MÉDITATION POUR LE SAMEDI SAINT – Cardinal Carlo Maria Martini

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MÉDITATION POUR LE SAMEDI SAINT

« Et Dieu se fit vulnérable »

Cardinal Carlo Maria Martini

Les récits de la passion

En ce samedi saint, ce jour du grand silence de Dieu, de la grande absence de Dieu… il peut être bon de nous demander : en quel Dieu croyons-nous ? Acceptons-nous vraiment qu’il se dise à nous dans le chemin suivi par Jésus jusqu’à la mort en croix ? Le texte ci-dessous voudrait nous y aider. Il s’agit d’une méditation des derniers instants de Jésus dans le récit qu’en fait Matthieu.
« Un courant de la mystique occidentale a souvent pensé qu’on ne peut faire l’économie, pour l’homme spirituel, de l’expérience de l’aridité, de la tiédeur, de la lassitude, de l’obscurité, de la nuit. Ce serait de simples chemins qui montent de la pesanteur de la chair, par la purification, vers la contemplation de la lumière de Dieu.
En vérité, cette réalité doit être interprétée christologiquement, à la lumière de l’évangile : nous sommes appelés à être là où est le Christ, à connaître Dieu comme le Christ nous l’a fait connaître. Et puisque la puissance du Christ s’est révélée dans la faiblesse, la lumière de Dieu dans l’obscurité des heures de la croix, puisque la gloire et l’espérance de Dieu se sont manifestées dans le cri de douleur et d’abandon, ainsi nous aussi, nous sommes appelés, en quelque sorte, sur les chemins que Jésus nous propose, à connaître un Dieu différent de l’image que nous en avions.
Reparaît la question : pourquoi Dieu se donne-t-il à connaître sur la croix ? Jésus ne pouvait-il pas descendre de ce bois et nous sauver à moindre frais ? Aurait-il donc vraiment pris au sérieux l’abîme de la méchanceté de l’homme et du monde ? Une fois encore nous sommes poussés à chercher le pourquoi de sa mort paradoxale.
La mort de Jésus n’a rien de glorieux ni d’extraordinaire. Il y a par grâce de Dieu, des morts lumineuses, des morts de personnes auprès desquelles on respire un parfum de paradis : la sérénité, la paix de Dieu. C’est la force du Ressuscité qui se déverse dans l’expérience la plus tragique de l’homme et parfois la transfigure… Mais la mort de Jésus n’a pas été ainsi.
Après ses dernière paroles, le malentendu est patent : ils croient que Jésus appelle Elie et ils lui donnent une éponge imbibée de vinaigre. Du trouble se produit, mais nul spectacle de grandeur, personne qui s’étonne et qui prie. Tout se passe à la frange du grave et du dérisoire, au milieu d’une foule habituée à voir mourir des condamnés. Jésus crie, une fois encore : une clameur sans un mot, paroxysme du mystère.
La mort de Jésus est tragique. Elle n’est pas auréolée de sérénité et de paix : Jésus tombe dans l’abîme de la cruauté humaine qui l’engloutit.
Notons ceci : Jean et Luc nous présentent la mort de Jésus comme transfigurée ; Matthieu et Marc, quant à eux, nous montrent l’aspect infiniment plus amer de ce drame. Et ce second aspect (qui ne doit pas nous faire oublier l’autre) insiste sur la part que, dans sa mort, Jésus prend à tant de morts humaines sans grandeur, ce qui est le cas de la grande majorité des hommes et des femmes de notre terre.
(…) Nous voudrions que les derniers moments de notre vie soient paisibles, dans l’abandon serein… ils peuvent être, au contraire, étrangement imprévisibles, mystérieux. La mort de Jésus participe de l’imprévisibilité de l’expérience humaine de la mort.
Il n’y a qu’à adorer le mystère du Seigneur qui s’est fait semblable à chacun de nous. Ce que sera notre expérience de la mort, nous n’en savons rien. Ce que nous savons, toutefois, c’est que le Seigneur, par amour pour nous, nous en a préparé le chemin et qu’il viendra à notre rencontre ».

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