L ‘ ACTION UN TITRE RÉSERVÉ ?

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L ‘ ACTION UN TITRE RÉSERVÉ ?

Il faut que nous devenions chercheurs de Dieu en toutes choses et un trouveur de Dieu en tous temps et en tous états et avec tous les gens et de toutes les manières (Maître Eckhart)
A notre époque la voie qui mène à la sainteté doit obligatoirement passer par l ‘ action ( Dag Hammarskjöld)
Ceux qui ne font rien ne font jamais de gaffes mais toute leur vie en est une (Cardinal Mercier)
Si le Seigneur aime beaucoup les bras en croix, il déteste les bras croisés. (Cardinal Suhart)

Introduction
Autant j ‘ exprimais précédemment l ‘ importance de la contemplation qui ne doit pas être réservé à des moines, moniales, autant je vous dis maintenant que l ‘ action dont je parlerai est un titre réservé à des mystiques. J ‘ entends ce mot non dans le sens de phénomènes extraordinaires (expériences mystiques ) mais dans le sens du nouveau catéchisme de l ‘ Eglise catholique qui vient de réhabiliter le mot  » mystique » . Le cheminent spirituel du chrétien tend à une union toujours plus intime avec le Christ. Cette union s ‘ appelle « mystique » parce qu ‘ elle participe au mystère du Christ (2014).
Dans son livre Je veux voir Dieu, l ‘ auteur affirme que la vie mystique englobe à ce point la vie active qu ‘ on peut parler d ‘ une mystique de l ‘ action (p420). Le mysticisme n ‘ est surtout pas un acte réservé à des moines – Dieu ne réserve pas ses dons à une catégories de personnes – c ‘ est un acte réservé à ceux et celles qui agissent au nom de Jésus. Notre action pour être crédible doit être une action mystique , une action faite sous l ‘ emprise de l ‘ union à Dieu. C ‘ est la marque des vrais mystiques dit Thomas Merton, que, une fois initiés aux mystères de la voie unitive, ils sont poussés d ‘ une certaine façon à servir l ‘ humanité. Nous connaissons bien cette affirmation de Paul : Ce n ‘ est plus moi qui agit mais le Christ qui agit par moi.
L ‘ état de santé de notre action est directement lié à notre état de santé de notre union à Dieu. L ‘ état de santé de notre union à Dieu dépend de la qualité de nos actions. La profondeur de notre vie intérieure, notre vie d ‘ oraison déterminera la qualité de nos actions. Si on était convaincu de cela, quelle action pastorale serait la nôtre ! Une action authentique n ‘ est jamais déterminée de l ‘ extérieur; elle surgit avec spontanéité et librement du dedans.
Ce qui nous est accessible présentement, c ‘ est l ‘ activisme. On n ‘ en manque pas. L ‘ activisme consiste à se faire mal en pensant faire du bien aux autres. Burn-out, dépressions, découragements, ces maladies de l ‘ âme, sont des symptômes, je dirais, d ‘ une hérésie d ‘ actions ; des symptômes qui cachent une anémie de vie intérieure, qui ont pour effet de rendre stérile toutes nos actions même celles couronnées de succès extérieurs. L ‘ activisme nous fait entrer dans une tornade où l ‘ urgence sonne faux. La tornade ici à des allures de l ‘ immédiatement rentable au détriment de la gratuité.

Nature d ‘ une action en santé
Soyons clair. Pour une action en santé, il faut éviter deux dangers.
1 – Survaloriser l ‘ action : Tout miser sur l ‘ efficacité des techniques modernes. Se donner une vie toute centrée sur l ‘ action étouffe toute vie spirituelle en plus de rendre stérile l ‘ action même parée de succès extérieurs. Trop, c ‘ est trop. Danger d ‘ une sorte d ‘ hérésie de l ‘ action. Mais l ‘ action est essentielle : La foi s’affermit lorsqu’on la donne ! (R M.02)
2 – Mésestimer l ‘ action : Il faut éviter une sorte de mésestime de l ‘ action sous prétexte que seule la vie de prière est essentielle au salut du monde et à la sainteté personnelle. La prière ne doit pas devenir une fugue déguisée, une fuite. Le Seigneur est aussi au milieu des marmites (T..A.Livres/ fondations 5,2. 8) . Il faut éviter de s ‘ encapuchonner. La non-activité conduit à des désordres psychologiques. Il faut avoir fréquenter des monastères pour y découvrir une ruche bourdonnante d ‘ intense activité. Ceux qui ne font rien ne font jamais de gaffes mais toute leur vie en est une (Cardinal Mercier)
Il nous faut agir. L ‘ action est l ‘ élément essentiel pour dire la Nouvelle. Allez enseigner. Dieu nous a créé pour le connaître, l ‘ aimer et servir (action) affirmait jadis le petit catéchisme. Allons plus loin : l ‘ action est nécessaire voire indispensable à un sain équilibre humain et psychologique. Même une vie contemplative sans action demeure une vie incomplète.
Il nous faut agir car l ‘ action est l ‘ autre de mot de l ‘ amour. Au commencement était l ‘ Action et l ‘ Action s ‘ est fait chair. Il nous faut agir car l ‘ action est le miroir de notre vie intérieur. Et notre vie intérieure dépend de la profondeur de notre action.
L’ action doit surgir de l ‘ intérieur, de notre regard posé sur Jésus. Jésus nous pousse dehors. L’ action entreprise dehors devient nourriture pour notre vie intérieure. L’ action posée devient notre prière, objet de notre contemplation. La vie de prière et la vie active sont inséparables l ‘ une de l ‘ autre. Ce sont deux aspects d ‘ un tout harmonieux, deux manifestations d ‘ une même vie profonde (Père. Marie-Enfant Jésus : Je veux voir Dieu p.125)
Je résume toute ce qui je viens de dire par cette affirmation capitale : Nous devons apprendre non pas à faire quelque chose mais a être quelqu ‘ un qui fait quelque chose.

De quoi parlons-nous quand nous parlons d ‘ action en santé ?
Nous sommes des fils de Dieu. Agissons comme Lui. Jésus a passé 30 ans retirés à l ‘ écart. Antoine de Padoue avait cette savoureuse réflexion : « La parole est vivante lorsque ce sont les actions qui parlent. Nous sommes pleins de paroles mais vide d ‘ action ». Mère Térésa dans son style imagé disait à des grands de ce monde les gens devraient pouvoir reconnaître Jésus dans nos actions. Paul V1 présente Thérèse d’ Avila comme une contemplative incomparable qui allait se révéler inlassablement active (homélie déclarant Thérèse d ‘ Avila docteur de l ‘ Eglise 20 sept.70 DC210).

Action selon Ignace de Loyola :
Ignace de Loyola qu ‘ on ne peut pas accuser d’ avoir mené une vie de moine, qui fut l’ un des plus grands aventuriers, fougueux, toujours sur la route, est l’ exemple parfait d ‘ un contemplatif en action. Il disait constamment : Il faut trouver Dieu en toutes choses . Ignace était un homme de prière faite action. Ignace était aussi action devenue prière. Pour lui, l ‘ amour de Dieu ne se divise pas en action et contemplation. C ‘ est le même amour. Un amour à deux faces ! Notre vie de prière doit être une action de l ‘ amour et nos actions une démarche de prière.

Action selon Maître Eckhart :
Maître Eckhart, dominicain, grand savant, déclaré anathème de son vivant et que nous redécouvrons aujourd ‘ hui, affirmait que l ‘ action et la contemplation ne sont que deux réalités créées dont le but est d ‘ amener Dieu à s ‘ incarner en nous. Que ce soit dans l’ action ou la contemplation, ce qui est premier, c’ est le détachement. ( Attention : détachement ne signifie pas être en dehors du monde). Si nous nous trouvons dans un état d ‘ extase et qu’ un pauvre nous demande un bol de souple, la seule chose à faire est de quitter immédiatement notre ravissement et de servir notre prochain. Pour ce grand maître spirituel, ce que nous faisons (action ou contemplation) est sans importance… Il ne s ‘ agit pas d ‘ un trip à faire (Smith Cyprien, un chemin de Paradoxe, la vie spirituelle selon maître Eckhart, Cerf, pp. 132-133). Ce qui a de l ‘ importance ce n ‘ est pas le faire (prier ou agir) mais l ‘ attitude que nous avons…. quand nous prions ou agissons.
Nous devons sortir , nous occuper des cris autour de nous tout en demeurant en dedans , dans une union personnelle avec le Dieu de Jésus. Cela exige de se détacher autant de nos actions que de nos prières. Le détachement force Dieu à prendre toute la place (Gozier Don André, Prier 15 jours avec Maître Eckhart p. 45)
La tentation de toutes les religions est de se satisfaire des seuls rites (actions). Un mystique de l’Inde écrivait il y a trois siècles : Tu fais des prières à ton Dieu quand un homme frappe à ta porte : si tu l’ignores, ta prière est une impiété. Tu fermes ta maison à l ‘ hôte inattendu et tu offres un repas rituel à ton Dieu ! Si tu distingues entre l’hôte et ton Dieu : ta liturgie, du crachat « 
Le problème avec notre action, c ‘ est que nous y tenons trop. On cherche trop à se plaire plutôt qu ‘ à plaire à Dieu. On a trop confiance en soi, pas assez confiance en Dieu. Avec tous ceux qui ont grandement confiance en Lui dit Maître Eckhart Il n ‘ a jamais manqué d ‘ accomplir de grandes choses . Perte de confiance en soi pour la porter sur Dieu. Plus nous nous détachons de nos actions, plus Dieu éclate dans ce que nous faisons. L ‘ action doit exprimer Dieu, pas moi. Quel détachement là dedans! Il faut se  » dépendre de nos actions  » pour laisser toute la place à Dieu. C ‘ est toute la spiritualité de ce grand savant qui est la dedans. Ce qui est le plus difficile, ce n ‘ est pas de tout quitter, mais de se quitter soi-même.

En résumé.
Ce qui doit être prédominant, c ‘ est l ‘ action de Dieu en nous. Nous comprenons pourquoi Thérèse d ‘ Avila insiste pour dire qu ‘ il nous faut avoir atteint les 4e demeures de l ‘ union à Dieu pour rendre prédominante cette action de Dieu dans notre action. Avant dit-elle, c ‘ est de l ‘ orgueil.. Cette action de Dieu n ‘ éteint pas, ne détruit pas la nôtre. Elle pénètre dans notre vie psychique, psychologique et elle devient progressivement prédominante et ..alors nous ne devenons plus que des collaborateurs de Die u (M-E de l ‘ Enfant-Jésus les dons du Saint-Esprit , Carmel. 1998/2-88 p.13) C ‘ est lui, le laboureur. Nous sommes le champ de Dieu. Nous sommes serviteurs du laboureur.

Conclusion
Je conclue en affirmant que ce serait une vision déformée que d ‘ affirmer que l ‘ action est un excédent de contemplation et que la contemplation n ‘ est qu ‘ un excédent d ‘ action.. Il y a un véritable enrichissement réciproque de la contemplation sur l ‘ action de l ‘ action sur la contemplation. L ‘ action ne sera jamais un débordement du superflu (P.M.Eugène, je veux voir Dieu p 665s) de la contemplation. Les deux se rejoignant dans la charité manifesté envers Dieu ou envers autrui.
Si nous étions capables de ressentir cette soif de cette charité-là (dans la prière comme dans l ‘ action) ,il n ‘ y aurait plus de distorsion entre l ‘ extérieur et l ‘ intérieur en nous puisque Dieu est trouvable en toutes choses.
Se donner de l’ intériorité dans l’ extériorité est plus intériorité que la seule intériorité. (Père Wilhélem) Si nous pouvions réussir cela. Notre prière ne se distinguerait plus de notre travail. Notre travail deviendrait prière. Je nous souhaite d ‘ en arriver là.

Questions pour aller plus loin
1 – Est-ce que Dieu se laisse voir dans mes actions ou est-ce plutôt ma personne qui est mise en évidence ? Précisez comment ?
• Quels moyens ai-je pour transformer mes activités en source de contemplation-adoration ?
• Urgence est de se donner des groupes de partage-foi. Comment pourrais-je orienter mon action en se sens ? Que pourrais-je faire pour les susciter ?

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