POUR UNE COMPARAISON DES DIX COMMANDEMENTS AVEC LES DIX CORDES DU PSALTÉRION
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POUR UNE COMPARAISON DES DIX COMMANDEMENTS AVEC LES DIX CORDES DU PSALTÉRION
Dans un sermon où, recourant au psaume 143 Augustin s’arrête sur cette phrase : « Je chanterai sur le luth à dix cordes » (Ps 143,9), l’évêque d’Hippone entreprend un commentaire des dix commandements donnés à Moïse au Sinaï. Le prédicateur, à propos de cette phrase, pour frapper l’esprit de ses auditeurs, associe chaque précepte transmis dans le « décalogue » avec une des cordes du psaltérion(1) :
Il s’agit là d’un extrait du Sermon 9, dont on ne peut que recommander la lecture intégrale car au-delà de ce rapprochement, il contient beaucoup d’autres données significatives.
Augustin commence par diviser les préceptes des commandements en 3 + 7 (chiffres qu’en raison de leurs significations dans la Bible, Augustin tente fréquemment de mettre en évidence pour frapper l’imagination de son auditoire, et favoriser la mémorisation)(2) : 3 préceptes se rapportant à Dieu (Trinité !) et 7 aux hommes. Puis il commente chacun des préceptes, et c’est alors que se situe le texte qui suit (Sermon 9, 13) qui récapitule les « monstres » dont il convient de se délivrer en respectant le décalogue pour devenir « homme nouveau » : celui du commandement nouveau et du chant nouveau !
« Touchez ces dix cordes, et vous mettez à mort les bêtes féroces. Ces deux choses, vous les faites en même temps.
Vous touchez la première corde, lorsque vous adorez un seul Dieu. Et vous voyez tomber la tête de la superstition.
Vous touchez la seconde, en ne prenant pas en vain le nom du Seigneur votre Dieu, et vous terrassez des erreurs de ces hérésies sacrilèges qui ont pris en vain le nom sacré.
Vous touchez la troisième corde, en agissant sans cesse dans la perspective du repos éternel ; et vous mettez à mort une bête plus cruelle que toutes les autres : l’amour de ce monde. Sous l’inspiration de cet amour, les hommes se donnent beaucoup de mal dans les affaires qu’ils entreprennent. Pour vous, appliquez-vous à bien agir ; non pour l’amour de ce monde, mais pour le repos éternel promis par Dieu.
Honorez votre père et votre mère, et vous touchez la quatrième corde, en rendant à vos parents l’honneur qui leurs est dû, et vous faites tomber la bête qui figure l’oubli de la piété familiale.
Vous ne tuerez point, vous touchez la sixième corde, et vous triomphez de la bête de la cruauté.
Vous ne déroberez point, vous touchez la septième corde, et vous donnez le coup de mort à l’instinct de la rapacité.
Vous ne ferez point de faux témoignage, vous touchez la huitième corde, et soudain tombe la tête du mensonge.
Vous ne convoiterez point l’épouse de votre prochain, vous touchez la neuvième corde, et vous étouffez la bête des pensées adultères.
Vous touchez la dixième corde, et vous voyez tomber la tête de la convoitise.
Toutes ces bêtes féroces étant ainsi terrassées, votre vie s’écoulera en toute sécurité, dans l’amour de Dieu et la société des hommes.
Voyez que de monstres vous mettez à mort en touchant ces dix cordes ! Car, chacun d’eux en comprend beaucoup d’autres ! En touchant chaque corde, ce n’est pas un seul que vous terrassez ; ce sont des multitudes entières !
Ainsi, vous pourrez chanter le « cantique nouveau » non point avec crainte, mais avec amour ! »
(1) On pourra aussi s’amuser de la mise en scène, Augustin proposant (Sermon 9, 6) : « Figurez-vous que je suis un musicien. Que puis-je vous chanter encore ? Voyez, je porte avec moi un psaltérion à dix cordes ; n’en avez-vous pas joué vous-mêmes avant que je prenne la parole ? Vous êtes mon chœur de musiciens, car vous venez de chanter : « O Dieu, je vous chanterai un chant nouveau, je vous célébrerai sur le psaltérion à dix cordes [Ps 143, 9]. » Je touche maintenant ces dix cordes. Qu’y aurait-il de désagréable dans le son rendu par ce divin psaltérion ? « Je vous chanterai sur le psaltérion à dix cordes ».
Notons que le psaltérion ou luth à dix cordes qu’évoque Augustin est un instrument à cordes pincées, de la famille des cithares : une caisse de résonance sur laquelle sont tendues des cordes. Sa conception est simple et il a ainsi pu être utilisé dès la plus haute antiquité dans toute l’Europe et le Proche-Orient.
(2) Augustin est très sensible à une certaine « numérologie » (pratique courante à son époque), et il se livre très fréquemment à des commentaires sur les chiffres (notamment dans la Bible) pour dégager des significations supplémentaires. Cf. par exemple comment il rapproche les sept dons de l’Esprit des Béatitudes et des sept demandes du Notre-Père.
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