Archive pour mars, 2014

MESSAGE DE SA SAINTETÉ FRANÇOIS POUR LE CARÊME 2014 – (2Cor 8,9)

27 mars, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/francesco/messages/lent/documents/papa-francesco_20131226_messaggio-quaresima2014_fr.html

MESSAGE DE SA SAINTETÉ FRANÇOIS POUR LE CARÊME 2014

Il s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté (cf 2 Cor 8,9)

Chers frères et sœurs,

Je voudrais vous offrir, à l’occasion du Carême, quelques réflexions qui puissent vous aider dans un chemin personnel et communautaire de conversion. Je m’inspirerai de la formule de Saint Paul : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). L’Apôtre s’adresse aux chrétiens de Corinthe pour les encourager à être généreux vis-à-vis des fidèles de Jérusalem qui étaient dans le besoin. Que nous disent-elles, ces paroles de saint Paul, à nous chrétiens d’aujourd’hui ? Que signifie, pour nous aujourd’hui, cette exhortation à la pauvreté, à une vie pauvre dans un sens évangélique ?

La grâce du Christ
Ces paroles nous disent avant tout quel est le style de Dieu. Dieu ne se révèle pas par les moyens de la puissance et de la richesse du monde, mais par ceux de la faiblesse et la pauvreté : « Lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous … ». Le Christ, le Fils éternel de Dieu, qui est l’égal du Père en puissance et en gloire, s’est fait pauvre ; il est descendu parmi nous, il s’est fait proche de chacun de nous, il s’est dépouillé, « vidé », pour nous devenir semblable en tout (cf. Ph 2, 7 ; He 4, 15). Quel grand mystère que celui de l’Incarnation de Dieu ! C’est l’amour divin qui en est la cause, un amour qui est grâce, générosité, désir d’être proche et qui n’hésite pas à se donner, à se sacrifier pour ses créatures bien-aimées. La charité, l’amour, signifient partager en tout le sort du bien-aimé. L’amour rend semblable, il crée une égalité, il abat les murs et les distances. C’est ce qu’a fait Dieu pour nous. Jésus en effet, « a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché » (Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et Spes, n. 22 § 2).
La raison qui a poussé Jésus à se faire pauvre n’est pas la pauvreté en soi, mais, – dit saint Paul – [pour que] « … vous deveniez riches par sa pauvreté ». Il ne s’agit pas d’un jeu de mots, ni d’une figure de style ! Il s’agit au contraire d’une synthèse de la logique de Dieu, de la logique de l’amour, de la logique de l’Incarnation et de la Croix. Dieu n’a pas fait tomber sur nous le salut depuis le haut, comme le ferait celui qui donne en aumône de son superflu avec un piétisme philanthropique. Ce n’est pas cela l’amour du Christ ! Lorsque Jésus descend dans les eaux du Jourdain et se fait baptiser par Jean Baptiste, il ne le fait pas par pénitence, ou parce qu’il a besoin de conversion ; il le fait pour être au milieu des gens, de ceux qui ont besoin du pardon, pour être au milieu de nous, qui sommes pécheurs, et pour se charger du poids de nos péchés. Voilà la voie qu’il a choisie pour nous consoler, pour nous sauver, pour nous libérer de notre misère. Nous sommes frappés par le fait que l’Apôtre nous dise que nous avons été libérés, non pas grâce à la richesse du Christ, mais par sa pauvreté. Pourtant saint Paul connaît bien « la richesse insondable du Christ » (Ep 3, 8) « établi héritier de toutes choses » (He 1, 2).
Alors quelle est-elle cette pauvreté, grâce à laquelle Jésus nous délivre et nous rend riches ? C’est justement sa manière de nous aimer, de se faire proche de nous, tel le Bon Samaritain qui s’approche de l’homme laissé à moitié mort sur le bord de la route (cf. Lc 10, 25ss). Ce qui nous donne la vraie liberté, le vrai salut, le vrai bonheur, c’est son amour de compassion, de tendresse et de partage. La pauvreté du Christ qui nous enrichit, c’est le fait qu’il ait pris chair, qu’il ait assumé nos faiblesses, nos péchés, en nous communiquant la miséricorde infinie de Dieu. La pauvreté du Christ est la plus grande richesse : Jésus est riche de sa confiance sans limite envers le Père, de pouvoir compter sur Lui à tout moment, en cherchant toujours et seulement la volonté et la gloire du Père. Il est riche comme est riche un enfant qui se sent aimé et qui aime ses parents et ne doute pas un seul instant de leur amour et de leur tendresse. La richesse de Jésus, c’est d’être le Fils ; sa relation unique avec le Père est la prérogative souveraine de ce Messie pauvre. Lorsque Jésus nous invite à porter son « joug qui est doux », il nous invite à nous enrichir de cette « riche pauvreté » et de cette « pauvre richesse » qui sont les siennes, à partager avec lui son Esprit filial et fraternel, à devenir des fils dans le Fils, des frères dans le Frère Premier-né (cf. Rm 8, 29).
On a dit qu’il n’y a qu’une seule tristesse, c’est celle de ne pas être des saints (L. Bloy) ; nous pourrions également dire qu’il n’y a qu’une seule vraie misère, c’est celle de ne pas vivre en enfants de Dieu et en frères du Christ.

Notre témoignage
Nous pourrions penser que cette « voie » de la pauvreté s’est limitée à Jésus, et que nous, qui venons après Lui, pouvons sauver le monde avec des moyens humains plus adéquats. Il n’en est rien. À chaque époque et dans chaque lieu, Dieu continue à sauver les hommes et le monde grâce à la pauvreté du Christ, qui s’est fait pauvre dans les sacrements, dans la Parole, et dans son Église, qui est un peuple de pauvres. La richesse de Dieu ne peut nous rejoindre à travers notre richesse, mais toujours et seulement à travers notre pauvreté personnelle et communautaire, vivifiée par l’Esprit du Christ.
À l’exemple de notre Maître, nous les chrétiens, nous sommes appelés à regarder la misère de nos frères, à la toucher, à la prendre sur nous et à œuvrer concrètement pour la soulager. La misère ne coïncide pas avec la pauvreté ; la misère est la pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance. Nous pouvons distinguer trois types de misère : la misère matérielle, la misère morale et la misère spirituelle. La misère matérielle est celle qui est appelée communément pauvreté et qui frappe tous ceux qui vivent dans une situation contraire à la dignité de la personne humaine : ceux qui sont privés des droits fondamentaux et des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau et les conditions d’hygiène, le travail, la possibilité de se développer et de croître culturellement. Face à cette misère, l’Église offre son service, sa diakonia, pour répondre aux besoins et soigner ces plaies qui enlaidissent le visage de l’humanité. Nous voyons dans les pauvres et les laissés-pour-compte le visage du Christ ; en aimant et en aidant les pauvres nous aimons et nous servons le Christ. Notre engagement nous pousse aussi à faire en sorte que, dans le monde, cessent les atteintes à la dignité humaine, les discriminations et les abus qui sont si souvent à l’origine de la misère. Lorsque le pouvoir, le luxe et l’argent deviennent des idoles, ils prennent le pas sur l’exigence d’une distribution équitable des richesses. C’est pourquoi il est nécessaire que les consciences se convertissent à la justice, à l’égalité, à la sobriété et au partage.
La misère morale n’est pas moins préoccupante. Elle consiste à se rendre esclave du vice et du péché. Combien de familles sont dans l’angoisse parce que quelques-uns de leurs membres – souvent des jeunes – sont dépendants de l’alcool, de la drogue, du jeu, de la pornographie ! Combien de personnes ont perdu le sens de la vie, sont sans perspectives pour l’avenir et ont perdu toute espérance ! Et combien de personnes sont obligées de vivre dans cette misère à cause de conditions sociales injustes, du manque de travail qui les prive de la dignité de ramener le pain à la maison, de l’absence d’égalité dans les droits à l’éducation et à la santé. Dans ces cas, la misère morale peut bien s’appeler début de suicide. Cette forme de misère qui est aussi cause de ruine économique, se rattache toujours à la misère spirituelle qui nous frappe, lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour. Si nous estimons ne pas avoir besoin de Dieu, qui nous tend la main à travers le Christ, car nous pensons nous suffire à nous-mêmes, nous nous engageons sur la voie de l’échec. Seul Dieu nous sauve et nous libère vraiment.
L’Évangile est l’antidote véritable contre la misère spirituelle : le chrétien est appelé à porter en tout lieu cette annonce libératrice selon laquelle le pardon pour le mal commis existe, selon laquelle Dieu est plus grand que notre péché et qu’il nous aime gratuitement, toujours, et selon laquelle nous sommes faits pour la communion et pour la vie éternelle. Le Seigneur nous invite à être des hérauts joyeux de ce message de miséricorde et d’espérance ! Il est beau d’expérimenter la joie de répandre cette bonne nouvelle, de partager ce trésor qui nous a été confié pour consoler les cœurs brisés et donner l’espérance à tant de frères et de sœurs qui sont entourés de ténèbres. Il s’agit de suivre et d’imiter Jésus qui est allé vers les pauvres et les pécheurs comme le berger est allé à la recherche de la brebis perdue, et il y est allé avec tout son amour. Unis à Lui, nous pouvons ouvrir courageusement de nouveaux chemins d’évangélisation et de promotion humaine.
Chers frères et sœurs, que ce temps de Carême trouve toute l’Église disposée et prête à témoigner du message évangélique à tous ceux qui sont dans la misère matérielle, morale et spirituelle ; message qui se résume dans l’annonce de l’amour du Père miséricordieux, prêt à embrasser toute personne, dans le Christ. Nous ne pourrons le faire que dans la mesure où nous serons conformés au Christ, Lui qui s’est fait pauvre et qui nous a enrichi par sa pauvreté. Le Carême est un temps propice pour se dépouiller ; et il serait bon de nous demander de quoi nous pouvons nous priver, afin d’aider et d’enrichir les autres avec notre pauvreté. N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal : un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grand chose. Je me méfie de l’aumône qui ne coûte rien et qui ne fait pas mal.
Que l’Esprit Saint, grâce auquel nous « [sommes] pauvres, et nous faisons tant de riches ; démunis de tout, et nous possédons tout » (2 Co 6, 10), nous soutienne dans nos bonnes intentions et renforce en nous l’attention et la responsabilité vis-à-vis de la misère humaine, pour que nous devenions miséricordieux et artisans de miséricorde. Avec ce souhait je vous assure de ma prière, afin que tout croyant et toute communauté ecclésiale puisse parcourir avec profit ce chemin de Carême. Je vous demande également de prier pour moi. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge Marie vous garde.

Du Vatican, le 26 décembre 2013

Fête de Saint Étienne, diacre et protomartyr

The Annunciation by Joos Van Cleve, 1525

24 mars, 2014

The Annunciation by Joos Van Cleve, 1525 dans images sacrée joosvancleve_theannunciation

http://www.backtoclassics.com/gallery/joosvancleve/theannunciation/

SAINT THOMAS D’AQUIN: LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION DE DIEU

24 mars, 2014

http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/opuscules/59humanitejesus.htm#_Toc71287491

(Je propose chapitres V, VI, VII, bien sûr, l’étude est beaucoup plus large, pour en savoir plus sur le lien mentionné ci-dessus)

SAINT THOMAS D’AQUIN, DOCTEUR DE L’ÉGLISE

LIVRE I: LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION DE DIEU

CHAPITRE V: UN ANGE EST ENVOYÉ POUR ANNONCER LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION

Conçue et ordonnée dans l’éternité, préparée sur la terre, attendue des justes, l’incarnation du Sauveur est enfin sur le point de s’accomplir. Dieu envoie un ange pour l’annoncer à Marie. Saint Luc le rapporte en ces termes: « L’ange Gabriel fut envoyé de Dieu en une ville de Galilée appelée Nazareth, à une Vierge qui avait épousé un homme nommé Joseph, de la maison de David, et cette Vierge s’appelait Marie. L’ange, étant entré dans le lieu où elle était, lui dit: « Je vous salue, pleine de  grâces, le Seigneur est avec vous; vous êtes bénie entre toutes « les femmes. » Marie, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle pensait en elle-même quelle pouvait être cette salutation. L’ange lui dit: « Ne craignez point, Marie; car vous avez trouvé « grâce devant Dieu; voici que vous concevrez dans votre sein, et « vous enfanterez un Fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » (Luc., 1, 26-31). Il y a trois choses à considérer au sujet de cette annonciation: l’envoi nième de l’ange, la manière dont il apparut à Marie et l’ordre dans lequel il accomplit sa mission. Tout d’abord, il est dit que l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu. Sur quoi il faut bien comprendre trois choses: la dignité du messager, la profondeur du mystère et sa convenance. I. C’est un ange qui est envoyé, c’est-à-dire la plus digne des créatures, parce que c’est la plus semblable à Dieu, comme Ézéchiel le dit du premier des anges: « Vous étiez le sceau de la ressemblance divine. » (Ezech., XXVIII, 12). En effet, plus la nature de l’ange est subtile et sa substance épurée, plus l’image de Dieu s’y trouve véritablement exprimée. De plus, Gabriel était de l’ordre des archanges, et, par conséquent, d’une haute dignité. « Ce n’est pas le premier ange venu, dit saint Grégoire, que Dieu envoie à la Vierge Marie, mais c’est l’archange Gabriel. Un tel mystère méritait la venue du plus grand des anges pour apporter le plus sublime des messages. » II. La profondeur du mystère est indiquée parle nom de l’ange. Gabriel signifie la force de Dieu. « Le Seigneur, dit saint Grégoire, envoie à Marie l’ange Gabriel, dont le nom veut dire la force de Dieu; c’est qu’il venait annoncer celui qui a daigné apparaître parmi les hommes pour vaincre les puissances de l’air. » Il annonçait le Roi et le Seigneur dont il est parlé dans les psaumes: « Ouvrez vos portes, ô prince des cieux; et vous, portes éternelles, ouvrez-vous afin de laisser entrer le Roi de gloire. Où est le Roi de gloire? C’est le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans les combats. » (Ps., XXIII, 7-8). Mystère véritablement profond, dans lequel, selon saint Jean Damascène, apparaissent à la fois la bonté, la justice, la sagesse, la puissance la bonté, puisque, loin de mépriser l’infirmité de sa créature, il a été ému jusqu’au fond des entrailles en la voyant tomber, et lui a tendu la main pour la relever; la justice, parce que l’homme, ayant été vaincu par le démon, Dieu n’appela pas un tiers pour vaincre son tyran, mais il donna la victoire et la vengeance à un homme, c’est-à-dire à celui-là même qui avait été réduit en servitude par le péché; la sagesse, parce que l’Incarnation est la solution la plus simple et la plus aisée d’une difficulté qui semblait impossible à dénouer; la puissance enfin et la vertu infinie de Dieu, car, qu’un Dieu se soit fait homme, c’est l’ouvrage le plus grand qui se puisse concevoir. III. Il y a dans cette mission de l’ange Gabriel des convenances admirables. « Tout ce qui vient de Dieu est dans l’ordre, » dit saint Paul. (Rom., XIII, 1). C’est Dieu qui, selon la parole du Sage, « atteint d’une extrémité à l’autre avec force et dispose tout avec douceur » (Sagesse VIII, 1), c’est-à-dire que, depuis l’éternité qui précède les siècles jusqu’à l’éternité qui les suit, durant tout le temps qui s’écoule entre ces deux termes extrêmes, Dieu opère partout avec une perfection souveraine; car l’extrémité, le terme, la fin, signifie la perfection. Cet ordre parfait, qui paraît dans toutes les oeuvres de Dieu, brille dans le mystère de l’Annonciation. En effet, d’abord il est d’accord avec le plan de Dieu qui est de communiquer aux hommes les choses divines par le moyen des anges. C’est la pensée de saint Denys au chapitre IV de la Hiérarchie céleste, lorsqu’il dit que les célestes essences qui contemplent Dieu le réfléchissent d’abord en elles-mêmes, en recevant l’illumination, et qu’ensuite elles nous transmettent par leur intermédiaire les manifestations supérieures. Et, plus loin, appliquant ce qu’il adit, il ajoute que le divin mystère de l’humanité du Christ a été d’abord enseigné par les anges et que c’est par eux que la grâce de le connaître est descendue jusqu’à nous. Ainsi, l’ange Gabriel vient instruire le prêtre Zacharie et il annonce la naissance de Jean qui doit arriver contre toute attente par la grâce divine. Il apprend aussi à Marie de quelle manière ineffable un Homme-Dieu sera formé dans ses entrailles, et, en même temps, un autre ange instruit Joseph, un autre encore annonce aux pasteurs la bonne nouvelle, et avec lui toute la multitude des armées célestes chante avec des transports de louanges aux habitants de la terre cette admirable doxologie ou hymne de gloire « Gloire à Dieu au plus haut des cieux. » Ce même mystère convient aussi à la réparation de la nature humaine. « C’est bien justement dit Bède, que l’oeuvre de la réparation de l’homme commence par l’envoi d’un ange à la Vierge qui allait devenir si sacrée par l’enfantement d’un Dieu, puisque, pour perdre l’homme, le démon avait envoyé le serpent à la femme afin de la tromper par l’esprit d’orgueil. » Enfin, la mission de l’ange convenait à la parfaite virginité de Marie, comme saint Jérôme le fait observer: « C’est à bon droit, dit-il, que l’ange est envoyé à la Vierge; en effet, l’âme vierge est soeur des anges; car Vivre dans la chair sans rien tenir de la chair, ce n’est plus une vie terrestre, mais divine. »   CHAPITRE VI: DE QUELLE MANIÈRE L’ANGE APPARUT A MARIE  Les anges peuvent apparaître de trois manières, selon les trois modes de vision qui peuvent être donnés à l’homme: la vision intellectuelle, la vision imaginaire et la vision corporelle. La vision intellectuelle est la vision de l’essence même ou de la substance spirituelle de l’ange; elle est réservée à la patrie céleste. La vision imaginaire représente l’ange sous certaines figures ou ressemblances des choses corporelles; c’est de cette manière qu’un ange apparut en songe à Joseph, comme il est rapporté en saint Matthieu (II, 13 et 19). La vision corporelle a lieu lorsque l’ange apparaît dans un corps emprunté; c’est ainsi que Gabriel se montra à la Bienheureuse Vierge Marie. Saint Augustin met ces paroles dans la bouche de Marie: « L’archange Gabriel vint à moi avec un visage resplendissant, vêtu d’habits éclatants, admirablement beau dans sa démarche. » Et saint Ambroise, expliquant le passage de saint Luc où il est dit que la Sainte Vierge se troubla des paroles de l’ange (Luc., I, 29), fait cette remarque: « C’est le propre des vierges de craindre, de trembler en présence d’un homme, et de redouter sa conversation. » Ces paroles des deux saints Docteurs supposent évidemment que l’archange Gabriel apparut corporellement à Marie. Et il convenait qu’il en fût ainsi, d’abord à cause du mystère qui était annoncé. Ce mystère était l’Incarnation du Dieu invisible, mais qui voulait se rendre visible à nous; et le messager qui l’annonce est invisible de sa nature, mais il apparaît sous une forme visible. On peut même généraliser ceci et remarquer que toutes les apparitions qui eurent lieu sous l’ancienne loi se rapportaient figurativement à la grande manifestation du Fils de Dieu dans la chair. De plus, comme la Bienheureuse Vierge devait concevoir Dieu, non pas seulement dans son esprit, mais aussi dans ses entrailles, il convenait que les sens mêmes de son corps si noble et si auguste eussent la joie de voir l’ange. Enfin, il le fallait encore pour qu’elle fût plus assurée de la merveille qui lui était annoncée. Car nous possédons une certitude bien plus grande des choses placées sous nos yeux que de celles qui ne sont que présentées à notre imagination. Voilà pourquoi l’ange n’apparut pas en songe à Marie, mais visiblement et corporellement. La grandeur de la révélation que Marie recevait de l’ange exigeait une apparition solennelle et digne du grand événement qui en était le motif. Il se présente cependant sur ce sujet une difficulté. Saint Augustin dit que la vision intellectuelle est plus noble que la vision corporelle. Il semblerait donc que l’apparition de l’ange à la Sainte Vierge, si elle fut corporelle, n’a pas été aussi digne qu’elle devait l’être. — Mais saint Augustin parle de la vision intellectuelle considérée seule, en elle-même, et comparée à la vision corporelle aussi prise à part. Or, la Bienheureuse Vierge ne vit pas seulement l’ange des yeux du corps, elle reçut aussi de sa vision une illumination intellectuelle; c’est pourquoi cette apparition fut plus noble qu’une simple vue de l’esprit. Elle aurait été toutefois plus excellente encore et aurait atteint la suprême noblesse si Marie avait vu par son intelligence l’essence spirituelle de l’ange; mais l’état de la vie présente ne le comportait pas.   CHAPITRE VII: DE L’ORDRE DANS LEQUEL S’ACCOMPLIT LA MISSION DE L’ANGE GABRIEL L’ange Gabriel accomplit sa mission auprès de Marie dans un ordre parfaitement juste et convenable. Il faut considérer trois circonstances de son apparition. D’abord, il aborde la Sainte Vierge en la saluant, ensuite il apaise son trouble et la console, et enfin il annonce qu’elle sera Mère de Dieu et comment elle le deviendra. Dans la première circonstance, on voit paraître l’excellence de cette Vierge, dans la seconde l’ardent désir qu’elle avait du salut du genre humain, et dans la troisième la merveilleuse grandeur de la bonté divine. I. Considérons d’abord le salut que l’ange adresse à Marie: « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes. » « Oui, dit saint Jérôme, elle est vraiment pleine de grâce. La grâce n’est donnée aux autres que partiellement; mais toute la plénitude de la grâce se répand à la fois dans Marie. Elle est vraiment remplie de grâce, la Vierge par qui toute créature a été inondée comme d’une pluie abondante des dons du Saint Esprit. » – « Il n’est personne, dit de son côté saint Bernard, qui ne reçoive de sa plénitude. Le malade obtient par elle sa guérison, le captif sa délivrance, l’affligé sa consolation, le pécheur son pardon, le juste un surcroît de grâce; les anges reçoivent une nouvelle allégresse, toute la Sainte Trinité une nouvelle gloire, et le Fils de l’homme la chair dans laquelle il s’est fait homme. » – « Je vois, ajoute ailleurs saint Bernard, dans ses entrailles, la grâce de la divinité, dans son coeur la grâce de la charité, sur ses lèvres la grâce de la bonté et de l’affabilité, dans ses mains la grâce de la miséricorde et de la largesse. » « Le Seigneur est avec vous, » continue l’ange. » Celui qui envoyait l’ange à la Vierge était déjà dans l’âme de la Vierge, dit saint Jérôme, et le Seigneur avait devancé son messager. » Aussi l’ange pouvait, comme saint Augustin le remarque, lui tenir ce discours: « Le Seigneur est avec vous bien plus qu’avec moi. Car il est dans votre coeur, et il sera dans votre sein, il remplit votre âme afin de remplir vos entrailles. » Et il pouvait ajouter, selon saint Bernard: « Ce n’est pas seulement le Seigneur, le Fils de Dieu que vous revêtez de la chair, qui est avec vous; mais c’est encore l’Esprit Saint par l’opération duquel vous concevez le Fils de Dieu. » L’ange poursuit, dans le texte sacré « Vous êtes bénie entre les femmes. » Vous seule entre toutes, et avant toutes les autres; » car, dit saint Jérôme, tout ce qu’Eve a répandu de malédiction a été ôté par la bénédiction accordée à Marie. » Trois malédictions pesaient sur les femmes: la malédiction de l’opprobre quand elles étaient stériles; en effet, Rachel, en donnant le jour à Joseph après une longue stérilité, s’écrie: « Dieu a éloigné mon opprobre (Gen XXX, 23); « la malédiction du péché, quand elles devenaient mères; c’est ce dont se plaint David « Voici que j’ai été conçu dans l’iniquité, ma mère m’a conçu dans le péché (Ps. L, 7); « la malédiction de la peine dans l’enfantement car Dieu avait dit à Eve « Tu enfanteras tes fils dans la douleur. » (Gen., III, 16). Seule, la Bienheureuse Vierge est bénie entre toutes les femmes, car elle a uni la fécondité à la virginité, une sainteté parfaite à la fécondité, et un enfantement sans douleurs à cette parfaite sainteté. Abondance de grâce, présence intime de Dieu, excellence de la bénédiction divine, ces trois privilèges que l’ange salue en Marie nous font assez connaître quelle est la suréminente dignité de cette Vierge. II. « Ne craignez point, Marie, dit l’ange, vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. » Ce sont les paroles par lesquelles l’ange, après avoir salué Marie, la rassure dans son trouble et la console. Ce qui avait troublé la Sainte Vierge, ce n’était pas la vue, mais le discours de l’ange. Elle était habituée à ces sortes de visions et ne s’en étonnait plus, aussi l’Evangéliste attribue t-il expressément son trouble aux paroles de l’ange. « L’archange Gabriel, dit saint Pierre Damien, vint avec une douce figure, mais avec des discours terribles; sa vue n’émut guère Marie, mais ses discours la troublèrent étrangement, et c’est pourquoi il dit: « Ne craignez pointa Marie, vous « avez trouvé grâce devant le Seigneur. » On peut voir dans ces dernières paroles comme remarque saint Bernard, quelle sollicitude avait Marie pour le salut de tout le genre humain. Elle a trouvé grâce, la grâce qu’elle souhaitait. Mais quelle était cette grâce? La paix entre Dieu et les hommes, la destruction de la mort, la réparation de la vie, voilà ce qu’elle a trouvé devant le Seigneur. Avec quelle ardeur elle désira donc le salut de l’homme Elle souhaite pour les hommes la grâce du salut; la souhaitant, elle la trouve, et, l’ayant trouvée, elle la répand sur toutes les âmes. « Marie, dit saint Bernard, par la véhémence de son désir, par la ferveur de sa charité, par la pureté de sa prière a atteint jusqu’à cette source sublime, dont la plénitude du coeur môme du Père, est descendue en elle, comme en un canal qui nous l’a distribuée non pas telle qu’elle est en elle-même, mais telle que nous étions capables de la recevoir. » Remarquons, en passant que l’ange Gabriel dit à Zacharie, père de Jean-Baptiste aussi bien qu’à Marie: « Ne craignez pas. » L’ange qui apparaît aux pasteurs à la naissance de Jésus les rassure aussi en leur disant de ne point craindre. Ce soin de rassurer les hommes est le propre des bons anges, comme nous le lisons dans la vie de saint Antoine « Il n’est pas difficile de faire le discernement des bons et des mauvais esprits. Si à la crainte que cause leur apparition succède la joie, c’est que l’ange vient de la part de Dieu, car la sécurité de l’âme atteste la présence d’une majesté céleste. Si, au contraire, la frayeur persévère, c’est l’ennemi qui est apparu. » III. L’ange, après avoir salué et consolé Marie, lui annonce qu’elle deviendra Mère de Dieu: « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » Voici que: par ces mots, l’ange lui montre le mystère étonnant et inouï qui va s’accomplir. Il le montre non pas sans doute à son regard corporel, mais à son intelligence, dans la lumière de la foi; ce qui fait dire à saint Jérôme: « Ce que la nature n’a point possédé dans son sein, ce que l’oeil n’a point connu, que la raison n’a point deviné, que l’esprit de l’homme ne saurait comprendre; un mystère qui étonne le ciel, qui confond la terre, qui surprend même les esprits célestes, voilà ce que Gabriel annonce à Marie de la part de Dieu et ce qui est accompli par Jésus-Christ. » Assurément, notre foi nous fait découvrir ici une grande charité et une grande puissance, où il faut reconnaître l’action de Dieu même. Aussi la Sainte Vierge dit-elle: « Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses, » (Luc, 1,49). « Non, lui fait dire saint Bernard, développant cette parole, ce bien qui me fait déclarer bienheureuse par toutes les générations, je ne me l’attribue pas à moi-même, je ne le rapporte pas à mes mérites, mais bien à celui qui a fait ces grandes choses. Que je sois vierge, cela est grand; que je sois mère, cela est grand; que le sois vierge et mère à la fois, voilà ce qui est grand par-dessus tout. » Marie atteste elle-même sa grandeur quand elle dit que le Tout-Puissant a fait en elle de grandes choses; ineffablement grandes, en vérité, car elle est mère et vierge, et Mère du Seigneur; et l’Eglise dit qu’elle n’a point eu son égale dans le passé et que personne ne l’égalera dans la suite des siècles.

HOMÉLIE DE JEAN PAUL II – ANNONCIATION À NAZARETH (2000) – 25 MARS 2000 – SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION

24 mars, 2014

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/travels/2000/documents/hf_jp-ii_hom_20000325_nazareth_fr.html

HOMÉLIE DE JEAN PAUL II

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE DANS LA BASILIQUE DE L’ANNONCIATION À NAZARETH EN LA SOLENNITÉ DE L’ANNONCIATION

Samedi, 25 mars 2000 -  Solennité de l’Annonciation

« Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole » (Angelus).

Monsieur le Patriarche, Vénérés frères dans l’épiscopat, Révérend Père Custode, Très chers frères et soeurs,

1. 25 mars 2000, solennité de l’Annonciation en l’année du grand Jubilé:  aujourd’hui les yeux de toute l’Eglise sont tournés vers Nazareth. J’ai désiré revenir dans la ville de Jésus, pour ressentir encore une fois, en contact avec ce lieu, la présence de la femme au sujet de laquelle saint Augustin a écrit:  « Il choisit la mère qu’il avait créée; il créa la mère qu’il avait choisie » (cf. Sermo 69, 3, 4). Il est particulièrement facile de comprendre ici pourquoi toutes les générations appellent Marie bienheureuse (cf. Lc 1, 48). Je salue cordialement Sa Béatitude le Patriarche Michel Sabbah, et je le remercie de ses aimables paroles d’introduction.  Avec  l’Archevêque  Boutros Mouallem et vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, je me réjouis de la grâce de cette solennelle célébration. Je suis heureux d’avoir l’opportunité de saluer le Ministre général franciscain, le Père Giacomo Bini, qui m’a accueilli à mon arrivée, et d’exprimer au Custode, le Père Giovanni Battistelli, ainsi qu’aux Frères de la Custodie, l’admiration de toute l’Eglise pour la dévotion avec laquelle vous accomplissez votre vocation unique. Avec gratitude, je rends hommage à la fidélité à la tâche qui vous a été confiée par saint François et qui a été confirmée par les Pontifes au cours des siècles. 2. Nous sommes réunis pour célébrer le grand mystère qui s’est accompli ici il y a deux mille ans. L’évangéliste Luc situe clairement l’événement dans  le  temps  et  dans l’espace:  « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David; et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1, 26-27). Cependant, pour comprendre ce qui se passa à Nazareth il y a deux mille ans, nous devons revenir à la lecture tirée de la Lettre aux Hébreux. Ce texte nous permet d’écouter une conversation entre le Père et le Fils sur le dessein de Dieu de toute éternité. « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit:  Voici, je viens [...] pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 5-7). La Lettre aux Hébreux nous dit que, obéissant à la volonté du Père, le Verbe éternel vient parmi nous pour offrir le sacrifice qui dépasse tous les sacrifices offerts lors de la précédente Alliance. Son sacrifice est le sacrifice éternel et parfait qui rachète le monde. Le dessein divin est révélé graduellement dans l’Ancien Testament, en particulier dans les paroles du prophète Isaïe, que nous venons d’entendre:  « C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe:  Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (7, 14). Emmanuel:  Dieu avec nous. A travers ces paroles, l’événement unique qui devait s’acccomplir à Nazareth dans la plénitude des temps est préannoncé, et c’est cet événement que nous célébrons aujourd’hui avec joie et un bonheur intense. 3. Notre pèlerinage jubilaire a été un voyage dans l’esprit, commencé sur les traces d’Abraham « notre Père dans la foi » (Canon Romain; cf. Rm 11, 12). Ce voyage nous a conduits aujourd’hui à Nazareth, où nous rencontrons Marie la  plus  authentique   des   filles d’Abraham. C’est Marie, plus que quiconque, qui peut nous enseigner ce que signifie vivre la foi de « Notre Père ». Marie est de nombreuses façons, vraiment différente d’Abraham; mais, d’une manière plus profonde, « l’ami de Dieu » (cf. Is 41, 8) et la jeune femme de Nazareth sont très semblables. Tous deux, Abraham et Marie, reçoivent une promesse merveilleuse de Dieu. Abraham devait devenir le père d’un fils, duquel devait naître une grande nation. Marie devait devenir la Mère d’un Fils qui aurait été le Messie, l’Oint du Seigneur. Gabriel dit:  « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils [...] Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son Père [...] et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 31-33). Tant pour Abraham que pour Marie la promesse arrive de façon totalement inattendue.  Dieu  change  le  cours quotidien de leur vie, bouleversant les rythmes établis et les attentes normales. La promesse apparaît impossible tant à Abraham qu’à Marie. La femme d’Abraham, Sara, était stérile et Marie n’est pas encore mariée:  « Comment sera-t-il, – demande-t-elle à l’ange – puisque je ne connais pas d’homme? » (Lc 1, 34). 4. Comme à Abraham, il est également demandé à Marie de répondre « oui » à quelque chose qui n’est jamais arrivé auparavant. Sara est la première des femmes stériles de la Bible à concevoir grâce à la puissance de Dieu, précisément comme Elisabeth sera la dernière. Gabriel parle d’Elisabeth pour rassurer Marie:  « Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse » (Lc 1, 36). Comme Abraham, Marie aussi doit avancer dans l’obscurité, en ayant confiance en Celui qui l’a appelée. Toutefois, sa question « comment sera-t-il? » suggère que Marie est prête à répondre « oui » malgré les peurs et les incertitudes. Marie ne demande pas si la promesse est réalisable, mais seulement comment elle se réalisera. Il n’est donc pas suprenant qu’à la fin elle prononce son fiat:  « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). A travers ces paroles, Marie se révèle une vraie fille d’Abraham et devient la Mère du Christ et la Mère de tous les croyants. 5. Pour pénétrer encore plus profondément ce mystère, revenons au moment du voyage d’Abraham lorsqu’il reçut la promesse. Ce fut lorsqu’il accueillit dans sa maison trois hôtes mystérieux (cf. Gn 18, 1-5) en leur offrant l’adoration due à Dieu:  tres vidit et unum adoravit. Cette rencontre mystérieuse préfigure l’Annonciation, lorsque Marie est puissamment entraînée dans la communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint. A travers le fiat prononcé par Marie à Nazareth, l’Incarnation est devenue le merveilleux accomplissement de la rencontre d’Abraham avec Dieu. En suivant les traces d’Abraham, nous  sommes  donc  parvenus  à  Nazareth, pour chanter les louanges de la femme « qui apporte la lumière dans le monde » (Hymne Ave Regina Caelorum). 6. Nous sommes cependant venus ici également pour la supplier. Que demandons-nous, nous pèlerins en voyage dans le troisième millénaire chrétien, à la Mère de Dieu? Ici, dans la ville que le  Pape  Paul VI,  lorsqu’il  visita   Nazareth, définit « L’école de l’Evangile. Ici on apprend à observer, à écouter, à méditer, à pénétrer le sens, si profond et mystérieux, de cette très simple, très humble, très belle apparition » (Allocution à Nazareth, 5 janvier 1964), je prie tout d’abord pour un grand renouveau de la foi de tous les fils de l’Eglise. Un profond renouveau de foi:  non seulement une attitude générale de vie, mais une profession consciente et courageuse du Credo:  « Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est » A Nazareth, où Jésus « croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52), je demande à la Sainte Famille d’inspirer tous les chrétiens à défendre la famille, à défendre la famille contre les nombreuses menaces qui pèsent actuellement sur sa nature, sa stabilité et sa mission. Je confie à la Sainte Famille les efforts des chrétiens et de toutes les personnes de bonne volonté pour défendre la vie et promouvoir le respect pour la dignité de chaque être humain. A Marie, la Theotókos, la grande Mère de Dieu, je consacre les familles de Terre Sainte, les familles du monde. A Nazareth, où Jésus a commencé son ministère public, je demande à Marie d’aider l’Eglise à prêcher partout la « Bonne nouvelle » aux pauvres, précisément comme Il l’a fait (cf. Lc 4, 18). En cette « année de grâce du Seigneur », je Lui demande de nous enseigner la voie de l’humble et joyeuse obéissance à l’Evangile dans le service à nos frères et à nos soeurs, sans préférences et sans préjudices.

« O Mère du Verbe Incarné, ne rejette pas ma prière, mais écoute-moi de façon bienveillante et exauce-moi. Amen ». (Memorare).

la Samaritaine

21 mars, 2014

la Samaritaine dans images sacrée big_scansione0005_2

http://www.latracciameditazioni.it/2013/02/22/il-seme-e-il-germoglio/

ROMAINS 5,1-5 – COMMENTAIRE

21 mars, 2014

http://www.portdusalut.com/Fete-de-la-Trinite-Romains-5-1-5#

ROMAINS 5,1-5 – COMMENTAIRE

(Ce commentaire a été écrit pour la fête de la Trinité, je propose aussi parce que les étapes de lecture sont très proches de celles de dimance)

Plus haut Paul a montré, en Abraham, le croyant, que c’est Dieu qui fait de nous des justes par la foi et non notre pratique de la loi. Il évalue à présent la condition nouvelle à laquelle nous sommes ainsi promus.
Il évalue ce qui change à partir du moment où l’on vit dans la foi.
« Il renonce à la prétention d’acquérir le salut par ses seules forces, notamment à travers des œuvres prétendues bonnes »Blanchart –Feu Nouveau 4
La première partie de l’épître aux romains pouvait être intitulée : « libération ou justification de tous ceux qui croient », la seconde partie pourrait être intitulée « la certitude de notre espérance »
A partir de ce chapitre 5 ce n’est plus la foi qui est au centre de l’exposé de Paul : son regard se porte maintenant vers l’avenir incertain plutôt que vers la grâce de ceux qui sont établis dans la foi.
Il commence par une argumentation fouillée à propos de la certitude de notre espérance, certitude basée sur sa propre expérience et sur l’écriture.
Paul cite les expériences positives qui, elles, donneront la certitude, mais il n’éludera pas pour autant les expériences négatives qui elles, peuvent conduire à l’espérance.
« Conscient de son impuissance à gagner le salut, l’homme peut reconnaître en la personne du Christ l’unique médiateur par lequel nous est accordé ce que Paul appelle l’accès au monde de la grâce » Blanchard.
v.1 Jadis pécheurs, « nous voici en paix avec Dieu », puisque la foi nous rend solidaires de Jésus.
A propos de la traduction Segond traduit « ayons la paix », d’autres traductions disent
« nous devrions avoir la paix ».
Ce qui apparaît dès le premier verset , c’est que la justification est un fait acquis, contrairement à la conception juive qui l’espérait partiellement pour l’avenir, elle est porteuse de la Paix : « je vous donne ma paix ».

Une question se pose : quelles sont les conséquences de cette _ justification ?
Le premier fruit de la justification par la foi, c’est l’humble reconnaissance de notre état de pécheur et l’accueil plein de confiance en la miséricorde du Seigneur, donc du don de la paix.
Le « shalom » biblique comporte toute une gamme de significations : harmonie, paix, bien être. Si Paul utilise ce terme c’est pour exprimer que le justifié vit maintenant dans une harmonie rétablie avec Dieu, avec le prochain, avec lui.
Car, nous sommes libérés par la foi : « ainsi donc justifiés par la foi »
La 2e partie du verset annonce plutôt une certitude liée à l’espérance dans l’avenir. : Paul regarde loin devant, vers l’avenir final d’une paix entière.
L’espérance chrétienne n’est pas un optimisme béat, ni une confiance naïve en un avenir facile ni une fuite de ce monde, encore moins une fuite de la réalité et du passé.
L’espérance chrétienne se fonde sur la certitude de Jésus-Christ mort-ressuscité, certitude basée sur son don d’amour dans sa passion-mort et la réponse de Dieu le ressuscitant. La certitude de l’espérance est avant tout basée sur ce que Dieu a fait et ne cesse de faire pour son Christ, son peuple et pour nous.
C’est de cette certitude dont il est question dans les v 5-11.
La foi nous rend solidaires de Jésus. En lui, nous reconnaissons le Christ qui exerce sur nos vies sa puissance de « Seigneur » ressuscité. Il nous installe dans le monde de la grâce et nous introduit dans le palais de Dieu.
v2. Second fruit : nous y avons accès : grâce à l’invitation du roi au festin des noces. L’idée d’accès fait penser à l’introduction dans la salle de festin du roi de ceux qui sont entrés revêtus de l’habit de noces. Le justifié est introduit dans un état de grâce, l’habit de noces, l’Esprit, l‘amour dont il est revêtu.
Notre sujet de fierté ce ne sont pas nos mérites, mais l’espérance de la gloire de Dieu.
Aussi l’œuvre du Christ nous assure que Dieu veut nous rendre participants et nous conduire à sa gloire, à sa présence intime et définitive, déjà dès maintenant.
V3 : Troisième fruit : la persévérance, fidélité, espérance.
Nous oublions souvent le passage obligé que nous connaissons lors des difficultés, des détresses, des occasions de découragement. C’est le parcours du Christ. Nous les supportons comme un test (la valeur éprouvée), sachant que Dieu ne nous trompe pas quand il nous appelle à espérer. Car Dieu nous a donné cet Esprit qui nous apprend l’amour que Dieu nous porte déjà.
V5 : c’est le verset central : « l’espérance ne trompe pas ». Le choix de ce verset se justifie pour cette fête de la Trinité : il fait la relation entre l’Esprit Saint et l’amour de Dieu pour les hommes et l’amour au sein de la Trinité. La bible de Jérusalem traduit » l’espérance ne déçoit pas » « Dieu a répandu l’amour dans nos cœurs par
l’Esprit Saint ». C’est l’Esprit qui nous garantit à la fois le salut, l’amour de Dieu et l’avenir.
Après avoir évoqué la foi, l’espérance, Paul évoque maintenant l’amour. S’agit-il de l’amour de Dieu pour nous ou de notre amour pour Dieu ? (les exégètes discutent)
L’amour que Dieu a pour nous, celui qu’il nous a manifesté et donné, celui que nous avons pu expérimenter par la foi et qui nous a rétablis dans l’amitié avec Dieu, cet amour nous pouvons maintenant le manifester aux autres.
La preuve de la justification acquise réside dans l’œuvre d’amour qui s’accomplit présentement en nous par l’Esprit.
« Voici le plus profond des changements intervenus et qui a rendu les autres possibles qui a eu lieu au tréfonds de nous mêmes, au point qui nous constitue chacun comme un être original. L’amour de Dieu et de l’Esprit Saint qu’il le véhicule, nous ont été donnés. On remarquera que l’ordre des facteurs énoncés par Paul pourrait être renversé : a Esprit Saint donné ; b) amour répandu en nous ; c) espérance qui nous permet la confrontation avec l’épreuve ; d) et qui se résout ainsi en persévérance ; e) nous pouvons dès lors considérer les épreuves qui nous surviennent comme une occasion de fierté. Justement parce que nous avons reçu tout ce qui était nécessaire » A. Maillot dans l’Epître aux Romains p 136-137
C’est l’expérience de Paul sur le chemin de Damas et il pense à l’expérience de tous ceux qui ont été baptisés en Christ. C’est l’expérience de l’Esprit comme un amour qui a été répandu dans son cœur.
Ce qui est certain c’est que l’espérance ne sera pas déçue. A la différence de l’AT qui restait dans le provisoire, le chrétien fait déjà l’expérience de ce qu’il vivra pleinement. Un avant goût de la divinité a été répandu dans nos cœurs, c’est le don de la paix lorsque l’Esprit vient en nous.

COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT PREMIERE LECTURE – Exode 17, 3-7

21 mars, 2014

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 23 MARS : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Exode 17, 3-7

Les fils d’Israël campaient dans le désert à Rephidim,
3 et le peuple avait soif.
Ils récriminèrent contre Moïse :
« Pourquoi nous as-tu fait monter d’Egypte ?
Etait-ce pour nous faire mourir de soif
avec nos fils et nos troupeaux ? »
4 Moïse cria vers le SEIGNEUR :
« Que vais-je faire de ce peuple ?
Encore un peu, et ils me lapideront ! »
5 Le SEIGNEUR dit à Moïse :
« Passe devant eux,
emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël,
prends le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va !
6 Moi, je serai là, devant toi,
sur le rocher du mont Horeb.
Tu frapperas le rocher,
il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! »
Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël.
7 Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : « défi »)
et Mériba (c’est-à-dire : « Accusation »),
parce que les fils d’Israël avaient accusé le SEIGNEUR,
et parce qu’ils l’avaient mis au défi, en disant :
« Le SEIGNEUR est-il vraiment au milieu de nous,
ou bien n’y-est-il pas ? »

On a beau chercher sur la carte du désert du Sinaï, le lieu dit « Massa et Meriba » n’existe pas ; c’est un nom symbolique : Massa veut dire « défi », Meriba veut dire « accusation » parce que, effectivement, c’est l’histoire d’un défi, d’une accusation, presque d’une mutinerie qui s’est passée là. L’histoire se passe à « Rephidim », en plein désert, quelque part entre l’Egypte et Israël : le texte dit simplement : « Les fils d’Israël campaient dans le désert à Rephidim » ; Moïse guide la marche du peuple, hommes, femmes, enfants, troupeaux, de campement en campement, de point d’eau en point d’eau. Mais à l’étape de Rephidim, l’eau a manqué. On imagine bien qu’en plein désert, en pleine chaleur par-dessus le marché, le manque d’eau peut vite devenir gravissime et cela peut dégénérer. En quelques heures, la déshydratation devient une question de vie ou de mort et la panique peut nous prendre.
Ce n’est évidemment pas la bonne attitude ! La seule bonne attitude serait la confiance : il aurait fallu trouver la force de se dire « Dieu nous veut libres, il l’a prouvé, donc il nous fera trouver les moyens de survivre ».
Au lieu de cela, la panique a pris tout le peuple. Que fait-on quand on se laisse envahir par la panique ? Nos ancêtres du treizième siècle av.J.C. ont fait exactement ce que nous ferions aujourd’hui : ils s’en sont pris au gouvernement ; et le gouvernement de l’époque, c’est Moïse. C’était tentant de s’en prendre à lui ; parce que c’est bien joli de fuir l’Egypte pour conquérir sa liberté… Mais si c’est pour mourir ici, en plein désert, à quoi bon ? Mieux vaut être esclave et vivant… que libre et mort… Et comme, en plus, on a toujours tendance à embellir les souvenirs, ils commencent tous à s’attendrir sur le passé et sur les délicieuses marmites et l’eau en abondance qu’ils avaient chez leurs maîtres en Egypte.
En fait, bien sûr, la mutinerie contre Moïse vise quelqu’un d’autre… Dieu lui-même, parce qu’on sait bien que si Moïse a conduit le peuple jusque-là, c’est en se référant à un ordre qu’il dit avoir reçu jadis, quand Dieu lui a parlé dans un buisson en feu et qu’il lui a dit « Descends en Egypte et fais sortir mon peuple »… Mais qu’est-ce que c’est que ce Dieu qui prétend libérer une nation et qui l’amène crever de faim et de soif dans un désert stérile ?
La phrase : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Egypte ? Etait-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » peut vouloir dire deux choses : dans un premier temps, on trouve que Moïse s’est bien mal débrouillé « tu nous as fait sortir d’Egypte, c’est entendu, mais si c’est pour en arriver là, tu aurais mieux fait de t’abstenir » … les heures passant, le ton monte et l’angoisse aussi. Et on en arrive à faire un véritable procès d’intention à Moïse et surtout à Dieu : sur le thème : « On a compris ; tu nous as fait sortir, tu nous as amenés au fin fond du désert pour qu’on y meure de soif, pour te débarrasser de nous ».
Alors le texte dit que Moïse se mit à crier vers Dieu : « Que dois-je faire pour ce peuple ? S’il ne se passe rien, ils vont me lapider ». Et Dieu répond : « Prends ton bâton, frappe ce rocher sur lequel je suis, il en sortira de l’eau, je vais abreuver mon peuple ». Alors Moïse a frappé le rocher et le peuple a pu étancher sa soif.
Cette eau qui jaillit, c’est la soif apaisée, d’abord, et déjà c’est un immense soulagement. Mais c’est encore plus : c’est la certitude retrouvée que Dieu est bien là, « au milieu de son peuple » comme on dit, c’est-à-dire à ses côtés et qu’il mène lui-même son peuple sur le chemin de la liberté … Ce dont on n’aurait jamais dû douter.
Et voilà pourquoi, dans la mémoire d’Israël, ce lieu ne s’appelle plus Rephidim, comme si c’était le nom d’un campement parmi d’autres ; ce qui s’y est passé est trop grave. « Moïse donna à ce lieu le nom de « Massa et Meriba » : c’est-à-dire « Défi et Accusation », parce que les fils d’Israël avaient accusé le SEIGNEUR et parce qu’ils l’avaient mis au défi, en disant « le SEIGNEUR est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas ? » En langage moderne, on dirait « le Seigneur est-il pour nous ou contre nous ? »
Cette tentation de douter de Dieu est aussi la nôtre quand nous rencontrons des difficultés ou des épreuves : le problème est bien toujours le même, tellement toujours le même qu’on en est venu à dire qu’il est « originel », c’est-à-dire qu’il est à la racine de tous nos malheurs. L’auteur du récit du jardin d’Eden n’a fait que transposer l’expérience de Massa et Meriba pour nous faire comprendre que le soupçon porté sur Dieu empoisonne nos vies. Adam confronté à un commandement qu’il ne comprend pas écoute la voix du soupçon qui prétend que Dieu ne veut peut-être pas le bien de l’humanité… Chacun de nous rencontre des difficultés à faire confiance, quand vient l’épreuve de la souffrance ou la difficulté de rester fidèles aux commandements… Qui nous dit que Dieu nous veut vraiment libres et heureux ?
Quand le Christ enseignait le Notre Père à ses disciples, c’était précisément pour les installer dans la confiance filiale ; « ne nous laisse pas succomber à la tentation » pourrait se traduire « tiens-nous si fort que nos Rephidim ne deviennent pas Massa », ou si vous préférez « que nos lieux d’épreuve ne deviennent pas lieux de doute ». Dans la difficulté, continuer à appeler Dieu « Père », c’est affirmer envers et contre tout qu’il est toujours avec nous.

HOMÉLIE 3E DIMANCHE DE CARÊME

21 mars, 2014

http://www.homelies.fr/homelie,,3779.html

3E DIMANCHE DE CARÊME

DIMANCHE 23 MARS 2014

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE – MESSE

Après le passage de la mer rouge, le peuple d’Israël, sous la conduite de Moïse, a commencé sa traversée du désert en direction de la Terre Promise. Mais voilà que l’eau commence à manquer. Impossible de continuer ! « Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous ou n’y est-il pas ? » Le chant de victoire et d’action de grâce entonné par Anne après la destruction de l’armée de Pharaon et repris en chœur par tout le peuple semble bien loin maintenant. Dans les cœurs, c’est le murmure qui désormais a pris la place : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Egypte ? Etait-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Ces paroles adressées à Moïse résonnent en fait comme un reproche fait à Dieu. Mais elles sont graves car, par elles, que font les fils d’Israël si ce n’est renier le don de la libération de l’Egypte, autrement dit, Dieu en sa qualité de Sauveur ?
Cependant la bonté du Seigneur ne se laisse pas vaincre si facilement. Rien ne saurait mettre en échec le plan de Dieu qui va continuer son œuvre de salut malgré l’infidélité de ses enfants. L’eau qu’il fait jaillir du rocher en réponse à l’intercession de son serviteur Moïse annonce déjà l’eau du salut qui s’écoulera du côté transpercé de Celui qui est le Rocher véritable et à laquelle tous pourront venir s’abreuver. Cet épisode du désert de Réphidim préfigure déjà tout le chemin que le peuple devra parcourir pour comprendre qu’un seul est capable de venir étancher sa soif, le Seigneur, le Saint d’Israël, celui qui l’a libéré de l’esclavage d’Egypte. L’eau qu’il lui donnera ne sera plus alors de l’eau matérielle mais l’eau de l’Esprit Saint qui porte en elle la vie éternelle. Les différentes traversées de déserts spirituels qu’il devra accomplir dans son histoire se révèleront alors providentielles pour lui. Peu à peu, elles lui permettront de se rendre compte que la soif qu’il éprouve est bien plus que celle de l’eau d’une source ou d’un puits…
L’eau d’un puits… Nous voilà rendus à l’évangile de ce jour. Arrivé auprès de la ville de Samarie, là où Dieu avait promis à Abraham de donner cette terre à sa descendance, Jésus, à l’heure la plus chaude de la journée, s’assoit au bord du puits creusé par Jacob. Mais chose curieuse, c’est Dieu, dans la personne de son Fils qui a pris chair de notre chair, qui ici demande à boire à l’homme, plus exactement, à une femme et une femme de Samarie, c’est-à-dire une païenne pour les juifs : « Donne-moi à boire ». Jésus a soif. Non pas de l’eau de ce puits mais de la soif de cette femme qu’il va peu à peu conduire jusqu’à la soif la plus profonde qui l’habite, la soif d’être aimée et sauvée. Au coeur de leur dialogue, il lui demande : « Va chercher ton mari ». Il l’invite à faire la vérité sur son désir le plus intime d’être aimée. Sans se dérober, elle lui répond : « Je n’ai pas de mari ». Alors, avec douceur, Jésus la remet devant la vérité : « tu en as eu cinq et l’homme que tu as maintenant n’est pas ton mari ».
Autrefois, après avoir dévastée la Samarie, les Assyriens envoyèrent cinq peuplades païennes pour la repeupler, chacune emmenant son idole dans ses bagages. Au total sept dieux (2 R 17, 24-31). Jésus, qui arrive après les cinq maris et le sixième homme de cette femme qui incarne le manque qui l’habite, se manifeste ainsi comme l’Epoux véritable, le seul capable de combler en plénitude sa soif d’être aimée. Lui le Messie d’Israël, il vient prendre la place de ces sept divinités qui avaient pris possession de cette terre de Samarie et se révèle ainsi le Sauveur de tous les hommes.
En Jésus, l’heure du salut vient et même elle est là, cette « heure où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». Le salut apporté par Jésus consiste à nous laver du péché pour nous ouvrir à nouveau l’accès vers le Père, Source de vie. Voilà le contenu de la nouvelle Alliance que Jésus scellera en son sang sur la Croix. Désormais le lieu de l’adoration de Dieu n’est plus lié à telle ou telle montagne mais il est constitué par la communauté des disciples qui forment le corps mystique du Christ ressuscité.
Cette communauté des disciples, n’est pas close. Elle est ouverte à l’infini à tous ceux qui, dans le sillage de la Samaritaine et de ceux qui grâce à son témoignage se sont convertis, ont reconnu en Jésus, non seulement le Messie, mais « le Sauveur du monde » et qui espèrent en l’accomplissement de l’œuvre de salut du Père en chacune de leurs vies et en celle de tout homme.
Cette espérance, comme nous le rappelle saint Paul dans la deuxième lecture, n’est pas le résultat d’une conquête humaine mais le fruit du don de l’Esprit Saint que le Christ a répandu en nos cœurs du haut de la croix. Cette espérance tient une place essentielle dans notre vie chrétienne. Elle est cette capacité de garder confiance dans l’accomplissement des promesses de Dieu, même lorsque les faits semblent le démentir.
Le jour de notre baptême, « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Cf. 2ème lecture). L’eau vive de l’Esprit nous a lavés de la tâche du péché des origines et nous a totalement purifiés. Ce jour-là, plongés dans l’Amour Trinitaire, nous avons été réconciliés en Jésus avec le Père. Nous avons été aimés comme nous ne saurions l’imaginer.
Pourtant, force est de constater combien il nous est difficile de demeurer en esprit et vérité dans cet amour du Père qui nous conduit à l’adorer. Notre péché personnel nous rattrape malheureusement bien vite et la soif de cet amour dont nous gardons au plus profond de nous-mêmes la nostalgie, auprès de combien de puits d’eaux frelatées allons-nous tenter de l’apaiser !
Mais là encore, Jésus nous rejoint. Il nous attend, il nous attend au bord de ce puits où nous venons, comme la Samaritaine, étancher notre soif de vie, d’amour, de bonheur. Il nous voit arriver de loin et il nous accueille par cette parole déconcertante : « Donne-moi à boire ». Pour ne pas nous humilier dans notre désolation, il se fait mendiant de nous. Folie de l’Amour d’un Dieu qui demande à boire à sa créature alors que c’est elle qui a tout à recevoir de lui. Alors arrive le constat que la seule chose que nous puissions lui donner et qui nous appartienne vraiment c’est notre péché. Serait-ce cela le merveilleux échange qui s’opère sur la croix lorsque prenant sur lui notre péché, Jésus nous donne en retour la vie éternelle, fleuve d’eau et de sang jailli de son cœur transpercé ?
« Seigneur durant ce temps de Carême, donne-moi de ne jamais désespérer de ta présence à mes côtés dans tous mes déserts. Montre-moi tout spécialement auprès de quel puits de ma soif tu viens t’asseoir pour me demander à boire. Mon Seigneur et mon Sauveur, merci d’accueillir le vinaigre de ma misère et de mon péché pour le transformer en vin nouveau du Royaume. La victoire de ta vie a triomphé de toutes mes morts. Bénis sois-tu ! »

Frère Elie

Jésus bénissant les enfants

20 mars, 2014

 Jésus bénissant les enfants dans images sacrée hristos-binecuvantand+copiii

http://orthodoxigynaika.blogspot.it/2011_04_01_archive.html

CAUSERIE #1 : …SI NOUS SAVONS LAISSER DIEU NOUS RENDRE PARFAITS.

20 mars, 2014

http://geraldchaput.homily-service.net/2010_causerie_1.html

CAUSERIE #1 : …SI NOUS SAVONS LAISSER DIEU NOUS RENDRE PARFAITS.

Le Seigneur m’a comblée de joie et m’a revêtue de sainteté
(Antienne de Laudes, Mercredi 4e semaine du Temps ordinaire)

INTRODUCTION
Je voudrais vous dire une chose, une chose simple. Je voudrais la clamer, la chanter, la hurler tout au long de cette retraite, pour qu’elle puisse enfin être ENTENDUE. Je connais des gens qui la savent, qui la disent, qui l’enseignent mais qui ne l’entendent pas. La preuve : c’est que leur vie est comme écrasée par l’absence de cette chose-là. Cette chose-là est simple, infiniment simple. Elle ne demande aucun diplôme pour être comprise, aucune formation théologique, aucun effort non plus. Elle nous est donnée d’avance. Et en plus, c’est le cœur de notre foi chrétienne.
J’ai mission de vous dire et non de vous convaincre que toute notre foi chrétienne est que nous n’avons pas à mériter Dieu. Dieu le premier nous a choisis tels que nous sommes, nous aime tels que nous sommes et absolument rien ne peut entraver son désir de nous voir être des saintetés. Dieu a décidé de faire de nos vies son Paradis. Nous sommes le Paradis de Dieu (Silouane). Or Dieu n’habite que dans des lieux saints. Dans le Livre de la Vie, Thérèse d’Avila affirme que la première grâce est d’être visité par Dieu. Elle ajoute que cette première seule pourrait paraître suffisante pour marcher sans trouble et sans crainte, s’avancer avec plus de courage dans la voie du Seigneur.
Nous avons beaucoup de résistances à nous entendre dire que nous sommes des saintetés. D’où nous vient cette idée que nous devons mériter notre «sainteté»? D’où nous vient cette conviction que nous devons d’abord nous montrer dignes et qu’ensuite, seulement, nous serons des «saintetés»? Dire que cela vient de l’Évangile est un contresens. Nous aimerions tellement que notre vie de sainteté vienne de nous. Elle nous est donnée par pure grâce. Relisons l’épitre aux romains. Paul nous dit que nous n’avons plus à nous tourmenter de nos imperfections, que nous n’avons pas à nous angoisser de nos faiblesses, à nous tenir dans une raideur désespérée pour devenir ce que nous souhaitons le plus. Dieu nous a choisis pour être de «belles saintetés». Tout est dit. Je ne vais que redire cela sous différents angles cette semaine. Dieu a une rage de perfection pour nous. C’est son travail de l’accomplir en nous et le nôtre de l’accueillir.

LE PREMIER COMMANDEMENT
Le premier commandement n’est pas celui auquel nous pensons. Le grand commandement qui renferme tous les autres, c’est que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. Dieu est plus grand que notre cœur et connaît tout (1 Jn 3, 20). Voilà notre foi. Rien ne peut nous séparer de cette insaisissable initiative de Dieu qui pulvérise tout ce qu’il approche. Tout le monde sait ça. C’est la banalité même et pourtant cette parole est peu ENTENDUE. Elle n’est pas entendue de la bonne oreille. Elle n’est pas entendue par cette oreille qui nous plonge dans la profondeur de notre être, là où tout se joue. Cette oreille que devait avoir le paralytique en entendant Jésus lui dire lève-toi et marche. Cette oreille que devait avoir Zachée quand il entendit Jésus s’inviter chez lui.
Le grand commandement, c’est que Dieu est en nous pure grâce. Notre culture religieuse a véhiculé ce langage. Elle ne l’a pas nécessairement ENTENDU, REÇU. Nous avons développé le langage du devoir, de tout faire pour être dignes de Jésus pour ensuite être des saintetés. Cette culture n’est pas le cœur ni le centre de l’Évangile. La foi chrétienne commence en mettant justement fin à cette idée. Toute autre culture que celle d’un Dieu qui nous trouve de son goût, peu importe notre état d’indignité, est un contresens évangélique. Nous risquons de rapetisser la beauté de l’Évangile et de l’initiative de Dieu en insistant sur ce que Dieu a dit ou le moi je vous dis.
Benoît XVI déclarait à des jeunes s’interrogeant sur leur avenir que nous devons, d’abord, entrer dans ce mystère ontologique dans lequel Dieu se donne. Il poursuit en affirmant que la vraie nouveauté, ce n’est pas ce que nous faisons, la vraie nouveauté, c’est ce que le Seigneur a fait. Le Seigneur s’est donné lui-même, il nous a donné la vraie nouveauté d’être membres de son Corps
Nous avons tellement porté attention à ce piège du démon (Dieu a dit de ne pas manger de l’arbre ou encore Jésus a dit d’être parfaits comme notre Père céleste ou de dépasser la justice des Pharisiens) que nous avons oubliés d’entendre que Dieu nous aime sans mérite de notre part.Nous oublions que le premier geste de Dieu, après le comportement inadéquat au jardin du paradis, fut de s’empresser à rechercher les premiers habitants du paradis (Guerric).Nous comprenons que les premiers habitants du paradis ont refusé d’accepter ce que Dieu leur avait demandé : tu ne mangeras pas, mais nous ne voyons pas ou nous voyons moins que cela n’a pas affecté Dieu dans son «entreprise» de nous conquérir, de nous rendreà son image. Nous avons oublié que la justice de Dieu est révélée par la foi et pour la foi (Rm 1, 16s)et que Dieu est notre justice (1 Cor 1, 30). Tous les êtres humains ont besoin de la justice de Dieu car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Rm 1, 18-3, 20; Rm 3, 23; 11, 32; Ga 3, 22). Notre sainteté est l’œuvre de Dieu. Ce n’est jamais sur la base de nos mérites que nous sommes acceptés par Dieu.
Jusqu’à un passé très récent, notre langage parlait de sacrifices à faire, de renoncements quotidiens, de refus de tous les plaisirs de la vie. Et pourtant le prophète Osée n’a cessé de dire : c’est l’amour que je veux et non les sacrifices. C’est la connaissance de Dieu que je préfère aux holocaustes (Os 6, 6). Notre culture a toujours favorisé un langage négatif et déprimant pour parler des chrétiens, celui des sacrifices, de l’ascèse qui pourtant ne sont pas des créations chrétiennes. Dans la lointaine antiquité, l’ascèse était clamée par les bouddhistes. Je le redis : le cœur de l’évangile, c’est la tendresse de Dieu, son désir divin de nous épouser, de transfigurer nos laideurs en beauté. Au début de son pontificat, Benoît XVI appelait à un autre langage : celui de la beauté d’être chrétiens, de la beauté de l’Évangile.

L’ASCÈSE LÀ DEDANS ?
Il ne s’agit pas de condamner l’ascèse. Jésus lui-même a jeûné. Mais dans l’Évangile, l’ascèse n’est pas première. Elle n’est même pas essentielle. Nous avons fait de notre pratique évangélique une discipline. Nous avons développé jusqu’à la perfection —Maurice Belle parle de la rage de la perfection— le tu dois. C’est le premier mot qui vient quand nous posons la question aux chrétiens. Nous sommes identifiés à des « il faut» qui précèdent tout. Il y a en nous quelque chose d’un peu incompréhensible : c’est d’identifier la Bonne nouvelle, l’Évangile, a une vie de dureté. Nous identifions les chrétiens à leur capacité de nous convertir à tous ces «il faut», ces «tu dois».
Jésus nous a laissé une belle image du contraire dans la parabole du pharisien et du publicain. L’un disait : je te remercie, Seigneur, de ce que je ne suis pas comme les autres et l‘autre, tout au fond de l’église, de son cœur, disait : pitié pour moi qui suis pécheur. Il s’en alla justifié, précise la finale de la parabole et non le premier. Le pharisien faisait tout. C’était lui qui se vantait d’être meilleur. Pourtant le premier sentiment qui nait en présence de Dieu, c’est notre profonde indignité. Nous savons cela. Nous enseignons cela. Il faut le comprendre aussi. Pour appeler quelqu’un, Jésus ne commence pas par l’éblouir. Il le réveille à sa profondeur, à son indignité qui appelle à être sauvée. La chance du pécheur, c’est de découvrir de plus en plus la nécessité de dépendre de la grâce pour tenir debout.
Ce fut l’expérience de la conversion d’Isaïe (6, 3-8) quand, dans le temple, il vit le Seigneur. Il s’écria : Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers […]. J’entendis la voix du Seigneur dire : qui enverrai-je? Qui sera mon messager? J’ai répondu : Moi, je serai ton messager, envoie-moi.
Ainsi l’avait compris saint Paul : Car moi, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et la grâce dont il m’a comblé n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres, à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi.
Ainsi l’a compris saint Pierre quand il s’écria après la pèche miraculeuse chez (Luc 5, 1-11) : Éloigne-toi de moi, je suis pécheur. La demande de Pierre produit le contraire. Elle attire Jésus alors que l’attitude du pharisien ne le fascine pas du tout. Cette reconnaissance de nos échardes, n’est pas du tout de l’humiliation mais bien la reconnaissance de la manière d’agir de Dieu envers nous. Il a pitié de nous, de notre indignité reconnue.
Le seul chemin pour devenir des saintetés, pour laisser Jésus venir vers nous, c’est de le supplier de s’éloigner de nous en redisant comme Pierre : Seigneur, écarte-toi de moi, car je suis un homme pécheur. Cette demande ne sera jamais exaucée. Jésus ne s’écarte pas de ceux qui ont besoin de lui. Celui qui, dans cette attitude du publicain, s’écarte et meurt peu à peu, c’est le vieil homme, le satisfait, le suffisant.
Dans cette prière du publicain, dans cette attitude de pauvreté spirituelle, nous invitons Jésus à réaliser pour nous son œuvre de salut, comme une nouvelle incarnation. Nous l’invitons à descendre auprès de nous, à demeurer avec nous, lui qui n’est venu sur terre que pour inviter les pécheurs, les pauvres, les malades en tous genres. Pouvoir confesser que nous sommes indignes de la venue de Jésus, c’est la meilleure manière de l’accueillir tel qu’il veut se donner à nous, comme Amour miséricordieux. C’est le seul chemin pour être des saintetés.
En fin connaisseur de l’humain, Jésus sait bien que nous connaîtrons l’échec, que nous n’arriverons pas parfaitement à bien vivre nos vies. C’est pourquoi il nous a dit quesi notre cœur venait à nous faire des reproches, que si nous succombions à la tentation de ruminer nos erreurs, si nous entretenions des angoisses à propos de notre façon de vivre entre nous, en communauté, Dieu est plus grand que notre cœur et connaît tout (1 Jn 3, 20). Dieu voit que l’Évangile nous brule le cœur et cela lui suffit. Nous ne devons jamais oublier que le Seigneur ne nous traite pas selon nos péchés, qu’il ne nous rend pas selon nos fautes (Ps 103, 10).Nous ne devons pas oublier aussi que notre amour —si imparfait soit-il— couvre une multitude de péché (1 Pi 4, 8). Si nous nous abandonnons à Dieu jusqu’à remettre entre ses mains nos échecs et indignités, alors Dieu s’empresse de nous venir en aide, de venir vers nous. Tout au long de ses écrits, Jean prend bien soin de préciser que le travail du chrétien est de croire en Celui que Dieu a envoyé (Jn 6, 29).
Bref, méfions-nous du miroir, de la perfection du miroir. Il y a en nous cette rage de parvenir à nous donner une image satisfaisante de nous-mêmes pour plaire à Dieu. Ce faisant, nous véhiculons l’image que notre Dieu est sans pitié, despote, juge sans cœur et cruel dont la justice correspond à notre justice humaine.

LISTE DES PERSONNES QUI NOUS ONT MARQUÉS
Quand nous faisons la liste de personnes qui nous ont marqués, nous réalisons que ce sont leurs œuvres qui nous fascinent d’abord. Ensuite ce sont ce qu’elles sont. Mais pour le sage de l’Évangile : l’œuvre, c’est la personne elle-même. L’œuvre, c’est le travail de Dieu dans la personne elle-même.
Les saints que nous observons, ceux et celles qui nous marquent ne se sont jamais vus comme des saints, mais tous et toutes se savaient des épousés de Dieu. Ils savaient que Dieu les avait choisis malgré leur écharde, malgré leur faiblesse et, pourquoi pas, à cause de la beauté de leur faiblesse qui faisait mieux rayonner la puissance de Dieu en eux.

LE GRAIN DE BLÉ
L’image évangélique de la perfection n’est-elle pas le grain qui, à travers le pourrissement, le sommeil hivernal, le déchirement du printemps, en vient, dans la splendeur de l’été, dans la chaleur du soleil, à donner fruit : trente, soixante, cent pour un? Ce qui est «saint» en nous, ce qui est beau en nous, est ce qui en sort, ce qui est engendré par notre exposition au soleil de Dieu : c’est le fruit que nous sommes. Nous sommes des «œuvres» de Dieu, des engendrés de Dieu. Dieu nous a faits et nous sommes à lui.
Cette réalité est malheureusement, en régime chrétien, réduite, rétrécie par nos modes tendances, par ce souci de porter toute notre attention à ne rien faire de mal. L’examen de conscience porte toujours sur ce qui nous manque, sur ce que nous n’avons pas fait ou sur ce qui fait que nous ne sommes pas conformes à un modèle de tel ou tel saint qui nous rejoint le plus. Rarement, nous examinons notre état de réceptivité à ce que nous recevons. Nous rétrécissons l’immensité du don de Dieu. Luther a compris que ce qui est premier, ce ne sont point nos œuvres, nos indignités, c’est la grâce de Dieu. Quel malheur, quel immense malheur que cette découverte soit devenue fracture de l’Église! Quel heureux fruit de l’œcuménisme que la déclaration conjointe de la fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique sur la justification en 1998!
Cette déclaration touche le cœur de notre foi. La vérité, c’est la grâce de Dieu au moyen de la foi qui vaut notre justification, notre sainteté (#5 de la déclaration). La grâce de Dieu nous réconcilie avec nos indignités en Dieu. Nous avons tellement, dans le passé, entrevu la grâce de Dieu comme quelque chose qui nous déresponsabilise, quelque chose qui nous diminue comme humain que nous avons préféré insister sur nos œuvres. Dieu et son initiative est lentement devenu notre ennemi, notre opposant.
Bref, notre sainteté vient de Dieu et Dieu ne voit que notre bonne volonté à vivre le saint évangile. Notre agir, ce que l’on appelle les bonnes œuvres, est la conséquence de notre sainteté. Notre agir, c’est la beauté du fruit du grain de blé. Lorsque le Christ nous habite, nous portons de beaux fruits. Jésus lui-même invite ceux et celles qui demeurent en lui à porter de beaux fruits. Tout vient de Dieu. Tout vient de nous.

EN CONCLUSION
Quand il est écrit : soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, que comprenons-nous? Qu’enten-dons-nous? Où donc est la perfection dans cette affirmation? Il me semble que la perfection, être parfait c’est de faire pleuvoir la pluie sur les bons et sur les méchants et de faire lever le soleil sur les justes et sur les injustes. La perfection c’est de ne pas juger et vous ne serez pas jugés. Bref, la perfection, la sainteté, c’est tout au fond de moi, de mon agir, de mon être, donner à l’autre —comme Dieu le fait à mon endroit— le droit d’être ce qu’il est, le droit d’être lui aussi pas correct comme moi. La place privilégiée de Dieu, ce sont nos enfers.
Impossible pour nous d’atteindre avec perfection cette profondeur de regard sur les autres. Impossible de prétendre que nous imitons Jésus sur ce terrain. Impossible de croire aussi que cela soit impossible. Voir ce qui nous est possible et le faire. La seule et unique tentation, c’est de nous dire que la sainteté c’est pour les autres.
À chacun son chemin de sainteté. Pour le reste, à chaque jour suffit sa peine. Retenez seulement ceci : Dieu est l’ami de nos vies. Il ne sera jamais notre ennemi. Ce qui est premier n’est pas d’aimer mais de nous laisser aimer malgré nos échardes, malgré nos petitesses, comme le répétait la petite Thérèse et que je développerai à notre prochain rendez-vous.

Du temps pour ENTENDRE ce que nous savons. Le Seigneur m’a comblée de joie et m’a revêtue de sainteté (Antienne de Laudes, Mercredi 4e semaine).

 

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