REFLEXION: LA NÉCESSITÉ DE LA CONFESSION SACRAMENTELLE
(Journal de la Conference Episcopale Nationale du Camerun)
REFLEXION: LA NÉCESSITÉ DE LA CONFESSION SACRAMENTELLE
Abbé André Fils Mbem
Certains chrétiens ne se confessent pas auprès des prêtres. Ils prétendent qu’ils demandent directement pardon à Dieu pour leurs fautes. Une telle démarche est-elle validée par l’Eglise ? L’Abbé André Fils Mbem, Curé de Saint Michel Archange de Nyalla à Douala et Professeur de Théologie spirituelle et de Sciences Sociales à l’Université Catholique Saint Jérôme de Douala, souligne la nécessité de la confession sacramentelle.
Pourquoi doit-on aller voir un prêtre pour dire ses péchés, et ne peut-on pas le faire directement avec Dieu, qui nous connaît et nous comprend bien mieux que n’importe quel autre interlocuteur humain ? Et plus radicalement encore : pourquoi parler de mes problèmes et en particulier ceux qui me font le plus honte, à quelqu’un qui est pécheur comme moi, et qui évalue peut-être d’une manière complètement différente de la mienne ce que j’ai vécu, ou qui peut-être ne le comprend pas du tout ? Voilà des questions que beaucoup de non chrétiens et même des chrétiens se posent.
Retenons que l’on peut recevoir le pardon de nos péchés véniels par la prière ( la récitation de l’acte de contrition, le psaume 50, la récitation du confiteor : je confesse à Dieu Tout Puissant ; la participation à l’Eucharistie, les œuvres de charité, puisque la charité couvre une multitude de fautes.
Mais pour ce qui regarde les péchés graves, la confession individuelle et intégrale avec l’absolution par un prêtre ayant la faculté d’entendre les confessions, constitue l’unique mode ordinaire par lequel un fidèle conscient d’un péché grave est réconcilié avec Dieu et avec l’Eglise, sauf en cas d’impossibilité physique ou morale.
La « confession complète des péchés mortels », c’est-à-dire la confession de chaque péché mortel, de même que les circonstances morales spécifiques, est par institution divine une partie constitutive du sacrement, elle n’est en aucune manière laissée à la libre disposition des Pasteurs. Ainsi, pour que puisse être effectué le discernement sur les dispositions des pénitents en ce qui concerne la rémission ou non des péchés et l’imposition d’une pénitence opportune de la part du ministre du sacrement, il faut que le fidèle, outre la conscience des péchés commis, la contrition et la volonté de ne plus retomber, confesse ses péchés devant le prêtre. L’Église a toujours reconnu un lien essentiel entre le jugement confié aux prêtres dans ce sacrement et la nécessité pour les pénitents d’énumérer leurs péchés, excepté en cas d’impossibilité.
Le fidèle est tenu par l’obligation de confesser devant le prêtre, selon leur espèce et leur nombre, tous les péchés graves commis après le baptême, non encore directement remis par le pouvoir des clés de l’Église, et non accusés en confession individuelle, dont il aura conscience après un sérieux examen de soi-même. On doit réprouver tout usage qui limite la confession à une accusation d’ordre général, ou seulement à un ou plusieurs péchés considérés comme étant plus significatifs. D’autre part, compte tenu de l’appel de tous les fidèles à la sainteté, il leur est recommandé de confesser aussi les péchés véniels.
La confession complète des péchés graves étant par institution divine une partie constitutive du sacrement, elle n’est en aucune manière laissée à la libre disposition des Pasteurs (dispense, interprétation, coutumes locales, etc.). L’Autorité ecclésiastique compétente spécifie uniquement – dans les normes disciplinaires concernées – les critères pour distinguer l’impossibilité réelle de confesser ses péchés des autres situations dans lesquelles l’impossibilité est seulement apparente ou pour le moins surmontable.
À la lumière de ce qui précède, la demande de pardon que nous pouvons faire à Dieu en ce qui concerne nos péchés ne peut en aucun cas suppléer la confession individuelle. Par ailleurs, même l’absolution simultanée à un ensemble de pénitents, sans confession individuelle préalable, comme cela est prévu au Canon 961, § 1 du Code de droit canonique (CIC), revêt un caractère exceptionnel, et ne peut pas être donnée par mode général, de même qu’elle ne peut en aucun cas suppléer à la confession individuelle et intégrale. De manière spécifique, elle ne peut pas être accordée, à moins : qu’il y ait un danger de mort imminente, et que le prêtre ou les prêtres n’aient pas suffisamment de temps pour entendre les confessions des pénitents, ou encore qu’existe une grave nécessité.
Avec les nouvelles technologies de la communication, certaines personnes aimeraient se confesser et recevoir l’absolution par courrier électronique, faire la confession en ligne ou par le net. Nous devons cependant dire que cette pratique ne correspond pas à la nature du sacrement de pénitence et de réconciliation. Car, la confession des péchés n’est pas seulement un moyen d’effacer les péchés, mais le lieu d’une relation avec Dieu et avec la communauté chrétienne. Le sacrement exige donc une relation personnelle entre le prêtre et le pénitent. Le prêtre, avant de pouvoir pardonner, doit discerner dans le dialogue avec le pénitent, si ce dernier est prêt à recevoir l’absolution, s’il a une réelle contrition. Le dialogue virtuel par internet ou par téléphone ne peut pas remplacer le contact humain. De plus, un message internet ou la confession en ligne ne respecte pas la règle du secret de la confession.
Pourquoi la confession individuelle chez le prêtre est elle nécessaire ? Elle est nécessaire pour plusieurs raisons :
» Elle répond à la volonté et au mandat du Christ : Dès le soir de la résurrection, le Christ donne à ses disciples l’Esprit-Saint afin qu’ils perpétuent ses gestes de miséricorde. » Recevez l’Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus » (Jn 20, 22-23). Les ministres du pardon, obéissant au Bon pasteur et au Médecin des âmes (Mc 2, 17), reçoivent donc l’aveu humble et sincère des fautes qui permet aux fidèles de rencontrer le Seigneur ressuscité dans la joie de son Esprit. Les ministres du pardon du Seigneur ne peuvent changer d’eux-mêmes les conditions établies par Lui et Son Église pour l’exercice de ce ministère.
» On ne peut pas être juge et partie de sa propre cause.
» Le pécheur ne peut pas savoir s’il est pardonné par Dieu ou pas après une confession directe à Dieu.
» Dieu veut se servir de ses créatures pour communiquer sa grâce. C’est la logique de l’Incarnation. Le Christ sauve l’humanité par son Église, ses disciples, ses « membres » (1 Cor 12.27).
Il est important de noter que tous les sacrements de l’Église sont d’abord des gestes, du Christ à l’endroit d’une personne qu’il introduit dans le cadre de l’Alliance par la médiation de l’Église. Par le baptême, il touche chaque individu avec de l’eau et quelques paroles pour signifier par un signe concret son incorporation à l’Église. Il en va de même pour l’onction de l’Esprit Saint à la confirmation ou pour l’imposition des mains lors de l’ordination sacerdotale.
C’est toujours une personne singulière qui est touchée par l’amour et la grâce du Seigneur. Cela se vérifie aussi pour le sacrement du pardon où chaque personne reçoit une grâce très personnelle correspondant à l’aveu de ses manquements à l’Alliance.
Le Christ expie sur la Croix le péché de chacun, et il exprime par l’absolution, l’amour miséricordieux de Dieu pour chaque personne, qui a justement besoin de se sentir aimée et pardonnée personnellement par Dieu. Le sacrement de la réconciliation touche précisément la sphère intime des blessures et des fautes de chaque personne d’une façon qui restaure le dialogue d’amour et la relation d’amitié avec le Christ.
On comprend alors la sagesse de l’Église qui exige l’aveu des fautes comme une partie intégrante du sacrement, à moins que des circonstances très exceptionnelles ne le permettent pas et obligent le pénitent à remettre à plus tard le geste de l’aveu qui ne peut jamais être, totalement omis. D’ailleurs, même sur le plan humain, les psychologues et autres experts en sciences humaines considèrent l’expression de la personne blessée comme étant une condition de sa guérison. Nous le voyons à l’importance de l’écoute des personnes à la suite de drames de toutes sortes. Un médecin ne peut pas émettre un bon diagnostic, si la personne ne lui dit pas où elle sent le mal.
L’attitude même de Jésus dans l’Évangile nous fait comprendre cette exigence concrète du dialogue avec lui. Plusieurs scènes décrivent le Christ miséricordieux rencontrant individuellement une pécheresse ou un pécheur pour lui annoncer la Bonne Nouvelle de la miséricorde : la femme adultère, Marie Madeleine, la Samaritaine, Zachée, le paralytique descendu par le toit, le bon larron, etc… À chaque occasion, Jésus établit un lien d’amour et de tendresse qui libère la personne et la fait échapper même à la mort, comme dans le cas de la femme adultère menacée de lapidation. Par Son accueil et Sa parole de pardon, Jésus ouvre devant elle le chemin de la liberté et de la conversion : » Va, et désormais ne pèche plus « . Confesser nos fautes, le cœur contrit, signifie confesser notre amour reconnaissant à son égard et accueillir le don de Sa paix.
Il n’existe pas de péchés privés ou personnels, tous les péchés affectent vos frères et sœurs en Christ. Si secrets soient-ils, tous nos péchés ont un effet sur notre communauté. Si je ressens de la colère contre quelqu’un, même si je ne la manifeste par aucune parole ni aucun acte, cette disposition néfaste de mon cœur a un effet destructeur sur les gens qui m’entourent. Tout péché est un péché contre la communauté, tout péché, si secret soit-il, est une pierre d’achoppement pour les autres, et leur rend le service du Christ plus difficile.
Dans l’église primitive, la confession était publique. A partir du quatrième siècle, quand la chrétienté eut grandi, cela devint cause de scandale et la confession a pris sa forme actuelle, à savoir, une ouverture du cœur devant le prêtre seul, et à condition d’être secrète. Mais il faut nous rappeler que pendant la confession, le prêtre est là, entre autres, en tant que représentant de la communauté. Le fait que nous ne nous confessions pas directement à Dieu, mais en présence d’un homme, prouve que nous reconnaissons la dimension sociale et communautaire de tous nos péchés. En nous confessant en la présence du prêtre, nous demandons aussi pardon à la communauté.
On rapporte sur plusieurs saints l’histoire suivante. Le pénitent se plaint : » Oui, je sais que ce que j’ai fait est un péché, je demande à Dieu de me pardonner, mais mon cœur est dur comme une pierre, je ne ressens aucun regret, tout se passe dans ma tête. » Alors le saint lui dit: » Va au milieu de l’église et prosterne-toi devant le peuple, ensuite tu reviendras ». Et tandis que l’homme faisait sa prosternation devant le peuple pour lui demander pardon, quelque chose s’est brisé dans son cœur et il redevenu vivant. Il a vraiment ressenti de la componction pour ce qu’il avait fait, et il a pu recevoir l’absolution. Dans nos confessions, essayons de nous rappeler cette dimension-là en tout premier lieu.
La parole dite, la parole émise possède une grande force. Cela signifie deux choses. Premièrement nous écoutons ce que le prêtre dit, le conseil qu’il nous donne et il arrive que ce qu’il dit, si c’était écrit dans un livre ne nous frapperait pas autant, ne nous paraîtrait pas important. Mais en plus, pendant la confession, le prêtre prie et nous prions aussi pour que la lumière du Saint Esprit vienne sur nous. Le prêtre s’adresse à chacun de nous, à chaque pénitent avec des paroles qu’il prononce sous la direction du Saint Esprit. Ces paroles si on les considère de façon abstraite peuvent paraître évidentes ou même comme des lieux communs, mais elles peuvent devenir des paroles de feu lorsqu’elles me sont adressées personnellement ici et maintenant, sous l’inspiration du Saint Esprit.
L’expression verbale possède une grande force et, en confession, nous nous trouvons, par la grâce de Dieu, placés dans une situation particulière, car nous disons des choses que nous n’avions jamais dites auparavant dans nos prières personnelles. Nous sommes soudain capables de comprendre certaines choses plus profondément et de nous exprimer plus ouvertement. C’est en cela que réside en grande partie la grâce de la confession. Les pères du désert disent qu’une pensée secrète peut avoir sur nous un grand pouvoir, mais lorsque nous trouvons un moyen de l’expliciter et d’en parler, alors elle perd son pouvoir. C’est aussi ce que nous disent les psychiatres modernes, mais les pères du désert l’ont dit avant et le vivent ! Ainsi la parole exprimée que nous apportons à la confession peut avoir force de sacrement et grâce de guérison surprenantes.
Il y a encore une autre chose : pas seulement ce que le prêtre fait lorsqu’il propose un conseil et pas simplement ce que nous faisons lorsque nous essayons de dire la vérité au Christ. Il y a aussi ce que le Christ fait. La confession est un mystère de l’Eglise qui confère une grâce sacramentelle, elle a un pouvoir en elle-même, un pouvoir Divin. Lorsque le prêtre pose ses mains sur notre tête, c’est le Christ qui nous pardonne, et c’est certainement la principale raison pour laquelle nous devons aller nous confesser. Lorsqu’une telle grâce et une telle guérison nous sont offertes, comment oserait-on les refuser.
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