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QUELLE ESPÉRANCE?
30 avril, 2014http://www.sancarlo.pcn.net/argomenti_francese/pagina47.html
QUELLE ESPÉRANCE?
N.B.: Ici sont présentés quelques aspets de l’Encyclique du Saint-Père Benoît XVI, «Spe salvi facti sumus» – «Dans l’Espérance nous sommes sauvés» (Rm 8,24).
Qu’est-ce que l’Espérance chrétienne?
L’Espérance est la Vertu par laquelle nous attendons de jouir, quand nous mourons dans la grâce de Dieu, de la félicité pleine et éternelle, qu’est Dieu même (Cfr. Compendio, 207-216; 387). La vraie Espérance, donc, n’est pas quelque chose mais Quelqu’un: elle n’est pas fondée sur des choses qui passent et peuvent nous être enlevées, mais sur Dieu qui se donne pour toujours. «La vraie, grande Espé-rance de l’homme, qui résiste malgré toutes les déceptions, peut être seulement Dieu (…), qui embrasse l’univers et qui peut nous proposer et nous donner ce que, seuls, nous ne pouvons pas atteindre (…). Dieu est le fondement de l’Espérance –pas n’importe quel dieu-, mais ce Dieu-là qui possède un visage humain et qui nous a aimés jusqu’à la fin: tout individu et l’humanité dans son ensemble» (Spe,31).
A quelles conditions répond l’Espérance?
Aux questions fondamentales et existentielles qui jaillissent du cœur de tout homme, telles: Comment on peut vivre? Comment est-il possible d’ «affronter notre présent» (Spe,1), souvent marqué par le désarroi et par la douleur? Comment supporter chaque jour la fatigue de vivre? Qu’est-ce qui reste pendant que tout passe?
L’homme cultive beaucoup d’espé-rances pendant sa vie. Quand quelques-unes ou toutes se réalisent, il se rend compte qu’il désire encore autre chose, tant qu’il n’est pas encore pleinement satisfait: il pressent que «seulement quelque chose d’infini peut lui suffire, quelque chose qui sera toujours plus que ce qu’il puisse jamais atteindre» (Spe,30).
Quelles sont les caractéristiques de l’Espérance?
L’Espérance chrétienne:
est un élément distinctif des chrétiens: grâce à l’Espérance, «ils ont un avenir (…); ils ne savent pas dans les détails ce qui les attend, mais savent dans l’ensemble que leur vie ne finit pas dans le vide» (Spe,2);
est précédée de l’attente que Dieu cultive à notre égard! Oui, Dieu nous aime et justement pour cela il attend que nous tournions à Lui, que nous ouvrions le cœur à son amour, que nous mettions notre main dans la Sienne et que nous nous souvenions d’être ses fils. Cette attente de Dieu précède toujours notre Espérance, exactement comme son amour nous rejoint le premier» (Benoit XVI, Omelia, Premiers Vêpres du 1° Dimanche de l’Avent, 1-12-2007).
est dite théologale, au sens où Dieu en est la source, le soutien et la fin;
n’est pas seulement informative, mais aussi performative, c’est-à-dire: l’Espérance chrétienne «n’est pas seulement une communication des choses qui peuvent se savoir, mais elle est une communication qui produit des faits et change la vie» (Spe, 3).
est plus forte que les souffrances, que l’esclavage et pour cela elle transforme de l’intérieur la vie et le monde (cfr. Spe, 4).
«est toujours essentiellement aussi Espérance pour les autres; seulement ainsi, elle est vraiment Espérance aussi pour moi (…). En tant que chrétiens, nous ne devrions jamais nous demander seulement: comment je peux me sauver moi-même? mais «qu’est-ce que je dois faire pour que les autres soient sauvés » (Spe, 48).Le salut «a toujours été considéré comme une réalité communautaire» (Spe, 14). «Vivre pour Lui (Christ) signifie se laisser impliquer dans son «être pour les autres» (Spe, 28).
Quelle est la source de l’Espérance?
L’Espérance provient de la rencontre avec Jésus-Christ qui:
nous permet de «connaître Dieu, le vrai Dieu: cela signifie accueillir l’Espérance» (Spe, 3), découvrir Dieu comme Père bon et miséricordieux, ce Dieu-Amour que Jésus nous a révélé avec son incarnation, avec sa vie terrestre et sa prédication, et surtout avec sa mort et sa résurrection. La vraie et certaine Espérance est fondée sur la Foi en Dieu Amour, comme Père miséricordieux, qui «a tant aimé le monde jusqu’à donner son Fils unique» (Jn 3,16). L’Espérance chrétienne est donc l’équivalent de la Foi, dans ce sens que:
«la Foi est fondement des choses qu’on espère, la preuve des choses qui ne se voient pas» (Heb 11,1) «La Foi est la substance de l’Espérance» (Spe, 10);
«l’actuelle crise de la Foi est surtout une crise de l’Espérance chrétienne» (Spe, 17);
nous rend vraiment libres: «Il nous dit qui est l’homme, en réalité, et qu’est-ce qu’il doit faire pour être vraiment homme (…). Il indique aussi la vie au-delà de la mort» (Spe, 6).
nous a communiqué la substance des choses futures, et ainsi l’attente de Dieu obtient une nouvelle certitude. C’est l’attente des choses futures à partir d’un présent déjà donné. C’est l’attente, en présence du Christ, avec Christ présent, du complément de son Corps, en vue de sa venue définitive» (Spe, 9).
nous donne la vie éternelle.
Qu’est-ce que la vie éternelle?
«La vie éternelle: c’est qu’ils te connaissent Toi, l’unique Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ» (Jn 17,3). “Si nous sommes en relation avec Celui qui ne meurt pas, qui est la Vie même et l’ Amour même , alors nous sommes dans la vie. Alors «nous vivons»” (Spe, 27), et nous vivons pour toujours.
A quoi s’oppose l’Espérance chrétienne?
Elle s’oppose
à l’athéisme du XIXe et XXe siècle, qui a comporté «une protestation contre les injustices du monde», mais qui est devenue «protestation contre Dieu». Cependant, «si, devant la souffrance de ce monde, la protestation contre Dieu est compréhensible, la prétention que l’humanité puisse et dusse faire ce qu’aucun Dieu ne fait ni n’est en mesure de faire, est présomptueuse et intrinsèquement non vraie. Que de telles prémisses s’en soient suivies des plus grandes cruautés et violations de la justice,n’est pas fortuit, mais est fondé dans la fausseté intrinsèque de cette prétention» (Spe, 42) ;
au marxisme: dont les enseignements sur la dictature du prolétariat ont laissé «derrière lui une destruction désolante», en tant qu’il «a oublié l’homme et a oublié sa liberté (…). Il croyait, qu’une fois l’économie mise en place, tout aurait été en place. Sa vraie erreur c’est le matérialisme: l’homme, en fait, n’est pas seulement le produit des conditions économiques et il n’est pas possible de le guérir seulement de l’extérieur, en créant des conditions économiques favorables(Spe, 20,21).
au “«nihilisme contemporain,» qui ronge l’Espérance dans le cœur de l’homme, en le poussant à penser qu’en lui et autour de lui règne le néant: néant avant la naissance, néant après la mort. En réalité, si Dieu est absent, s’amenuise l’Espérance. Tout perd de l’épais-seur. C’est comme si la dimension de la profondeur venait à manquer et toute chose s’aplatissait, privée de son importance symbolique, de sa saillie par rapport à la pure matérialité» (Benoit XVI, Omelia Homélie aux premiers Vêpres du 1° Dimanche de l’Avent, 1-12-2007).
au désespoir et à l’angoisse d’aujourd’hui, qu’on peut résumer dans les paroles d’une épitaphe antique des premiers siècles du christianisme: In nihil a nihilo quam cito recidimus: in nihil ab nihilo quam cito recidimus (“nel nulla dal nulla quanto presto ricadiamo”) (Spe, 2).
à un certain type de christianisme moderne, celui qui est «en grande partie concentré seulement sur l’individu et sur son salut»; celui dans lequel «l’Espérance biblique du règne de Dieu a été remplacée par l’espérance du règne de l’homme, par l’espérance d’un monde meilleur qui serait le vrai <règne de Dieu >». Mais, à ce sujet, même s’il faut reconnaître que reste grand ce que ce type de christianisme a fait pour l’éducation de l’homme et les soins des faibles et des souffrants, «on pose la question: quand est «meilleur» le monde? Qu’est-ce qui le rend bon? Selon quel critère on peut évaluer son être bon? Et par quelles voies on peut atteindre cette «bonté» (Spe, 30).
Quels sont les lieux d’apprentissage et d’exercice de l’Espérance?
Ils sont principalement quatre:
La prière:
«S’il n’y a plus personne pour m’écouter, Dieu m’écoute encore. Si je ne peux plus parler avec personne, à Dieu je peux toujours parler. S’il n’y a plus personne qui puisse m’aider –là où il s’agit d’une nécessité ou d’une attente qui dépasse l’humaine capacité d’espérer-, Lui peut m’aider» (Spe, 32);
La prière «doit, d’une part, être très personnelle, une confrontation de mon je avec Dieu, avec le Dieu vivant; d’autre part, cependant, elle doit être toujours de nouveau guidée et illuminée par les grandes prières de l’Eglise et des saints, par la prière liturgique (…). Dans la prière doit toujours être présente cette union entre prière publique et prière personnelle» (Spe, 34).
L’agir: L’Espérance au sens chrétien «est Espérance active, dans laquelle nous luttons» pour que «le monde devienne un peu plus lumineux et humain (…). Certes, nous ne pouvons pas «construire» le règne de Dieu avec nos forces: ce que nous construisons reste toujours règne de l’homme avec toutes les limites qui sont propres de la nature humaine. Le règne de Dieu est un don, et justement pour cela, il est grand et beau, et constitue la réponse à l’Espérance (…). Cependant, avec toute notre conscience de la «valeur plus» du ciel, il reste aussi toujours vrai que notre agir n’est pas indifférent devant Dieu et donc n’est pas non plus indifférent pour le déroulement de l’histoire. Nous pouvons nous ouvrir nous-mêmes ainsi que le monde à l’entrée de Dieu: de la vérité, de l’amour, du bien (…). Ainsi, dans un sens, de notre mode d’agir naît l’Espérance pour nous et pour les autres; en même temps, cependant, c’est la grande Espérance reposant sur les promesses de Dieu qui, dans les moments bons comme dans les mauvais, nous donne courage et oriente notre agir» (Spe, 35).
La souffrance: Elle est l’autre lieu d’apprentissage de l’Espérance: «certainement, il faut faire tout le possible pour diminuer la souffrance»; toutefois «ce n’est pas la fuite devant la douleur qui guérit l’homme, mais la capacité d’accepter la tribulation et de mourir en elle, de trouver le sens grâce à l’union avec le Christ, qui a souffert avec un amour infini» (Spe, 36-39) (cfr. Cfr l’autre fiche: La maladie, comment l’affronter chrétiennement?).
Le Jugement de Dieu: «La foi dans le Jugement final est avant tout et surtout Espérance (…). L’image du jugement final est en premier lieu non une image terrifiante, mais une image d’Espérance; pour nous, peut-être vraiment l’image décisive de l’Espérance. (…). Le Jugement de Dieu est Espérance soit parce qu’il est justice, soit parce qu’il est grace. S’il était seulement grace qui considère comme sans importance tout ce qui est terrestre, Dieu nous resterait débiteur de la réponse à la question autour de la justice: question pour nous décisive devant l’histoire et (devant) Dieu même. S’il était pure justice, il pourrait être à la fin pour nous tous motif de peur» (Spe, 47). “Ambedue – giustizia e grazia – devono essere viste nel loro giusto collegamento interiore. La grazia non esclude la giustizia. Non cambia il torto in diritto. Non è una spugna che cancella tutto così che quanto s’è fatto sulla terra finisca per avere sempre lo stesso valore” (Spe, 44).
Que dit l’Espérance au sujet des réalités dernières?
Les chrétiens attendent les réalités dernières, appelées à un moment, les «novissimi»: la mort, le jugement, l’enfer, le paradis (Qu’on voie, à ce sujet, la fiche: qu’y a-t-il avec et après la mort?).
Avec quelles images on exprime l’Espérance?
Les images de l’Espérance, plus chères à la tradition chrétienne, sont celles évangéliques, et en particulier, trois:
l’attente humble et silencieuse d’Israël avec le vieux Siméon et la prophétesse Anne (cfr. Lc 2, 22-40);
la figure du bon pasteur, qui était très chère à l’Eglise primitive: «Là, le pasteur était en général l’expression du rêve d’une vie sereine et simple, dont les gens dans la confusion de la grande cité avaient la nostalgie. Pour l’instant, l’image était lue à l’intérieur d’un scénario nouveau qui lui conférait un contenu profond: «Le Seigneur est mon pasteur: je ne manque de rien… Si je devais marcher dans une vallée obscure, je ne craindrais aucun mal, parce que tu es avec moi…» (Ps23 [22], 1.4). Le vrai pasteur est Celui qui connaît aussi (même) le chemin qui passe par la vallée de la mort; Celui qui, même sur le chemin de la dernière solitude, dans laquelle personne ne peut m’accompagner, marche avec moi en me guidant pour la traverser: Lui-même a parcouru ce chemin, il est descendu dans le règne de la mort, l’a vaincue et est ressuscité d’entre les morts, pour nous accompagner maintenant et nous donner la certitude que, ensemble avec Lui, un passage, on le trouve. La conscience qu’Il existe Celui qui, même dans la mort, m’accompagne et, avec son «bâton et son sceptre, me donne l’assurance», de sorte que «je ne dois craindre aucun mal» (cfr.Ps 23 [22], 4): c’était la nouvelle «Espé-rance» » (Spe, 6);
l’attente de Marie, en route pour se rendre chez Elisabeth et qui se hâte sur les montagnes de la Judée: «image de la future Eglise qui, dans son sein, porte l’Espérance du monde à travers les montagnes de l’histoire» (Spe, 50);
«Vers la fin du 3e siècle, nous rencontrons pour la première fois à Rome, sur le sarcophage d’un enfant, dans le contexte de la résurrection de Lazare, la figure de Christ comme du vrai philosophe qui, dans une main, tient l’Evangile et, dans l’autre, le bâton da viandante, justement du philosophe. Avec ce bâton , il vainc la mort; l’Evangile porte la vérité que les philosophes errants avaient cherchée en vain. Dans cette image qui, ensuite, pendant une longue période, restait dans l’art des sarcophages, se rend évident ce que les personnes cultivées comme les simples trouvaient en Christ: Il nous dit qui en réalité est l’homme et qu’est-ce qu’il doit faire pour être vraiment homme. Il nous indique le chemin et ce chemin est la vérité. Lui-même est aussi bien l’un que l’autre, et par conséquent, il est aussi la vie dont nous sommes tous à la recherche. Il indique aussi le chemin au-delà de la mort; seulement celui qui est en mesure de faire cela et un vrai maître de vie» (Spe, 6).
Quels modèles d’espérance le Pape cite-t-il?
Entre les myriades de femmes et d’hommes qui ont su témoigner du nom du seigneur jusqu’à l’extrême, mais aussi dans la peine et dans la joie de chaque jour, dans «les petites fatigues du quotidien, le Pape Benoît XVI rappelle particulièrement:
l’événement d’une petit esclave africaine, sainte Joséphine Bakhita, née en 1869 dans le Darfour, au soudan, qui reconnut finalement en Dieu un «patron» non plus terrible, mais vraiment «totalement différent» et qui lui changea la vie. Elle disait: Je suis définitivement aimée et quoi qu’il arrive, je suis attendue par cet Amour» (Spe, 3).
le témoignage bouleversant, conser-vé dan une vraie et propre «lettre à partir de l’enfer», du martyr vietnamien Paolo Le-Bao-Thin (1857): même dans l’aime de la prison et de la haine déchaînée dans les mêmes victimes, aussi ce «prisonnier pour le nom de Christ» expérimenta le salut dans l’Espérance (cfr. Spe, 37).
le Cardinal vietnamien François Xavier Nguyen van Thuan (2002), pour 13 années en prison dont 9 en isolement, lequel eut à dire que dans une situation de désespoir apparemment total, l’écoute de dieu, le fait de pouvoir lui parler, était pour lui une croissante force d’Espérance (cfr. Spe, 32).
Qui est l’étoile de l’Espé-rance?
Maria SS.ma !
Avec une hymne du 8e/9e siècle, donc de plus de mille ans, l’Eglise salue Marie, la Mère de Dieu, comme 2étoile de la mer»: Ave Maris stella (salut, étoile de la mer). La vie humaine est un chemin. Vers quelle destination? comment nous en trouvons le chemin? La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscure et dans un orage, un voyage au cours dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre droitement. Elles sont des lumières d’Espérance. Bien sur, Jésus-Christ est la lumière par antonomasia, le soleil levé sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui, nous avons besoin aussi des lumières proches –des personnes qui donnent la lumière en la tirant de Sa lumière et offrent ainsi une orientation pour notre traversée; et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous étoile d’espérance- elle qui avec son «fiat» ouvrit à Dieu même la porte de notre monde; elle qui devint la vivante Arche de l’Alliance, en qui Dieu se fit chair, en qui Dieu devint l’un d’entre nous et habita parmi nous (Jn, 1,14).
(…) Mère de Dieu, notre Mère, apprend-nous à croire, espérer et aimer comme toi. Montre-nous le chemin vers le Royaume ! Etoile de la mer, brille sur nous et guide-nous sur notre route!»(Spe,49,50)
Le Primicerio
de la Basilique des saints Ambroise et Charles Borromée à Rome
Monsignor Raffaello Martinelli
Le Midrash sur les Proverbes
30 avril, 2014http://www.objectif-transmission.org/notre-catalogue/autrescorpus/100-le-midrash-sur-les-proverbes
Le Midrash sur les Proverbes
Le Midrash en général et la place du présent midrash.
Le terme de midrash est issu de la racine hébraïque darash : chercher, fouiller. Le Midrash peut donc être défini comme une lecture fouillante de la Bible. C’est une explicitation du texte biblique mais sous une forme particulière : le commentaire fait appel à de nombreuses techniques (jeu de mots, utilisation de versets bibliques hors de leur contexte, situation anachronique des personnages, mise en rapport de versets utilisant les mêmes mots, etc.) et n’hésite pas à prendre de nombreuses libertés avec le texte, mais toujours dans le but d’en faire jaillir le sens. Cela est issu de la conception selon laquelle il n’y a pas de « parole vide » dans le texte biblique.
Mon but n’est pas d’expliciter en détail les caractéristiques du midrash, le lecteur pourra se reporter aux excellents ouvrages disponibles en langue française 1. Je voudrais simplement situer le texte qui nous intéresse dans l’immense littérature rabbinique. Si l’on omet tous les midrashim proprement halakhiques (c’est-à-dire qui s’occupent de questions légales), le midrash le plus ancien est le Midrash Rabba. Cette somme réunit des midrashim sur l’ensemble de la Torah (ou Pentateuque) ainsi que sur les Méguilot (ou Hagiographes). Une place vide est laissée aux prophètes ainsi qu’aux écrits ne faisant pas partie des cinq Méguilot. Il est vrai que des commentaires de certains versets de ces livres peuvent être trouvés dans le Midrash Rabba, les Talmuds, et plus généralement dans la littérature midrashique. Mais, aucun midrash ne traite spécifiquement de ces ouvrages si ce n’est trois livres dits « mineurs » : le midrash sur les Livres de Samuel (Midrash Shemuel), le midrash sur les Psaumes (Midrash Tehilim) et le Midrash sur les Proverbes (Midrash Mishlé). Ce sont des textes généralement tardifs (du Vème au XIIIème siècle). Mais si ces ouvrages reprennent des commentaires que l’on peut trouver dans le Midrash Rabba ou dans les Talmuds, ils conservent beaucoup de traditions originales. C’est pourquoi ils se révèlent de première importance. De plus, ils constituent une mine d’informations irremplaçable quant à l’évolution de la pensée juive au cours des âges.
• Le Midrash Mishlé
Datation et caractéristiques générales
La datation d’un texte tel que le Midrash Mishlé est d’une grande difficulté. On sait que l’ensemble des textes de ce genre comportent des commentaires de datations très diverses. C’est également le cas de notre ouvrage et la seule date que l’on puisse examiner est celle de la clôture du texte. Pour celle-ci les dates avancées par les spécialistes varient du VIème au IXème siècle sans que l’on puisse la préciser davantage à cause de l’hébreu employé qui est peu caractéristique d’une époque ou d’une autre.
Certains chercheurs ont supposé que le texte que nous possédons est une forme lacunaire d’un midrash plus complet car le commentaire du texte n’est pas systématique. En effet, les chapitres 3 et 18 du Livre des Proverbes ne bénéficient d’aucun commentaire, alors que d’autres ne sont que peu commentés (chapitres 4, 7, 12, 17, 24, 28 et 29). Le débat est toujours ouvert. Toutefois, ce midrash possède une structure classique. Les premiers chapitres sont abondamment commentés (en particulier le chapitre 1). Et ce commentaire se fait de plus en plus laconique au fur et à mesure du parcours de l’ouvrage. Il se termine malgré tout par deux chapitres (chapitres 30 et 31) de volume important.
Contenu du texte.
Le rôle principal de ce midrash est occupé par la Torah ou plutôt par l’étude de la Torah. Il ne faut pas voir uniquement sous cette expression l’étude des cinq premiers livres de la Bible, mais l’étude de l’ensemble de la littérature rabbinique (Michna, Talmud, midrashim et ouvrages mystiques). Un passage particulièrement emblématique de ce thème se trouve au chapitre 10 où, au jour du jugement, Dieu procède un véritable interrogatoire de la connaissance de l’homme jugé. En fonction de l’étendue de son savoir, il sera ou non jeté dans la Géhenne. De plus, un nombre impressionnant de commentaires rattache le texte du livre des Proverbes à l’étude de la Torah. Cette conception est toujours présente dans la littérature midrashique, mais elle occupe dans ce midrash une place particulière : l’étude de la Torah y est explicitement salutaire et la résurrection en dépend comme le dit elliptiquement R. Yehochoua au chapitre 18 : « la Torah ne parle pas des morts, mais des vivants. » C’est-à-dire qu’il ne suffit pas d’observer les commandements et de faire de bonnes actions, il faut également étudier la Torah et pour cela l’avoir reçue.
Cet aspect est naturel puisque la lecture rabbinique du livre des Proverbes insiste sur le fait que celui-ci en fait commente les autres livres bibliques. Il est donc un « prototype » de l’étude de la Torah. Le Midrash Mishlé insiste également sur le fait que le Livre des Proverbes est cohérent avec les autres ouvrages bibliques, ce qui justifie son entrée dans le canon (Cf. chap. 25).
On y trouve également de nombreux matériaux originaux. Notons, par exemple, le développement autour de l’histoire de Joseph et ses frères (chap. 1), le récit détaillé de la rencontre de la reine de Saba et de Salomon (chap. 1), un récit de la mort de Moïse (chap. 14), un récit hilarant sur Coré et les franges bleues (chap. 11).
Mais, les personnages bibliques ne sont pas les seuls à bénéficier de long développements. Certains rabbins en sont également l’objet. On peut citer par exemple, la mort de R. Aquiba (chap. 9), le dialogue entre Vespasien et R. Yohanan ben Zakaï (chap. 15), le récit de la mort des deux fils de R. Méir (chap. 31), etc. L’ensemble de ces midrashim aggadiques font de cet ouvrage un texte de première importance.
Signalons pour terminer que le Midrash Mishlé n’est pas uniquement midrashique. Parfois, il justifie un verset en citant simplement le verset suivant. C’est une des singularité de ce texte.
Texte et traduction.
Le texte hébreu traduit ici est établi à partir de l’édition critique de B. L. Visotzky 2 qui constitue le travail le plus abouti sur ce texte. Je renvoie évidemment à ce travail très précieux dans lequel le lecteur trouvera un ensemble de variantes ainsi que des commentaires critiques d’un grand intérêt.
Dans la présente traduction, j’ai tenté de suivre scrupuleusement le texte avec un souci double : obtenir une traduction intelligible pour des lecteurs peu familiers du midrash, mais suffisamment proche du texte pour que le lecteur hébraïsant puisse pleinement profiter de cette édition bilingue. J’espère avoir atteint ce juste milieu.
Visotzky a lui-même proposé une traduction en anglais de son édition critique3. J’ai toujours consulté ses leçons d’une grande perspicacité, mais je m’en suis régulièrement éloigné de façon à rendre le côté elliptique du discours midrashique. J’ai pensé qu’une édition bilingue autorisait ce genre de liberté.
Bien qu’artificielle, j’ai conservé la numérotation classique du midrash de façon à ce que le lecteur puisse accéder directement à un passage signalé dans la littérature. Cela comporte une difficulté: le texte traduit, bien que très proche, n’est pas le texte courant de ce midrash, ainsi quelques rares paragraphes manquent dans la présente traduction 4.
J’ai ajouté entre crochets des mots ou morceaux de phrases capables de rendre intelligible ce texte à sa première lecture. De plus, j’ai usé de la majuscule lorsque le discours se rapportait à Dieu. Il ne faut pas y voir une marque de respect excessive mais plutôt une manière d’ajouter du sens au texte : le lecteur peut, de cette manière, savoir si Dieu est l’objet ou le sujet du discours. J’ai également opté pour une transcription imprononçable du tétragramme divin : YHWH.
Pour les citations bibliques, j’ai utilisé la traduction de la Bible de Jérusalem que j’ai adaptée en fonction du commentaire midrashique. Il est, en effet, très courant que le midrash n’utilise pas le sens contextuel, auquel cas j’ai rendu le sens commenté ou l’ai signalé en note.
Enfin, le but de cette traduction n’étant pas d’obtenir une édition critique mais de donner enfin à lire ce midrash en français, je n’ai pas signalé les parallèles des commentaires que l’on trouvera dans ce midrash avec ceux de la littérature midrashique en général. Les seules références que l’on trouvera sont celles de la Michna qui est citée plusieurs fois dans le texte.
Sandrick Le Maguer