Archive pour avril, 2014

HOMÉLIE DE MGR LE SAUX POUR LE VENDREDI SAINT (2011)

18 avril, 2014

http://www.sarthe.catholique.fr/HOMELIE-DE-MGR-LE-SAUX-POUR-LE,1003

HOMÉLIE DE MGR LE SAUX POUR LE VENDREDI SAINT (2011)

Monseigneur Yves Le Saux , Evêque du Mans

22 avril 2011

« Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. » (Jn19, 37) Nous sommes invités aujourd’hui à regarder celui que nous avons transpercé.
Dans la Passion du Christ, la souffrance humaine a atteint son sommet. « Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleur, familier de la souffrance, semblable aux lépreux dont on se détourne, et nous l’avons méprisé, compté pour rien. C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé, comme un agneau conduit à l’abattoir » nous dit Isaïe (Is 53) Simultanément, la souffrance a revêtu une dimension complètement nouvelle, elle est entrée dans un ordre nouveau. Elle a été liée à l’amour, à l’amour qui crée le bien en le tirant même du mal.
La croix du Christ est devenue une source d’où coulent des fleuves d’eau vive. Après que le côté du Christ fut transpercé sur la croix, il est dit : « aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. » Ainsi, la vision du prophète Ezechiel se réalise : la source qui jaillit du côté droit du Temple de Jérusalem devient un fleuve infranchissable qui donne la vie là où il se répand, et assainit les eaux de la mer. (Ez 47) Jésus est le véritable temple, lieu de la présence de Dieu.
Dans la Passion, l’amour de Dieu nous est révélé, amour qui va jusqu’au bout. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16) Lors du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, l’apôtre Philippe demande à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. » (Jn 14, 8) Jésus répondra : « Qui me voit voit le Père. » (Jn 14, 9) En regardant Jésus sur la croix, nous voyons le Père. Nous voyons qui est Dieu et comment il nous aime. Croire dans le Fils crucifié signifie « voir le Père ». Cela signifie que l’amour est présent dans le monde, et que cet amour est plus puissant que les maux de toutes sortes dans lesquels l’homme, l’humanité et le monde sont plongés.
Sur la croix, l’amour miséricordieux nous est révélé. La miséricorde, c’est l’amour qui traverse la misère humaine. Plus même, c’est l’amour qui se sert de la misère et du mal qui sont dans le monde et qui assiège l’homme, qui s’insinue jusque dans son cœur, pour nous manifester un amour encore plus grand par la force du pardon.
Ce qui se passe dans la Passion du Christ est incroyable. Nous le rejetons et le méprisons : il nous manifeste encore plus d’amour. Nous l’accusons : il se tait. Nous le blessons : par ses blessures, il nous guérit. Nous le traitons comme un criminel et le condamnons injustement : il nous pardonne. Nous le mettons à mort : il nous donne la vie.
Face à Pilate qui l’interroge, Jésus répond : « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. Pilate lui dit : qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18, 37-38) Si Jésus nous révèle l’amour du Père, plus encore, s’il est l’amour du Père, il nous révèle aussi la vérité, ou plus exactement, il est la vérité, la vérité sur Dieu et aussi la vérité sur l’homme. Il nous montre en vérité qui est Dieu, Dieu qui se fait proche, Dieu qui se rend accessible, terriblement accessible. La vérité est que la puissance de Dieu se révèle dans l’absence de la puissance. La puissance de Dieu, c’est la miséricorde. Il nous dit aussi la vérité sur l’homme. Au point que Pilate présente Jésus en disant « voici l’homme ! » (Jn 19, 5) En Jésus, l’homme est révélé en lui-même, en lui est rendue visible la misère de tous ceux qui sont frappés ou anéantis. En lui, est révélée l’inhumanité du pouvoir humain qui écrase le faible. En lui, se révèle le péché de l’homme. Mais la profonde dignité de Jésus dans sa Passion révèle aussi la profonde dignité de l’homme. Sa dignité ne peut lui être enlevée. Au cœur de sa Passion, Jésus est aussi l’espérance. Dieu est du côté de ceux qui souffrent.

Que devons-nous faire face à un tel mystère ?
Le regarder, nous approcher de lui, le laisser s’approcher de nous.
Laissons-nous aimer. Nous pensons souvent que nous devons faire des choses pour Dieu ou à cause de lui. Nous pensons qu’il faut être généreux. En réalité, c’est lui qui nous a aimés le premier. Accueillons cet amour.
Laissons-nous guérir. C’est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous avons été blessés par la trahison, par des accusations injustes, par toute sorte de déception, par la solitude, le mépris. Comme dit l’Ecriture, « le cœur de l’homme est compliqué et malade. » (Je 17, 9) Laissons Jésus nous rejoindre dans le plus intime de nos cœurs, pour qu’il redonne vie à ce qui est mort en nous, et que nos blessures, au lieu d’être source de colère, de jalousie, d’amertume, de peur, deviennent chemin de miséricorde.
Accueillons le pardon. « C’est par nos péchés qu’il a été broyé. » (Is 53, 5) Dans la Passion, le pardon est accordé. Accueillons-le. Que l’humilité du Christ nous libère de l’orgueil, que son silence nous libère des paroles d’accusation et blessantes. Que sa bonté nous libère de la jalousie et de la méchanceté, que sa douceur nous libère de la violence, que la vérité nous libère de tout mensonge. Apprenons de lui à aimer et à pardonner.

Enfin, en ce vendredi saint, implorons la miséricorde de Dieu sur ce monde déchiré par la souffrance, la guerre, les conflits.
Seigneur Jésus, nous avons confiance en toi.

Maestro bertram di minden, lavanda dei piedi, Amburgo

16 avril, 2014

 Maestro bertram di minden, lavanda dei piedi, Amburgo dans images sacrée
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Maestro_bertram_di_minden,_lavanda_dei_piedi,_amburgo_1380-90_ca..JPG

MESSE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

16 avril, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2010/documents/hf_ben-xvi_hom_20100401_coena-domini_fr.html

MESSE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Saint-Jean-de-Latran

Jeudi Saint, 1er avril 2010 (année A)

Chers frères et sœurs,

D’une façon plus ample que les trois autres évangélistes, saint Jean, à sa manière propre, nous renvoie dans son évangile au discours d’adieu de Jésus, qui apparaît aussi comme son testament et comme la synthèse du noyau essentiel de son message. Au début de ce discours, il y a le lavement des pieds, dans lequel le service rédempteur de Jésus pour l’humanité qui a besoin de purification est résumé dans ce geste d’humilité. A la fin, les paroles de Jésus se transforment en prière, c’est la Prière sacerdotale, dont les exégètes ont repéré l’arrière-fond dans le rituel de la fête juive de l’Expiation. Ce qui était le sens de cette fête et de ses rites – la purification du monde, sa réconciliation avec Dieu – se réalise dans l’acte de la prière de Jésus, une prière qui en même temps, anticipe la Passion, la transforme en prière. Ainsi, dans la Prière sacerdotale, se rend aussi visible d’une manière tout à fait particulière, le mystère permanent du Jeudi Saint: le nouveau sacerdoce de Jésus Christ et sa continuation dans la consécration des Apôtres, dans la participation des disciples au sacerdoce du Seigneur. Dans ce texte inépuisable, je voudrais, à présent, choisir trois paroles de Jésus, qui puissent nous introduire plus profondément dans le mystère du Jeudi Saint.
Il y a tout d’abord la phrase: «La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus-Christ» (Jn 17,3). Chaque être humain veut vivre. Il désire une vie véritable, pleine, une vie qui vaille la peine, qui soit une joie. A l’aspiration à la vie, est jointe, en même temps, la résistance à la mort, qui, cependant, est inéluctable. Lorsque Jésus parle de la vie éternelle, il entend la vie authentique, vraie, qui mérite d’être vécue. Il n’entend pas simplement la vie qui vient après la mort. Il entend la manière authentique de la vie – une vie qui est pleinement vie et pour cela est soustraite à la mort, mais qui peut, de fait, déjà commencer en ce monde, ou mieux, qui doit commencer en lui: c’est seulement si nous apprenons déjà maintenant à vivre de façon authentique, si nous apprenons cette vie que la mort ne peut enlever, que la promesse de l’éternité a un sens. Mais comment cela se réalise-t-il? Qu’est donc cette vie vraiment éternelle, à laquelle la mort ne peut nuire? La réponse de Jésus, nous l’avons entendue: la vraie vie c’est qu’ils te connaissent, toi, Dieu et ton Envoyé, Jésus Christ. A notre surprise, il nous est dit là que la vie est connaissance. Cela signifie, par-dessus tout: la vie est relation. Personne n’a la vie de lui-même et seulement pour lui-même. Nous l’avons de l’autre, dans la relation avec l’autre. Si c’est une relation dans la vérité et dans l’amour, un donner et recevoir, elle donne plénitude à la vie, elle la rend belle. Mais justement à cause de cela, la destruction de la relation, œuvre de la mort, peut être particulièrement douloureuse, peut mettre en question la vie elle-même. Seule la relation avec Celui qui est lui-même la Vie, peut soutenir aussi ma vie au-delà des eaux de la mort, peut me conduire vivant à travers elles. Déjà, dans la philosophie grecque, existait l’idée que l’homme peut trouver une vie éternelle s’il s’attache à ce qui est indestructible – à la vérité qui est éternelle. On devrait, pour ainsi dire, se remplir de la vérité pour porter en soi la substance de l’éternité. Mais seulement si la Vérité est Personne, elle peut me faire traverser la nuit de la mort. Nous nous accrochons à Dieu, à Jésus Christ, le Ressuscité. Et nous sommes ainsi portés par Celui qui est la Vie même. Dans cette relation, nous vivons aussi en traversant la mort, parce que Celui qui est la Vie même ne nous abandonne pas.
Mais revenons aux paroles de Jésus: La vie éternelle: c’est qu’ils te connaissent, Toi et ton Envoyé. La connaissance de Dieu devient vie éternelle. Naturellement, ici par ‘connaissance’, on entend quelque chose de plus qu’un savoir extérieur, comme nous savons, par exemple, quand est mort un personnage célèbre et quand fut faite une invention. Connaître dans le sens de la Sainte Écriture, c’est devenir intérieurement une seule chose avec l’autre. Connaître Dieu, connaître le Christ signifie toujours aussi L’aimer, devenir en quelque sorte une seule chose avec Lui, en vertu de la connaissance et de l’amour. Notre vie devient donc une vie authentique, vraie et ainsi aussi éternelle, si nous connaissons Celui qui est la source de tout être et de toute vie. Ainsi, la parole de Jésus devient une invitation pour nous: devenons amis de Jésus, cherchons à Le connaître toujours plus! Vivons en dialogue avec lui! Apprenons de Lui la vie droite, devenons ses témoins! Alors nous devenons des personnes qui aiment et alors nous agissons de façon juste. Alors, nous vivons vraiment.
Par deux fois, au cours de la Prière sacerdotale, Jésus parle de la révélation du nom de Dieu. «J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner» (v.6). «Je leur ai fait connaître ton nom et je le ferai connaître encore: pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé, et que moi aussi, je sois en eux» (v.26). Le Seigneur fait allusion ici à la scène du Buisson ardent, dans laquelle Dieu, à la demande de Moïse, avait révélé son nom. Jésus veut donc dire que Lui porte à sa fin ce qui avait commencé au Buisson ardent; qu’en Lui, Dieu, qui s’était fait connaître à Moïse, se révèle maintenant pleinement. Et qu’ainsi il accomplit la réconciliation; que l’amour avec lequel Dieu aime son fils dans le mystère de la Trinité, entraîne maintenant les hommes dans cette circulation divine de l’amour. Mais qu’est-ce-que cela signifie plus précisément que la révélation du Buisson ardent soit portée à son terme, atteigne pleinement son but? L’essentiel de l’événement du Mont Horeb, n’a pas été la parole mystérieuse, le ‘Nom’, que Dieu avait livré à Moïse, pour ainsi dire, comme signe de reconnaissance. Communiquer le nom signifie entrer en relation avec l’autre. La révélation du nom divin signifie donc que Dieu, qui est infini et subsistant en lui-même, entre dans le jeu des relations humaines; que Lui, pour ainsi dire, sort de lui-même et devient l’un de nous, quelqu’un qui est présent au milieu de nous et pour nous. Pour cela, en Israël, sous le nom de Dieu, on ne voyait pas seulement un terme enveloppé de mystère, mais le fait de l’être-avec-nous de Dieu. Le Temple, selon la Sainte Écriture, est le lieu dans lequel habite le nom de Dieu. Dieu n’est pas renfermé dans quelque espace terrestre; Il demeure infiniment au-dessus du monde. Mais dans le Temple il est présent pour nous comme celui qui peut être nommé – comme Celui qui veut être avec nous. Cet être de Dieu avec son peuple s’accomplit dans l’Incarnation du Fils. En elle se complète réellement ce qui avait débuté au Buisson ardent: Dieu comme Homme peut être appelé par nous et nous est proche. Il est l’un de nous et, par-dessus tout, Il est Dieu éternel et infini. Son amour sort, pour ainsi dire, de lui-même et entre en nous. Le mystère eucharistique, la présence du Seigneur sous les espèces du pain et du vin est la plus haute et la plus intense condensation de ce nouvel être-avec-nous de Dieu. «Vraiment tu es un Dieu caché, Dieu d’Israël», a prié le prophète Isaïe (45,15). Cela reste toujours vrai. Mais en même temps, nous pouvons dire: vraiment tu es un Dieu proche, tu es un Dieu-avec-nous. Tu nous as révélé ton mystère et tu nous as montré ton visage. Tu t’es révélé toi-même et tu t’es donné dans nos mains… En ce moment, doit nous envahir la joie et la gratitude parce qu’il s’est montré; parce que Lui, l’Infini et l’Insaisissable pour notre raison, est le Dieu proche qui aime, le Dieu que nous pouvons connaître et aimer.
La demande la plus connue de la Prière sacerdotale est la demande de l’unité pour les disciples, pour ceux d’alors et ceux de l’avenir. Le Seigneur dit: «Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là – c’est-à-dire la communauté des disciples réunis au Cénacle – mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi: que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé (v. 20sv; cf. v. 11.13)». Que demande précisément ici le Seigneur? Par-dessus tout, il prie pour les disciples de ce temps et de tous les temps à venir. Il regarde en avant vers l’étendue de l’histoire à venir. Il en voit les dangers et recommande cette communauté au cœur du Père. Et il demande au Père l’Église et son unité. Il a été dit que, dans l’Évangile de Jean, l’Église n’apparaît pas – et il est vrai que la parole ekklesia n’y est pas mentionnée. Ici, au contraire, elle apparaît, dans ses caractéristiques essentielles: comme la communauté des disciples qui, grâce à la parole apostolique, croient en Jésus Christ et ainsi deviennent un. Jésus implore l’Église comme une et apostolique. Ainsi, cette prière est précisément un acte fondateur de l’Église. Le Seigneur demande l’Église au Père. Elle naît de la prière de Jésus et grâce à l’annonce des Apôtres, qui font connaître le nom de Dieu et introduisent les hommes dans la communion d’amour avec Dieu. Jésus demande donc que l’annonce des disciples se poursuive au long des temps; qu’une telle annonce rassemble les hommes, que grâce à elle, ils reconnaissent Dieu et son Envoyé, le Fils Jésus Christ. Et il prie afin que les hommes soient conduits à la foi, et au moyen de la foi, à l’amour. Et il demande au Père que ces croyants «soient un en nous» (v. 21); qu’ils vivent, pourrait-on dire, à l’intérieur de la communion avec Dieu et avec Jésus Christ, et que par cet être intérieurement en communion avec Dieu, s’édifie l’unité visible. Par deux fois, le Seigneur dit que cette unité devrait faire en sorte que le monde croie à la mission de Jésus. En effet, ce doit être une unité qui puisse se voir – une unité qui va tellement au-delà de ce qu’il est habituellement possible entre les hommes, qu’elle devient un signe pour le monde et confirme la mission de Jésus Christ. La prière de Jésus nous donne la garantie que l’annonce des Apôtres ne pourra jamais cesser dans l’histoire; qu’elle suscitera toujours la foi et rassemblera les hommes dans l’unité – dans une unité qui devient témoignage pour la mission de Jésus Christ. Mais cette prière est toujours aussi un examen de conscience pour nous. En ce moment, le Seigneur nous demande: vis-tu, par la foi, dans la communion avec moi et aussi dans la communion avec Dieu? Ou ne vis-tu pas peut-être plutôt pour toi-même, t’éloignant ainsi de la foi? Et n’es-tu pas ainsi coupable de la division qui obscurcit ma mission dans le monde, qui barre aux hommes l’accès à l’amour de Dieu? Que Lui l’ai vue, et qu’il voie encore tout ce qui menace et détruit l’unité, a été une composante de la Passion historique de Jésus et demeure une partie de sa Passion qui se prolonge dans l’histoire. Quand nous méditons sur la Passion du Seigneur, nous devons aussi percevoir la douleur de Jésus par le fait que nous sommes en opposition avec sa prière; que nous résistons à son amour; que nous nous opposons à l’unité qui doit être pour le monde le témoignage de sa mission.
En ce moment où, le Seigneur dans la Très Sainte Eucharistie se donne lui-même – son corps et son sang –, se donne dans nos mains et dans nos cœurs, nous voulons nous laisser toucher par sa prière. Nous voulons entrer nous aussi dans sa prière, et nous l’implorons ainsi: Oui, Seigneur, donne-nous la foi en toi, Toi qui es un avec le Père dans l’Esprit-Saint. Donne-nous de vivre dans ton amour et ainsi de devenir un avec toi, comme tu es un avec le Père pour que le monde croie. Amen.

HOMELIE DU JEUDI-SAINT 2011 (ANNÉE A)

16 avril, 2014

http://catholique-montauban.cef.fr/rubriques/gauche/leglise-catholique-en-tarn-et-garonne/textes-de-leveque/annee-2011/homelie-du-jeudi-saint-2011

HOMELIE DU JEUDI-SAINT 2011 (ANNÉE A)

Aujourd’hui nous célébrons la Cène du Seigneur, le repas dans lequel Jésus institue l’eucharistie et fait de ses apôtres les ministres de ce sacrement et de tous les sacrements. Or si les trois évangélistes Mathieu, Marc et Luc rapportent ce grand moment Jean rapporte un épisode simultané et étonnant : Jésus lave les pieds de ses disciples. Ce récit est étonnant car s’ils sont fidèles à la Tradition les Apôtres ont pris un bain avant ce repas et ont fait les ablutions rituelles. De plus, ce geste est un geste d’esclave. Comment Jésus qui est bien pour eux le Messie peut-il faire une telle chose ?

Un geste déroutant
C’est d’ailleurs la réaction de Pierre : « TOI Seigneur, tu veux me laver les pieds ? » Pierre ne comprend pas et refuse pensant que Jésus ne peut pas s’abaisser à un tel acte. Pierre –ne l’oublions pas – a un jour répondu à Jésus : « Tu es le Christ, le Messie de Dieu, le Fils du Dieu vivant » (Mathieu 16, 16).
Il n’est pas pensable pour Pierre de voir Jésus à ses pieds « Tu ne me laveras pas les pieds, non jamais ! » Il en est vraiment indigné….
Pierre ne se laissera faire que lorsque la Parole de Jésus lui ouvre le cœur :
« si je ne te lave pas les pieds tu n’auras pas part avec moi » et dans son élan il veut être lavé toute entier …..
Il est évident que Jean, l’auteur de l’évangile, n’est pas dans une affaire de propreté rituelle ! Nous sommes pleinement dans la signification de ce geste : l’abaissement de Jésus qui se fait serviteur jusqu’au bout. Il lave les pieds de ses apôtres mais, en fait, il les sanctifie, il les rend purs. C’est ce qu’il demande à son Père : « sanctifie-les dans ta vérité » (Jean 17, 17). Nous savons que nous ne pouvons pas nous purifier nous-mêmes : c’est le pardon de Dieu qui nous rend purs, « lave-moi de ma faute, Seigneur, purifie-moi de mon péché » (Ps 50). Quand saint Paul dit « vous avez revêtu le Christ » c’est ce qu’il veut signifier : vous êtes rempli du Christ, vous êtes purifiés dans le Christ.

Un geste d’amour et de pardon
C’est le commandement nouveau donné par Jésus à ses Apôtres
« Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et votre Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez vous aussi comme moi j’ai fait pour vous ».
Il ne s’agit pas simplement de faire du bien aux autres, d’être « en tenue de service » à leur égard. Ce commandement s’adresse aux Apôtres et il ne se comprend qu’en lien avec ce qui se passe à ce moment intense du repas, de la Cène du Seigneur. Jésus anticipe ce qu’il va vivre dans quelques heures : le sacrifice total, le don de sa vie pour l’humanité tout entière depuis la création du monde jusqu’à la fin des temps. Le lavement des pieds est le signe de l’amour qui vient rejoindre les Apôtres, qui les sanctifie et les rend dignes d’accomplir à la suite du Christ son sacrifice suprême. Il faut mettre en parallèle les deux commandements qu’Il leur donne : « faites ceci en mémoire de moi « (le ministère eucharistique) « faites vous aussi, comme moi, ce que j’ai fait pour vous ».
La miséricorde du Seigneur fait aussi de ses Apôtres les ministres du pardon des péchés puisque dans la même ligne, selon l’évangile de Saint Jean, au soir de Pâques Jésus donne le commandement et le pouvoir à ses Apôtres de pardonner les péchés. Nous savons bien que dans le sacrement du pardon le Seigneur vient laver les pieds de ses disciples et les inonder de sa miséricorde.
Tout ceci nous fait entrevoir les liens inséparables qu’en ce Jeudi-Saint nous célébrons dans le mystère du Christ qui donne sa vie. Le lavement des pieds révèle à la fois l’abaissement et la toute-puissance du Christ. C’est exactement ce que nous retrouvons dans les sacrements : la pauvreté du signe (l’eau, le pain, le vin, l’huile…) et l’immensité du don de Dieu par la puissance du Christ. Cette puissance est celle de l’Amour qui s’incarne, qui rejoint chacun et qui, seul, nous purifie et nous rend dignes de ce don.
C’est pourquoi l’Eucharistie est une réalité divine qui se réalise entre les mains d’un homme pauvre pécheur mais appelé par le Christ à agir en ses lieux et places, i-e in persona Christi. Parce que nous sentons notre faiblesse comme Pierre nous disons « Seigneur, tu ne nous laveras pas les pieds ». Or c’est l’orgueil humain qui parle car il nous faut être bénéficiaires de la miséricorde du Seigneur, de son amour gratuit pour pouvoir le rendre présent. Et Pierre après la résurrection pourra dire « tu sais tout, Seigneur, tu sais bien que je t’aime » mais auparavant il va connaître dans la terrible nuit de la Passion de son Maître la trahison ….Il faudra le regard de Jésus pour le relever, pour la deuxième fois Jésus était descendu jusqu’à lui. L’eucharistie et tous les sacrements c’est cet abaissement de Dieu par Jésus pour nous rendre semblables à Lui et nous faire vivre de Lui. Soyons ce soir dans l’action de grâce pour cet immense don. Amen !

Mat-26,36 Jardin de Gethsemane

15 avril, 2014

 Mat-26,36 Jardin de Gethsemane dans images sacrée 12%20ST%20ALBANS%20PSALTER%20CHRIST%20IN%20THE%20GARD

http://www.artbible.net/3JC/-Mat-26,36_Garden%20Gethsemany_Jardin%20de%20Gethsemane/slides/12%20ST%20ALBANS%20PSALTER%20CHRIST%20IN%20THE%20GARD.html

SAINT-PÈRE BENOÎT XVI EN TERRE SAINTE (8-15 MAI 2009) – Josafat Valley – Jérusalem

15 avril, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2009/documents/hf_ben-xvi_hom_20090512_josafat-valley_fr.html

PÈLERINAGE DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI EN TERRE SAINTE (8-15 MAI 2009)

MESSE – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Josafat Valley – Jérusalem

Mardi 12 mai 2009

Chers Frères et Sœurs,

« Le Christ est ressuscité, alléluia ! ». Par ces mots, je vous salue avec une très grande affection. Je remercie le Patriarche Fouad Twal pour les paroles de bienvenue qu’il m’a adressées en votre nom, et avant tout, j’exprime ma joie de pouvoir célébrer cette Eucharistie avec vous, qui êtes l’Église à Jérusalem. Nous sommes rassemblés sous le Mont des Oliviers, où notre Seigneur a prié et a souffert, où il a pleuré par amour de cette Ville et à cause du désir qu’elle puisse connaître ce qui pouvait lui « donner la paix » (Lc 19, 42). De ce lieu, il est retourné vers le Père, donnant son ultime bénédiction terrestre à ses disciples et à nous. Aujourd’hui, recevons cette bénédiction. Il vous la donne d’une façon particulière, chers frères et sœurs, qui êtes reliés par une chaîne interrompue avec les premiers disciples qui ont rencontré le Seigneur ressuscité et l’ont reconnu à la fraction du pain, ceux qui ont expérimenté dans la Chambre Haute l’effusion de l’Esprit-Saint, ceux qui ont été convertis en écoutant la prédication de saint Pierre et des autres Apôtres. Je salue également tous ceux qui sont présents, et aussi tous les fidèles de Terre sainte qui, pour diverses raisons, n’ont pu nous rejoindre aujourd’hui.
Comme Successeur de saint Pierre, j’ai mis mes pas dans les siens afin de proclamer au milieu de vous le Christ ressuscité, de vous confirmer dans la foi de vos pères et d’invoquer sur vous la consolation qui est le don du Paraclet. Me tenant devant vous aujourd’hui, je ne peux oublier les difficultés, les frustrations, les épreuves et les souffrances que tant de vous ont dû supporter à cause des conflits qui ont affecté ces terres, sans parler des amères expériences de déplacement auquel tant de vos familles ont été contraintes et – qu’à Dieu plaise – puissiez-vous ne plus connaître. J’espère que ma venue ici est ressentie comme le signe que vous n’êtes pas oubliés, que votre présence persévérante et votre témoignage sont hautement précieux aux yeux de Dieu et importants pour l’avenir de ces terres. En raison justement des profondes racines que vous avez dans cette terre, de votre culture chrétienne, forte et ancienne, ainsi que de votre confiance inébranlable dans la fidélité de Dieu à ses promesses, vous, Chrétiens de Terre Sainte, vous êtes appelés à servir non seulement comme une lumière-témoin de foi pour l’Église universelle, mais aussi comme un levain d’harmonie, de sagesse et d’équilibre dans la vie d’une société qui, traditionnellement, a été pluraliste, multiethnique et plurireligieuse et qui continue à l’être.
Dans la deuxième lecture de ce jour, l’Apôtre Paul demande aux Colossiens de « rechercher les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu » (Col 3, 1). Ses paroles résonnent avec une force particulière ici, au pied du Mont des Oliviers où Jésus a accepté le calice de la souffrance dans une complète soumission à la volonté du Père, et d’où, selon la tradition, il est monté pour siéger à la droite du Père intercédant sans cesse pour nous, les membres de son Corps. Saint Paul, le héraut puissant de l’espérance chrétienne, savait bien quel est le prix de cette espérance, ce qu’elle coûte en souffrances et persécutions pour la cause de l’Évangile, néanmoins il n’a jamais fléchi dans sa conviction que la résurrection du Christ marque le début d’une nouvelle création. Et il nous dit : « Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3, 4) !
L’exhortation de Paul à « rechercher les réalités d’en haut » doit résonner sans cesse en nos cœurs. Par ses paroles, il nous oriente vers le plein accomplissement de la vision de foi dans la Jérusalem céleste, là où, conformément aux antiques prophéties, Dieu essuiera toute larme de nos yeux et préparera pour le salut de tous les peuples un festin (cf. Is 25 6-8 ; Ap 21, 2-4).
Voilà l’espérance, voilà la vision, qui inspire tous ceux qui aiment la Jérusalem terrestre et qui la voient comme une prophétie, la promesse de la réconciliation universelle et de la paix que Dieu désire pour toute la famille humaine. Mais, sous les murs de cette même Cité, nous sommes amenés à constater avec tristesse combien notre monde est éloigné de l’accomplissement plénier de cette prophétie et de cette promesse. Dans cette Ville Sainte où la Vie l’a emporté sur la mort, où l’Esprit a été répandu comme les prémices de la nouvelle création, l’espérance doit toujours se battre contre le désespoir, contre les frustrations et le cynisme, tandis que la paix, qui est don de Dieu et à laquelle il nous appelle, continue à être menacée par l’égoïsme, les conflits, les divisions et par le fardeau des erreurs du passé. C’est pour cela que la Communauté chrétienne de cette Cité, où eut lieu la résurrection du Christ et où fut répandu l’Esprit, doit d’autant plus tenir ferme dans l’espérance que donne l’Évangile, s’appuyant sur la promesse de la victoire définitive du Christ sur le péché et la mort, témoignant de la puissance du pardon et rendant visible la nature la plus profonde de l’Église qui est d’être signe et sacrement d’une humanité réconciliée, renouvelée et unie dans le Christ, nouvel Adam.
Tandis que nous sommes ici rassemblés au pied des remparts de cette cité, que les disciples de trois grandes religions considèrent comme sacrés, comment pouvons-nous ne pas songer à la vocation universelle de Jérusalem ? Annoncée par les prophètes, cette vocation apparaît aussi comme un fait indiscutable, comme une réalité à jamais enracinée dans l’histoire complexe de cette ville et de ses habitants. Les Juifs, les Musulmans tout comme les Chrétiens considèrent cette cité comme leur patrie spirituelle. Comme il reste beaucoup à faire pour faire en sorte qu’elle soit véritablement une « cité de paix » pour tous les peuples, où tous peuvent venir en pèlerinage pour chercher Dieu et écouter sa voix, une voix qui « annonce la paix » (cf. Ps 85, 9) !
De fait, Jérusalem est depuis toujours une ville où résonne dans les rues l’écho de langues différentes, où cheminent sur les pavés des peuples de toute race et langue, et dont les murs sont un symbole de l’amour providentiel de Dieu pour la famille humaine tout entière. Comme un microcosme de notre univers mondialisé, cette Ville, si elle veut vivre en conformité à sa vocation universelle, doit être un lieu qui enseigne l’universalité, le respect des autres, le dialogue et la compréhension mutuelle ; un lieu où les préjugés, l’ignorance et la peur qui les alimentent, sont mis en échec par l’honnêteté, le bon droit et la recherche de la paix. Il ne devrait pas y avoir place, à l’intérieur de ces murs, pour l’étroitesse d’esprit, la discrimination, la violence et l’injustice. Ceux qui croient en un Dieu miséricordieux – qu’ils se reconnaissent comme Juifs, Chrétiens ou Musulmans – doivent être les premiers à promouvoir cette culture de réconciliation et de paix, sans se laisser décourager par la pénible lenteur des progrès ni par le lourd fardeau des souvenirs du passé.
Ici, je voudrais parler sans détours de la tragique réalité – qui ne peut manquer d’être source de préoccupations pour tous ceux qui aiment cette Ville et cette terre – du départ de tant de membres de la Communauté chrétienne depuis ces dernières années. S’il est bien compréhensible que certaines raisons puissent pousser un grand nombre – spécialement les jeunes – à prendre la décision d’émigrer, il reste que cette décision a pour conséquence un véritable appauvrissement culturel et spirituel de la Ville. Je veux répéter aujourd’hui ce que j’ai déjà dit en d’autres occasions : en Terre Sainte, il y a de la place pour tous ! En demandant aux Autorités civiles de respecter et de soutenir la présence chrétienne ici, je veux également vous assurer de la solidarité, de l’amour et du soutien de toute l’Église et du Saint-Siège.
Chers amis, dans l’Évangile qui vient d’être proclamé, saint Pierre et saint Jean courent vers le tombeau vide, et Jean, nous dit-on : « vit et crut » (Jn 20, 8). Ici, sur la Terre Sainte, avec les yeux de la foi, vous avez la grâce, avec tous les pèlerins du monde entier qui affluent dans ses églises et ses sanctuaires, de « voir » les lieux sanctifiés par la présence du Christ, par son ministère ici-bas, sa passion, sa mort et sa résurrection ainsi que par le don de l’Esprit Saint. Ici, tout comme l’Apôtre saint Thomas, vous pouvez « toucher » les réalités historiques qui sont à la base de notre profession de foi dans le Fils de Dieu. Ma prière pour vous aujourd’hui est que vous puissiez continuer, jour après jour, à « voir et reconnaitre dans la foi » les signes de la Providence de Dieu et de sa miséricorde infinie, que vous puissiez « écouter » avec une foi et une espérance renouvelées les paroles réconfortantes de la prédication apostolique, et « toucher » les sources de la grâce dans les sacrements afin d’incarner pour d’autres leur promesse de commencements nouveaux, la liberté qui jaillit du pardon, la lumière intérieure et la paix qui peuvent apporter guérison et espérance dans les réalités humaines les plus sombres.
Dans la Basilique du Saint-Sépulcre, les pèlerins de chaque siècle ont vénéré la pierre qui, selon la tradition, fermait l’entrée du tombeau au matin de la résurrection du Christ. Revenons souvent vers ce tombeau vide. Affirmons notre foi dans la victoire de la Vie et prions pour que chaque « lourde pierre » qui ferme nos cœurs, et bloque notre totale adhésion au Seigneur dans la foi, l’espérance et l’amour, puisse voler en éclats sous la puissance de la lumière et de la vie qui, au premier matin de Pâques, s’est répandue de Jérusalem jusqu’au bout du monde. Le Christ est ressuscité, alléluia ! Il est vraiment ressuscité, alléluia !

SUIVRE JÉSUS – 1. SUIVRE JÉSUS SIGNIFIE LUI DONNER PRIORITÉ (et…)

15 avril, 2014

http://www.topchretien.com/topmessages/view/2418/suivre-jesus.html

SUIVRE JÉSUS – 1. SUIVRE JÉSUS SIGNIFIE LUI DONNER PRIORITÉ (et…)

Par Michaël Williams

Jn.1:35-44 Texte: v.43 « Suis-moi »

INTRODUCTION
Jésus dit : « Suis-moi » à Philippe et Philippe Le suit. Jésus dit également à Pierre et André : Mt.4:19-21 « Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. 20 Aussitôt, ils laissèrent les filets, et le suivirent. 21 De là étant allé plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui étaient dans une barque avec Zébédée, leur père, et qui réparaient leurs filets. Il les appela, 22 et aussitôt ils laissèrent la barque et leur père, et le suivirent. » ; 9:9 « De là étant allé plus loin, Jésus vit un homme assis au lieu des péages, et qui s’appelait Matthieu. Il lui dit: Suis-moi. Cet homme se leva, et le suivit. » Les 12 disciples étaient les premiers qui furent appelés à être disciples, mais pas les derniers. Depuis eux, des millions ont répondu à l’appel divin. Répondre à l’appel à devenir disciple signifie qu’on suit Jésus. On ne Le devance pas. On ne Le commande pas. On Le suit et on L’obéit. Qu’est-ce que signifie « suivre Jésus » ?

1. SUIVRE JÉSUS SIGNIFIE LUI DONNER PRIORITÉ
En Luc 9:59 Jésus invite à un homme : « Suis-moi. Et il répondit: Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père. ». Si l’on tient compte des pratiques du temps du Nouveau Testament, il est clair que la raison donnée par cette homme à ne pas suivre Jésus directement n’avait rien à faire avec les obsèques de son papa. Son père n’était même pas mort ! On enterrait les morts dans les 8 heures et les fils ne quittaient pas le corps de leur père entre sa mort et son enterrement. Si donc le père de cet appelé était vraiment mort, l’homme en question ne serait pas en train de parler avec Jésus ! Non, sa réponse n’était qu’une excuse, une excuse pour remettre le pas de devenir disciple de Jésus à plus tard. Il était peut-être prêt à devenir disciple, mais certainement pas maintenant. Il semble qu’il ne l’est jamais devenu d’ailleurs, car on ne lit plus rien de lui dans la Bible.
Sa réponse contenait deux mots qu’un vrai disciple de Jésus ne peut jamais dire : « moi … d’abord ». V.60 « Jésus lui dit: Laisse les morts ensevelir leurs morts; et toi, va annoncer le royaume de Dieu. » Au contraire : Jésus dit : Mt.6:33a « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu » . Ceci veut dire que la volonté de Dieu doit occuper la première place dans notre vie. Jésus Lui-même a montré le bon exemple à Ses disciples : Jn.4:34 « Jésus leur dit: Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son oeuvre. » ; 5:30 « Je ne puis rien faire de moi-même: selon que j’entends, je juge; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. » et dans le jardin de Gethsemané : Mt.26:39 « il se jeta sur sa face, et pria ainsi: Mon Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » . Pierre demandait à Jésus : Mt.19:27,29 « Voici, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi; qu’en sera-t-il pour nous ? » Seigneur, nous T’avons donné priorité – priorité sur notre foyer et notre commerce – « Voici, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi; qu’en sera-t-il pour nous ? » . > vv.28-29 « Jésus leur répondit: Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l’homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël. 29 Et quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses soeurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie éternelle. »

2. SUIVRE JÉSUS EXIGE L’ABANDON DE TOUT CE QUI NOUS EMPÊCHE DE LE SUIVRE
En Marc 10 nous lisons la triste histoire d’un jeune homme riche, qui : v.17 « accourut, et se jetant à genoux devant lui: Bon maître, lui demanda-t-il, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle? ». Ce jeune homme n’attend pas à être appelé par Jésus, il se précipite lui-même pour faire sa candidature. Vv.18-20 « Jésus lui dit: Pourquoi m’appelles-tu bon? Il n’y a de bon que Dieu seul. 19 Tu connais les commandements: Tu ne commettras point d’adultère; tu ne tueras point; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; tu ne feras tort à personne; honore ton père et ta mère. 20 Il lui répondit: Maître, j’ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse. ». À première vue ce jeune homme semble être un candidat-disciple idéal. Il est sérieux, pieux, religieux et croyant. Et il est humble, même très humble, car un riche ne se mettait pas à genoux devant un pauvre ! Il veut vraiment devenir disciple de Jésus avec tout son coeur !
Le verset suivant dit quelque chose qui me touche profondément : v.21 « Jésus, l’ayant regardé, l’aima ». Dans mon imagination je vois Jésus se mettre à genoux, lentement et tendrement à coté du jeune homme, l’embrasser et lui dire : v.21b « Il te manque une chose; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi. » – une invitation personnelle à s’ajouter aux 12 disciples : « viens, et suis-moi. ». Mais quelle réaction décevante : v.22 « affligé de cette parole, cet homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens. » . La condition pour devenir disciple de Jésus lui est trop difficile. Son amour pour son argent est plus grand que son amour pour Jésus. Le résultat ? La plus grande occasion de sa vie : ratée : « cet homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens. » .
Suivre Jésus exige l’abandon de tout ce qui forme une barrière à Le suivre complètement et indivisiblement . Jésus est très radical à ce sujet : Mt.5:29-30 « Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne. 30 Et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n’aille pas dans la géhenne.”.

3. SUIVRE JÉSUS SIGNIFIE MOURIR À SOI-MÊME
S’il s’avère difficile à remplir ces deux premières conditions nécessaires à devenir un disciple de Jésus – Lui accorder toute priorité dans notre vie et abandonner tout ce qui pourrait former une barrière, la troisième condition est encore plus dure : Luc.9:23 « il dit à tous: Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. » « Il dit à tous » – donc non seulement aux pasteurs, anciens, missionnaires etc, mais à nous tous, jeunes et vieux, nouveaux convertis et chrétiens qui servent le Seigneur déjà depuis 50 ans : « Si quelqu’un veut venir après moi » – suivre Jésus ne va donc pas de soi. Au contraire, J ésus met 3 conditions à remplir devant chaque candidat-disciple : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. ».
Jésus adresse ces paroles à Ses disciples au moment où tout semble aller formidablement bien dans leur expérience avec le Seigneur. Dans les jours qui précèdent ces paroles ils ont vu miracle après miracle : la tempête calmée sur la mer de Galilée, la délivrance du possédé à Gadara, la guérison de la femme qui souffrait d’une perte de sang, la résurrection de la fille de Jaïrus, la multiplication des 5 petits pains et 2 petits poissons. Il était facile, formidable même, à être un disciple de Jésus ! Et ça alaait devenir encore beaucoup mieux : Luc 12:28-30 « Vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves; 29 c’est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur, 30 afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume, et que vous soyez assis sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. » ! Les disciples doivent être vraiment euphoriques ! Ils ont trouvé le Messie ! Jésus va certainement accomplir les prophéties de l’Ancien Testament, chasser les occupants Romains haïs du pays et établir Son Royaume de paix et de justice, dans lequel eux, les disciples, occuperaient des postes de ministre ! Mais alors explose leur rêve : v.22 « Il ajouta qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrît beaucoup, qu’il fût rejeté par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les scribes, qu’il fût mis à mort » O là ! Il doit y avoir une erreur ! Jésus Se trompe sûrement ! Souffrance ? Rejet ? Mort ? Cela ne peut pas être possible ! Mais avant qu’ils n’aient retrouvé leur souffle, Jésus jette une deuxième bombe : v.23 « il dit à tous: Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. ». Jésus n’annonce pas seulement Ses propres souffrances, rejet et mort, mais Il annonce que Ses disciples subiront le même sort !
a) Renoncer à soi-même
Jésus dit : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. ». Non : « je et moi … », mais : « Tu et Toi … ». L’apôtre Paul écrit : 1 Cor.10:24 « Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui. » ; Rom.15:1 « Nous qui sommes forts, nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas, et ne pas nous complaire en nous-mêmes. » . Renoncer à soi-même signifie que nous ne faisons pas ce qui nous plaît en premier lieu, mais que nous plaçons les besoins et même les désirs des autres devant les nôtres, et, surtout, que nous donnons priorité à la volonté de Dieu sur notre propre volonté . Jésus dit : Mt.16:25 « celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. ». Jésus S’est renoncé à Lui-même à notre avantage : 2 Cor.8:9 « vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis. » . Il pria dans le jardin de Gethsemane : Mt.26:39 « non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. ».
b) Se charger de sa croix
« Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix » . Si l’on renonce à soi-même, on se sacrifie . Renoncer à soi-même est négatif – dire « non » à notre propre volonté ; le sacrifice de soi-même est positif – dire « oui » à la croix. Jésus a dit « oui » à la croix. Il aurait pu dire « non ». Il aurait pu suivre la proposition du premier des brigands crucifiés à coté de Lui : Mt.27:40 « sauve-toi toi-même! Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix! » et appeler les légions d’anges que Son Père céleste Lui avait promises. Mais Il ne l’a pas fait. Jésus Se chargeait de Sa croix. Et Il nous dit : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix » . Mais qu’est-ce que c’est que « sa croix » ? Une maladie, une situation difficile dans le mariage ou avec la famille, des circonstances onéreuses ? Quand Jésus dit « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix » , veut-Il nous encourager à souffrir comme Lui, Il a souffert, et/ou que nous devons accepter toutes les maladies et supporter toute attaque du diable ? Si, en effet, c’est cela qu’Il a voulu dire, alors pourquoi commence-t-Il ce verset avec le petit mot « si » ? « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix » . Ceux qui ne veulent pas venir après Lui, souffrent autant de maladies et de contretemps. Le texte ne dit cependant pas que nous devons tout accepter et supporter que le diable nous donne, mais, au contraire, que nous devons nous charger de notre croix nous-mêmes, volontairement. La croix à laquelle Jésus Se réfère ici n’est donc pas quelque chose négative ou douloureuse que le diable nous donne, mais quelque chose que nous prenons nous-mêmes. Personne ne se rend malade volontairement. Personne ne souhait des problèmes dans son mariage ou sa famille ou à son travail . Jésus dit : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix » – pas « une croix », mais « sa croix » ; pas une croix que quelqu’un d’autre nous donne, mais notre « propre » croix de laquelle nous nous chargeaons nous-mêmes – « chaque jour » !
Ceux qui voyait quelqu’un se charger d’une croix savait avec assurance ce qui allait lui arriver. Celui qui se chargeait d’une croix allait mourir ! Et le texte le confirme : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. » . Cette parole de Jésus est une invitation à mourir à tout ce qui pourrait nous empêcher à suivre le Seigneur. Le baptême dans l’eau illustre cette mort : Rom.6:4 « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. ». Mais le baptême n’illustre pas seulement la mort (heureusement), mais aussi la résurrection à la nouvelle vie – la vie éternelle consacrée à Jésus. : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. » .

____________________________________________________________________
Michaël Williams est professeur à temps partiel au Continental Theological Seminary

 

Passion of Our Lord

14 avril, 2014

 Passion of Our Lord dans images sacrée 5salzbu1
http://vultus.stblogs.org/index.php/2011/03/votive-mass-of-the-passion-of/

LA PRIÈRE DU SEIGNEUR – ΠΑΤΕΡ ΗΜΩΝ – COMMENTAIRE PAR ST MAXIME LE CONFESSEUR

14 avril, 2014

 http://priere-orthodoxe.blogspot.it/p/la-priere-du-seigneur.html

LA PRIÈRE DU SEIGNEUR – ΠΑΤΕΡ ΗΜΩΝ  - COMMENTAIRE PAR ST MAXIME LE CONFESSEUR

Πάτερ ἡμῶν ὁ ἐν τοῖς οὐρανοῖς ·

ἁγιασθήτω τὸ ὄνομά σου ·

ἐλθέτω ἡ βασιλεία σου ·

γενηθήτω τὸ θέλημά σου, ὡς ἐν οὐρανῷ καὶ ἐπὶ τῆς γῆς ·

τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν σήμερον ·

καὶ ἄφες ἡμῖν τὰ ὀφειλήματα ἡμῶν,

ὡς καὶ ἡμεῖς ἀφίεμεν τοῖς ὀφειλέταις ἡμῶν ·

καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν,

ἀλλὰ ῥῦσαι ἡμᾶς ἀπὸ τοῦ πονηρο

COMMENTAIRE DU NOTRE PÈRE PAR ST MAXIME LE CONFESSEUR

1. « Notre Père qui es aux cieux, sanctifié soit ton nom, vienne ton règne »

Tout d’abord, par ces mots, le Seigneur enseigne à ceux qui prient de commencer comme il convient par la theologia, et il les conduit au mystère du mode de l’existence de la Cause Créatrice des êtres, lui qui est par essence la cause des êtres. En effet, les mots de la Prière montrent le Père, le Nom du Père et le Règne du Père pour nous enseigner à partir du Principe lui– même à honorer, à invoquer et adorer la Trinité Une. Car le Nom de Dieu le Père qui subsiste essentiellement, c’est le Fils Unique; et le Règne de Dieu le Père qui subsiste essentiellement, c’est l’Esprit Saint. En effet ce qu’ici Matthieu appelle « Règne », un autre évangéliste l’appelle ailleurs Esprit Saint : « Que vienne ton Esprit Saint et qu’il nous purifie. » En effet le Père n’a pas un Nom reçu d’ailleurs, et nous ne devons pas penser le Règne comme une dignité considérée postérieurement à lui. Car il n’a pas commencé à être pour commencer aussi à être Père ou Roi, mais lui qui est toujours il est aussi toujours Père et Roi, n’ayant absolument pas commencé à être, ni à être Père ou Roi. Et si lui qui est toujours, il est aussi toujours Père et Roi, alors aussi toujours le Fils et l’Esprit ont subsisté essentiellement avec le Père; ils sont naturellement à partir de lui et en lui, au delà de la cause et de la raison, mais ils ne sont pas après lui, comme s’ils étaient advenus postérieurement en tant que causés par lui. Car la relation possède la capacité de montrer l’un dans l’autre en même temps ceux dont elle est et est dite relation, en ne permettant pas qu’ils soient considérés l’un après l’autre.

Donc le commencement de cette prière nous conduit à honorer la Trinité coessentielle et suressentielle, en tant qu’elle est la Cause créatrice de notre venue à l’être.

En outre, il nous enseigne aussi à nous annoncer à nous-mêmes la grâce de la filiation, puisque nous sommes dignes d’appeler Père par grâce celui qui par nature nous a créés. Ainsi, par respect pour l’invocation de celui qui nous a fait naître selon la grâce, nous nous empressons de signifier dans notre manière de vivre l’empreinte de celui qui nous a fait naître : nous sanctifions son Nom sur la terre en l’imitant comme un Père, en nous montrant ses enfants par nos actions et en magnifiant par nos pensées et nos actes le Fils du Père par nature qui opère lui– même la filiation.

Nous sanctifions le Nom du Père par grâce dans les cieux en mortifiant évidemment la concupiscence pour la matière et en nous purifiant des passions corruptrices, puisque la sanctification c’est l’immobilité totale et la mortification de la concupiscence des sens. Parvenus à cela, nous assoupissons les aboiements inconvenants de l’agressivité qui n’a plus, pour l’exciter et la persuader de se laisser vaincre par les plaisirs familiers, la concupiscence qui est déjà mortifiée par la sainteté conforme au principe (logos) de nature.

En effet l’agressivité, qui par nature vient à la rescousse de la concupiscence, cesse naturellement de se mettre en furie quand elle a vu la concupiscence mortifiée.

C’est donc à bon droit qu’après le rejet de l’agressivité et de la concupiscence, vient, d’après la Prière, la possession du Règne de Dieu le Père pour ce qui, après les avoir rejetées, sont dignes de dire « Vienne ton Règne », c’est-à-dire ton Esprit Saint. Par le principe (logos) et le mode (tropos) de la douceur, ils sont déjà faits temples de Dieu par l’Esprit (Ep 2/21-22). En effet il est dit: «Sur qui donc me reposerai– je sinon sur celui qui est doux, sur celui qui est humble et qui craint mes paroles? » (Is 66/2). D’où il est visible que le Règne de Dieu le Père appartient aux humbles et aux doux. Car est– il dit, « Bienheureux les doux, car ils hériteront de la terre » (Mt 5/4). Ce n’est pas cette terre qui occupe par nature la place médiane de l’univers que Dieu a promise en héritage à ceux qui l’aiment, s’il dit vrai en disant : « Quand ils ressusciteront des morts, ils ne prendront ni femme ni mari, mais ils seront comme les anges dans le ciel » (Mt 22/30) et : « Venez les bénis de mon Père, vous hériterez du Règne préparé pour vous depuis la fondation du monde » (Mt 25/34). Et ailleurs de nouveau à un autre qui servait avec bienveillance : « Entre dans la joie de ton Seigneur» (Mt 25/21). Et après lui le divin Apôtre: « Car la trompette sonnera, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront les premiers, incorruptibles; ensuite nous les vivants, qui restons encore là, en même temps qu’eux, nous serons ravis dans les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons pour toujours avec le Seigneur » (1 Co 15/52 et 1 Th 4/15-17).

 

Puisque de telles promesses ont été faites à ceux qui aiment le Seigneur, qui donc dirait – s’il a fixé son intellect aux seules paroles, s’il est mû par le Verbe et s’il désire être serviteur du Verbe – que le « ciel », le « Règne préparé depuis la fondation du monde », la joie mystérieusement cachée du Seigneur, le séjour et la demeure continuels et absolument sans interruption de ceux qui sont dignes avec le Seigneur, sont en quelque sorte identiques à la terre ? Au contraire je pense pouvoir dire maintenant que la terre, c’est ce comportement et cette puissance que les doux ont fermement et tout à fait immuablement fixés dans le bien de l’immutabilité : parce qu’ils sont toujours avec le Seigneur, ils portent une joie sans éclipse, ils ont obtenu le Règne préparé depuis l’origine et ont été jugés dignes de se tenir et d’être placés dans le ciel, comme une terre occupant la position médiane de l’univers, c’est-à-dire le principe (logos) de la vertu. Selon ce principe, le doux, au milieu entre le bien et le mal qu’on dit de lui (2 Co 6/8), demeure dans l’apatheia, sans être enflé par ce qu’on dit de bien, ni attristé par ce qu’on dit de mal. Car ce dont par nature elle est libre, après avoir repoussé le désir, la raison (logos) n’est pas sensible à ses assauts quand cela la trouble : elle s’est reposée de toute agitation à ce sujet et elle a amarré toute la puissance de l’âme à l’immobile liberté divine. Voulant en faire don à ses disciples, le Seigneur dit : « Chargez– vous de mon joug et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez le repos pour vos âmes» (Mt II /29). Il appelle repos la possession du Règne divin, en tant qu’elle produit en ceux qui sont dignes une souveraineté débarrassée de toute servitude.

Si la possession inamissible du Règne indestructible est donnée aux humbles et aux doux, qui serait à ce point sans amour et sans désir des biens divins pour ne pas tendre à l’extrême vers l’humilité et la douceur pour devenir – autant qu’il est possible à l’homme – l’empreinte du Règne de Dieu en portant en lui par la grâce la configuration exacte en Esprit au Christ, qui est en vérité naturellement par essence le grand Roi ?

Dans cette configuration, dit le divin Apôtre, « il n’a plus ni mâle ni femelle» (Ga 3/28) : c’est- à- dire ni agressivité ni concupiscence. En effet l’agressivité détruit tyranniquement l’exercice de la raison et fait sortir la pensée de la loi de la nature. Et la concupiscence rend les êtres qui sont après la Cause et Nature unique, seule désirable et impassible, plus désirables que Celle-ci. Par là elle rend la chair plus appréciable que l’esprit et la jouissance de ce qui est visible plus agréable que la gloire et l’éclat de l’intelligence. Par la douceur du plaisir des sens, elle écarte l’intellect de la perception divine des intelligibles qui lui est connaturelle. Mais [dans cette configuration, il n'y a plus] que la raison toute seule, qui s’est dépouillée par un surcroît de vertu de cette tendresse et affection, tendresse et affection qui sont non seulement sans passion mais qui sont également naturelles pour le corps. L’esprit est alors parfaitement maître de la nature et persuade l’intellect d’abandonner la philosophie morale quand il doit s’unir au Verbe suressentiel par la contemplation simple et indivise (même si la raison pratique contribue naturellement à ce que l’intellect se coupe facilement de ce qui s’écoule dans le temps et le dépasse). Ce dépassement accompli, il n’est pas raisonnable d’imposer comme une mélote (lourd manteau) le fardeau du mode de vie selon la morale à celui qui s’est montré détaché des choses sensibles.

Et c’est ce mystère que montre clairement le grand Élie en en donnant en figure l’exemple dans ses actions (2 R 2/11). D’une part pendant son rapt, il donne à Élisée sa mélote (je veux dire la mortification de la chair par laquelle il a affermi la magnificence de la bonne ordonnance morale) pour qu’elle s’allie avec l’Esprit dans le combat contre toute puissance adverse et pour qu’il en frappe la nature instable et fluente (figurée par le Jourdain) afin que le disciple ne soit pas empêché de traverser en direction de la Terre sainte et ne soit pas englouti par le côté trouble et glissant du penchant pour la matière. D’autre part, quant à lui, il s’avance vers Dieu, libéré, n’étant soumis à absolument aucune relation aux êtres, simple en son désir et sans composition en son libre vouloir; il fixe son séjour auprès de Celui qui est simple par nature, à travers les vertus générales gnostiquement attelées les unes aux autres comme des chevaux de feu. Il savait en effet qu’il faut au disciple du Christ se tenir à l’écart des dispositions inégales dont les différences prouvent l’hostilité (car la passion de concupiscence produit un épanchement de sang autour du cœur et un mouvement d’agressivité produit évidemment le bouillonnement de ce sang). Parvenu à avoir la vie, le mouvement et l’être en Christ (Ac. 17/28), il avait éloigné de lui l’origine discordante des inégalités et il ne portait plus en lui les dispositions contraires – disais– je – de ces passions, à l’instar de (l’opposition] mâle– femelle. Ainsi la raison n’est pas asservie par elles, étant demeurée étrangère à leurs changements instables. En elle a été naturellement infusée la majesté de l’image divine pour persuader l’âme de se transformer par son libre vouloir à la ressemblance de Dieu et d’appartenir au grand Règne qui subsiste essentiellement avec le Dieu et Père de toutes choses; elle devient une habitation toute resplendissante de l’Esprit Saint qui reçoit – s’il est permis de le dire et selon qu’elle est capable – le pouvoir tout entier de connaître la nature divine. Par ce pouvoir est écartée l’origine de ce qui est inférieur et subsiste naturellement celle de ce qui est supérieur; l’âme pareillement à Dieu gardant intacte en elle par la grâce de sa vocation l’hypostase des biens qu’elle a reçus. Par ce pouvoir, le Christ naît toujours mystérieusement et volontairement, s’incarnant à travers ceux qui sont sauvés; il fait de l’âme qui l’enfante une mère vierge qui – pour parler bref – ne porte pas les marques de la nature soumise à la corruption et à la génération dans la relation entre mâle et femelle.

Que nul ne s’étonne donc d’entendre la corruption placée avant la génération. En effet celui qui examine sans passion et avec une raison droite la nature de ce qui vient à l’être et de ce qui s’en va, trouvera clairement que la génération prend son commencement de la corruption et s’achève dans la corruption. Les passions caractéristiques de cette génération et de cette corruption – comme je le disais – le Christ ne les possède pas (c’est- à-dire le mode de vie – et la raison du Christ et selon le Christ), si du moins est véridique celui qui dit: « Car en Christ, il n’y a ni mâle ni femelle» (Ga 3/28) (montrant évidemment par là les caractéristiques et les passions de la nature soumise à la corruption et à la génération), mais il y a seulement un principe (logos déiforme créé par la connaissance divine et un mouvement unique du libre vouloir qui choisit la seule vertu.

« Ni grec, ni juif» (Ga 3/28). Cela signifie des conceptions (logos) différentes ou – pour parler avec plus de vérité opposées de la notion de Dieu. L’une [la grecque] introduit de façon insensée une multiplicité de principes et partage le principe unique en énergies et puissances opposées : elle se façonne un culte polythéiste plein de dissensions par la pluralité de ce qu’on adore et risible à cause des manières (tropoi) différentes d’adorer. L’autre [la juive] introduit un principe unique, mais mesquin et imparfait, presque inconsistant, comme dépourvu de raison et de vie; par des voies contraires elle tombe dans le même mal que la première conception, l’athéisme: elle limite à une personne unique l’unique principe qui subsisterait sans le Verbe et sans l’Esprit, ou qui serait qualifié par le Verbe et par l’Esprit; elle ne voit pas quel Dieu serait ce Dieu qui n’a point part avec le Verbe et l’Esprit, ni comment il serait Dieu en ayant part avec eux comme avec des accidents, par une participation proche de celle des êtres rationnels soumis à la génération. En Christ il n’y a – comme je l’ai dit – aucune de ces conceptions, mais uniquement une conception de vraie piété, une solide loi de théologie mystique qui refuse de distendre la divinité comme la première conception et n’accepte pas de la comprimer comme la seconde. Ainsi n’y a-t-il pas dissension par une pluralité des natures [à la grecque] ni admission de l’unicité d’hypostase [à la juive], parce que, privé du Verbe et de l’Esprit ou qualifié par le Verbe et par l’Esprit, le divin n’est pas honoré comme Intellect, Verbe et Esprit. [Cette pieuse conception] nous apprend, à nous qui avons été introduits à la parfaite connaissance de la vérité par la vocation de la grâce selon la foi, à connaître qu’unique est la nature et la puissance de la Divinité, et donc qu’il y a un Dieu unique contemplé dans le Père, le Fils et le Saint– Esprit; c’est-à-dire un Intellect unique subsistant essentiellement sans être causé, qui a engendré l’unique Verbe subsistant sans principe selon l’essence, et qui est la source de l’unique Vie subsistant essentiellement de manière éternelle comme Esprit Saint. [Dieu est] Trinité en Unité et Unité en Trinité,

– non une autre en une autre. Car la Trinité n’est pas pour l’Unité comme un accident dans une essence, ni à l’inverse, l’Unité dans la Trinité, car elle n’est qualifiée;

– ni comme une autre et une autre. Car l’Unité ne diffère pas de la Trinité par une différence de nature, puisqu’elle est une nature simple et unique;

– ni comme une autre après une autre. Car la Trinité ne se distingue pas de l’Unité par une diminution de puissance, ni l’Unité de la Trinité. Et l’Unité ne se distingue pas de la Trinité comme quelque chose de commun et de général à des parties qu’on considérerait uniquement par la seule pensée, puisqu’elle est une essence qui existe proprement par elle-même et une puissance qui a réellement sa propre force;

– ni comme une autre à travers une autre. Car il n’y a pas de médiation de relation, comme de l’effet à la cause, entre ce qui est totalement identique et sans relation;

– ni comme une autre à partir d’une autre. Car la Trinité n’est pas produite à partir de l’Unité, puisqu’elle est sans venue à l’être et se produit elle-même au jour.

Au contraire, nous disons et pensons que la même est en vérité Unité et Trinité; Unité selon le principe (logos) de l’essence et Trinité selon le mode (tropos) de l’existence.

La même est tout entière Unité sans être partagée par les Hypostases, et la même est tout entière Trinité en qui l’Unité n’entraîne pas de confusion. Ainsi n’introduit– on pas de polythéisme par un partage, ni d’athéisme par une confusion. Fuyant l’un et l’autre, resplendit la conception [de Dieu] selon le Christ. J’appelle conception chrétienne la proclamation nouvelle de la vérité: « En lui il n’y a ni mâle ni femelle » (CoI3/n) – c’est- à-dire pas de marque ni de passions de la nature soumise à la corruption et à la génération – « ni grec ni juif» – c’est- à-dire pas de conceptions opposées sur Dieu – « ni circoncision ni incirconcision» – c’est-à-dire pas de religions différentes issues de ces conceptions opposées. La religion de la circoncision, à travers les symboles de la Loi, considère comme mauvaise la création visible et accuse le Créateur d’être l’auteur des maux. La religion de l’incirconcision déifie, à cause des passions, la création visible et dresse la créature contre le Créateur. Tous deux ensemble aboutissent au même mal, l’injure à Dieu. «Ni barbare ni Scythe » – c’est-à-dire pas de distension du libre vouloir qui pousse une nature unique à se révolter contre elle- même. Par cette distension s’est introduite parmi les hommes pour les détruire la loi antinaturelle qui les fait s’entretuer. «Ni esclave ni homme libre » – c’est-à-dire pas de division d’une même nature en opposition avec le libre vouloir. Cette division fait mépriser celui qui est par nature digne du même honneur et elle a pour corollaire l’attitude des despotes qui tyrannisent la dignité de l’image [divine]. «Mais le Christ est tout en tous» (Col 3/11), lui qui, par ce qui surpasse la nature et la loi, opère la configuration dans l’Esprit au Royaume sans commencement, configuration naturellement caractérisée – comme il a été montré – par l’humilité et la douceur du cœur. Leur concours fait voir la perfection de l’homme créé selon le Christ (Col 1/28). En effet tout homme humble est aussi tout à fait doux et tout homme doux est aussi tout à fait humble : humble parce qu’il sait que son être lui vient d’un prêt, doux parce qu’il sait utiliser les puissances naturelles qui lui ont été données; parce qu’il les met au service de la raison (logos) pour faire naître la vertu, et parce qu’il réprime parfaitement leur activité sensible. C’est pourquoi cet homme est toujours en mouvement vers Dieu par son intellect ; même s’il fait l’expérience simultanée de tout ce qui peut affliger le corps, il ne se meut nullement selon ses sens et il n’imprime en son âme aucune trace d’affliction pour l’y substituer à une attitude joyeuse, car il ne pense pas qu’une souffrance sensible soit une privation du bonheur. En effet il sait qu’il n’y a qu’un seul bonheur : la vie commune de l’âme avec le Verbe dont la privation est une mutilation éternelle qui circonscrit naturellement tous les âges. Et c’est pourquoi, abandonnant son corps et tout ce qui est du corps, il se porte intensément vers cette vie commune avec Dieu, pensant que le seul dommage – même s’il était maître de tout ce qu’il y a sur la terre – serait d’être frustré de la divinisation de grâce qu’il poursuit.

Purifions-nous donc de toute souillure de la chair et de l’esprit (2 Co 7/1) afin de sanctifier le Nom de Dieu en étouffant la concupiscence qui courtise les passions de manière inconvenante et, par la raison, enchaînons l’agressivité que les plaisirs incitent à une fureur désordonnée. Ainsi nous accueillerons le Règne de Dieu le Père qui vient par la douceur

 

 

DIES IRÆ (POÈME) TESTE LATIN ET TRADUCTION

14 avril, 2014

http://fr.wikipedia.org/wiki/Dies_Ir%C3%A6_(po%C3%A8me)

DIES IRÆ (POÈME) TESTE LATIN ET TRADUCTION

Le jugement dernier par Rogier van der Weyden.
La séquence (sequentia) Dies iræ (« Jour de colère » en latin), qu’on appelle aussi Prose des Morts, est un poème partiellement apocalyptique, intégré au corpus grégorien. Ses prémices sont apparues dès le début du xie siècle. La version actuelle date du xiiie siècle. Le Dies iræ était (et peut toujours être) chanté dans la messe de Requiem.

Sommaire [masquer]
1 Dies iræ
2 Origine et sources du poème
3 Le poème
4 Utilisation du thème dans la musique
5 Utilisation du thème dans le cinéma
6 Notes et références
7 Annexes
7.1 Bibliographie
7.2 Liens externes

DIES IRÆ
Écrit en langue latine sur le thème de la colère de Dieu au dernier jour (celui du Jugement Dernier), le poème évoque le retour (la Parousie) du Christ, au « son étonnant1 de la trompette » qui jettera les créatures au pied de son trône afin que tout acte soit jugé. Il participe d’une tendance médiévale (liée à l’époque des Croisades) que Jean-Charles Payen a appelée « la prédication par la crainte ». Mais c’est aussi, pour une bonne partie, le poème de la faiblesse de l’humain et du doute : « Quel protecteur vais-je implorer, quand le juste est à peine sûr ? » (Quem patronum rogaturus, cum vix justus sit securus ?). Et plus loin : « Rappelle-toi, Jésus très bon, c’est pour moi que tu es venu, ne me perds pas en ce jour-là » (Recordare, Jesu pie, quod sum causa tuæ viæ ; ne me perdas illa die).
C’est un des poèmes les plus connus de la littérature latine médiévale. Les textes de cette époque diffèrent des poèmes latins classiques par leur distribution de l’accent tonique et par la rime. Dans la séquence Dies iræ, le mètre est trochaïque (une syllabe longue, une syllabe brève). Elle est chantée en style de chant grégorien (ou plain-chant).
Son élaboration remonte au début du xie siècle (donc aux alentours de l’an mil) et aux tropes (ou développements) du Répons Libera me Domine (« Libère moi, Seigneur, de la mort éternelle ») qu’on chante également dans les messes de Requiem et où l’on trouve les mots Dies illa, dies iræ : « Ce jour-là sera un jour de colère »). L’essentiel du poème du Dies iræ semble avoir été mis en forme au milieu du xiie siècle (texte et musique). Il a longtemps été attribué à un frère franciscain italien du xiiie siècle, Thomas de Celano (Tomaso da Celano, 1200-1260). Mais il semble que cet auteur n’ait fait passer à la postérité que la version légèrement remaniée et complétée d’un poème plus bref et plus ancien, conservé dans un manuscrit du xiie siècle : en 1931, Dom Mauro Inguanez, bibliothécaire du Mont-Cassin, découvrit à Caramanico Terme, près de Naples, ce manuscrit datant de la fin du xiie siècle, qui donne du Dies iræ une version un peu plus courte que la nôtre : elle se termine avec la strophe Oro supplex. Il manque, en outre, la strophe Juste judex. Celano n’a pu, tout au plus, qu’apporter quelques modifications sur un texte déjà existant, sans doute dans le but de l’intégrer à la Messe des Morts2.
Après cela, le Dies iræ devint, pour une longue période, une Séquence (Sequentia) de la liturgie des funérailles (à laquelle appartient la Messe de Requiem). C’est à ce titre qu’il a fait l’objet de nombreuses compositions musicales ; parmi les plus célèbres, celles qu’on trouve dans les messes des morts de W. A. Mozart et de Giuseppe Verdi (qui ne reprennent aucun élément du plain-chant, mais seulement l’intégralité du texte)3. Cependant, les messes de Requiem ne comportent pas nécessairement le Dies iræ : il est par exemple absent du Requiem de Gabriel Fauré, qui retient plus les idées de repos et de paradis (voir l’In paradisum par lequel la messe se termine) que l’idée de crainte.
Dans le rite approuvé en 1969, à la suite du Concile Vatican II, par le pape Paul VI, la séquence a disparu des messes des défunts (ce qui n’entraîne pas sa disparition totale : elle reste néanmoins présente dans la forme antérieure du rite, celle-ci pouvant toujours être employée). La séquence figure aussi dans la version latine de l’Office des Lectures, à la 34e semaine du Temps ordinaire (Liber Hymnarius, Solesmes, 1983, XVI – 622 p.).
Origine et sources du poème
Le poème comporte une indication sur les sources qui l’ont inspiré, avec le vers déclarant Teste David cum Sibylla, « David l’atteste avec la Sibylle ». Le roi David est ici mentionné en tant qu’auteur biblique, en particulier des Psaumes. Le passage biblique ayant le plus clairement inspiré la composition du Dies iræ se trouve cependant dans le premier chapitre du Livre de Sophonie4. Les versets 14 à 18 évoquent en effet un « jour de colère », « jour où sonnera la trompette [tuba dans le texte latin] et jour de clameur », dans lequel toute la terre sera dévorée dans le feu de la colère de Dieu. (1,14-18) :
« Dies iræ, dies illa, dies tribulationis et angustiæ, dies calamitatis et miseriæ, dies tenebrarum et caliginis, dies nebulæ et turbinis, dies tubæ et clangoris super civitates munitas et super angulos excelsos. »
— Livre de Sophonie, 1, 15.
La Sibylle évoquée dans le Dies iræ est ce personnage de l’Antiquité auquel étaient attribués des oracles. Certains de ces oracles furent interprétés comme des prophéties chrétiennes par des auteurs de l’Antiquité, en particulier par Lactance. Ce dernier écrivit au début du vie siècle un livre intitulé La colère de Dieu, mais c’est surtout dans le septième livre des Institutions Divines qu’il a décrit le jour de sa colère en se basant sur des prophéties de la Sibylle Erythée. Ces oracles comportent nombre de thèmes présents dans le Dies iræ : le jour de la colère de Dieu, le jugement final, l’ouverture des tombeaux, la destruction du monde, l’annonce de ce jour par le son d’une trompette, la peur qui saisira tout le monde, l’appel à la clémence :
« …et pour comble de malheur, on entendra une trompette, selon le témoignage de la Sibylle, qui retentira du haut du ciel. Il n’y aura point de cœur où ce triste son ne jette l’épouvante et le tremblement. Alors le fer, le feu, la famine et la maladie servant comme de ministres à la colère de Dieu, se déchargeront sur les hommes qui n’auront point connu sa justice. Mais l’appréhension dont ils seront agités les tourmentera plus cruellement qu’aucun autre mal. Ils imploreront la miséricorde, et ne seront point exaucés ; ils invoqueront la mort, et ne recevront point son secours ; ils ne trouveront aucun repos ; dans la nuit, le sommeil n’approchera point de leurs yeux ; ils seront affligés par l’insomnie et par l’inquiétude du corps ; de sorte qu’ils fondront en pleurs, jetteront des cris, grinceront les dents, déploreront la condition des vivants et envieront celle des morts. La multitude de ces maux et de plusieurs autres, défigurera et désolera la terre, comme la Sibylle l’a prédit, quand elle a dit que le monde serait sans beauté et l’homme sans consolation5. »
— Lactance, Institutions divines, VII, XX, 3-4.
Dans ses premiers vers, le Dies iræ reprend des thèmes présents dans Sophonie et chez Lactance, mais la perspective dans laquelle ces thèmes sont exploités est très différente pour chaque œuvre. Dans le livre de Sophonie, l’évocation de la colère de Dieu précède un appel à la conversion. Chez Lactance, l’annonce du jour de la colère de Dieu est celle d’une victoire ultime, sans défaut et sans appel de la justice de Dieu. Cette justice se traduit par des supplices extrêmes pour les méchants dont les appels à la clémence seront sans effet. Lactance est fataliste, la conversion des méchants ne l’intéresse pas, il faut seulement que justice soit faite au dernier jour. Le Dies iræ ne se situe pas dans cette perspective. Il accorde une très large place aux appels à la miséricorde de la part du juste qui n’est pas certain d’avoir vraiment été juste. Par ailleurs, le Dies iræ ne dit pas que les méchants iront fatalement en enfer, il ne décrit pas non plus les supplices et les tourments que Lactance a très largement détaillés. Le Dies iræ évoque plutôt la Passion du Christ qui a souffert pour le salut des pécheurs, il rappelle aussi le pardon accordé à Marie-Madeleine et se termine par un appel à la clémence envers les pécheurs.

LE POÈME – TEXTE ORIGINAL EN LATIN
Dies iræ, dies illa,
Solvet sæclum in favílla,
Teste David cum Sibýlla !
Quantus tremor est futúrus,
quando judex est ventúrus,
cuncta stricte discussúrus !
Tuba mirum spargens sonum
per sepúlcra regiónum,
coget omnes ante thronum.
Mors stupébit et Natúra,
cum resúrget creatúra,
judicánti responsúra.
Liber scriptus proferétur,
in quo totum continétur,
unde Mundus judicétur.
Judex ergo cum sedébit,
quidquid latet apparébit,
nihil inúltum remanébit.
Quid sum miser tunc dictúrus ?
Quem patrónum rogatúrus,
cum vix justus sit secúrus ?
Rex treméndæ majestátis,
qui salvándos salvas gratis,
salva me, fons pietátis.
Recordáre, Jesu pie,
quod sum causa tuæ viæ ;
ne me perdas illa die.
Quærens me, sedísti lassus,
redemísti crucem passus,
tantus labor non sit cassus.
Juste Judex ultiónis,
donum fac remissiónis
ante diem ratiónis.
Ingemísco, tamquam reus,
culpa rubet vultus meus,
supplicánti parce Deus.
Qui Maríam absolvísti,
et latrónem exaudísti,
mihi quoque spem dedísti.
Preces meæ non sunt dignæ,
sed tu bonus fac benígne,
ne perénni cremer igne.
Inter oves locum præsta,
et ab hædis me sequéstra,’
státuens in parte dextra.
Confutátis maledíctis,
flammis ácribus addíctis,
voca me cum benedíctis.
Oro supplex et acclínis,
cor contrítum quasi cinis,
gere curam mei finis.
Lacrymósa dies illa,
qua resúrget ex favílla
judicándus homo reus.
Huic ergo parce, Deus.
Pie Jesu Dómine,
dona eis réquiem. Amen.

TRADUCTION LITTÉRALE
Jour de colère, ce jour-là
Il réduira le monde en cendres,
David l’atteste, et la Sibylle.
Quelle terreur à venir,
quand le juge apparaîtra
pour tout strictement examiner !
La trompette répand étonnamment ses sons,
parmi les sépulcres de tous pays,
rassemblant tous les hommes devant le trône.
La Mort sera stupéfaite, comme la Nature,
quand ressuscitera la créature,
pour être jugée d’après ses réponses.
Un livre écrit sera produit,
dans lequel tout sera contenu ;
d’après quoi le Monde sera jugé.
Quand le Juge donc tiendra séance,
tout ce qui est caché apparaîtra,
et rien d’impuni ne restera.
Que, pauvre de moi, alors dirai-je ?
Quel protecteur demanderai-je,
quand à peine le juste sera en sûreté ?
Roi de terrible majesté,
qui sauvez, ceux à sauver, par votre grâce,
sauvez-moi, source de piété.
Souvenez-vous, Jésus si doux,
que je suis la cause de votre route ;
ne me perdez pas en ce jour.
En me cherchant vous vous êtes assis fatigué,
me rachetant par la Croix, la Passion,
que tant de travaux ne soient pas vains.
Juste Juge de votre vengeance,
faites-moi don de la rémission
avant le jour du jugement.
Je gémis comme un coupable,
la faute rougit mon visage,
au suppliant, pardonnez Seigneur.
Vous qui avez absous Marie(-Madeleine),
et, au bon larron, exaucé les vœux,
à moi aussi vous rendez l’espoir.
Mes prières ne sont pas dignes (d’être exaucées),
mais vous, si bon, faites par votre bonté
que jamais je ne brûle dans le feu.
Entre les brebis placez-moi,
que des boucs je sois séparé,
en me plaçant à votre droite.
Confondus, les maudits,
aux flammes âcres assignés,
appelez-moi avec les bénis.
Je prie suppliant et incliné,
le cœur contrit comme de la cendre,
prenez soin de ma fin.
Jour de larmes que ce jour-là,
où ressuscitera, de la poussière,
pour le jugement, l’homme coupable.
À celui-là donc, pardonnez, ô Dieu.
Doux Jésus Seigneur,
donnez-leur le repos. Amen.

TRADUCTION PLUS LITTÉRAIRE
Jour de colère, que ce jour-là
Où le monde sera réduit en cendres,
Selon les oracles de David et de la Sibylle.
Quelle terreur nous saisira,
lorsque la créature ressuscitera
(pour être) examinée rigoureusement
L’étrange son de la trompette,
se répandant sur les tombeaux,
nous jettera au pied du trône.
La Mort, surprise, et la Nature,
verront se lever tous les hommes,
pour comparaître face au Juge.
Le livre alors sera produit,
où tous nos actes seront inscrits ;
tout d’après lui sera jugé.
Lorsque le Juge siégera,
tous les secrets apparaîtront,
et rien ne restera impuni.
Dans ma détresse, que pourrais-je alors dire ?
Quel protecteur vais-je implorer ?
alors que le juste est à peine en sûreté…
Ô Roi d’une majesté redoutable,
toi qui sauves les élus par grâce,
sauve-moi, source d’amour.
Rappelle-toi, Jésus très bon,
que c’est pour moi que tu es venu,
ne me perds pas en ce jour-là.
À me chercher tu as peiné,
Par ta Passion tu m’as sauvé,
qu’un tel labeur ne soit pas vain !
Tu serais juste en condamnant,
mais accorde-moi ton pardon
avant que j’aie à rendre compte.
Vois, je gémis comme un coupable
et le péché rougit mon front ;
mon Dieu, pardonne à qui t’implore.
Tu as absous Marie-Madeleine
et exaucé le larron ;
tu m’as aussi donné espoir.
Mes prières ne sont pas dignes,
mais toi, si bon, fais par pitié,
que j’évite le feu sans fin.
Parmi tes brebis place-moi,
à l’écart des boucs garde-moi,
en me mettant à ta main droite.
Quand les maudits, couverts de honte,
seront voués au feu rongeur,
prends-moi donc avec les bénis.
En m’inclinant je te supplie,
le cœur broyé comme la cendre :
prends soin de mes derniers moments.
Jour de larmes que ce jour-là,
où surgira de la poussière
le pécheur, pour être jugé !
Daigne, mon Dieu, lui pardonner.
Bon Jésus, notre Seigneur,
accorde-leur le repos. Amen.

Le poème devrait être complet à l’issue de l’avant-dernier paragraphe. Certains érudits se demandent si la suite est un ajout pour convenir à des fins liturgiques car la dernière strophe casse l’arrangement de trois rimes plates en faveur de deux rimes, tandis que les deux derniers vers abandonnent la rime pour l’assonance et sont en outre catalectiques.

Voici une paraphrase en vers du poème tirée des œuvres posthumes de Jean de La Fontaine6 :
Traduction paraphrasée de la prose Dies iræ
Dieu détruira le siecle au jour de sa fureur.
Un vaste embrasement sera l’avant-coureur,
Des suites du peché long & juste salaire.
Le feu ravagera l’Univers à son tour.
Terre & Cieux passeront, & ce tems de colere
Pour la dernière fois fera naître le jour.
Cette dernière Aurore éveillera les Morts.
L’Ange rassemblera les débris de nos corps ;
Il les ira citer au fond de leur asile.
Au bruit de la trompette en tous lieux dispersé
Toute gent accourra. David & la Sibille.
On prevû ce grand jour, & nous l’ont annoncé.
De quel frémissement nous nous verrons saisis !
Qui se croira pour lors du nombre des choisis ?
Le registre des cœurs, une exacte balance
Paroîtront aux côtez d’un Juge rigoureux.
Les tombeaux s’ouvriront, & leur triste silence
Aura bien-tôt fait place aux cris des malheureux.
La nature & la mort pleines d’étonnement
Verront avec effroi sortir du monument
Ceux que dés son berceau le monde aura vû vivre.
Les Morts de tous les tems demeureront surpris
En lisant leurs secrets aux Annales d’un Livre,
Où même les pensers se trouveront écrits.
Tout sera revelé par ce Livre fatal :
Rien d’impuni. Le Juge assis au Tribunal
Marquera sur son front sa volonté suprême.
Qui prierai-je en ce jour d’être mon défenseur ?
Sera-ce quelque juste ? Il craindra pour lui-même,
Et cherchera l’appui de quelque intercesseur.
Roi qui fais tout trembler devant ta Majesté,
Qui sauves les Elûs par ta seule bonté,
Source d’actes benins & remplis de clemence,
Souviens-toi que pour moi tu descendis des Cieux ;
Pour moi te dépoüillant de ton pouvoir immense,
Comme un simple mortel tu parus à nos yeux.
J’eus part ton passage, en perdras-tu le fruit ?
Veux-tu me condamner à l’éternelle nuit,
Moi pour qui ta bonté fit cet effort insigne ?
Tu ne t’es reposé que las de me chercher :
Tu n’as souffert la Croix que pour me rendre digne
D’un bonheur qui me puisse à toi-même attacher.
Tu pourrois aisément me perdre & te vanger.
Ne le fais point, Seigneur, viens plutôt soulager
Le faix sous qui je sens que mon âme succombe.
Assure mon salut dés ce monde incertain.
Empêche malgré moi que mon cœur ne retombe,
Et ne te force enfin de retirer ta main.
Avant le jour du compte efface entier le mien.
L’illustre Pecheresse en presentant le sien,
Se fit remettre tout par son amour extrême.
Le Larron te priant fut écouté de toi :
La priere & l’amour ont un charme suprême.
Tu m’as fait esperer même grace pour moi.
Je rougis, il est vrai, de cet espoir flatteur :
La honte de me voir infidelle & menteur,
Ainsi que mon peché se lit sur mon visage.
J’insiste toutefois, & n’aurai point cessé,
Que ta bonté mettant toute chose en usage,
N’éclate en ma faveur, & ne m’ait exaucé.
Fais qu’on me place à droite, au nombre des brebis.
Separe-moi des boucs reprouvés & maudits.
Tu vois mon cœur contrit, & mon humble priere.
Fais-mois perseverer dans ce juste remords :
Je te laisse le soin de mon heure dernière ;
Ne m’abandonne pas quand j’irai chez les Morts.

123456...8