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L’ORIGINE ÉGYPTIENNE DE LA PRIÈRE DU COEUR
19 mai, 2014http://eocf.free.fr/text_priere_coeur_egypte.htm
L’ORIGINE ÉGYPTIENNE DE LA PRIÈRE DU COEUR
par Christian CANNUYER
article paru dans le numéro 11 de la revue Le Monde Copte
Né à Ath (Belgique) en 1957; licencié en histoire médiévale de l’Université Catholique de Louvain, licencié en philologie et histoire orientales, candidat en philologie biblique, prépare une thèse de doctorat en égyptologie SOus la conduite du professeur Cl. VANDERSLEYEN.
Ses études l’ont amené à s’intéresser à la coptologie – il a étudié le copte avec le professeur G. GARITTE puis avec M l’abbé G. LAFONTAINE. En collaboration avec ce dernier, il prépare la publication d’une épître inédite attribuée à Saint Athanase. Il a enseigné la religion et l’histoire au Collège St Julien à Ath de 1980 à 1982.
Son mémoire de licence l’a conduit à étudier la situation des communautés chrétiennes du Proche-Orient au Xlll » siècle à travers le témoignage de Jacques de Vitry, évêque de Saint-Jean d’Acre (1160/70-1240).
A mon ami Benoît De Keyser
» Je vous guiderai vers la voie de vie
» La bonne voie de celui qui obéit à Dieu
» Heureux celui que son coeur conduit vers elle
» Celui dont le coeur est ferme Sur la voie de Dieu
» Affermie est son existence sur la terre. «
PETOSIRIS, prêtre d’Hermopolis (IVe siècle avant J.C.)
L’affirmation d’Hérodote (II,37) qui prétendait que les habitants de l’Egypte ancienne étaient les plus dévots de tous les hommes a été diversement commentée.
Certains l’ont entendue dans un sens très restrictif et plutôt péjoratif: selon eux, elle signifierait que les égyptiens étaient un peuple superstitieux et extrêmement crédule, au regard des Grecs plus attachés à la raison et à la sagesse humaines. (1)
Plusieurs études menées par des égyptologues ont heureusement nuancé cette interprétation; elles ont prouvé que l’âme égyptienne, toute l’histoire de la civilisation pharaonique durant, avait été travaillée par de réels sentiments de piété, d’amour du Divin, voire de mysticisme. (2)
On a souligné, voici quelques années déjà (3) et tout récemment dans les pages de cette revue (4), combien cette tradition de religiosité profonde de l’Egypte antique avait préparé le terrain au Christianisme et permis à la vallée du Nil d’être une des premières contrées chrétiennes du monde, celle où allait éclore le monachisme, auquel l’Eglise de Jésus doit tant.
Les conceptions anthropologiques de la vieille Egypte considéraient le coeur comme l’élément essentiel de la vie physique, source du sang, du souffle et du sperme générateur, mais aussi le siège sacré des sentiments, de la pensée, de l’intelligence et de la volonté. (5)
Pointe suprême de la conscience, le coeur assumait la responsabilité des actes de l’individu et, à ce titre, subissait l’épreuve de la psychostasie après la mort de son possesseur.
Comme le dit un texte inscrit sur un cercueil conservé au Musée de Vienne, le coeur d’un homme était » son dieu lui-même » (ntr ds.f)
(6) (voir aussi un texte d’Olivier Clément sur le coeur centre spirituel de l’homme-note du webmestre)
Aucun texte n’exprime peut-être mieux l’importance du muscle cardiaque que le célèbre traité de théologie memphite où toute la cosmogonie développée à pour moteur la parole réalisatrice des volutions du coeur
(ib) (7)
Le coeur de l’Égyptien était aussi le lieu privilégié de son corps par lequel passait l’inspiration divine. En lui, cheminait la voie par laquelle le conseil divin arrivait jusqu’à l’être.
Le dieu fait naître la pensée dans les coeurs des hommes ( rdj.n ntr hpr m ib.w.sn) (8)
En retour, selon que l’Égyptien avait le coeur ouvert ou non (wbi-ib), il lui était loisible d’être plus ou moins en communication avec le Divin et de Lui être obéissant. (9)
Dans l’état de prière, qui, d’après l’antique sagesse pharaonique, était avant tout un état de SILENCE (10), il allait de soi que le coeur était le pivot indispensable autour duquel gravitait l’oraison. L’intériorisation était la condition sine qua non de celle-ci.
Or, c’est dans les milieux monastiques coptes qu’est attestée le plus anciennement la pratique de la » prière du coeur » ou » prière de Jésus » dont la fortune fut ensuite extraordinaire en milieux byzantin et slave. (11)
L’auteur égyptien des Homélies Spirituelles (Ve siècle) attribuées au grand Saint Macaire de Scété, explique bien que dans ce mode de prière, le lieu par excellence de la grâce contemplative est le coeur: » Dans le Christianisme, il est possible de goûter la grâce de Dieu: Goûtez et voyez que le Seigneur est bon (Ps. XXIV;9). Cette gustation, c’est la puissance pleinement active de l’Esprit qui se manifeste dans le coeur. Les fils de la lumière, ministres de la Nouvelle Alliance dans l’Esprit Saint, n’ont rien à apprendre auprès des hommes; ils apprennent auprès de Dieu. La grâce elle-même inscrit sur leurs coeurs les lois de l’Esprit… Le coeur, en effet, est le maÎtre et le roi de tout J’organisme corporel, et lorsque la grâce s’empare des pâturages du coeur, elle règne sur tous les membres et toutes les pensées; car là est l’intelligence, là se trouvent toutes les pensées de l’âme et c’est là qu’elle attend le bien. Voilà pourquoi la grâce pénètre dans tous les membres du corps. « (12)
On comparera sans peine cette formulation avec celle du traité de Théologie memphite signalé plus haut: l’action des bras, la marche des iambes, le mouvement de tout autre membre est fait suivant l’ordre que le coeur a conçu… la vision des yeux, l’ouïe des oreilles, la respiration de l’air par le nez, ils rendent compte au coeur; c’est lui qui en tire tout jugement et la langue annonce ce que le coeur a conçu. (13)
Les conceptions égyptiennes en la matière allaient avoir une influence prépondérante sur le développement de la pensée d’Evagre le Pontique ( + 399), disciple de Saint Macaire, qui tenta d’intégrer cette démarche de prière dans un système métaphysique dont elle ne se départirait plus. (14)
Au cinquième siècle, Diadoque de Photicé contribua grandement à faire connaître et apprécier la prière du coeur dans tout l’Orient byzantin (15). Il reviendrait cependant au monastère Sainte Catherine du Mont-Sinaï de devenir le centre de propagation de l’hésychasme, notamment grâce à Saint Jean Climaque, higoumène de ce couvent vers 580-650.
Chez ce dernier, l’importance du coeur apparaît tout aussi nettement que chez le pseudoMacaire: l’hésychaste est celui qui dit: » Mon coeur est affermi » (Ps. LVII;8). « L’hésychaste est celui qui dit: « Je dors, mais mon coeur veille » (Cant. V;2). » Fermez la porte de votre cellule à votre corps, la porte de vos lèvres aux paroles, la porte intérieure aux esprits « . (16)
Le rôle central du coeur dans l’hésychasme allait être particulièrement mis en lumière par Nicéphore l’Hésychaste, moine du Mont Athos dans la seconde moitié du Xllle siècle. Il nous a laissé un traité intitulé » Sur la garde du coeur « , dans lequel il conseille, afin de rétablir l’unité essentielle physico-psychique de l’être humain corrompue par le péché et promise à la restauration par la mort du Christ, de » faire revenir l’esprit dans le coeur » : » Entre dans ta chambre, enferme-toi, et t’étant assis dans un coin, fais comme je vais te dire: Tu sais que notre souffle, l’air de notre inspiration, nous ne l’inspirons qu’à cause du coeur… Ainsi que je t’ai dit, assieds-toi, recueille ton esprit, introduis-le -je dis ton esprit – dans les narines; c’est le chemin qu’emprunte le souffle pour aller au coeur. Pousse-le, force-le de descendre en ton coeur en même temps que l’air inspiré. Quand il y sera, tu verras la joie qui va suivre… n’aie d’autre occupation ni méditation que le cri de » Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi « … Mais si, mon frère, malgré tous tes efforts, tu n’arrives pas à pénétrer dans les parties du coeur suivant mes indications, fais comme je te dis et, avec le concours de Dieu, tu arriveras à tes fins. Tu sais que la raison de J’homme a son siège dans la poitrine. C’est dans notre poitrine en effet que, nos lèvres demeurant muettes, nous parlons, nous décidons, nous composons nos prières et nos psaumes… Après avoir banni de cette raison toute pensée, … donne-lui le » Seigneur Jésus-Christ aie pitié de moi » et contrains-le de crier intérieurement, à l’exclusion de toute autre pensée, ces paroles. Quand, avec le temps, tu te seras rendu maître de cette pratique, elle t’ouvrira l’entrée du coeur, ainsi que je te l’ai dit, indubitablement. » (17)
La raison est dans la poitrine – le coeur est le siège de la pensée et l’endroit le plus favorable à la communion mystique. A des siècles et des siècles, voire des millénaires, de distance, ce sont là les mêmes conceptions que celles de Ptahhotep ou du Traité de théologie memphite.
Elles demeureront telles dans l’Église d’Orient jusqu’à nos jours, non seulement dans l’orbe byzantin mais aussi dans le monde slave. Qu’on en prenne à témoin ce texte du grand starets Nil Maïkov (1433-1508), fondateur d’un ermitage sur la rivière Sora : » L ‘hésychie… c’est de rechercher le Seigneur dans son coeur, c’est-à-dire de garder son coeur dans la prière et se retrouver constamment à l’intérieur de ce dernier. » (18)
Certains auteurs ont voulu rattacher la prière du coeur chrétienne à la technique du dhikr musulman (19) ou même celle du yoga hindou. C’était oublier que dans l’optique hésychaste l’attention du c(Eur n’est qu’un moyen d’accéder au divin, tandis que pour les adeptes du dhikr ou du yoga, l’extase devient souvent une fin en soi. En ce sens, la prière du coeur chrétienne est bien plus proche des méthodes d’oraison de l’Egypte antique.
Pour nous, la filiation entre la pensée pharaonique et l’ascèse chrétienne orientale ne fait pas de doute (20). L’étude est à poursuivre et à compléter. Elle prouvera à tout le moins que le legs de l’Égypte païenne à la Chrétienté est encore plus riche qu’on ne le soupçonne, et plus essentiel.
C. CANNUYER
LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS D ANS LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE
19 mai, 2014http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/664.html
LES TENTATIONS DU CHRIST
LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS D ANS LA THÉOLOGIE CONTEMPORAINE
CE PASSAGE DE LA PREMIÈRE ÉPÎTRE DE PIERRE (1 P 3,18-20) POSE BIEN DES PROBLÈMES AUX EXÉGÈTES CONTEMPORAINS…
Le Symbole des apôtres mentionne la descente du Christ aux enfers comme conséquence de sa mort : il est mort et a été enseveli, il est descendu aux enfers. Il serait faux de dire que les éléments ici évoqués appartiennent à un même ordre de langage : mort et ensevelissement font partie de l’expérience ordinaire, tandis que les enfers échappent à notre investigation ; ils sont une manière imaginative de signifier la vérité de la mort de Jésus puisqu’il est allé au lieu où tous les êtres humains étaient sensés séjourner, une fois décédés — le chéol, le monde des morts dans l’A.T. Les enfers sont l’habitat définitif de l’armée des ombres. Dans le Credo, la mention de la descente aux enfers souligne qu’il n’y a réalité de la résurrection que s’il y a mort effective.
Les interprétations anciennes de la descente du Christ aux enfers ont été plus ou moins écartées par les théologies récentes. Elles ne sont cependant pas dénuées d’intérêt : le thème de la force christique réduisant à néant l’arrogance du mal et le thème de la libération de la misère la plus radicale demeurent pertinents, tant la puissance du mal s’affirme avec forfanterie et tant le malheur rôde, ne serait-ce que par le règne universel de la mort.
Pourtant à l’orée des temps modernes, après avoir critiqué la mythologie enfantine des commentateurs antiques, Calvin propose un chemin qui aura du succès dans les théologies contemporaines ( » Institution chrétienne » II, 16; cf. n° 92) : il articule l’abandon de Dieu et la descente aux enfers à l’étonnante conviction que Dieu fait subir à Jésus le châtiment du péché de tous. Sa descente aux enfers représente l’expérience de l’éloignement de Dieu, de la damnation. Elle est assumée par Jésus de telle sorte qu’il en retourne le sens : son obéissance à notre place jusque dans la condamnation le justifie aux yeux de Dieu et assure à l’humanité le salut.
Cette idée est reprise par Karl Barth. Elle n’exclut pas certains éléments des antiques lectures.
Karl Barth, » Credo » :
Si Dieu souffre lui-même, en Jésus Christ, le châtiment qui devait frapper notre existence, c’est qu’il a sacrifié son existence pour nous. Nous devons dès lors nous reconnaître comme ceux qu’il s’est acquis et qui lui appartiennent. Si Dieu ne veut pas nous punir parce que le châtiment est accompli, nous pouvons vivre comme des êtres libérés par lui, c’est-à-dire comme ses enfants. Enfin si Dieu, sans cesser d’être Dieu, a connu la tentation en Jésus Christ, si Jésus Christ est descendu aux enfers, et par là a réellement mis en question son unité existentielle de Dieu et d’homme, ne l’a-t-il pas fait pour nous et ne nous en a-t-il pas ainsi dispensés ? Nous ne sommes plus obligés d’aller en enfer.
Wolfhart Pannenberg reprend une interprétation similaire en y ajoutant quelques nuances. Il refuse la rigueur luthérienne (prédication aux enfers qui démontre aux damnés leur culpabilité), tout en acceptant sa part de vérité intégrable à la position réformée : la descente du Christ aux enfers est une partie de sa passion ; elle est le point le plus bas de son abaissement. Toutefois, l’intérêt de W. Pannenberg porte essentiellement sur le caractère universel de la mission du Christ que révèle la descente aux enfers.
Wolfhart Pannenberg, » Esquisse d’une théologie » :
Les images de la descente de Jésus aux enfers et de sa prédication dans le royaume des morts ne concernent pas la résurrection de Jésus comme on l’a dit à tort ; elles sont l’expression de la signification propre à un autre événement, sa mort. Cette signification n’appartient à la mort de Jésus qu’à la lumière de sa résurrection. Elle souligne l’efficacité de sa force de représentation même pour les morts. Le récit imagé de la descente de Jésus aux enfers explique comment même les hommes qui ont vécu avant la mort de Jésus et ceux qui ne l’ont pas connu ont part au salut qui s’est manifesté en lui. (…) L’idée de la descente de Jésus aux enfers, de sa prédication dans le royaume des morts, favorise cette dernière opinion. Elle enseigne que les hommes qui sont hors de l’Eglise visible ne sont pas automatiquement exclus du salut.
Le chemin ouvert par Calvin se comprenait à partir d’une idée de substitution : Jésus expie le péché à notre place. W. Pannenberg ne le récuse pas. Hans Urs von Balthasar l’emprunte en la développant d’une manière originale à partir d’un commentaire de Nicolas de Cuse (XVe s.) : Nicolas de Cuse parle d’une » vision intérieure de la mort » » en vertu d’une expérience immédiate », et y voit le » châtiment le plus complet ». Ainsi » la passion du Christ est la plus grande qu’on puisse concevoir, elle était comme celle des damnés qui ne peuvent plus être damnés davantage, c’est-à-dire : elle allait jusqu’à la peine infernale. Sur cette base que Urs von Balthasar bâtit son interprétation.
Hans Urs von Balthasar, » La gloire et la croix » :
Le concept néotestamentaire de “l’enfer” (…) est, en des sens multiples, un concept christologique. D’abord, dans la mesure où seul le Rédempteur mort a (…) éprouvé tout le sérieux de ce que devait devenir le chéol. Ensuite, pour autant que l’abandon où il était laissé par le Père dans la mort avait un caractère unique (…). Troisièmement, dans la mesure où dans cette vision de la (seconde) mort était également contemplé tout le fruit de la Croix rédemptrice : le péché “à l’état pur”, séparé de l’homme, le “péché en soi”, dans sa réalité, dans toute sa violence informe et chaotique; et du même coup ce “reste” impossible à intégrer dans l’œuvre créatrice du Père, parce qu’il avait laissé à l’homme la liberté de décider pour ou contre Dieu, cette part inachevée de la création, dont l’achèvement était laissé au Fils incarné et dans laquelle le Père introduit maintenant celui-ci pour qu’il y accomplisse sa mission d’obéissance. » Il descendit dans les régions inférieures de la terre afin de voir de ses yeux la partie inachevée de la création » (Irénée).
Ces citations font peu de cas de la victoire glorieuse sur les puissances du mal représentées dans les icônes. Le châtiment accepté par Jésus pour d’autres que lui est la clé de ces lectures, même si, finalement, cette humiliation d’un juste à la place des pécheurs est l’indice de l’amour que porte le Christ aux hommes.
Albert Rouet, dans son livre sur le Credo, s’écarte de ces interprétations. Il met en lumière à partir d’un texte du Talmud le mouvement de Jésus vers la pauvreté la plus radicale, avant de souligner que la descente aux enfers illustre la seigneurie du Christ.
Albert Rouet, » Autour du Credo » :
On pose la question suivante à un rabbin : » Voilà un homme qui est le plus grand de tous les pécheurs. À un moment, la miséricorde de Dieu peut-elle s’adresser à lui ? À un moment, cet homme peut-il être rejoint par l’amour de Dieu ? » Le rabbin questionné répond : (…) » Il y a un moment où même le pire des pécheurs est le plus pauvre, le plus petit et le plus fragile : c’est au moment de sa mort. À ce moment-là, Dieu, dans sa miséricorde, se doit de se rapprocher de lui… » (…) Là où l’homme se défait, dans tous les camps de concentration, dans ces terrains boueux et sanguinolents des champs de bataille et de haine. Là où l’homme défait la création, là où l’homme dé-crée ce que Dieu a fait, refusant d’être homme vis-à-vis des autres, tuant son propre frère. Là où nous sommes moins qu’humains, le Christ s’est rendu présent.
Ces quelques citations montrent à la fois l’importance de cet article du Credo et sa fluidité.
L’importance : dès l’origine, il attire l’attention sur le fait que le parcours historique de Jésus n’était qu’un des éléments de son action. Forcer le monde des morts démontre que le Règne du Christ n’est pas à confondre avec un règne politique ; il est autre puisqu’il concerne aussi l’au-delà dans sa réalité la plus énigmatique.
La fluidité : les interprétations sont plus que divergentes ; elles confinent à la contradiction. Dans l’antiquité, l’article du Credo illustre surtout la puissance du Christ à l’œuvre. La théologie occidentale postérieure fut par contre très marquée par l’idée de substitution, qui conduisit à une perspective de solidarité dans le malheur extrême. Ce n’est que tout récemment que l’antique perspective s’impose à nouveau. Ce déplacement est la conséquence d’un rejet : l’expiation et le sacrifice ne sont plus les idées-clés des théologies de la rédemption.
Christian Duquoc, SBEV / Éd. du Cerf, Supplément au Cahier Evangile n° 128 (juin 2004), « La descente du Christ aus enfers », p. 100-103.