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JEAN CASSIEN ET LA PRIÈRE RÉPÉTITIVE
24 février, 2014http://www.meditation-chretienne.org/enseignement_jean_cassien.htm
JEAN CASSIEN ET LA PRIÈRE RÉPÉTITIVE
Saint Jean Cassien, auteur des premiers siècles dont Saint Benoît s’est entre autres inspiré, nous a livré dans une série de Conférences les secrets de la perfection. On peut y puiser une sève vivifiante pour notre prière et porter de nombreux fruits de science et de vertu. L’extrait très connu que je vous cite plus loin explique selon Saint Jean Cassien quelle est la meilleure arme contre toutes les tentations, la cuirasse impénétrable, le modèle dont nous pouvons nous inspirr sans cesse pour imprimer en nous le souvenir continuel de Dieu (Dixième conférence de Cassien avec l’Abbé Isaac : de la prière).
Il faut avoir un modèle que vous puissiez regarder sans cesse, méditer et vous approprier de manière à vous élever peu à peu à des pensées plus parfaites. Voici cette règle que vous cherchez , cette formule de la prière , que tout religieux qui désire se souvenir continuellement de Dieu, doit s’accoutumer à méditer sans cesse dans son coeur, en en bannissant toute autre pensée ; car il ne pourra jamais la retenir s’il ne s’affranchit de toute inquiétude et de tous soins corporels. C’est un secret que nous ont laissé quelques-uns de nos anciens Pères, et que nous ne disons qu’au petit nombre de personnes qui le désirent avec ardeur.
Cette formule qui vous rappellera toujours Dieu, et dont vous ne devez jamais vous séparer , est celle-ci : « Mon Dieu, venez à mon aide ; hâtez-vous, Seigneur, de me secourir. Deus in adjutorium meum intende ; Domine ; ad adjuvandum me festina. » Ce verset, choisi dans toute l’Écriture, renferme tous les sentiments que peut concevoir la nature humaine ; il convient parfaitement à tous les états et à toutes les tentations. On y trouve l’invocation de Dieu contre tous les dangers, l’humilité d’une sincère confession, la vigilance de la sollicitude et de la crainte, la considération de notre faiblesse, l’espérance d’être exaucé, la confiance en un secours présent et certain ; car celui qui invoque son protecteur est toujours certain de sa présence. On y trouve l’ardeur de l’amour et de la charité , la vigilance contre les piéges qui nous environnent et contre les ennemis qui nous attaquent nuit et jour, et l’âme confesse qu’elle ne peut en triompher sans le secours de son défenseur. Ce verset, pour ceux que les démons tourmentent, est un rempart inexpugnable, une cuirasse impénétrable , un bouclier qui nous couvrira toujours lorsque la paresse , l’ennui , la tristesse , le découragement nous accablent ; il nous empêche de désespérer de notre salut, en nous montrant Celui. que nous invoquons présent à nos combats et entendant nos supplications.
Lorsque les joies spirituelles inondent notre coeur, il nous avertit de ne pas nous élever et nous enorgueillir de ce bonheur que nous ne pourrions conserver sans la protection de Dieu , dont nous implorons sans cesse le prompt secours. Ainsi, dans quelque état que nous nous trouvions , ce verset nous sera toujours utile et nécessaire. Celui qui désire être secouru toujours et en toute chose , confesse qu’il a besoin de Dieu dans la prospérité comme dans le malheur ; car Dieu seul peut le tirer de la peine ou le conserver dans la joie, et, sans son secours , la faiblesse humaine succomberait de toute manière. Si je suis tenté de gourmandise, je désirerai des aliments que le désert ne connaît pas ; et, dans la plus affreuse solitude, je sentirai d’odeur des mets qu’on sert sur la table des rois ; je serai entraîné malgré moi à en souhaiter de semblables. C’est l’occasion de dire : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Je serai tenté d’avancer l’heure du repas , ou j’éprouverai un violent désir d’augmenter la quantité ordinaire de ma nourriture ; je dois dire en gémissant : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Les révoltes de la chair m’obligeront à des jeûnes plus rigoureux, mais la faiblesse de mon estomac et l’état de ma santé m’arrêteront ; pour obtenir de pouvoir jeûner ou d’apaiser sans ce moyen les ardeurs de la concupiscence , je recourrai à la prière : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » En me mettant à table, à l’heure accoutumée, j’aurai horreur du pain et je voudrai pouvoir me passer de nourriture ; je dirai encore en soupirant : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. »
Lorsque je voudrai, par la lecture, fixer mon attention et mon coeur, le mal de tète m’en empêchera ; ou dès la neuvième heure le sommeil m’envahira et me fera pencher sur mon livre, je serai porté à cesser ou à pré-venir l’heure du repos, et la pesanteur de mes yeux me fera entre-couperla récitation des psaumes et de l’office, je crierai encore : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Quelquefois , au contraire, le sommeil fuira mes yeux, et le démon, pour me fatiguer, prolongera mes veilles, et m’ôtera, pendant la nuit , toute espèce de repos ; je prierai alors et je dirai en soupirant : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Je lutterai contre les vices et les tentations de la chair, qui tâchent de me séduire au milieu de mon sommeil. Que faire pour empêcher la flamme étrangère de consumer les fleurs odorantes de la chasteté , si ce n’est de crier : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous vous de me secourir. » Si les mouvements de la concupiscence sont apaisés, comment conserver cet état, ou plutôt cette grâce que la bonté de Dieu m’accorde ? je dirai avec ferveur : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » La colère , l’avarice , la tristesse me tourmentent ; je perds cette douceur que je cherchais et que j’aimais tant, et je deviens amer comme le fiel, agité comme la tempête ; je crierai en gémissant : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. »
Quelquefois l’orgueil, la vaine gloire me travailleront, et je ressentirai une secrète complaisance en voyant la négligence et la tiédeur des autres ; je combattrai les suggestions dangereuses de l’ennemi , en disant de toute la conviction de mon coeur : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Lorsque j’aurai vaincu l’orgueil et obtenu par la componction la grâce de l’humilité et de la simplicité, pour empêcher l’orgueil de revenir, et la main du pécheur de m’ébranler (Ps. XXXV, 12) ; pour que la joie de la victoire ne me cause pas une défaite plus honteuse, je crierai de toutes mes forces : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Mes distractions seront continuelles, infinies ; je souffrirai de la légèreté de mon pauvre coeur, je ne pourrai retenir l’égarement de mes pensées , et toute ma prière sera traversée par les rêves et les fantômes de mon imagination , sans que je puisse écarter ce souvenir de mes paroles et de mes actions. Je me sentirai dans une stérilité, une aridité si grande, qu’il me sera impossible d’exciter en moi le moindre mouvement vers Dieu. Pour me délivrer de ces ténèbres de mon âme , que ne peuvent dissiper mes soupirs et mes larmes, je crierai encore : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Je rentrerai, au contraire, dans la possession de mon âme et dans la stabilité de mes pensées ; mon coeur sera inondé d’une joie ineffable, et la visite de l’Esprit-Saint me donnera des lumières surabondantes, et me fera pénétrer les secrets divins et comprendre tout à coup avec évidence ce que j’apercevais à peine. Pour jouir longtemps de ces grâces , je dirai avec ferveur et souvent : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Les démons m’entoureront de terreurs pendant la nuit, et les esprits impurs me troubleront de leurs fantômes ; la crainte me fera perdre l’espérance de mon salut et de ma vie. Je me réfugierai dans la prière comme au port, et je crierai de toutes mes forces : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » La consolation de Dieu viendra me ranimer , et je me sentirai , à sa présence , comme environné d’une multitude d’anges. Les démons, que je craignais plus que la mort, et qui me glaçaient d’épouvante , ne me paraîtront plus si redoutables, et j’oserai moi-même les attaquer. Pour conserver cette force que la grâce me donne, je crierai encore de toute mon âme : « Mon Dieu , venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. »
Ainsi, nous devons sans cesse adresser à Dieu cette courte prière , afin de n’être pas abattus par l’adversité, ou orgueilleux dans la prospérité. Oui , méditez sans cesse ce verset dans votre coeur, récitez-le pendant votre travail , au milieu de vos occupations et lorsque vous êtes en voyage. Que votre esprit s’en nourrisse , en dormant, en mangeant, en subissant toutes les nécessités de la nature ; que sa méditation devienne pour vous comme une formule puissante et salutaire qui non-seulement vous préservera de toutes les attaques du démon, mais encore vous purifiera des vices et de la contagion de la terre , pour vous élever à la contemplation des choses invisibles et célestes, et vous faire arriver à cette ineffable ardeur de la prière, que bien peu connaissent. Endormez-vous en récitant ce verset , de manière que, par habitude , vous le disiez encore pendant votre sommeil ; et lorsque vous vous réveillerez, que ce soit la première chose qui se présente à votre esprit. Dites-le en vous agenouillant, dès que vous quittez votre lit, et qu’il vous accompagne ainsi d’action en action pendant tout le cours de la journée. Méditez-le selon le précepte divin : « soit que vous reposiez dans votre maison, soit que vous soyez en voyage , soit que vous dormiez , soit que vous vous leviez. Ecrivez-le sur vos lèvres et sur votre porte ; gravez-le sur les murs de votre demeure et au plus profond de votre âme », afin qu’il en découle naturellement, lorsque vous vous mettez en prière, et qu’il vous accompagne ensuite comme une oraison fervente et continuelle dans toutes les occupations de votre vie.
Nos anciens savaient bien que la concentration humaine est limitée et qu’elle ne peut fixer son attention très longtemps sur un objet ou une pensée. Beaucoup ont donc recommandé la répétition de formules uniques et simples de manière à lentement savourer la grâce et se laisser pénétrer par elle.
Mère Cécile Bruyère (première abbesse du monastère Sainte Cécile de Solesmes) nous rappelle un autre exemple de cette méthode de méditation dans un ouvrage intitulé La vie Spirituelle et l’oraison. Je cite : Les anciens donnaient cette méthode surtout aux commençants, comme nous le voyons d’après ce que le saint abbé Paphnuce (ndla : voir à nouveau Conférences de Cassien ) imposa à la généreuse pénitente Thaïs : ’Tantummodo sedens contra Orientem respice, hunc sermonem solum frequenter interans : Qui plasmati me, miserere mei’ – Assise, la face vers l’Orient, répétez souvent ces paroles : Vous qui m’avez crée, ayez pitié de moi – Après trois ans de cette unique et brève oraison, Dieu manifesta par un prodige combien cette prière avait été pure, puisqu’elle opéra l’entière purification de cette vénérable pénitente, (…) Ici, dans le verset « Deus in adiutorium… » que l’on récite au début de l’office encore aujourd’hui sont non seulement contenus toute l’obéissance et toute l’humilité de notre condition de créature mais aussi notre reconnaissance et notre mise à disposition de Dieu.
Extrait du site Schola Saint Maur
SAINT PAUL, APÔTRE DES NATIONS, ET SAINT BENOÎT, PATRIARCHE DES MOINES D’OCCIDENT…:
24 février, 2014SAINT PAUL, APÔTRE DES NATIONS, ET SAINT BENOÎT, PATRIARCHE DES MOINES D’OCCIDENT…:
en l’année paulinienne
28 juin 2008 – 29 juin 2009
un même zèle missionnaire par amour du Christ En nous penchant avec le Pape Benoît XVI et tous les croyants sur la
vie et les écrits de saint Paul, durant l’Année paulinienne, la vie de notre bienheureux Père saint Benoît, de même que sa mission et sa Règle, nous sont apparues dans une lumière nouvelle. Avec des charismes apparemment différents, l’apôtre des nations et le patriarche des moines d’Occident ont des points communs; ils présentent certaines similitudes, ayant œuvré à la construction de l’Église de manière éminente, chacun suivant sa propre vocation. Leur pensée ne fait qu’une, saint Benoît ayant largement puisé dans les lettres de l’apôtre Paul, comme en fait foi la rédaction de sa Règle, dont la première citation scripturaire est un passage de la Lettre aux Romains (13, 11).
ROME : terme de la vie de Paul, départ de la vocation de Benoît
La ville de Rome, capitale de l’Empire romain des premiers siècles et devenue centre de la chrétienté, a joué un rôle important dans la vie de saint Paul comme dans celle de saint Benoît. Saint Paul possédait de naissance la citoyenneté romaine. Sans avoir été le premier évangélisateur des habitants de Rome, il leur a cependant adressé sa lettre la plus longue et la plus importante. Après sa conversion sur le chemin de Damas, le Christ envoie Paul prêcher aux nations, dans le vaste empire romain qui continue son expansion autour de la mer Méditerranée. Pour lui, Rome évoque ensuite de longues années de captivité, après qu’il eût fait la demande d’être jugé par le tribunal impérial. C’est Jésus qui demande à l’apôtre de témoigner de lui à Rome comme il l’avait fait à Jérusalem. Paul profite de cette période pour évangéliser ceux qui viennent le voir. Il y rencontre une dernière fois saint Pierre; et cette ville de Rome incendiée en juillet 64 sous l’empereur Néron, devient le lieu du martyre des deux apôtres inséparables : saint Pierre en l’an 64 même, peut-être, ou en 67 comme saint Paul. Leurs restes y sont conservés respectivement à la Basilique Saint-Pierre et à la Basilique Saint-Paul-hors-les Murs.Quant à saint Benoît, il naît vers l’an 480, à l’époque du déclin de l’empire romain, et passe toute sa vie aux environs de Rome. De la région de Nursie, lieu de sa naissance, l’adolescent est envoyé à Rome pour étudier les belles-lettres. Mais Benoît n’y demeure pas longtemps. La décadence de mœurs qu’il y rencontre le presse de quitter la ville en bandonnant ses études. En quête d’une vie sainte, il va s’établir au désert de Subiaco, à l’Est de la capitale. C’est le début de sa vocation érémitique, laquelle évoluera vers la vie cénobitique sous l’action de l’Esprit Saint et des événements. Il finira ses jours au Mont-Cassin, situé au Sud-Est de Rome.
LA MISSION : PAUL ET LES COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES,
Benoît et les communautés monastiques Annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations, telle est la mission laissée par Jésus à ses disciples et déjà entreprise par les douze apôtres. Mais Paul – qui n’a pas connu Jésus de son vivant – reçoit personnellement du Christ cette mission d’annoncer l’Évangile. Par un séjour au désert d’Arabie, il se prépare à commencer sa prédication auprès de ses frères de race, à Jérusalem et dans les contrées voisines, avant d’aller
fonder de nouvelles communautés chrétiennes en territoire païen. Benoît gagne également le désert, celui de Subiaco, où il vit seul durant trois ans, avant d’entreprendre une mission d’évangélisation auprès des gens qui viennent à lui, attirés par sa renommée de sainteté. De nombreux disciples voulant se joindre à lui, il fonde en ce lieu douze petits monastères. Les deux prédicateurs persécutés comme leur Maître, le Christ Paul et Benoît n’ont pas été accueillis par tous, comme Jésus lui-même a été rejeté par un grand nombre. Leur prédication et leur action apparaissent comme un danger pour les uns, suscitent la jalousie chez les autres, d’autant plus que ces deux passionnés du Christ sont doués de divers charismes dont celui des miracles. Saint Paul raconte dans ses lettres tout ce qu’il a eu à souffrir de mauvais traitements et d’atteintes à sa vie, au point qu’il dut souvent s’enfuir. Une fois même, il ne put quitter la ville que dans un panier descendu le long de la muraille. Cette évasion de l’apôtre est rapportée dans la vie de saint Benoît écrite par le pape saint Grégoire le Grand. Saint Benoît n’a pas subi les mêmes tortures physiques et morales que saint Paul, bien
qu’il ait été victime des attaques du démon et se soit imposé lui-même un ascétisme rigoureux. Mais il est raconté par saint Grégoire que des opposants envieux ont cherché à le faire disparaître par deux fois, en lui présentant des aliments empoisonnés. La prière du saint anéantit par miracle leur projet meurtrier. Cependant Benoît, lui aussi, finit par choisir la fuit e d’un milieu hostile; en effet, ne pouvant rien contre le saint Abbé, on s’attaquait maintenant à l’âme de ses disciples.
L’expansion des commaunautés jusqu’au bout du monde
Les obstacles rencontrés en cours d’évangélisation, tant chez saint Paul que chez saint Benoît, ont eu pour
avantage la multiplication des communautés fondées par eux.Repoussé par les Juifs d’Antioche de Pisidie, Paul avait rétorqué : Alors nous nous tournons vers les païens (Ac 13, 46). Ses grands voyages missionnaires permettent à l’infatigable témoin du Christ d’implanter de nouvelles communautés chrétiennes dans les principales villes de l’Orient grec. À partir de celles-ci, le message évangélique se transmettra aux localités plus éloignées. Saint Benoît, suite à la persécution de Subiaco, prend la route du Mont-Cassin où il trouve un nouveau terrain de mission. Il convertit ce lieu païen en lieu de culte chrétien, où s’élève la célèbre abbaye que nous connaissons. Par une prédication continuelle, note saint Grégoire, il appelait à la foi toute la population des alentours. Mais Benoît n’entreprend pas de sillonner mers et continents. Comme Jésus qui ne dépassa guère les frontières de la Palestine, il fixe sa stabilité au M ont-Cassin. Et là, il écrit sa Règle en déclarant qu’il institue une “école du service du Seigneur” où dans la prière, l’écoute de la Parole de Dieu et le travail, ses disciples marcheraient dans les sentiers du Christ, à la suite de l’Évangile. Si la mission évangélique de saint Paul et de saint Benoît a connu un tel rayonnement dans l’Église universelle, les écrits qu’ils ont laissés y comptent sans doute pour beaucoup.
LES ÉCRITS : Les lettres de saint Paul et la Règle de saint Benoît
Les lettres envoyées par Paul à ses communautés chrétiennes sont les premiers écrits du Nouveau Testament à circuler dans l’Église naissante. Écrites pour répondre à des situations concrètes, ces lettres renferment en même temps une
riche doctrine théologique, ainsi que l’expression de la pensée et des sentiments de l’apôtre. Lorsque saint Benoît écrit sa Règle, en s’inspirant de la Règle du Maître, la figure du grand apôtre lui est présente. Il le nomme par son nom une douzaine de fois : “l’apôtre Paul”, alors qu’il ne nomme aucun autre apôtre, sinon une fois “l’apôtre saint Jean”. C’est dire sa familiarité avec les lettres pauliniennes. À la manière de Paul, saint Benoît s’appuie fortement sur les Saintes Écritures dans la rédaction de sa Règle. Après les psaumes et les évangiles, ce sont les lettres de saint Paul qui sont citées le plus souvent (plus de vingt fois), surtout les deux lettres aux Corinthiens et l’épître aux Romains. La première citation de la Règle est justement un passage de la lettre aux Romains (13, 11) : Voici l’heure pour nous de sortir du sommeil. Outre des citations littérales, nous retrouvons la pensée de saint Paul en filigrane, au travers de mots qui
traduisent des thèmes spirituels chers à l’apôtre. En voici quelques-uns.
Esprit filial, esprit paternel, esprit fraternel
Dès les premières lignes de sa Règle, saint Benoît emploie le mot “fils” et le mot “père” : un tendre père, dit-il. Il entend que le disciple vive en enfant de Dieu, sous le regard de son père du ciel qui lui promet le royaume. Plus loin, on remarque l’importance donnée à l’abbé dont le nom signifie “père”. L’esprit fraternel en est inséparable : partout il est question des “frères”. On reconnaît là le thème de l’adoption des fils dont parle souvent saint Paul, et que nous résumons par ces mots cités par saint Benoît au chapitre de l’abbé : Vous avez reçu l’Esprit d’adoption des fils, qui nous fait nous écrier : Abba, Père!(Romains 8, 15) La théologie paulinienne est centrée sur le Père aussi bien que sur le Christ. L’apôtre se complaît à répéter des centaines de fois le nom de Dieu dans ses lettres, et par ce nom il désigne le Père : “Dieu l’a dit : Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles” (2 Co 6, 18).
Par-dessus tout : l’amour
Au coeur du message paulinien, comme de l’Évangile, il y a l’amour, la charité qui surpasse tous les charismes et sans laquelle on n’est plus rien. L’amour du Christ mort et ressuscité l’a saisi, lui, Paul : qui pourra le séparer de l’amour du Christ qui l’a aimé et s’est livré pour lui? Il s’écrie dans toute son ardeur : L’amour du Christ nous presse (2 Co 5, 14). C’est la grande passion de sa vie. Conscient que le Christ vit en lui, il se met à son service avec un zèle infatigable. Dans le Christ, il aime les communautés chrétiennes auxquelles il s’adresse : Mon amour est avec vous tous en Jésus Christ (1 Co 16, 24). Il exhorte de même les disciples à rechercher la charité, à abonder toujours plus dans l’amour. Saint Benoît répète à son tour : Ne rien préférer à l’amour du Christ… Par-dessus tout, aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force… Ils ne préféreront absolument rien au Christ (ch. 4 et 72). Les préceptes de sa Règle veulent conduire le disciple à un très grand amour traduit dans les actes, pour parvenir à aimer Dieu d’un amour parfait qui chasse la crainte. Il rappelle aussi la charité fraternelle : Aimer le prochain comme soi-même. Pour cela se servir mutuellement avec charité, être pleins de respect et d’affection les uns pour les autres, comme des membres d’une même famille.Tous appelés, tous un dans le Christ Avec la conversion des païens, des divisions surviennent dans l’Église primitive. Dans sa lettre aux Romains, saint Paul aborde le mystère de l’élection divine : celle-ci, reposant sur le peuple juif d’abord, s’est étendue ensuite à toutes les nations. C’est la foi, non la Loi, qui obtient la grâce du salut par Jésus
Christ. Donc tous les baptisés ne font qu’un dans le Christ Jésus(Ga 3, 28). Benoît adresse également un appel à tous : Qui que tu sois, dit-il. (Prologue) Et dans ses directives à l’abbé (ch. 2), il reprend un verset de l’épître aux Romains : Il n’y a pas acception de personnes auprès de Dieu. Comme Paul il reconnaît l’égalité entre frères, à cette époque de l’invasion des barbares où certains convertis entraient au monastère. Il demande que l’homme libre ne soit pas préféré à un autre venu d’une condition servile, et que tous soient aimés et traités également, sauf motif raisonnable. Car, libres ou esclaves, dit-il, nous sommes tous un dans le Christ, et nous faisons le même service dans la milice du
même Seigneur (2, 20).
Marcher, courir, combattre
Militer sous le Seigneur engage à marcher selon l’Évangile sur la voie du salut dont l’entrée est toujours étroite. Aussi saint Benoît emprunte-t-il à saint Paul des mots reliés à une aventure spirituelle d’allure routière, militaire et sportive, pour laquelle on s’impose toutes sortes de privations en vue de la réussite.
Saint Paul rappelle à ce propos les courses du stade, et il exhorte les croyants à courir de manière à remporter le prix (1 Co 9, 24), comme il le fera lui-même : J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course,
j’ai gardé la foi. (2 Tm 4, 7) Saint Benoît retient ce terme de course, action plus intense et rapide que la
marche, pour exprimer la hâte de parvenir à la patrie céleste : Courez pendant que vous avez la lumière de
la vie… Il nous faut courir et agir d’une façon qui nous profite pour l’éternité. (Prologue)
Tout un arsenal de combat est proposé par saint Paul (Éph 6, 13-17). Saint Benoît en simplifie la
description : Les reins ceints de la foi et de l’accomplissement des bonnes actions, avec en main les armes
très puissantes et glorieuses de l’obéissance. (Prologue)
Avec le Christ obéissant jusqu’à la mort
Saint Paul a écrit une hymne magnifique sur l’abaissement du Christ qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort pour être ensuite exalté par Dieu (Phil 2, 6-11). L’apôtre ne voulait savoir qu’une chose : Jésus crucifié. Se considérant le dernier des apôtres, il acceptait de tout endurer pour se conformer à la Passion et à la Croix de son Maître. Il déclarait : Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église (Col 1, 24). Saint Benoît, lui aussi, veut que nous prenions part aux souffrances du Christ par la patience. En écrivant son chapitre sur l’humilité (7), il rappelle d’obéir en imitant le Seigneur dont l’apôtre dit : Il a été obéissant jusqu’à la mort (Phil 2, 8). Plus loin il propose d’imiter Paul lui-même : Avec l’apôtre Paul, ils supportent les faux frères et la persécution (2 Co 11, 26), et ils bénissent ceux qui les maudissent (1 Co 4, 12).
Tant d’autres richesses pauliniennes à découvrir
Les lettres de saint Paul, en particulier celles adressées aux chrétiens de Corinthe, contiennent tant de directives pratiques pour l’organisation d’une communauté, qu’il serait intéressant de mettre en parallèle bien d’autres passages de la Règle de saint Benoît, par exemple : le chapitre des bonnes actions (4) et celui du bon zèle (72), la prière, le travail, les forts et les faibles, la discrétion, les corrections, la sainteté de vie, la paix, la vigilance dans l’attente de la venue du Seigneur, etc… Autant de richesses à découvrir encore.
* * *
Si la vie et les écrits de saint Paul ont été une telle source d’inspiration pour saint Benoît, nul doute que les familles et les groupes, et chaque personne, peuvent en retirer aujourd’hui encore un très grand profit spirituel. C’est la grâce que nous demandons à l’apôtre des nations ainsi qu’au patriarche des moines
Supplément à la circulaire no 44 – Mai 2009.- Bénédictines Joliette