HOMELIE DU JEUDI-SAINT 2011 (ANNÉE A)
HOMELIE DU JEUDI-SAINT 2011 (ANNÉE A)
Aujourd’hui nous célébrons la Cène du Seigneur, le repas dans lequel Jésus institue l’eucharistie et fait de ses apôtres les ministres de ce sacrement et de tous les sacrements. Or si les trois évangélistes Mathieu, Marc et Luc rapportent ce grand moment Jean rapporte un épisode simultané et étonnant : Jésus lave les pieds de ses disciples. Ce récit est étonnant car s’ils sont fidèles à la Tradition les Apôtres ont pris un bain avant ce repas et ont fait les ablutions rituelles. De plus, ce geste est un geste d’esclave. Comment Jésus qui est bien pour eux le Messie peut-il faire une telle chose ?
Un geste déroutant
C’est d’ailleurs la réaction de Pierre : « TOI Seigneur, tu veux me laver les pieds ? » Pierre ne comprend pas et refuse pensant que Jésus ne peut pas s’abaisser à un tel acte. Pierre –ne l’oublions pas – a un jour répondu à Jésus : « Tu es le Christ, le Messie de Dieu, le Fils du Dieu vivant » (Mathieu 16, 16).
Il n’est pas pensable pour Pierre de voir Jésus à ses pieds « Tu ne me laveras pas les pieds, non jamais ! » Il en est vraiment indigné….
Pierre ne se laissera faire que lorsque la Parole de Jésus lui ouvre le cœur :
« si je ne te lave pas les pieds tu n’auras pas part avec moi » et dans son élan il veut être lavé toute entier …..
Il est évident que Jean, l’auteur de l’évangile, n’est pas dans une affaire de propreté rituelle ! Nous sommes pleinement dans la signification de ce geste : l’abaissement de Jésus qui se fait serviteur jusqu’au bout. Il lave les pieds de ses apôtres mais, en fait, il les sanctifie, il les rend purs. C’est ce qu’il demande à son Père : « sanctifie-les dans ta vérité » (Jean 17, 17). Nous savons que nous ne pouvons pas nous purifier nous-mêmes : c’est le pardon de Dieu qui nous rend purs, « lave-moi de ma faute, Seigneur, purifie-moi de mon péché » (Ps 50). Quand saint Paul dit « vous avez revêtu le Christ » c’est ce qu’il veut signifier : vous êtes rempli du Christ, vous êtes purifiés dans le Christ.
Un geste d’amour et de pardon
C’est le commandement nouveau donné par Jésus à ses Apôtres
« Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et votre Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez vous aussi comme moi j’ai fait pour vous ».
Il ne s’agit pas simplement de faire du bien aux autres, d’être « en tenue de service » à leur égard. Ce commandement s’adresse aux Apôtres et il ne se comprend qu’en lien avec ce qui se passe à ce moment intense du repas, de la Cène du Seigneur. Jésus anticipe ce qu’il va vivre dans quelques heures : le sacrifice total, le don de sa vie pour l’humanité tout entière depuis la création du monde jusqu’à la fin des temps. Le lavement des pieds est le signe de l’amour qui vient rejoindre les Apôtres, qui les sanctifie et les rend dignes d’accomplir à la suite du Christ son sacrifice suprême. Il faut mettre en parallèle les deux commandements qu’Il leur donne : « faites ceci en mémoire de moi « (le ministère eucharistique) « faites vous aussi, comme moi, ce que j’ai fait pour vous ».
La miséricorde du Seigneur fait aussi de ses Apôtres les ministres du pardon des péchés puisque dans la même ligne, selon l’évangile de Saint Jean, au soir de Pâques Jésus donne le commandement et le pouvoir à ses Apôtres de pardonner les péchés. Nous savons bien que dans le sacrement du pardon le Seigneur vient laver les pieds de ses disciples et les inonder de sa miséricorde.
Tout ceci nous fait entrevoir les liens inséparables qu’en ce Jeudi-Saint nous célébrons dans le mystère du Christ qui donne sa vie. Le lavement des pieds révèle à la fois l’abaissement et la toute-puissance du Christ. C’est exactement ce que nous retrouvons dans les sacrements : la pauvreté du signe (l’eau, le pain, le vin, l’huile…) et l’immensité du don de Dieu par la puissance du Christ. Cette puissance est celle de l’Amour qui s’incarne, qui rejoint chacun et qui, seul, nous purifie et nous rend dignes de ce don.
C’est pourquoi l’Eucharistie est une réalité divine qui se réalise entre les mains d’un homme pauvre pécheur mais appelé par le Christ à agir en ses lieux et places, i-e in persona Christi. Parce que nous sentons notre faiblesse comme Pierre nous disons « Seigneur, tu ne nous laveras pas les pieds ». Or c’est l’orgueil humain qui parle car il nous faut être bénéficiaires de la miséricorde du Seigneur, de son amour gratuit pour pouvoir le rendre présent. Et Pierre après la résurrection pourra dire « tu sais tout, Seigneur, tu sais bien que je t’aime » mais auparavant il va connaître dans la terrible nuit de la Passion de son Maître la trahison ….Il faudra le regard de Jésus pour le relever, pour la deuxième fois Jésus était descendu jusqu’à lui. L’eucharistie et tous les sacrements c’est cet abaissement de Dieu par Jésus pour nous rendre semblables à Lui et nous faire vivre de Lui. Soyons ce soir dans l’action de grâce pour cet immense don. Amen !
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