Archive pour le 14 février, 2014
BENOÎT XVI : SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE – 14 FÉVRIER
14 février, 2014BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
MERCREDI 17 JUIN 2009
SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE – 14 FÉVRIER
Chers frères et sœurs,
Je voudrais parler aujourd’hui des saints Cyrille et Méthode, frères de sang et dans la foi, appelés apôtres des slaves. Cyrille naquit à Thessalonique, du magistrat de l’empire Léon en 826/827: il était le plus jeune de sept enfants. Dans son enfance, il apprit la langue slave. A l’âge de quatorze ans, il fut envoyé à Constantinople pour y être éduqué et fut le compagnon du jeune empereur Michel iii. Au cours de ces années, il fut initié aux diverses matières universitaires, parmi lesquelles la dialectique, ayant comme maître Photios. Après avoir refusé un brillant mariage, il décida de recevoir les ordres sacrés et devint « bibliothécaire » auprès du Patriarcat. Peu après, désirant se retirer dans la solitude, il alla se cacher dans un monastère, mais il fut bientôt découvert et on lui confia l’enseignement des sciences sacrées et profanes, une fonction qu’il accomplit si bien qu’elle lui valut le surnom de « philosophe ». Entre-temps, son frère Michel (né aux alentours de 815), après une carrière administrative en Macédoine, abandonna le monde vers 850 pour se retirer dans la vie monastique sur le mont Olympe en Bithynie, où il reçut le nom de Méthode (le nom monastique devait commencer par la même lettre que le nom de baptême) et devint higoumène du monastère de Polychron. Attiré par l’exemple de son frère, Cyrille aussi décida de quitter l’enseignement et de se rendre sur le mont Olympe pour méditer et prier. Quelques années plus tard, cependant (vers 861), le gouvernement impérial le chargea d’une mission auprès des khazars de la Mer d’Azov, qui demandèrent que leur soit envoyé un homme de lettres qui sache dialoguer avec les juifs et les sarrasins. Cyrille, accompagné de son frère Méthode, s’arrêta longuement en Crimée, où il apprit l’hébreu. Là, il rechercha également le corps du Pape Clément i, qui y avait été exilé. Il trouva sa tombe, et lorsque son frère reprit le chemin du retour, il porta avec lui les précieuses reliques. Arrivés à Constantinople, les deux frères furent envoyés en Moravie par l’empereur Michel iii, auquel le prince moldave Ratislav avait adressé une requête précise: « Notre peuple – lui avait-il dit – depuis qu’il a rejeté le paganisme, observe la loi chrétienne; mais nous n’avons pas de maître qui soit en mesure de nous expliquer la véritable foi dans notre langue ». La mission connut très vite un succès insolite. En traduisant la liturgie dans la langue slave, les deux frères gagnèrent une grande sympathie auprès du peuple.
Toutefois, cela suscita à leur égard l’hostilité du clergé franc, qui était arrivé précédemment en Moravie et qui considérait le territoire comme appartenant à sa juridiction ecclésiale. Pour se justifier, en 867, les deux frères se rendirent à Rome. Au cours du voyage, ils s’arrêtèrent à Venise, où eut lieu une discussion animée avec les défenseurs de ce que l’on appelait l’ »hérésie trilingue »: ceux-ci considéraient qu’il n’y avait que trois langues dans lesquelles on pouvait licitement louer Dieu: l’hébreu, le grec et le latin. Bien sûr, les deux frères s’opposèrent à cela avec force. A Rome, Cyrille et Méthode furent reçus par le Pape Adrien ii, qui alla à leur rencontre en procession, pour accueillir dignement les reliques de saint Clément. Le Pape avait également compris la grande importance de leur mission exceptionnelle. A partir du milieu du premier millénaire, en effet, les slaves s’étaient installés en très grand nombre sur ces territoires placés entre les deux parties de l’Empire romain, orientale et occidentale, qui étaient déjà en tension entre elles. Le Pape comprit que les peuples slaves auraient pu jouer le rôle de pont, contribuant ainsi à maintenir l’union entre les chrétiens de l’une et l’autre partie de l’Empire. Il n’hésita donc pas à approuver la mission des deux Frères dans la Grande Moravie, en acceptant l’usage de la langue slave dans la liturgie. Les livres slaves furent déposés sur l’autel de Sainte-Marie de Phatmé (Sainte-Marie-Majeure) et la liturgie en langue slave fut célébrée dans les Basiliques Saint-Pierre, Saint-André, Saint-Paul. Malheureusement, à Rome, Cyrille tomba gravement malade. Sentant la mort s’approcher, il voulut se consacrer entièrement à Dieu comme moine dans l’un des monastères grecs de la Ville (probablement près de Sainte-Praxède) et prit le nom monastique de Cyrille (son nom de baptême était Constantin). Il pria ensuite avec insistance son frère Méthode, qui entre-temps avait été consacré évêque, de ne pas abandonner la mission en Moravie et de retourner parmi ces populations. Il s’adressa à Dieu à travers cette invocation: « Seigneur, mon Dieu…, exauce ma prière et conserve dans la fidélité le troupeau auquel tu m’avais envoyé… Libère-les de l’hérésie des trois langues, rassemble-les tous dans l’unité, et rends le peuple que tu as choisi concorde dans la véritable foi et dans la droite confession ». Il mourut le 14 février 869. Fidèle à l’engagement pris avec son frère, Méthode revint en 870 en Moravie et en Pannonie (aujourd’hui la Hongrie), où il retrouva à nouveau la violente aversion des missionnaires francs qui l’emprisonnèrent. Il ne perdit pas courage et lorsqu’il fut libéré en 873, il se prodigua activement dans l’organisation de l’Eglise, en suivant la formation d’un groupe de disciples. Ce fut grâce à eux si la crise qui se déchaîna à la mort de Méthode, qui eut lieu le 6 avril 885, put être surmontée: persécutés et mis en prison, certains de ces disciples furent vendus comme esclaves et conduits à Venise, où ils furent rachetés par un fonctionnaire constantinopolitain, qui leur permit de repartir dans les pays des slaves balkaniques. Accueillis en Bulgarie, ils purent poursuivre la mission commencée par Méthode, en diffusant l’Evangile dans la « terre de la Rus’ ». Dieu, dans sa mystérieuse providence, utilisait ainsi la persécution pour sauver l’œuvre des saints frères. De cette dernière, il reste également la documentation littéraire. Il suffit de penser à des œuvres telles que l’Evangéliaire (épisodes liturgiques du Nouveau Testament), le Psautier, différents textes liturgiques en langue slave, auxquels travaillèrent les deux frères. Après la mort de Cyrille, on doit à Méthode et à ses disciples, entre autres, la traduction de toute l’Ecriture Sainte, le Nomocanon et le Livre des Pères. Voulant à présent résumer brièvement le profil spirituel des deux frères, on doit tout d’abord remarquer la passion avec laquelle Cyrille aborda les écrits de saint Grégoire de Nazianze, apprenant à son école la valeur de la langue dans la transmission de la Révélation. Saint Grégoire avait exprimé le désir que le Christ parle à travers lui: « Je suis le serviteur du Verbe, c’est pourquoi je me mets au service de la Parole ». Voulant imiter Grégoire dans ce service, Cyrille demanda au Christ de vouloir parler en slave à travers lui. Il introduit son œuvre de traduction par l’invocation solennelle: « Ecoutez, ô vous tous les peuples slaves, écoutez la Parole qui vint de Dieu, la Parole qui nourrit les âmes, la Parole qui conduit à la connaissance de Dieu ». En réalité, déjà quelques années avant que le prince de Moravie ne demande à l’empereur Michel iii l’envoi de missionnaires dans sa terre, il semble que Cyrille et son frère Méthode, entourés d’un groupe de disciples, travaillaient au projet de recueillir les dogmes chrétiens dans des livres écrits en langue slave. Apparut alors clairement l’exigence de nouveaux signes graphiques, plus proches de la langue parlée: c’est ainsi que naquit l’alphabet glagolithique qui, modifié par la suite, fut ensuite désigné sous le nom de « cyrillique » en l’honneur de son inspirateur. Ce fut un événement décisif pour le développement de la civilisation slave en général. Cyrille et Méthode étaient convaincus que chaque peuple ne pouvait pas considérer avoir pleinement reçu la Révélation tant qu’il ne l’avait pas entendue dans sa propre langue et lue dans les caractères propres à son alphabet. C’est à Méthode que revient le mérite d’avoir fait en sorte que l’œuvre entreprise avec son frère ne soit pas brusquement interrompue. Alors que Cyrille, le « Philosophe », avait tendance à la contemplation, il était plutôt porté vers la vie active. C’est grâce à cela qu’il put établir les présupposés de l’affirmation successive de ce que nous pourrions appeler l’ »idée cyrillo-méthodienne »: celle-ci accompagna les peuples slaves pendant les diverses périodes historiques, favorisant le développement culturel, national et religieux. C’est ce que reconnaissait déjà le Pape Pie xi dans la Lettre apostolique Quod Sanctum Cyrillum, dans laquelle il qualifiait les deux frères: « fils de l’Orient, byzantins de patrie, grecs d’origine, romains par leur mission, slaves par leurs fruits apostoliques » (AAS 19 [1927] 93-96). Le rôle historique qu’ils jouèrent a ensuite été officiellement proclamé par le Pape Jean-Paul ii qui, dans la Lettre apostolique Egregiae virtutis viri, les a déclarés copatrons de l’Europe avec saint Benoît (AAS 73 [1981] 258-262). En effet, Cyrille et Méthode constituent un exemple classique de ce que l’on indique aujourd’hui par le terme d’ »inculturation »: chaque peuple doit introduire dans sa propre culture le message révélé et en exprimer la vérité salvifique avec le langage qui lui est propre. Cela suppose un travail de « traduction » très exigeant, car il demande l’identification de termes adaptés pour reproposer, sans la trahir, la richesse de la Parole révélée. Les deux saints Frères ont laissé de cela un témoignage significatif au plus haut point, vers lequel l’Eglise se tourne aujourd’hui aussi, pour en tirer son inspiration et son orientation.
DEUXIEME LECTURE – 1 CORINTHIENS 2, 6 – 10
14 février, 2014http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DEUXIEME LECTURE – 1 CORINTHIENS 2, 6 – 10
Frères, 6 c’est bien une sagesse que nous proclamons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde La sagesse de ceux qui dominent le monde et qui déjà se détruisent. 7 Au contraire, nous proclamons la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. 8 Aucun de ceux qui dominent ce monde ne l’a connue, car s’ils l’avaient connue, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. 9 Mais ce que nous proclamons, c’est comme dit l’Ecriture, ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu. 10 Et c’est à nous que Dieu par l’Esprit, a révélé cette sagesse. Car l’Esprit voit le fond de toutes choses, et même les profondeurs de Dieu.
Dimanche dernier, la lettre de Paul opposait déjà sagesse humaine et sagesse de Dieu : « Votre foi, disait-il, ne repose pas sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu. » Et il insistait pour dire que le mystère du Christ n’a rien à voir avec nos raisonnements humains : aux yeux des hommes, l’évangile ne peut que passer pour une folie : et sont considérés comme insensés ceux qui misent leur vie dessus. Soit dit en passant, cette insistance sur le mot « sagesse » nous surprend peut-être, mais Paul s’adresse aux Corinthiens, c’est-à-dire à des Grecs pour qui la sagesse est la vertu la plus précieuse. Aujourd’hui, Paul poursuit dans la même ligne : oui, la proclamation du mystère de Dieu est peut-être une folie aux yeux du monde, mais il s’agit d’une sagesse combien plus haute, la sagesse de Dieu. « C’est bien une sagesse que nous proclamons devant ceux qui sont adultes dans la foi mais ce n’est pas la sagesse de ce monde… Au contraire, nous proclamons la sagesse du mystère de Dieu… » A nous de choisir, donc : vivre notre vie selon la sagesse du monde, l’esprit du monde, ou selon la sagesse de Dieu. Les deux ont bien l’air totalement contradictoires ! Nous retrouvons là le thème des autres lectures de ce dimanche : la première lecture tirée du livre de Ben Sirac et le psaume 118/119 développaient tous les deux, chacun à sa manière, ce qu’on appelle le thème des deux voies : l’homme est placé au carrefour de deux routes et il est libre de choisir son chemin ; une voie mène à la vie, à la lumière, au bonheur ; l’autre s’enfonce dans la nuit, la mort, et n’offre en définitive que de fausses joies. « Sagesse tenue cachée » : une des grandes affirmations de la Bible est que l’homme ne peut pas tout comprendre du mystère de la vie et de la Création, et encore moins du mystère de Dieu lui-même. Cette limite fait partie de notre être même. Voici ce que dit le livre du Deutéronome : « Au SEIGNEUR notre Dieu sont les choses cachées, et les choses révélées sont pour nous et nos fils à jamais, pour que soient mises en pratique toutes les paroles de cette Loi. » (Dt 29, 28). Ce qui veut dire : Dieu connaît toutes choses, mais nous, nous ne connaissons que ce qu’il a bien voulu nous révéler, à commencer par la Loi qui est la clé de tout le reste. Cela nous renvoie encore une fois au récit du paradis terrestre : le livre de la Genèse raconte que dans le jardin d’Eden, il y avait toute sorte d’arbres « d’aspect attrayant et bon à manger ; et il y avait aussi deux arbres particuliers : l’un, situé au milieu du jardin était l’arbre de vie ; et l’autre à un endroit non précisé s’appelait l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. Adam avait le droit de prendre du fruit de l’arbre de vie, c’était même recommandé puisque Dieu avait dit « Tu pourras manger de tout arbre du jardin… sauf un ». Seul le fruit de l’arbre de la connaissance était interdit. Manière imagée de dire que l’homme ne peut pas tout connaître et qu’il doit accepter cette limite : « Au SEIGNEUR notre Dieu (sous-entendu et à lui seul) sont les choses cachées » dit le Deutéronome. En revanche, la Torah, la Loi, qui est l’arbre de vie, est confiée à l’homme : pratiquer la Loi, c’est se nourrir jour après jour de ce qui nous fera vivre.
Je reviens sur cette formule : « Sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles… ». Paul insiste plusieurs fois dans ses lettres sur le fait que le projet de Dieu est prévu de toute éternité : il n’y a pas eu de changement de programme, si j’ose dire. Parfois nous nous représentons le déroulement du projet de Dieu comme s’il avait dû changer d’avis en fonction de la conduite de l’humanité. Par exemple, nous imaginons que, dans un premier temps, acte 1 si vous voulez, Dieu a créé le monde et que tout était parfait jusqu’au jour où, acte 2, Adam a commis la faute : et alors pour réparer, acte 3, Dieu aurait imaginé d’envoyer son Fils. Contre cette conception, Paul développe dans plusieurs de ses lettres cette idée que le rôle de Jésus-Christ est prévu de toute éternité et que le dessein de Dieu précède toute l’histoire humaine. Par exemple, je vous rappelle la très belle phrase de la lettre aux Ephésiens : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement, réunir l’univers entier sous un seul chef (une seule tête), le Christ. » (Ep 1, 9-10). Ou bien, dans la lettre aux Romains, Paul dit « J’annonce l’évangile en prêchant Jésus-Christ, selon la Révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens… » (Rm 16, 25-26). « Pour nous donner la gloire » : la gloire, normalement, c’est un attribut de Dieu et de lui seul. Notre vocation ultime, c’est donc de participer à la gloire de Dieu. Cette expression est, pour Paul, une autre manière de nous dire le dessein bienveillant : le projet de Dieu, c’est de nous réunir tous ensemble en Jésus-Christ et de nous faire participer à la gloire de la Trinité. « Ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Ecriture, ce que personne n’avait vu de ses yeux, ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu ». L’expression « comme dit l’Ecriture » renvoie à une phrase du prophète Isaïe : « Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï-dire, jamais l’oeil n’a vu qu’un dieu, toi excepté, ait agi pour qui comptait sur lui. » (Is 64, 3). Elle dit l’émerveillement du croyant biblique gratifié de la Révélation des mystères de Dieu. Reste la fin de la phrase « Ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu » : y aurait-il donc des privilégiés et des exclus ? Y aurait-il des gens pour qui cela n’était pas préparé ? Bien sûr que non : le projet de Dieu, son dessein bienveillant est évidemment pour tous ; mais ne peuvent y participer que ceux qui ont le coeur ouvert. Et de notre coeur, nous sommes seuls maîtres. D’une certaine manière, c’est le saut dans la foi qui est dit là. Le mystère du dessein de Dieu ne s’ouvre que pour les petits. Comme le disait Jésus, « Dieu l’a caché aux sages et aux savants, et il l’a révélé aux tout-petits ». Nous voilà tout-à-fait rassurés : tout-petits, nous le sommes, il suffit de le reconnaître.
6E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE- HOMÉLIE
14 février, 2014http://www.homelies.fr/homelie,,3744.html
6E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
DIMANCHE 16 FÉVRIER 2014
FAMILLE DE SAINT JOSEPH
HOMÉLIE – MESSE
« La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix » (1ère lect.). Ce verset tiré de la première lecture de la liturgie de ce dimanche, pourrait être une illustration des deux Arbres du livre de la Genèse : l’Arbre de la vie et l’Arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn 2, 9). Nous ne sommes pas « déterminés » au mal ; le péché n’est pas une fatalité ; mais nous sommes invités à discerner le bien à la lumière de l’Esprit, et à l’accomplir dans la force qu’il nous donne : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle ». Telle est la Bonne Nouvelle annoncée par le Sage, et réalisée en Jésus, mort au péché, et ressuscité dans la puissance de l’Esprit de liberté et de vie. Car la vraie liberté consiste à pouvoir discerner et choisir ce qui promeut la vie que le Père nous donne et dont il veut nous combler. La Révélation nous enseigne qu’après la rupture du péché, qui avait conduit au triomphe de la mort, cette liberté nous est à nouveau donnée dans la participation à la vie filiale de Jésus (cf. 2 P 1, 4). Tel est le projet de Dieu sur nous, « sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse » (2ème lect.). Dès lors, si la vérité de notre condition humaine consiste à vivre uni au Christ, l’union à Jésus par la foi est l’unique chemin qui nous conduit à l’Arbre de vie, nous restaure dans une relation filiale avec Dieu, et nous ouvre à la fraternité universelle. On comprend dès lors que loin de vouloir « abolir » les commandements qui balisent notre marche sur le chemin de la liberté et de la vie, Notre-Seigneur est tout au contraire venu « accomplir la Loi et les Prophètes », afin de mettre en pleine lumière la voie qui conduit à Dieu son Père et notre Père, en passant par l’obéissance à sa Parole. Cette suprême sagesse, nous dit Saint Paul, est cependant aux antipodes de « la sagesse de ceux qui dominent le monde » (2ème lect.), ce terme désignant précisément la part d’humanité qui refuse l’illumination du Verbe. Certes la justice humaine, qui s’efforce par tous les moyens de défendre les « droits » des individus, est une valeur précieuse ; pourtant elle est insuffisante aux yeux de Jésus : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux ». Notre-Seigneur n’a nullement l’intention de rajouter d’autres commandements – on n’atteint pas l’amour en multipliant les préceptes – mais il annonce la nécessité d’un saut qualitatif, qui ne peut se réaliser que dans l’Esprit qu’il va répandre sur toute chair au matin de Pentecôte. Il est remarquable que les exemples cités par Jésus aient tous trait à la violence dans les relations, dont Notre Seigneur dévoile toute l’ampleur : - la colère menace la vie physique du frère ; - l’insulte le blesse profondément dans sa vie psychique ; - la malédiction l’exclut du champ religieux ; - la concupiscence du regard commet déjà intentionnellement l’adultère, qui fait violence à la relation d’alliance nuptiale ; - la répudiation est une violence faite au droit de l’épouse à la fidélité et à la stabilité familiale ; - le serment prononcé à la légère, fait violence à la confiance.
La stricte justice se contente de réguler tant bien que mal les formes extérieures de cette violence, mais sans pouvoir ni la déraciner, ni la remplacer par un ordre supérieur, celui de la charité. Seul l’Esprit peut nous donner d’accomplir cette conversion de la violence à la douceur, la patience, la compassion, la tendresse, bref : à l’amour. Hélas trop souvent nous nous berçons d’illusion quant à la dureté du chemin : les comparaisons de Jésus nous font pressentir la radicalité des renoncements qu’implique une telle conversion : « Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car c’est ton intérêt de perdre un de tes membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne ». « L’image du chrétien mutilé mais sauvé nous montre quelle peut être l’ardeur de cette lutte et prévient toute association abusive entre la grâce et la facilité. La grâce de Dieu n’a pas pour objet de nous éviter les résolutions difficiles, les sacrifices, les amputations, mais de les rendre possibles » (Emile Nicole). L’Esprit m’est donné pour pouvoir faire les choix radicaux, arracher de ma vie et jeter loin de moi ce qui m’empêche d’être libre de la liberté des fils, même si ce dont j’ai à me séparer et d’un grand prix à mes yeux. Que pourrions-nous mettre en balance avec la Perle rare, le Trésor unique de la Vie éternelle ? Aussi l’oraison d’ouverture de la liturgie de ce jour ne demande-t-elle pas à Dieu de nous permettre d’observer scrupuleusement tous les commandements, mais « de vivre selon sa grâce », car « Dieu veut habiter les cœurs droits et sincères » (Or. d’ouvert.). En effet, la sagesse que « le cœur de l’homme n’avait pas imaginée, et qui avait été préparée pour ceux qui aiment Dieu » (2ème lect.) n’est autre que l’Esprit Saint, c’est-à-dire la Charité infuse, cette force surnaturelle qui nous permet de vaincre l’inertie du vieil homme, et de vivre dans la logique de l’amour, c’est-à-dire du primat du don. Les « adultes dans la foi », c’est-à-dire les croyants qui ont engagé résolument le combat avec la partie obscure d’eux-mêmes, et dont la foi est vivante par une charité qui se met en peine, ne sauraient être déçus dans leur espérance, car ils ont déjà part à leur héritage ; ils savent que « les yeux du Seigneur sont tournés vers ceux qui le craignent » (1ère lect.) pour leur faire grâce au temps voulu et leur « donner part à sa gloire » (Ibid.). La conversion radicale à laquelle nous invite Jésus, implique aussi de reconnaître qu’en Lui nous sommes tous frères, étant fils d’un même Père. Nous ne nous tenons donc jamais seuls devant l’autel : en chacun de nous, c’est le Corps tout entier qui présente son offrande à Dieu. Dès lors, comment notre Père des cieux pourrait-il se réjouir du don de ses enfants, s’ils sont divisés entre eux ? Voilà pourquoi « lorsque tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande ». Qui de nous est à la hauteur d’une telle exigence ? Toutes les interpellations lancées par Jésus sont personnelles ; il n’est pas question de couper la main ou le pied de mon frère, ou de lui arracher l’œil : c’est de mon problème qu’il s’agit. Puissions-nous discerner dans ces Paroles déconcertantes un appel à oser nous engager résolument sur le chemin de la vraie liberté, celle de l’amour de charité ; et puissions-nous accueillir la force de l’Esprit pour arracher et jeter loin de nous ce qui menace notre participation à la vie divine, notre héritage. Père Joseph-Marie