Archive pour le 3 mai, 2014
RATZINGER « L’ESPRIT DE LA LITURGIE »
3 mai, 2014http://blodhorn.blogspot.it/2010/02/ratzinger-lesprit-de-la-liturgie.html
RATZINGER « L’ESPRIT DE LA LITURGIE »
dimanche 14 février 2010
La liturgie a connut un grand mouvement de renouveau au début du XX° siècle. C’est à ce moment qu’est nait une bien étrange comparaison. La liturgie serait comme un jeu avec ses règles, elle créerait une « réalité » à laquelle tous les individus adhèrent tant qu’ils participent.
En outre, la liturgie et le jeu sont gratuits, ils sont libérateurs pour les gens car ces mondes ne sont pas basés sur des critères économiques et ne tiennent pas compte des clivages sociaux-culturels. Ils sont des oasis, des évasions bienvenues dans notre monde comme le rappelait aussi Paul de CLERCK dans son « Intelligence de la liturgie ».
Néanmoins, cette comparaison a ses limites car le jeu n’est qu’une distraction et n’a pas la profondeur ni l’importance de la liturgie. Aucun jeu n’engage l’avenir de son participant ni ne répond aux questions existentielles des hommes alors que la liturgie si, et ce depuis l’origine des temps comme en atteste les textes relatifs à l’exode.
Rien que les négociations entre Moïse et pharaon sont éloquents car ce dernier fait de nombreuses propositions au prophète afin de la contenter (d’abord laisser partir les hommes, puis les hommes et les femmes mais en laissant le bétail) mais rien n’y fait, Moïse ne transigea pas car il savait que la liturgie qu’il devait rendre avec les juifs était d’origine divine, que son enjeu était de taille et que de fait aucun compromis ne pouvait être envisagé.
Et quel était cet enjeu précisément ? Il ne s’agissait pas tant d’adoration de Dieu dans le culte que de donner naissance à une nation avec certes ses instructions liturgiques mais aussi ses règles légales et une éthique. En outre, le texte met l’accent sur l’importance de ces trois notions culte-loi-éthique. L’un sans l’autre n’a pas de fondement. Une loi sans éthique ne peut être juste. Une éthique sans culte revient à donner foi au plus fort ou à l’arbitraire.
De fait, le culte dépasse la liturgie car il est l’une des pierres fondatrices de toute civilisation. Un ethnologue le confirmera si besoin, il n’existe aucune société qui n’adore et même celles qui se réclament d’un athéisme ne peuvent s’empêcher de célébrer certaines choses. Pourquoi ? Parce que le rapport à Dieu détermine tous les rapports qu’on les hommes entre eux et avec la création.
Ce qui nous permet de dire que l’adoration est constitutive de l’essence humaine et c’est le besoin de prévenir une vie éternelle qui nous permet aussi de correctement vivre notre simple existence. Sans cette perspective, la vie terrestre serait vide et sans intérêt.
Maintenant pour bien adorer il faut à l’humanité une liturgie et il faut que cette dernière soit institutionnalisée et ceci n’est permit qui si Dieu se révèle à nous pour nous dire comment le vénérer. Quand on reprend l’épisode du veau d’or, qu’est ce qui nous scandalise ? Ce qui nous révulse c’est que pour voir Dieu, des hommes ont cru qu’ils leur suffisaient d’abaisser Dieu à leur niveau alors que le propre de la liturgie est d’élever l’âme pour se rapprocher du créateur.
Se faisant les hommes ont commis un acte hautement blasphématoire car en faisant de Dieu quelque chose d’accessible aux humains, ils se sont mis à considérer comme son égal ce qui équivaut au pire orgueil qui soit.
Cet épisode est une leçon d’une grande importance. La liturgie, et le culte en général, ne doivent pas venir de l’homme sous peine de n’être qu’une conception égocentrique de la foi, vide de tout sens ou de tout fondement, bien loin de la félicité que l’on peut ressentir en prenant par aux véritables célébrations de Dieu.
Lors de ces célébrations, Dieu se donne à l’homme et l’homme de donne à Dieu. Dans un cas c’est de l’amour et dans l’autre de l’adoration mais dans tous les cas c’est la création tout entière qui est transcendée. Cette opération se réalise dans la liturgie qui, sans formellement s’y opposer, a remplacé les rites sacrificiels antérieurs au christianisme.
En effet, avant l’avènement de l’Eglise, les peuples faisait des offrandes volontaires à leur(s) dieu(x). Ils offraient ce qu’ils avaient de plus précieux afin de montrer à quel point ils étaient dévoués à cette entité. Mais l’Eglise a posé cette question : quelle joie apporte ce sacrifice à Dieu ? Le dieu d’amour décrit dans la bible ne saurait apprécier que ses créatures se privent de quelque chose d’essentiel pour lui. D’autant plus quand ce dieu s’est pris la peine, comme nous venons de le voir, de montrer aux mortels que nous sommes comment l’adorer et de fait faire s’élever notre âme jusqu’à lui.
Toute autre considération serait totalement irrationnelle.
Parler d’élévation de l’âme en opposition à la chute, c’est faire référence Plotin qui, le premier, a écrit que la vie hors de Dieu est une longue déchéance et qu’il est nécessaire à l’humanité de découvrir le fond de l’abyme pour pouvoir rebondir et recommencer l’ascension. Dans cette perspective, le but des religions est de faire prendre conscience de cette descente et de mettre fin à la chute afin de retourner vers Dieu en acceptant de fait de n’être qu’une créature. Une créature dotée d’un libre arbitre permettant le choix de revenir dans la lumière ou de continuer de s’enfoncer. Pour que cette rédemption se face, il faut un rédempteur et c’est là que l’Eglise intervient.
Elle intervient comme nous le vîmes plus haut en réfléchissant le sacrifice et en le remettant en question afin que les hommes cessent de se fourvoyer en sacrifiant ce qui leurs tiennent plus que tout à cœur. Elle intervient en réfléchissant sur la rédemption et le pardon. Là où le catholicisme se différencie des autres religions, c’est dans sa volonté de permettre la réconciliation avec Dieu pour l’humanité toute entière et cette réconciliation passe par l’Eucharistie, par la destruction du temple et l’élévation d’un nouveau temple, le Christ.
La liturgie est ce qui rend possible le dialogue intra-trinitaire. La crucifixion à chaque fois renouvelée n’est pas le besoin de se souvenir ou de ritualiser l’événement fondateur du christianisme mais plutôt de commémorer le passage d’un temps à un autre. Nous ne sommes plus aux temps antiques, nous ne sommes pas non plus arrivé à la nouvelle Jérusalem, nous sommes dans une époque de transition où l’humanité chemine vers Dieu selon les enseignements du Christ.
De ce fait, nous le voyons bien, puisque l’homme n’est pas encore en mesure de vivre parfaitement, il a besoin de l’Eglise et de la liturgie pour mieux vivre et devenir chaque jour un homme meilleur.
Pour pouvoir bénéficier de la liturgie, il faut à l’homme un lieu de culte et celui des catholiques se nomme l’église. L’église chrétienne est la digne héritière des synagogues. Ceci est cohérent puisque le christianisme partage beaucoup avec le judaïsme. Comme les synagogues, les églises ont deux parties distinctes, celles pour la prêche et celle pour le tabernacle.
Là où se distingue l’église est qu’elle a apporté des modifications inhérentes à ses croyances. Voyons lesquels.
Tout d’abord, l’édifice n’est plus tourné vers Jérusalem mais vers l’orient où le lever de soleil n’est pas sans évoquer le Christ, véritable lumière du monde qui illumine nos esprits et réchauffe nos cœurs. Cette considération ne parle pas beaucoup aux occidentaux moderne qui ont trop bien comprit que si Dieu est partout et si je peux prier à tout moment, il n’est plus pertinent de se rendre dans des lieux de cultes pour se faire. Cette conception est purement catholique et montre à la fois que le christianisme imprègne nos sociétés mais aussi que les gens ne comprennent pas ce qui caractérise la liturgie chrétienne, ne comprenne pas que la liturgie et en particulier l’Eucharistie est quelque chose de merveilleux qui a chaque fois permet à l’homme de se rapprocher un peu plus de Dieu en non pas l’ingérant mais en l’acceptant dans son corps et dans son esprit.
Ensuite, autre changement, un autel a été ajouté pour célébrer l’Eucharistie. Il n’est pas nécessaire d’en dire plus.
Enfin, le tabernacle n’est plus le simple dépositaire des paroles de la Torah mais il a aussi en son sein les évangiles – preuve que la tradition chrétienne ne rompt pas avec celle juive mais s’inscrit dans la continuité – ainsi que l’Eucharistie. Chez les juifs, le tabernacle est la tente de Dieu, le lieu où Il est. Pour un chrétien qui sait, par sa foi, que l’hostie consacrée est dépositaire de la présence divine, le tabernacle est l’endroit idéal pour recueillir la substance transformée par la présence de Dieu.
On le voit, les modifications apportées ne sont pas en franche rupture de la tradition juive mais au contraire dans son évolution. Elles tiennent compte des spécificités chrétiennes. Il n’y a nulle raison de s’en étonner puisque la religion chrétienne elle-même découle du judaïsme. Mais qu’en est-il du rite précisément ?
Parler de rite c’est aborder une notion à forte connotation péjorative. Le rite fait penser à l’ancestral, à l’immuable, à l’obsolète ce qui dans une société de l’immédiateté et de l’exclusivité n’est pas pour plaire. Paul de Clerck nous dit que dans son « Intelligence de la Liturgie » que mai 68 a encore plus accentué cet écart. Mais le rite correspond il vraiment la détestable image qu’il véhicule?
Au II° siècle, un juriste romain a définit le rite comme étant la manière la plus juste et loyale pour les hommes d’honorer leurs divinités.
Dans le cas du catholicisme, le rite est la communion des prières et des actions des fidèles tournés vers le même Dieu d’amour. Alors certes, il n’est pas, plus créatif. Voilà plusieurs siècles que le rite catholique est établi avec ses moments forts et ses moments normaux mais comprenons aussi que la création se fait toujours par la destruction et le renouveau. Ce n’est pas là le rôle de la foi chrétienne que de détruire le monde pour en créer un nouveau. Le christianisme est là pour sauver le monde, ce monde, et surtout ceux qui y vivent et ça ne passe pas par une destruction créatrice mais par la liturgie et le rite tels qu’on vient de les définir.
Le rite catholique demande une « participation active » de l’ensemble de la communauté. Cette expression fut même reprise par le concile du Vatican II. Mais qu’entend-on par là ? Pour la majorité, c’est juste le souhait émis par l’Eglise pour qu’un plus grand nombre aille plus souvent à la messe. S’il est indéniable que l’Eglise ait ce souhait, il serait débile de croire que le souhait du concile se limite à ça. Non, c’est plus complexe.
Dans participation active, il faut distinguer les deux mots. Comprendre que l’action est la prière eucharistique. Le reste de la liturgie n’est pas anecdotique mais ce sont des hommes qui s’échangent des lectures et des savoirs entre eux. Ceci renvoie aux enseignements faits dans les synagogues. L’Eucharistie est elle particulière car lorsque le prêtre dit « Ceci est mon corps », on sait que ce n’est pas de lui dont il parle. C’est Dieu qui s’exprime par lui, c’est Dieu qui nous parle, c’est Dieu qui vient à nous. Il est donc tout à fait indispensable que lorsque Dieu fait l’effort de nous tendre les bras, nous donnions suite à sa sollicitation.
On parle de participation active lorsque et les hommes et Dieu agissent et interagissent ensemble. Nous sommes bien loin du cliché véhiculé auparavant.
A ce stade, on a tous comprit que l’essentiel de la participation active humaine est spirituelle mais est effectivement le cas ?
Dieu nous a façonné à son image et nous a doté d’un corps. Ce n’est pas pour rien. Nous sommes corps et esprit et c’est tout entier que nous adorons le Seigneur. Si l’esprit par la prière joue un rôle, le corps est aussi sollicité. Pendant la liturgie, il est attendu du fidèles de faire divers gestes, d’adopter des postures.
Le premier des gestes est le signe de croix dont la signification a déjà largement été évoquée sur ce blog.
Autre mouvement, l’agenouillement. Ce mot revient 59 fois dans le nouveau testament ce qui n’est pas anecdotique. Toute une réflexion accompagne l’acte de se prosterner. Il est pour ses détracteurs un acte qui brime, qui nie la volonté et l’indépendance de l’homme, un signe de soumission devant un Dieu esclavagiste qui tente d’imposer sa volonté à ses créatures en humiliant ces dernières. Quiconque s’est un jour intéressé à la foi chrétienne et aux saintes écritures sait que le Dieu révélé par le Christ n’est pas ce genre de divinité. Il est amour mais pour que son amour soit possible, il nous faut l’accepter et pour l’accepter, il nous faut nous remettre en question. Refuser de s’agenouiller devant Dieu n’est pas faire acte d’indépendance mais d’orgueil car c’est nier que nous sommes des créatures finies. S’agenouiller devant Dieu s’est reconnaitre avec humilité notre finitude et c’est accepter de vivre en accord avec la volonté de Dieu sans pour autant que cette volonté n’occulte la notre. C’est plus un partenariat qu’une soumission car si nous vivons en accord avec les principes de Dieu sans pour autant être au diapason avec, alors toute notre vie aura été vaine, littéralement.
Autre position du corps, le fait d’être assis ou debout. Pendant la messe, on s’assoit au moment des lectures, des psaumes et de l’homélie. Pendant ces moments, le corps est au repos et à permet au fidèle d’écouter et de réfléchir. C’est une position de recueillement et d’écoute.
Le fait d’être debout est une réponse à Dieu. C’est une manière de témoigner et de notre écoute et de notre détermination.
Ainsi, nous venons de voir que la liturgie engage l’homme en corps et en esprit, qu’elle a une place fondamentale dans la vie de tous, dans la formation de l’âme du fidèle et qu’elle est fondamentale pour tout croyant car elle est la seule façon qu’a le chrétien de se rapprocher du Christ, de s’élever, de se purifier.
La liturgie est la seule manière qu’a le chrétien pour se sauver et sauver le monde. Dans notre société, elle est une alternative salutaire face à la rationalisation des comportements humains mais elle demande des efforts. Des efforts d’humilité pour les fidèles, des efforts de compréhension quant aux enjeux et aux significations des gestes et paroles qui seront les siens pendant le rite, des efforts d’abnégation dans sa foi afin de mieux la vivre. Ce n’est pas rien mais ça vaut le coup non ?