DIMANCHE 23 FÉVRIER : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE ET PSAUME

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DIMANCHE 23 FÉVRIER : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIER ELECTURE ET PSAUME

PREMIERE LECTURE – LÉVITIQUE 19, 1-2 , 17-18

1.Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse : 2 « Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël ;  tu leur diras :  Soyez saints,  car moi, le SEIGNEUR votre Dieu,  je suis saint. 17 Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère.  Mais tu n’hésiteras pas à réprimander ton compagnon,  et ainsi tu ne partageras pas son péché. 18 Tu ne te vengeras pas.  Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple.  Tu aimeras ton prochain comme toi-même.  Je suis le SEIGNEUR ! »

Etre « comme des dieux » : on en a tous rêvé un jour ou l’autre… et le livre de la Genèse, racontant la faute d’Adam et Eve, dit que c’est bien là notre problème ! « Vous serez comme des dieux » avait promis le serpent, avait menti le serpent, devrait-on dire, et cette perspective les a perdus.  Mais voilà que c’est Dieu lui-même qui nous dit : « Soyez saints COMME moi »… « Soyez saints, car moi, le SEIGNEUR votre Dieu, je suis saint ». C’est un ordre, mieux, c’est un appel, c’est notre vocation. Donc, nous ne nous trompons pas quand nous rêvons d’être comme des dieux ! C’est le psaume 8 qui dit : « Tu as voulu l’homme à peine moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ». Seulement voilà : pour ressembler vraiment à Dieu, encore faudrait-il avoir une juste idée de Dieu.  Les premiers chapitres de la Bible disaient déjà que l’homme est fait pour ressembler à Dieu. Encore faut-il savoir en quoi consiste la ressemblance : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ! » (Gn 1, 26). La formule « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette… » donne à penser que cette ressemblance serait de l’ordre de la royauté, de la soumission… Réellement, l’homme est créé pour être le roi de la création. Mais, le vocabulaire employé par l’auteur suggère que la royauté à laquelle l’homme est appelé est une autorité d’amour et non une domination.  Un peu plus loin, le même livre de la Genèse emploie de nouveau deux fois la même formule : une fois à l’identique : « Le jour où Dieu créa l’homme, il le fit à la ressemblance de Dieu », mais la seconde fois il s’agit des enfants d’Adam : « Adam engendra un fils à sa ressemblance et à son image » : cette fois on a bien l’impression que les mots image et ressemblance ont le sens qu’on leur donne d’habitude quand on dit qu’un fils ressemble à son père. « Tel père tel fils », dit-on.  Enfin, cette phrase que nous connaissons bien, « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa » (Gn 1, 27), nous dit que le couple créé pour l’amour et pour le dialogue est l’image du Dieu d’amour.  Il a fallu des siècles pour que le peuple comprenne que les mots « Sainteté « et « Amour » sont synonymes. « Saint », on s’en souvient, c’est le mot de la vocation d’Isaïe : au chapitre 6, il nous raconte la vision dont il a bénéficié ; comment, alors qu’il était dans le temple de Jérusalem, ébloui, il entendait les chérubins répéter « Saint, Saint, Saint est le SEIGNEUR de l’univers ». Ce mot « Saint » signifie que Dieu est le Tout-Autre, qu’un abîme nous sépare de lui. En même temps Isaïe a eu une révélation : cet abîme, c’est Dieu lui-même qui le franchit : et donc, quand il nous invite à lui ressembler, c’est que nous en sommes capables… grâce à lui, bien sûr, ou dans sa grâce, si vous préférez.  Les deux derniers versets du passage d’aujourd’hui ne sont que l’application de cette phrase « Soyez saints comme je suis saint, moi le SEIGNEUR votre Dieu ». Concrètement, cela veut dire « Tu n’auras aucune pensée de haine… Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune. Tu aimeras… » C’est cela être à la ressemblance de Dieu : Lui ne connaît ni haine, ni vengeance, ni rancune. C’est justement parce qu’il n’est qu’amour qu’il est le Tout-Autre. Et c’est seulement petit à petit que les prophètes comprendront eux-mêmes et feront comprendre au peuple que ressembler au Dieu saint, c’est tout simplement développer ses capacités d’amour.  Cela ne veut pas dire qu’on perd toute capacité de jugement sur ce qui est bon ou mauvais : « Tu n’auras aucune pensée de haine, mais tu n’hésiteras pas à faire des réprimandes… » : réprimander à bon escient, voilà un art bien difficile ! Et pourtant cela aussi, c’est de l’amour. Parmi nous, les parents ou les éducateurs le savent bien : c’est vouloir le bien de l’autre, c’est parfois arrêter l’autre au bord du gouffre. La critique positive par amour fait grandir.  Mais Dieu est patient envers nous : ce n’est pas en un jour que notre attitude peut devenir semblable à la sienne ! Si j’en crois les nouvelles qui nous parviennent tous les jours, il faudra encore beaucoup de temps ! Et Dieu déploie avec son peuple une pédagogie très progressive : quand ce texte est écrit, il ne parle pas encore d’amour universel, il se contente de dire : « Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère », « Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple »… « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »  C’est déjà une première étape dans la pédagogie biblique… Des siècles plus tard, Jésus, dans la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 29-37), élargira à l’infini le cercle du prochain.  Voilà donc la royauté à laquelle nous sommes invités : quand nous rêvons d’être comme des dieux, nous pensons spontanément domination, puissance, et surtout la puissance nécessaire pour vaincre la maladie et la mort. Tandis que quand Dieu nous invite à lui ressembler, il nous appelle à la sainteté, à sa sainteté qui n’a rien à voir avec une quelconque domination ! Une sainteté qui n’est qu’amour et douceur. Cela nous paraît bien difficile ; mais là encore, peut-être sommes nous trop souvent des « hommes de peu de foi ».  

PSAUME 102 (103 ) – 1-2, 3-4, 8-10, 12-13

1 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme,  bénis son nom très saint, tout mon être ! 2 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme,  n’oublie aucun de ses bienfaits ! 3 Car il pardonne toutes tes offenses  et te guérit de toute maladie ; 4 il réclame ta vie à la tombe  et te couronne d’amour et de tendresse ; 8 Le SEIGNEUR est tendresse et pitié,  lent à la colère et plein d’amour ; 10 il n’agit pas envers nous selon nos fautes,  ne nous rend pas selon nos offenses. 12 aussi loin qu’est l’orient de l’occident,  il met loin de nous nos péchés ; 13 comme la tendresse du père pour ses fils,  la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint !

La liturgie de ce dimanche ne nous propose que huit versets d’un psaume qui en comporte vingt-deux ! Or l’alphabet hébreu comporte vingt-deux lettres donc on dit de ce psaume qu’il est « alphabétisant » ; et quand un psaume est alphabétisant, on sait d’avance qu’il s’agit d’un psaume d’action de grâce pour l’Alliance. Et effectivement, André Chouraqui disait que ce psaume est le « Te Deum » de la Bible, un chant de reconnaissance pour toutes les bénédictions dont le compositeur (entendez le peuple d’Israël) a été comblé par Dieu.  Deuxième caractéristique de ce psaume, le « parallélisme » : chaque verset se compose de deux lignes qui se répondent comme en écho ; l’idéal pour le chanter serait d’alterner ligne par ligne ; il a peut-être, d’ailleurs, été composé pour être chanté par deux choeurs alternés. Ce parallélisme, ce « balancement » est très fréquent dans la Bible, dans les textes poétiques, mais aussi dans de nombreux passages en prose ; procédé de répétition utile à la mémoire, bien sûr, dans une civilisation orale, mais surtout très suggestif ; si on soigne la lecture en faisant ressortir le face à face des deux lignes à l’intérieur de chaque verset, la poésie prend un relief extraordinaire.  D’autre part, cette répétition d’une même idée, successivement sous deux formes différentes, permet évidemment de préciser la pensée, et donc pour nous de mieux comprendre certains termes bibliques. Par exemple, le premier verset nous propose deux parallèles intéressants : « Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme, Bénis son Nom très saint, tout mon être » :   Premier parallèle : « Bénis le SEIGNEUR »… « Bénis son Nom très saint » : la deuxième fois, au lieu de dire « le SEIGNEUR », on dit « le NOM » : une fois de plus, nous voyons que le NOM, dans la Bible, c’est la personne. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les juifs ne s’autorisent jamais à prononcer le NOM de Dieu.1  Deuxième parallèle dans ce premier verset : « Ô mon âme… tout mon être » : on voit bien que le mot âme n’a pas ici le sens que nous lui donnons spontanément. A la suite des penseurs grecs, nous avons tendance à nous représenter l’homme comme l’addition de deux composants différents, étrangers l’un à l’autre, l’âme et le corps. Mais les progrès des sciences humaines, au cours des siècles, ont confirmé que ce dualisme ne rendait pas compte de la réalité. Or, déjà, la mentalité biblique, avait une conception beaucoup plus unifiée et, dans l’Ancien Testament, quand on dit « l’âme », il s’agit de l’être tout entier. « Bénis le Seigneur, ô mon âme, Bénis son Nom très saint, tout mon être ».  Un autre exemple de parallélisme, un peu plus loin dans ce psaume nous permet de mieux comprendre une expression un peu difficile pour nous, la « crainte de Dieu » : nous rencontrons assez souvent ce mot de « crainte » dans la Bible et il ne nous est pas forcément très sympathique a priori. Or nous le trouvons ici dans un parallèle très intéressant : « Comme la tendresse du père pour ses fils, ainsi est la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint » : ce qui veut bien dire que la crainte de Dieu est tout sauf de la peur, elle est une attitude filiale.  Je parle souvent de la pédagogie de Dieu à l’égard de son peuple : eh bien, là aussi, la pédagogie de Dieu s’est déployée lentement, patiemment, pour convertir la peur spontanée de l’homme envers Dieu en esprit filial ; je veux dire par là que, mis en présence de Dieu, du sacré, l’homme éprouve spontanément de la peur ; et il faut toute une conversion des croyants pour que, sans rien perdre de notre respect pour Celui qui est le Tout-Autre, nous apprenions à son égard une attitude filiale. La crainte de Dieu, au sens biblique, c’est vraiment la peur convertie en esprit filial : cette pédagogie n’est pas encore terminée, bien sûr ; notre attitude devant Dieu, notre relation à lui a sans cesse encore besoin d’être convertie. C’est peut-être cela « redevenir comme des petits enfants »… des petits enfants qui savent que leur père n’est que tendresse. Cette « crainte » comporte donc à la fois tendresse en retour, reconnaissance et souci d’obéir au père parce que le fils sait bien que les commandements du père ne sont guidés que par l’amour : comme un petit s’éloigne du feu parce que son père le prévient qu’il risque de se brûler.  Ce n’est donc pas un hasard si ce psaume qui parle de crainte de Dieu cite justement la fameuse phrase du livre de l’Exode (Ex 34, 6) : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour » ; cette phrase est très célèbre dans la Bible, car c’est la définition que Dieu a donnée de lui-même à Moïse au Sinaï. Elle est très souvent citée, en particulier dans les psaumes ; elle est à la fois la définition de Dieu et, inséparablement, un rappel de l’Alliance. Tous les psaumes, et plus particulièrement les psaumes d’action de grâce sont, avant tout, émerveillement devant l’Alliance.  Les versets retenus aujourd’hui insistent sur une des manifestations de cette tendresse de Dieu, le pardon. Un Dieu lent à la colère, Israël l’a expérimenté tout au long de son histoire : depuis la traversée du Sinaï, dont Moïse a pu dire au peuple « Depuis que je vous connais, vous n’avez jamais cessé de vous révolter contre Dieu » (Dt 9, 7), la longue histoire de l’Alliance a été le théâtre du pardon de Dieu accordé à chaque régression de son peuple. « Dieu pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés… »  La vraie tendresse, celle dont nous avons besoin pour repartir, c’est celle justement qui oublie nos péchés, nos abandons ; Jésus ne fera que la mettre en images dans la parabole du père et de l’enfant prodigue. ——————-  Note  1 – Le NOM : les fameuses quatre lettres, YHVH, (le « tétragramme »). Le prononcer, ce serait prétendre connaître Dieu. Seul, le grand-prêtre, une fois par an, au jour du Kippour, prononçait le NOM très saint, dans le Temple de Jérusalem. Encore aujourd’hui, les Bibles écrites en hébreu ne transcrivent pas les voyelles qui permettraient de prononcer le NOM. Il est donc transcrit uniquement avec les quatre consonnes YHVH. Et quand le lecteur voit ce mot, aussitôt il le remplace par un autre (Adonaï) qui signifie « le Seigneur » mais qui ne prétend pas définir Dieu.  Depuis le Synode des Evêques sur la Parole de Dieu, en octobre 2008, il est demandé à tous les catholiques de ne plus prononcer le NOM de Dieu (que nous disions Yahvé), et de le remplacer systématiquement par « SEIGNEUR » et ce pour plusieurs raisons :  - Tout d’abord, personne ne sait dire quelles voyelles portaient les consonnes du NOM de Dieu, YHVH. La forme « Yahvé » est certainement erronée.  - Ensuite, c’est une marque de respect pour nos frères juifs qui s’interdisent, eux, de prononcer le Nom divin.  - Enfin, et surtout, il nous est bon d’apprendre à respecter la transcendance de Dieu.  - Une quatrième raison nous vient de notre propre tradition chrétienne : les premiers traducteurs de l’Ancien Testament en latin, et, en particulier Saint Jérôme, ont traduit le Tétragramme par « Dominus », c’est-à-dire « SEIGNEUR »

 Complément  « Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés » : dans la liturgie du Baptême des premiers siècles, les baptisés se tournaient vers l’Occident pour renoncer au mal, puis faisaient demi-tour sur place et se tournaient vers l’Orient pour prononcer leur profession de foi avant d’entrer dans le baptistère.

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