeurs de la théologie est-il de se détacher du message de souffrance. Le grand message de Dieu est la puissance de la rédemption. Le grand espoir des Juifs est leur rédemption et la reconstruction de leur État-nation. Le témoignage à rendre est celui de Dieu qui rachète son peuple.
La mission d’humanité
Le message de la Bible n’est pas un message et une vision uniquement pour les Juifs, mais aussi pour toute l’humanité. Isaïe parle, à deux reprises, des Juifs comme lumière des peuples, et nous avons déjà fait référence à cette citation du chapitre 49. Que veut-il dire d’autre quand il parle des Juifs comme «peuple d’alliance et lumière des nations» ? Le commentateur médiéval, David Kimhi, voit, dans la lumière qui s’avance, la lumière qui sort de Sion. Comme le message de la Torah est paix, la lumière qui s’avance est porteuse du message de bénédiction de la paix qui devrait régner dans le monde entier. La vision messianique est : «Il annoncera la paix aux nations.» Ainsi, Isaïe note qu’en ces temps-là, «Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes.»
C’est une erreur de penser, comme Jonas, que Dieu ne s’occupe que des Juifs. Quand il est invité à aller à Ninive, une grande ville païenne, Jonas refuse l’ordre de Dieu d’inviter les gens de Ninive à se repentir. Ce n’est que par la souffrance qu’il apprend que la parole de Dieu est aussi destinée aux Ninivites. Finalement, il y va, et les gens de Ninive proclament un jeûne. Petits et grands revêtent un sac, même le roi. Ils ne se contentèrent pas de jeûner, puisque la Bible dit qu’«ils se détournèrent de leur conduite mauvaise».
Alors qu’on eût pu penser que Jonas serait transporté par son succès, il est désespéré – et il y a probablement deux raisons à cela. D’abord il croyait que le péché devrait être puni et que la miséricorde de Dieu ne devrait pas exclure le châtiment. Ensuite, qui étaient les gens de Ninive ? Quel droit avaient-ils d’attendre l’intérêt personnel de Dieu et son amour indulgent ?
Jonas quitte la ville et s’assied à l’est, faisant une hutte et s’asseyant à son ombre. Et le Seigneur fait pousser un ricin au-dessus de lui, pour donner de l’ombre à sa tête. Jonas était si heureux ! Jusqu’à ce qu’à l’aube du lendemain, Dieu fît qu’un ver attaqua la plante jusqu’à ce qu’elle sèche. Puis, Dieu amena un léger vent d’est, et le soleil s’abattit sur la tête de Jonas jusqu’à ce qu’il défaille. Et il voulut mourir.
Alors Dieu dit à Jonas: «As-tu raison de te fâcher pour ce ricin ?… Toi, tu as de la peine pour ce ricin qui ne t’a coûté aucun travail et que tu n’as pas fait grandir, qui a poussé en une nuit et en une nuit a péri. Et moi, je ne serais pas en peine pour Ninive, la grande ville, où il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche, ainsi qu’une foule d’animaux!»
Le Dieu de la Bible est le Dieu du monde. Ses visions sont des visions pour toute l’humanité. Son amour est un amour qui s’étend à toutes les créatures.
L’homme souffrant des Écritures, Job, n’est nullement présenté comme un Juif. Est-ce étonnant ? La souffrance de l’humanité n’est l’apanage d’aucun peuple en particulier. L’alliance peut faire, de cette question, une question particulièrement troublante pour les Juifs, mais chacun de nous essaye d’arriver à une solution du problème du juste qui souffre. Job est un être humain universel. L’appel que Dieu lui adresse, du sein de la tornade, est l’appel que Dieu adresse, dans le monde entier, aux justes qui essayent de comprendre le sens de leur destin.
Le Dieu qui a aimé Abraham – «Et toi, Israël, mon serviteur, Jacob, que j’ai choisi, race d’Abraham, mon ami» – aime tous les peuples. Car il est le Créateur du monde. Adam et Ève étaient Ses premières créatures et ils ont été créés bien avant les premiers Juifs. Ils ont été créés à «l’image de Dieu», comme tous leurs enfants, pour l’éternité. Seule la créature humaine est à l’image de Dieu.
Dieu a créé le monde avec un seul être originel, dit le Talmud, pour enseigner que quiconque détruit une seule âme, c’est comme s’il détruisait le monde entier. Quiconque sauve une seule âme, c’est comme s’il sauvait le monde entier. Cela enseigne le concept de paix dans le monde, de sorte que nul ne devrait dire : mon père est plus grand que ton père.
«N’êtes-vous pas pour moi comme des Kushites, enfants d’Israël ? – oracle de [L'Eternel] – N’ai-je pas fait monter Israël du pays d’Égypte, et les Philistins de Kaphtor et les Araméens de Qir ?» Tous sont le peuple de Dieu.
Quand Abraham soulève devant Dieu la question de la justice divine et de la pitié, il prend la défense des gens de Sodome, un groupe mauvais. Abraham conçoit sa mise en cause de Dieu en termes d’action juste de Dieu. L’innocent ne devrait pas souffrir. Et la mise en cause ne résulte d’aucune relation spéciale découlant de l’alliance de Dieu avec les Juifs. La Bible considère plutôt qu’il y a une justice et une pitié divines qui l’emportent dans le monde entier.
Quand Amos demande : «que le droit coule comme de l’eau, et la justice, comme un torrent qui ne tarit pas», c’est parce qu’il y a un Dieu du monde entier qui l’appelle à la justice. Quand Isaïe demande, de manière rhétorique, quelle est la signification du jeûne religieux, il répond que Dieu souhaite que les être humains «défassent les chaînes injustes, délient les liens du joug; renvoient libres les opprimés, et brisent tous les jougs. [En quoi consiste le jeûne, si ce n'est à] partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair?»
Le judaïsme considère que tous les peuples sont obligés d’observer une loi universelle. Cette loi, appelée les Sept Commandements de Noé, s’applique à tous les êtres humains. Ces lois sont : 1) l’établissement de cours de justice de sorte que la loi gouverne la société, 2) la prohibition du blasphème, 3) de l’idolâtrie, 4) de l’inceste, 5) de l’effusion de sang, 6) du vol, 7) et la consommation de la chair d’un animal vivant.
Malgré le fait de l’alliance, Maïmonide et les dcisionnaires postérieurs affirment que «les hommes pieux de toutes les nations du monde ont une place dans le monde à venir».
Aussi, dans le judaïsme, la valeur absolue des êtres humains, leur création à l’image de Dieu, de même que la préoccupation primordiale de Dieu pour la justice et la pitié sont à la base d’une communauté universelle des créatures, une communauté appelée à répondre à l’amour de Dieu en aimant les autres êtres humains, en mettant en place des structures sociales qui privilégient la pratique de la justice et de la miséricorde, et en s’engageant sans fin dans la quête religieuse de la guérison du monde brisé.
Une des prières centrales du judaïsme l’exprime comme suit :
«Nous espérons en toi, Seigneur notre Dieu, pour voir rapidement la beauté de ta puissance, pour que les idoles disparaissent de la terre et que les faux dieux soient détruits, pour parfaire le monde et en faire le Royaume du Tout-Puissant, où toute chair invoquera ton nom, où tous les méchants de la terre se tourneront vers toi.»
Letaqen ‘olam bemalkhut Shaddai, parfaire le monde par le Royaume du Tout-Puissant. Tiqun ha-‘olam, parfaire ou réparer le monde est une tâche commune aux Juifs et à toute l’humanité. Bien que les Juifs se considèrent comme vivant dans un monde qui n’est pas encore racheté, Dieu veut que ses créatures participent à la réparation du monde.
Chrétiens et Juifs
Après l’examen de la triple notion de « mission » dans le judaïsme classique, il y a quelques conclusions pratiques qui en découlent, conclusions qui suggèrent aussi un programme d’action commune pour les chrétiens et pour les Juifs.
Il devrait être évident que toute mission des chrétiens concernant les Juifs est en opposition directe avec la notion juive que l’alliance elle-même est cette mission. En même temps, il est important de souligner que, malgré l’alliance, les nations du monde n’ont pas besoin d’embrasser le judaïsme. Tandis qu’il y a des vérités théologiques comme la foi en l’unicité de Dieu, et des vertus sociales pratiques qui mènent à la création d’une société bonne, qu’il est possible à l’humanité tout entière de pratiquer, le judaïsme n’est pas indispensable pour racheter l’individu ou la société. Les hommes pieux de toutes les nations du monde ont une place dans le monde à venir.
Cependant, l’idée que le monde a besoin de perfection est importante également. Alors que chrétiens et Juifs comprennent de manière très différente l’espoir messianique impliqué dans cette perfection, que nous attendions encore le messie – comme le croient les Juifs – ou la seconde venue du messie – comme le croient les chrétiens -, nous partageons la foi que nous vivons dans un monde non encore racheté, qui rêve de réparation.
Pourquoi ne pas mettre au point un programme commun ? Pourquoi ne pas unir nos forces spirituelles pour affirmer et agir, en nous appuyant sur les valeurs qui nous sont communes et qui mènent à la réparation du monde non racheté ? Nous avons collaboré, dans le passé, en faisant avancer la cause de la justice sociale. Nous avons marché ensemble pour les droits civils ; nous nous sommes faits les champions de la cause des travailleurs et des ouvriers agricoles ; nous avons adressé des pétitions à notre gouvernement pour qu’il subvienne aux besoins des pauvres et des sans-abri ; et nous avons appelé le dirigeant de notre pays à rechercher le désarmement nucléaire. Ce ne sont que quelques-unes des questions que nous avons traitées en accord les uns avec les autres, Juifs et chrétiens.
Pour montrer ce que nous pourrions encore faire ensemble, examinons, dans le judaïsme classique, quelques manières concrètes de prendre des idées théologiques et de les transformer en modes de vie. Et si elles peuvent constituer des pierres d’un pavement sur lequel nous pouvons marcher ensemble, alors, nous serons capables de construire une grande route que nous emprunterons ensemble et qui mène à la réparation du monde et sa perfection.
Quelques pensées talmudiques sur la réparation du monde
Même si la préoccupation prophétique du sort du nécessiteux est bien connu, il faut souligner que c’est dans le Talmud que les détails de la bonne action sont exposés de telle façon qu’ils deviennent les pierres angulaires de la vie.
La Tzedakah (aumône) et les actes de miséricorde pèsent dans la balance aussi lourd que tous les commandements de la Torah. L’obligation de l’aumône a pour objet le pauvre, et les actes de miséricorde ont pour objets le pauvre et le riche. L’aumône a pour objets les vivants, et les actes de miséricorde ont pour objet les vivants et les morts. L’aumône fait appel à notre argent, alors que les actes de miséricorde font appel à notre argent mais aussi à notre être.
Déjà, à l’époque du Talmud, des institutions charitables pour s’occuper des pauvres étaient une part fondamentale et essentielle de la vie de la communauté. Quand, par exemple, la Mishnah enseigne qu’un Juif doit célébrer le seder de Pâque avec quatre coupes de vin, elle note que l’allocation publique (tamhui) doit fournir ce vin au pauvre. Le pauvre doit célébrer et éprouver la dignité d’être un peuple libre – et c’est de la responsabilité de la communauté. Mais même si les institutions charitables sont un élément central de la vie de la communauté, Maïmonide affirme que la forme la plus élevée de la charité est de permettre à quelqu’un de gagner sa vie.
L’énorme section du Talmud qui traite de la loi civile et criminelle, Neziqin ou Dommages, stipule et protège la compensation des ouvriers. Elle donne une forme concrète aux interdits de la Torah contre l’usure et étend les lois qui interdisent l’usure, pour y inclure de nombreux types de transactions financières qui semblent être de l’usure, même si elles ne le sont pas. Tout cela a pour but de créer une économie où les gens sont encouragés à s’aider les uns les autres financièrement, comme expression de leur communauté, plutôt que d’indiquer une façon de gagner de l’argent. Des instruments financiers sont créés pour permettre aux désargentés de devenir partenaires des autres plutôt qu’emprunteurs – ce qui est une autre manière de protéger la dignité humaine et d’encourager le développement d’une société où cette dignité se manifeste dans la vie de tous les jours.
Les actes de bonté requis et développés en détail par la loi comprennent l’obligation de visiter les maladies et de réconforter les gens en deuil. Les Juifs doivent racheter les captifs et fournir des dots, enterrer les morts et accueillir les gens à leur table. Le Talmud détaille l’obligation faite aux Juifs de respecter les personnes âgées. «Se lever» et manifester des signes particuliers de respect, sont des réponses aux problèmes physiques de l’âge. Quand le sentiment de dignité d’une personne diminue, la communauté est invitée à renforcer la dignité de l’individu.
Bien sûr, la loi juive concerne les Juifs, et son premier souci est d’encourager l’expression de l’amour envers les membres de la communauté. Elle ne traite pas de sentiments mais principalement d’actions. Mais il est important de noter que beaucoup de ces actions sont obligatoires envers tous les hommes. Ainsi le Talmud dit : «Il faut subvenir aux besoins du pauvre non juif comme du pauvre juif. Il faut visiter le malade non juif comme on visite le malade juif. Il faut s’occuper de l’enterrement d’un non-Juif comme il faut s’occuper de l’enterrement d’un Juif. [Ces obligations sont universelles] parce qu’elles sont les voies de la paix.»
Les voies de la paix de la Torah constituent une réponse concrète à la création sacrée de l’humanité à l’image de Dieu. Elles aident à parfaire le monde pour en faire le Royaume du Tout-Puissant.
L’humanité n’a-t-elle pas besoin d’un chemin commun qui cherche les voies de la paix ? L’humanité n’a-t-elle pas besoin d’une vision commune de la nature sacrée de notre existence humaine, que nous puissions enseigner à nos enfants et que nous puissions promouvoir dans nos communautés pour servir les voies de la paix ? L’humanité n’a-t-elle pas besoin d’un engagement de ses dirigeants religieux dans chaque religion et au-delà de chaque religion, pour se donner la main et créer des liens qui inspireront et guideront l’humanité vers sa promesse sacrée ? Pour les Juifs et les chrétiens qui ont entendu l’appel de Dieu à être une bénédiction et une lumière pour le monde, le défi et la mission sont clairs.
Ce qui est exigé de nous est rien moins que cela – et c’est le vrai sens de la mission à laquelle nous devons tous participer.
Première mise en ligne le 6 octobre 2002 sur le site de CJE, mise à jour le 11 novembre 2005 sur le site convertissez-vous.com.
Relations Juifs chrétiens, Relations judéo-chrétiennes, Judéo-chrétiens, Dialogue Juifs chrétiens, Dialogue judéo-chrétien, chrétiens-et-juifs
LA VÉRITÉ
21 mai, 2014http://www.lirelabible.net/perso/prod/document/verite.php
LA VÉRITÉ
Les philosophes, les scientifiques, et chaque homme en particulier, de tout temps, recherchent la vérité. Cependant, cette recherche reste souvent à l’état de recherche, sans vouloir forcément la trouver. C’était le cas de Ponce Pilate, le gouverneur romain qui a condamné à mort Jésus : « Pilate Lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, Je suis roi. Je suis né et Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute Ma voix. Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs, et il leur dit : Je ne trouve aucun crime en Lui. » (Jean 18:37-38). Sa recherche est restée à l’état d’une question, alors qu’il avait devant lui Celui que Dieu avait envoyé « pour rendre témoignage à la vérité ». Quel dommage !
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Timothée 2:4).Si les hommes veulent connaître la vérité, sachez que c’est aussi la volonté de Dieu pour ses enfants.
Dieu est la vérité. La Bible parle du « Dieu de vérité » (Psaumes 31-6). Jésus a même déclaré : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par Moi. » (Jean 14:6). Dieu ne peut donc pas mentir dans ce qu’Il dit ou ce qu’Il promet. « Dieu n’est point un homme pour mentir, ni fils d’un homme pour se repentir. Ce qu’Il a dit, ne le fera-t-Il pas ? Ce qu’Il a déclaré, ne l’exécutera-t Il pas ? » (Nombres 23:19). A l’opposé, le diable ne sait que mentir : « Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fond ; car il est menteur et le père du mensonge. Et moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas. » (Jean 8:44-45). Il se sert du mensonge pour détruire les hommes et les garder dans leur malheur, en leur faisant croire, par exemple, que le bonheur n’existe pas, ou qu’il n’est pas pour eux… Il vous fera croire que l’alcool vous soulage et vous permet d’oublier alors que c’est justement ça qui vous détruit… Dés le début d’une journée, il vous fait croire dans quelque horoscope que quoi que vous fassiez, de toutes façons ce sera pour vous une mauvaise journée.
Dieu ne nous annonce pas ces malheurs : Il nous annonce la paix ! Il nous annonce qu’Il peut et veut transformer nos vies et nous donner Sa joie parfaite (Jean 15:11).
Quand Il était sur terre, Jésus enseignait ceux qui L’écoutaient. Dans Ses discours, Il utilisait souvent les termes « Je vous le dis en vérité » (Matthieu 5:18) ou « En vérité, en vérité » (Jean 1:51). La Bible dit que « la vérité est venue par Jésus-Christ. » (Jean 1:17). Jésus ne trompait pas Ses disciples. Il confirmait qu’Il était bien Fils de Dieu et Dieu par de nombreux miracles (Marc 4:41), de nombreuses guérisons et délivrance (Matthieu 8:16), et par une sagesse qui faisait taire tous Ses ennemis (Matthieu 22:46)
La Bible, parole de Dieu, est la vérité. « Le fondement de Ta parole est la vérité, et toutes les lois de Ta justice sont éternelles. » (Psaumes 119:160). C’est pour cette raison que les chrétiens peuvent s’appuyer sur ce qu’elle dit, et qu’elle peut être une norme pour leur vie et leur foi. Elle est entièrement vraie, d’un bout à l’autre. Chaque lettre est vraie ! (Il faut cependant la comprendre et l’interprêter correctement) « Car, Je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. » (Matthieu 5:18). Le Saint-Esprit nous conduira à comprendre cette vérité (Jean 16:13).
Cette vérité se veut universelle. La Bible dit : « Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu’ils aient à se repentir, parce qu’Il a fixé un jour où Il jugera le monde selon la justice, par l’Homme qu’Il a désigné [Jésus], ce dont Il a donné à tous une preuve certaine en Le ressuscitant des morts… » (Actes 17:30-31)Cette parole s’adresse à tous les hommes, en tous lieux. Même si les hommes ne l’acceptent pas, elle reste cependant vraie, et ces hommes-là seront eux-aussi jugés. Elle est la vérité unique de Dieu. Si d’autres philosophies ou d’autres religions affirment des choses contraires, elles sont dans l’erreur. Par exemple, la Bible dit : « Il n’y a de salut en aucun autre [que Jésus] ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. » (Actes 4:12). Il est évident que quelqu’un qui ne croit pas en Jésus ne sera pas sauvé !
Quelle est alors cette vérité ? Dieu nous dit la vérité, mais que dit-Il ? La Bible annonce la vérité, mais qu’annonce-t-elle ? Elle annonce que :
Dieu a créé l’univers
Dieu aime les hommes
Jésus est venu sur terre pour sauver les hommes
Jésus va revenir
« Conduis-moi dans Ta vérité, et instruis-moi ; Car Tu es le Dieu de mon salut, Tu es toujours mon espérance. » (Psaumes 25:5)
’DANS LA VÉRITÉ, LA PAIX’
21 mai, 2014http://www.signis.net/article.php3?id_article=302
’DANS LA VÉRITÉ, LA PAIX’
Dans son message pour la Journée Mondiale de la Paix, Benoît XVI dénonce avec force la corruption de la communication authentique par le mensonge. Voici quelques extraits de ce document qui pourraient particulièrement intéresser les membres de SIGNIS :
« Comment ne pas rester sérieusement préoccupés, après ces expériences, face aux mensonges de notre temps, qui sont comme le cadre de menaçants scénarios de mort dans de nombreuses régions du monde ? La recherche authentique de la paix a son point de départ dans la conscience que le problème de la vérité et du mensonge concerne tout homme et toute femme, et qu’il se révèle décisif pour un avenir pacifique de notre planète. »
« La paix est une aspiration profonde et irrépressible, présente dans le cœur de toute personne, au-delà des identités culturelles spécifiques. C’est précisément pourquoi chacun doit se sentir engagé au service d’un bien si précieux, en travaillant pour qu’aucune forme de fausseté ne s’insinue et ne vienne perturber les relations. Tous les hommes appartiennent à une unique et même famille. La mise en avant exagérée de leurs différences contraste avec cette vérité fondamentale. Il faut retrouver la conscience d’avoir en commun une même destinée, en dernier ressort transcendante, pour pouvoir mettre en valeur au mieux les différences historiques et culturelles, sans s’opposer, mais en se concertant avec les personnes qui appartiennent aux autres cultures. Telles sont les simples vérités qui rendent la paix possible ; elles deviennent facilement compréhensibles lorsqu’on écoute son cœur, avec une pureté d’intention. La paix apparaît alors sous un jour nouveau : non comme une simple absence de guerre, mais comme la convivialité des citoyens dans une société gouvernée par la justice, société dans laquelle se réalise aussi le bien pour chacun d’entre eux, autant que faire se peut. La vérité de la paix appelle tous les hommes à entretenir des relations fécondes et sincères ; elle les encourage à rechercher et à parcourir les voies du pardon et de la réconciliation, à être transparents dans les discussions et fidèles à la parole donnée. En particulier, le disciple du Christ qui se sent assailli par le mal et qui de ce fait a besoin de l’intervention libératrice du divin Maître se tourne vers Lui avec confiance, sachant bien que ce dernier « n’a pas commis le péché ; que dans sa bouche on n’a pu trouver de mensonge » (1 P 2,22 ; cf. Is 53, 9). En effet, Jésus s’est défini comme la Vérité en personne et, parlant dans une vision au voyant de l’Apocalypse, il a déclaré sa totale aversion pour « tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge » (Ap 22, 15). C’est Lui qui révèle la pleine vérité de l’homme et de l’histoire. C’est par la force de sa grâce qu’il est possible d’être dans la vérité et de vivre de la vérité, parce que Lui seul est totalement sincère et fidèle. Jésus est la vérité qui nous donne la paix. »
L’ORIGINE ÉGYPTIENNE DE LA PRIÈRE DU COEUR
19 mai, 2014http://eocf.free.fr/text_priere_coeur_egypte.htm
L’ORIGINE ÉGYPTIENNE DE LA PRIÈRE DU COEUR
par Christian CANNUYER
article paru dans le numéro 11 de la revue Le Monde Copte
Né à Ath (Belgique) en 1957; licencié en histoire médiévale de l’Université Catholique de Louvain, licencié en philologie et histoire orientales, candidat en philologie biblique, prépare une thèse de doctorat en égyptologie SOus la conduite du professeur Cl. VANDERSLEYEN.
Ses études l’ont amené à s’intéresser à la coptologie – il a étudié le copte avec le professeur G. GARITTE puis avec M l’abbé G. LAFONTAINE. En collaboration avec ce dernier, il prépare la publication d’une épître inédite attribuée à Saint Athanase. Il a enseigné la religion et l’histoire au Collège St Julien à Ath de 1980 à 1982.
Son mémoire de licence l’a conduit à étudier la situation des communautés chrétiennes du Proche-Orient au Xlll » siècle à travers le témoignage de Jacques de Vitry, évêque de Saint-Jean d’Acre (1160/70-1240).
A mon ami Benoît De Keyser
» Je vous guiderai vers la voie de vie
» La bonne voie de celui qui obéit à Dieu
» Heureux celui que son coeur conduit vers elle
» Celui dont le coeur est ferme Sur la voie de Dieu
» Affermie est son existence sur la terre. «
PETOSIRIS, prêtre d’Hermopolis (IVe siècle avant J.C.)
L’affirmation d’Hérodote (II,37) qui prétendait que les habitants de l’Egypte ancienne étaient les plus dévots de tous les hommes a été diversement commentée.
Certains l’ont entendue dans un sens très restrictif et plutôt péjoratif: selon eux, elle signifierait que les égyptiens étaient un peuple superstitieux et extrêmement crédule, au regard des Grecs plus attachés à la raison et à la sagesse humaines. (1)
Plusieurs études menées par des égyptologues ont heureusement nuancé cette interprétation; elles ont prouvé que l’âme égyptienne, toute l’histoire de la civilisation pharaonique durant, avait été travaillée par de réels sentiments de piété, d’amour du Divin, voire de mysticisme. (2)
On a souligné, voici quelques années déjà (3) et tout récemment dans les pages de cette revue (4), combien cette tradition de religiosité profonde de l’Egypte antique avait préparé le terrain au Christianisme et permis à la vallée du Nil d’être une des premières contrées chrétiennes du monde, celle où allait éclore le monachisme, auquel l’Eglise de Jésus doit tant.
Les conceptions anthropologiques de la vieille Egypte considéraient le coeur comme l’élément essentiel de la vie physique, source du sang, du souffle et du sperme générateur, mais aussi le siège sacré des sentiments, de la pensée, de l’intelligence et de la volonté. (5)
Pointe suprême de la conscience, le coeur assumait la responsabilité des actes de l’individu et, à ce titre, subissait l’épreuve de la psychostasie après la mort de son possesseur.
Comme le dit un texte inscrit sur un cercueil conservé au Musée de Vienne, le coeur d’un homme était » son dieu lui-même » (ntr ds.f)
(6) (voir aussi un texte d’Olivier Clément sur le coeur centre spirituel de l’homme-note du webmestre)
Aucun texte n’exprime peut-être mieux l’importance du muscle cardiaque que le célèbre traité de théologie memphite où toute la cosmogonie développée à pour moteur la parole réalisatrice des volutions du coeur
(ib) (7)
Le coeur de l’Égyptien était aussi le lieu privilégié de son corps par lequel passait l’inspiration divine. En lui, cheminait la voie par laquelle le conseil divin arrivait jusqu’à l’être.
Le dieu fait naître la pensée dans les coeurs des hommes ( rdj.n ntr hpr m ib.w.sn) (8)
En retour, selon que l’Égyptien avait le coeur ouvert ou non (wbi-ib), il lui était loisible d’être plus ou moins en communication avec le Divin et de Lui être obéissant. (9)
Dans l’état de prière, qui, d’après l’antique sagesse pharaonique, était avant tout un état de SILENCE (10), il allait de soi que le coeur était le pivot indispensable autour duquel gravitait l’oraison. L’intériorisation était la condition sine qua non de celle-ci.
Or, c’est dans les milieux monastiques coptes qu’est attestée le plus anciennement la pratique de la » prière du coeur » ou » prière de Jésus » dont la fortune fut ensuite extraordinaire en milieux byzantin et slave. (11)
L’auteur égyptien des Homélies Spirituelles (Ve siècle) attribuées au grand Saint Macaire de Scété, explique bien que dans ce mode de prière, le lieu par excellence de la grâce contemplative est le coeur: » Dans le Christianisme, il est possible de goûter la grâce de Dieu: Goûtez et voyez que le Seigneur est bon (Ps. XXIV;9). Cette gustation, c’est la puissance pleinement active de l’Esprit qui se manifeste dans le coeur. Les fils de la lumière, ministres de la Nouvelle Alliance dans l’Esprit Saint, n’ont rien à apprendre auprès des hommes; ils apprennent auprès de Dieu. La grâce elle-même inscrit sur leurs coeurs les lois de l’Esprit… Le coeur, en effet, est le maÎtre et le roi de tout J’organisme corporel, et lorsque la grâce s’empare des pâturages du coeur, elle règne sur tous les membres et toutes les pensées; car là est l’intelligence, là se trouvent toutes les pensées de l’âme et c’est là qu’elle attend le bien. Voilà pourquoi la grâce pénètre dans tous les membres du corps. « (12)
On comparera sans peine cette formulation avec celle du traité de Théologie memphite signalé plus haut: l’action des bras, la marche des iambes, le mouvement de tout autre membre est fait suivant l’ordre que le coeur a conçu… la vision des yeux, l’ouïe des oreilles, la respiration de l’air par le nez, ils rendent compte au coeur; c’est lui qui en tire tout jugement et la langue annonce ce que le coeur a conçu. (13)
Les conceptions égyptiennes en la matière allaient avoir une influence prépondérante sur le développement de la pensée d’Evagre le Pontique ( + 399), disciple de Saint Macaire, qui tenta d’intégrer cette démarche de prière dans un système métaphysique dont elle ne se départirait plus. (14)
Au cinquième siècle, Diadoque de Photicé contribua grandement à faire connaître et apprécier la prière du coeur dans tout l’Orient byzantin (15). Il reviendrait cependant au monastère Sainte Catherine du Mont-Sinaï de devenir le centre de propagation de l’hésychasme, notamment grâce à Saint Jean Climaque, higoumène de ce couvent vers 580-650.
Chez ce dernier, l’importance du coeur apparaît tout aussi nettement que chez le pseudoMacaire: l’hésychaste est celui qui dit: » Mon coeur est affermi » (Ps. LVII;8). « L’hésychaste est celui qui dit: « Je dors, mais mon coeur veille » (Cant. V;2). » Fermez la porte de votre cellule à votre corps, la porte de vos lèvres aux paroles, la porte intérieure aux esprits « . (16)
Le rôle central du coeur dans l’hésychasme allait être particulièrement mis en lumière par Nicéphore l’Hésychaste, moine du Mont Athos dans la seconde moitié du Xllle siècle. Il nous a laissé un traité intitulé » Sur la garde du coeur « , dans lequel il conseille, afin de rétablir l’unité essentielle physico-psychique de l’être humain corrompue par le péché et promise à la restauration par la mort du Christ, de » faire revenir l’esprit dans le coeur » : » Entre dans ta chambre, enferme-toi, et t’étant assis dans un coin, fais comme je vais te dire: Tu sais que notre souffle, l’air de notre inspiration, nous ne l’inspirons qu’à cause du coeur… Ainsi que je t’ai dit, assieds-toi, recueille ton esprit, introduis-le -je dis ton esprit – dans les narines; c’est le chemin qu’emprunte le souffle pour aller au coeur. Pousse-le, force-le de descendre en ton coeur en même temps que l’air inspiré. Quand il y sera, tu verras la joie qui va suivre… n’aie d’autre occupation ni méditation que le cri de » Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi « … Mais si, mon frère, malgré tous tes efforts, tu n’arrives pas à pénétrer dans les parties du coeur suivant mes indications, fais comme je te dis et, avec le concours de Dieu, tu arriveras à tes fins. Tu sais que la raison de J’homme a son siège dans la poitrine. C’est dans notre poitrine en effet que, nos lèvres demeurant muettes, nous parlons, nous décidons, nous composons nos prières et nos psaumes… Après avoir banni de cette raison toute pensée, … donne-lui le » Seigneur Jésus-Christ aie pitié de moi » et contrains-le de crier intérieurement, à l’exclusion de toute autre pensée, ces paroles. Quand, avec le temps, tu te seras rendu maître de cette pratique, elle t’ouvrira l’entrée du coeur, ainsi que je te l’ai dit, indubitablement. » (17)
La raison est dans la poitrine – le coeur est le siège de la pensée et l’endroit le plus favorable à la communion mystique. A des siècles et des siècles, voire des millénaires, de distance, ce sont là les mêmes conceptions que celles de Ptahhotep ou du Traité de théologie memphite.
Elles demeureront telles dans l’Église d’Orient jusqu’à nos jours, non seulement dans l’orbe byzantin mais aussi dans le monde slave. Qu’on en prenne à témoin ce texte du grand starets Nil Maïkov (1433-1508), fondateur d’un ermitage sur la rivière Sora : » L ‘hésychie… c’est de rechercher le Seigneur dans son coeur, c’est-à-dire de garder son coeur dans la prière et se retrouver constamment à l’intérieur de ce dernier. » (18)
Certains auteurs ont voulu rattacher la prière du coeur chrétienne à la technique du dhikr musulman (19) ou même celle du yoga hindou. C’était oublier que dans l’optique hésychaste l’attention du c(Eur n’est qu’un moyen d’accéder au divin, tandis que pour les adeptes du dhikr ou du yoga, l’extase devient souvent une fin en soi. En ce sens, la prière du coeur chrétienne est bien plus proche des méthodes d’oraison de l’Egypte antique.
Pour nous, la filiation entre la pensée pharaonique et l’ascèse chrétienne orientale ne fait pas de doute (20). L’étude est à poursuivre et à compléter. Elle prouvera à tout le moins que le legs de l’Égypte païenne à la Chrétienté est encore plus riche qu’on ne le soupçonne, et plus essentiel.
C. CANNUYER
LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS D ANS LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE
19 mai, 2014http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/664.html
LES TENTATIONS DU CHRIST
LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS D ANS LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE
CE PASSAGE DE LA PREMIÈRE ÉPÎTRE DE PIERRE (1 P 3,18-20) POSE BIEN DES PROBLÈMES AUX EXÉGÈTES CONTEMPORAINS…
Le Symbole des apôtres mentionne la descente du Christ aux enfers comme conséquence de sa mort : il est mort et a été enseveli, il est descendu aux enfers. Il serait faux de dire que les éléments ici évoqués appartiennent à un même ordre de langage : mort et ensevelissement font partie de l’expérience ordinaire, tandis que les enfers échappent à notre investigation ; ils sont une manière imaginative de signifier la vérité de la mort de Jésus puisqu’il est allé au lieu où tous les êtres humains étaient sensés séjourner, une fois décédés — le chéol, le monde des morts dans l’A.T. Les enfers sont l’habitat définitif de l’armée des ombres. Dans le Credo, la mention de la descente aux enfers souligne qu’il n’y a réalité de la résurrection que s’il y a mort effective.
Les interprétations anciennes de la descente du Christ aux enfers ont été plus ou moins écartées par les théologies récentes. Elles ne sont cependant pas dénuées d’intérêt : le thème de la force christique réduisant à néant l’arrogance du mal et le thème de la libération de la misère la plus radicale demeurent pertinents, tant la puissance du mal s’affirme avec forfanterie et tant le malheur rôde, ne serait-ce que par le règne universel de la mort.
Pourtant à l’orée des temps modernes, après avoir critiqué la mythologie enfantine des commentateurs antiques, Calvin propose un chemin qui aura du succès dans les théologies contemporaines ( » Institution chrétienne » II, 16; cf. n° 92) : il articule l’abandon de Dieu et la descente aux enfers à l’étonnante conviction que Dieu fait subir à Jésus le châtiment du péché de tous. Sa descente aux enfers représente l’expérience de l’éloignement de Dieu, de la damnation. Elle est assumée par Jésus de telle sorte qu’il en retourne le sens : son obéissance à notre place jusque dans la condamnation le justifie aux yeux de Dieu et assure à l’humanité le salut.
Cette idée est reprise par Karl Barth. Elle n’exclut pas certains éléments des antiques lectures.
Karl Barth, » Credo » :
Si Dieu souffre lui-même, en Jésus Christ, le châtiment qui devait frapper notre existence, c’est qu’il a sacrifié son existence pour nous. Nous devons dès lors nous reconnaître comme ceux qu’il s’est acquis et qui lui appartiennent. Si Dieu ne veut pas nous punir parce que le châtiment est accompli, nous pouvons vivre comme des êtres libérés par lui, c’est-à-dire comme ses enfants. Enfin si Dieu, sans cesser d’être Dieu, a connu la tentation en Jésus Christ, si Jésus Christ est descendu aux enfers, et par là a réellement mis en question son unité existentielle de Dieu et d’homme, ne l’a-t-il pas fait pour nous et ne nous en a-t-il pas ainsi dispensés ? Nous ne sommes plus obligés d’aller en enfer.
Wolfhart Pannenberg reprend une interprétation similaire en y ajoutant quelques nuances. Il refuse la rigueur luthérienne (prédication aux enfers qui démontre aux damnés leur culpabilité), tout en acceptant sa part de vérité intégrable à la position réformée : la descente du Christ aux enfers est une partie de sa passion ; elle est le point le plus bas de son abaissement. Toutefois, l’intérêt de W. Pannenberg porte essentiellement sur le caractère universel de la mission du Christ que révèle la descente aux enfers.
Wolfhart Pannenberg, » Esquisse d’une théologie » :
Les images de la descente de Jésus aux enfers et de sa prédication dans le royaume des morts ne concernent pas la résurrection de Jésus comme on l’a dit à tort ; elles sont l’expression de la signification propre à un autre événement, sa mort. Cette signification n’appartient à la mort de Jésus qu’à la lumière de sa résurrection. Elle souligne l’efficacité de sa force de représentation même pour les morts. Le récit imagé de la descente de Jésus aux enfers explique comment même les hommes qui ont vécu avant la mort de Jésus et ceux qui ne l’ont pas connu ont part au salut qui s’est manifesté en lui. (…) L’idée de la descente de Jésus aux enfers, de sa prédication dans le royaume des morts, favorise cette dernière opinion. Elle enseigne que les hommes qui sont hors de l’Eglise visible ne sont pas automatiquement exclus du salut.
Le chemin ouvert par Calvin se comprenait à partir d’une idée de substitution : Jésus expie le péché à notre place. W. Pannenberg ne le récuse pas. Hans Urs von Balthasar l’emprunte en la développant d’une manière originale à partir d’un commentaire de Nicolas de Cuse (XVe s.) : Nicolas de Cuse parle d’une » vision intérieure de la mort » » en vertu d’une expérience immédiate », et y voit le » châtiment le plus complet ». Ainsi » la passion du Christ est la plus grande qu’on puisse concevoir, elle était comme celle des damnés qui ne peuvent plus être damnés davantage, c’est-à-dire : elle allait jusqu’à la peine infernale. Sur cette base que Urs von Balthasar bâtit son interprétation.
Hans Urs von Balthasar, » La gloire et la croix » :
Le concept néotestamentaire de “l’enfer” (…) est, en des sens multiples, un concept christologique. D’abord, dans la mesure où seul le Rédempteur mort a (…) éprouvé tout le sérieux de ce que devait devenir le chéol. Ensuite, pour autant que l’abandon où il était laissé par le Père dans la mort avait un caractère unique (…). Troisièmement, dans la mesure où dans cette vision de la (seconde) mort était également contemplé tout le fruit de la Croix rédemptrice : le péché “à l’état pur”, séparé de l’homme, le “péché en soi”, dans sa réalité, dans toute sa violence informe et chaotique; et du même coup ce “reste” impossible à intégrer dans l’œuvre créatrice du Père, parce qu’il avait laissé à l’homme la liberté de décider pour ou contre Dieu, cette part inachevée de la création, dont l’achèvement était laissé au Fils incarné et dans laquelle le Père introduit maintenant celui-ci pour qu’il y accomplisse sa mission d’obéissance. » Il descendit dans les régions inférieures de la terre afin de voir de ses yeux la partie inachevée de la création » (Irénée).
Ces citations font peu de cas de la victoire glorieuse sur les puissances du mal représentées dans les icônes. Le châtiment accepté par Jésus pour d’autres que lui est la clé de ces lectures, même si, finalement, cette humiliation d’un juste à la place des pécheurs est l’indice de l’amour que porte le Christ aux hommes.
Albert Rouet, dans son livre sur le Credo, s’écarte de ces interprétations. Il met en lumière à partir d’un texte du Talmud le mouvement de Jésus vers la pauvreté la plus radicale, avant de souligner que la descente aux enfers illustre la seigneurie du Christ.
Albert Rouet, » Autour du Credo » :
On pose la question suivante à un rabbin : » Voilà un homme qui est le plus grand de tous les pécheurs. À un moment, la miséricorde de Dieu peut-elle s’adresser à lui ? À un moment, cet homme peut-il être rejoint par l’amour de Dieu ? » Le rabbin questionné répond : (…) » Il y a un moment où même le pire des pécheurs est le plus pauvre, le plus petit et le plus fragile : c’est au moment de sa mort. À ce moment-là, Dieu, dans sa miséricorde, se doit de se rapprocher de lui… » (…) Là où l’homme se défait, dans tous les camps de concentration, dans ces terrains boueux et sanguinolents des champs de bataille et de haine. Là où l’homme défait la création, là où l’homme dé-crée ce que Dieu a fait, refusant d’être homme vis-à-vis des autres, tuant son propre frère. Là où nous sommes moins qu’humains, le Christ s’est rendu présent.
Ces quelques citations montrent à la fois l’importance de cet article du Credo et sa fluidité.
L’importance : dès l’origine, il attire l’attention sur le fait que le parcours historique de Jésus n’était qu’un des éléments de son action. Forcer le monde des morts démontre que le Règne du Christ n’est pas à confondre avec un règne politique ; il est autre puisqu’il concerne aussi l’au-delà dans sa réalité la plus énigmatique.
La fluidité : les interprétations sont plus que divergentes ; elles confinent à la contradiction. Dans l’antiquité, l’article du Credo illustre surtout la puissance du Christ à l’œuvre. La théologie occidentale postérieure fut par contre très marquée par l’idée de substitution, qui conduisit à une perspective de solidarité dans le malheur extrême. Ce n’est que tout récemment que l’antique perspective s’impose à nouveau. Ce déplacement est la conséquence d’un rejet : l’expiation et le sacrifice ne sont plus les idées-clés des théologies de la rédemption.
Christian Duquoc, SBEV / Éd. du Cerf, Supplément au Cahier Evangile n° 128 (juin 2004), « La descente du Christ aus enfers », p. 100-103.