Archive pour le 6 février, 2014
ABRAHAM – par le Père Paul Beauchamp
6 février, 2014http://www.stignace.net/recherchedetextes/cadretextes/abraham.htm
ABRAHAM
par le Père Paul Beauchamp
Abraham dans la lumière : il entend la promesse. Abraham dans l’ombre : Pharaon lui prend Sara. Puis, nouvelle étape, aux « chênes de Mambré » : « Il est assis à l’entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour. » Il a plus de cent ans, sa femme est stérile. Mais c’est le plein midi et la promesse d’un fils va se réaliser. Surprise : la tradition des Églises d’Orient désigne la scène par le terme grec de « philoxénie » (inspiré par He 13,2), qui veut dire « amour de l’étranger ». Nous saisissons vite que la « philoxénie » est le contraire de « xénophobie ». « Il leva les yeux et aperçut trois hommes devant lui. » Il ne les a pas vus venir, il ne les connaît pas. Des étrangers. Il vaut la peine de faire le compte des détails de l’hospitalité d’Abraham (comment il annonce du « pain » et fait tuer un veau, etc.).
Indiscutablement pourtant, cette philoxénie est la première Annonciation de toute la Bible. Et le fils annoncé est la promesse d’une « grande nation ». La nation sera bénie par des étrangers, or il est annoncé par des étrangers. On commente sur la « proverbiale hospitalité des nomades », avec raison. Que cela ne détourne pas notre attention de cette association fulgurante entre « ouvrir sa porte à des étrangers » et « recevoir un fils ». Le fils, la fille : étrangers pour le père, la mère. Étranger, c’est-à-dire autre, nouveau. Nouveauté devant laquelle tout père, toute mère, se surprend en défense.
Abraham n’est pas seul. Sa vie se jouera sur son rapport avec les Nations (Gn 12, 2-3). Ses visiteurs n’ont pas de nationalité. Leur statut est caché : quand ils parlent, on entend tantôt leur voix (Gn 18,9), tantôt la voix du Seigneur (Gn 18, 10 et 13). Trois dimensions s’étagent : 1. recevoir des étrangers ; 2. recevoir un fils ; 3. recevoir cet étranger : Dieu. Un étranger qui partage nos repas : « Ils mangèrent et lui dirent : « Où est Sara, ta femme ? » ». L’annonce d’un fils fait rire Sara, rire devant l’impossible. Pas impossible pour le Seigneur, lui est-il répondu. Saint Luc, intentionnellement, nous fera ressouvenir de cette scène. Gabriel adressera la même parole à Marie : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,137). Mais il y a des degrés dans l’impossible.
Mambré et Sodome : la première Annonciation de la Bible est inséparable de la scène qui la suit (Gn 18,16 à 19,29), et qui est inaugurée par un mot : « Sodome » (Gn 18,16 ; cf. plus loin : Sodome et Gomorrhe). C’est un choc ! L’effet de contraste s’inscrit dans la composition soignée des chapitres 18 et 19, sous le signe de la « visite », visite accueillie par Abraham, visite refusée par les gens de Sodome qui se jettent sur les nouveaux venus comme sur leur proie.
Même envers Sodome et Gomorrhe, Abraham reste l’élu pour tous, le béni pour ceux qui bénissent. Jamais il n’a été si proche des Nations qu’à ce moment où, raccompagnant les visiteurs étrangers jusqu’à ce moment où, raccompagnant les visiteurs étrangers jusqu’à ce haut lieu d’où leur apparaissent les deux cités, commence le dialogue au cours duquel Abraham intercède si astucieusement pour Sodome et Gomorrhe auprès du Seigneur. Combien de justes faudrait-il pour qu’elles soient sauvées : cinquante, quarante-cinq, quarante, trente, vingt, dix ? On s’est demandé pourquoi Abraham n’allait pas jusqu’au chiffre « un ». Peut-être parce qu’il faut une alliance entre plusieurs justes pour sauver la cité : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », a dit le Créateur (Gn 2,18).
P. Paul Beauchamp
Cinquante portraits bibliques
Seuil 2000, 260 p.
MÉDITATION DU JOUR DE PARLER AVEC DIEU – 1. CONVERSION ET PÉNITENCE
6 février, 2014http://www.hablarcondios.org/fr/meditationdujour.asp
François Carvajal
MÉDITATION DU JOUR DE PARLER AVEC DIEU
CARÊME. MERCREDI DES CENDRES
1. CONVERSION ET PÉNITENCE
- Le Carême : ascension vers le mystère pascal.
- Le but du Carême : favoriser la conversion du coeur.
- Les oeuvres de pénitence : la confession fréquente, l’esprit de mortification et la pratique généreuse de l’aumône.
I. Entrons dans le Carême comme dans un édifice chargé d’histoire : ces quarante jours évoquent la dure traversée du désert, entre la libération de l’esclavage d’Égypte et l’arrivée vers la Terre promise, pour le peuple hébreu. Cela préfigurait la longue et dure marche de la vie terrestre entre le baptême et le jour de la naissance à la splendeur éternelle.
Quarante journées. Ce n’est pas l’effet du hasard ou d’un arbitraire de la loi liturgique. C’est le temps que Jésus s’est fixé pour sa retraite dans un désert de Palestine, avant de commencer publiquement sa mission parmi les hommes. À la fin de cette période de silence, de prière et déjeune, le Seigneur affronte le démon qui, pacifiquement, essaie de le détourner de sa mission rédemptrice. De même, pacifiquement, les sirènes du matérialisme, de l’indifférence, de l’égoïsme essaient-elles à chaque génération de détourner l’homme d’une vie digne de sa vocation humaine et chrétienne.
Parcourons ces quarante jours, temps de pénitence et de rénovation intérieure1, pour parvenir à la semaine sainte, aux trois jours sacrés, à la Passion, à la mort et à la Résurrection du Seigneur avec une âme purifiée.
Parole du Seigneur : Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos coeurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux…2.
Voilà ce que proclame la première lecture de la Messe d’aujourd’hui. Au moment de l’imposition des cendres sur la tête des fidèles, le prêtre rappelle également les mots si impressionnants de la Genèse, après le péché originel : Memento homo, quia pulvis es. Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière3.
Memento homo… Souviens-toi… car il arrive souvent d’oublier que sans le Seigneur, « sans Dieu, il ne reste rien de la grandeur de l’homme, si ce n’est un petit tas de poussière dans un plat à une extrémité de l’autel, le mercredi des Cendres. C’est ce avec quoi l’Église nous marque le front comme si c’était avec notre propre substance4. »
Si le Seigneur veut que nous nous détachions des choses de la terre, ce n’est pas pour cultiver une indifférence et une insensibilité artificielles ; c’est pour que nous nous tournions vers lui. Il veut inlassablement que l’homme, tout homme, abandonne le péché qui le vieillit et le tue, et qu’il retourne à la source de la Vie et de la joie : « Jésus-Christ lui-même est la grâce la plus sublime de tout le Carême. C’est lui-même qui se présente à nous dans la simplicité admirable de l’Évangile5 ».
Que signifie tourner son coeur vers Dieu, se convertir ? Ce n’est pas une formule toute faite ; c’est se disposer à mettre en oeuvre tous les moyens à sa portée pour vivre comme il attend que nous vivions. Cela veut donc dire aussi, être sincère avec soi-même, essayer de ne pas servir deux seigneurs6 (Dieu et, en même temps, l’argent, le pouvoir, le bien-être…), aimer Dieu de toute son âme et vouloir éloigner de sa vie tout péché véniel délibéré. Chaque chrétien est invité à le faire quelles que soient ses circonstances de travail, de santé, de famille… car Jésus cherche des coeurs contrits, qui reconnaissent leurs fautes et leurs péchés, et qui soient disposés à les éliminer. Vous vous souviendrez de vos mauvais chemins, de vos oeuvres qui n’étaient pas bonnes…1
Le Seigneur désire découvrir au tréfonds de la conscience non l’autosatisfaction mais la douleur sincère des péchés, qui se manifeste avant tout par la confession sacramentelle et par de petits actes de mortification, de pénitence, faits par amour : « Se convertir signifie chercher de nouveau le pardon et la force de Dieu dans le sacrement de la réconciliation et ainsi toujours recommencer, avancer chaque jour8. »
Pour faire naître notre contrition, l’Église nous propose, dans la liturgie d’aujourd’hui, le psaume par lequel le roi David exprime son repentir et avec lequel tant de saints ont demandé pardon. Ne nous aide-t-il pas dans ce moment de prière, à dire aussi à Jésus :
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne. Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange 19
Aujourd’hui le Seigneur nous écoute plus que jamais, si nous lui répétons de tout coeur, dans une ardente oraison jaculatoire : Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
II. Une vraie conversion se manifeste dans toute notre conduite ! On montre son désir de s’améliorer par sa façon de mieux travailler ou d’étudier plus intensément ; par la manière de se comporter en famille ; par les petites mortifications offertes au Seigneur, qui rendent plus agréable la vie autour de soi et le travail plus efficace ; par un plus grand soin apporté à la préparation et à la réception de la Confession sacramentelle qui devient plus fréquente si possible.
Par la voix de son Église, le Seigneur nous demande aussi aujourd’hui, d’offrir avec joie, une mortification spécifique, un peu plus généreuse que d’habitude. Ainsi, l’abstinence et le jeûne, qui « fortifient l’esprit, en mortifiant la chair et sa sensualité ; élèvent l’âme à Dieu ; suppriment la concupiscence, en donnant des forces pour vaincre et atténuer ses passions ; et disposent le coeur à ne pas chercher autre chose que de plaire à Dieu en tout ‘ » ».
Pourquoi donc, pendant le Carême, l’Église nous demande-t-elle ces signes de pénitence (l’abstinence à partir de 14 ans, et le jeûne entre 18 et 59 ans révolus) ?
Parce qu’ils nous rapprochent du Seigneur et donnent à l’âme une véritable joie libératrice. Cela consiste aussi à pratiquer l’aumône avec un coeur miséricordieux, avec le désir de porter un peu plus de sollicitude et de réconfort à celui qui se trouve accablé par le besoin, ou bien de contribuer, selon ses moyens, à une oeuvre apostolique en faveur des corps et des âmes blessés. « Tous les chrétiens peuvent pratiquer l’aumône, non seulement les riches et les puissants, mais aussi ceux de fortune modeste et même les pauvres ; de cette manière ceux qui sont inégaux par leur capacité de faire l’aumône sont semblables dans l’amour et l’affection avec lesquels ils la font « . » II n’est pas difficile de comprendre combien le détachement des biens matériels, la mortification et l’abstinence, purifient efficacement du péché et aident à trouver le Seigneur dans la vie ordinaire, car « celui qui cherche Dieu en voulant demeurer attaché à ses goûts, le cherche de nuit et, de nuit, il ne le trouvera pas 12 ». Les devoirs quotidiens offrent d’abondantes sources de mortification : quand on veut maintenir l’ordre, la ponctualité pour commencer son travail, l’intensité avec laquelle on le poursuit… Quant aux rapports avec les autres, ils fournissent d’innombrables occasions de mortifier l’égoïsme et de contribuer à créer un climat plus agréable autour de soi, car « la meilleure des mortifications est celle qui, s’appuyant sur de petits détails tout au long de la journée, s’attaque à la concupiscence de la chair, à la concupiscence des yeux et à l’orgueil. Mortifications qui ne mortifient pas les autres, mais qui nous rendent plus délicats, plus compréhensifs, plus ouverts à tous. Tu ne seras pas mortifié si tu es susceptible, si tu n’écoutes que ton égoïsme, si tu t’imposes aux autres, si tu ne sais pas te priver du superflu et parfois même du nécessaire, si tu t’attristes quand les choses ne vont pas comme tu l’avais prévu ; en revanche, tu es mortifié si tu sais te faire tout à tous, pour les gagner tous (1 Cor 9, 22) « . » Pourquoi ne pas se faire un petit plan précis de mortifications à offrir au Seigneur chaque jour de ce Carême ?
III. Qui veut aimer comme il est aimé de Dieu, peut-il laisser passer ce jour sans susciter dans son âme un désir profond et efficace de revenir une nouvelle fois auprès du Père, comme l’enfant prodigue ? Saint Paul nous propose en effet, dans la deuxième lecture de la Messe, de profiter de ce temps d’exception pour une véritable conversion : Nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu. Car il dit dans l’Écriture : Au moment favorable, je t’ai exaucé ; au jour du salut, je suis venu à ton secoursl4. Le Seigneur le redit à chacun, dans l’intimité de son coeur : Convertissez-vous. Revenez à moi de tout coeur ! N’en doutons pas : en cette période de l’année liturgique, Dieu nous donne une grâce particulière pour nous renouveler en Jésus-Christ. Voilà pourquoi le Carême est un temps de joie et d’espérance, bien que ce soit un temps de pénitence et de mortifications sérieuses.
« Quand l’un de nous s’aperçoit qu’il est triste, il doit penser : c’est que je ne suis peut-être pas suffisamment près du Christ. Quand l’un de nous reconnaît dans sa vie, par exemple, une certaine inclination à la mauvaise humeur, au mauvais caractère, il doit se poser la même question. Il ne peut pas toujours rejeter la faute sur les choses qui l’entourent. » II arrive parfois qu’une certaine apathie, la tristesse spirituelle, soient causées par la fatigue, par la maladie…, mais il s’agit bien souvent d’un manque de générosité pour faire ce que le Seigneur demande, d’une trop faible lutte pour veiller sur les sens, d’un manque de compréhension d’autrui ; bref, d’un état plus ou moins avancé de tiédeur.
Mais près de Jésus-Christ, il est toujours possible de trouver un remède à cette tiédeur éventuelle, et la force pour vaincre ces défauts qui sans lui seraient peut-être insurmontables. «Lorsque quelqu’un pense : « Je ressens une paresse presque irrémédiable, je ne suis pas suffisamment tenace, je n’arrive pas à terminer les choses que j’entreprends « , il devrait penser aujourd’hui : » est-ce-que je suis suffisamment près du Christ ? » « Voilà pourquoi ce que chacun reconnaît un jour ou l’autre dans sa vie comme un défaut, une faiblesse ou un excès, devrait faire 1’objet de cet examen intime, direct et confiant : « je ne persévère pas ? — c’est que je ne suis pas suffisamment près du Christ ! », « je n’ai pas la joie ? — c’est que je ne suis plus assez près du Christ ! » Non ! Je ne vais plus penser que c’est à cause de mon travail, à cause de ma famille, de mes parents ou des enfants, à cause de mes collègues, de mon environnement… Non ! La vraie faute, c’est que je ne suis pas encore assez près du Christ. Et le Seigneur me dit justement aujourd’hui : Reviens ! Revenez à Moi de tout coeur.
« (…) Il est temps que chacun se sente pressé par Jésus-Christ. Que ceux qui sont tentés de différer cette résolution le sachent, le moment est venu ! Que ceux qui sont pessimistes et qui pensent que leurs défauts ou la situation du monde n’ont pas de remède, sachent que le moment est arrivé. C’est le début du Carême. Considérons-le comme un temps précieux de conversion et d’espérance l5.»
1. Cf. Concile Vatican 11, Const. Sacrosanctum Concilium, 109.— 2. Joël 2,12.— 3. Gen. 3, 19.— 4. J. Uclercq, En suivant l’Année liturgique.— 5. Jean-Paul II, Homélie d’un Mercredi des Cendres, 28 février 1979— 6. Cf. Mat. 6, 24.— 7. Ez. 36, 31-32.— 8. Jean- Paul II, Lettre Novo incipiente, 8 avril 1979.— 9. Psaume 50.— 10. Saint François de Sales, Sermon sur le jeûne.— 11. Saint Léon le Grand, Liturgie des Heures. Deuxième lecture du jeudi après les Cendres.— 12. Saint Jean de la Croix, Cantique spirituel, 3,3.— 13. Bienheureux Josémaria Escriva, Quand le Christ passe, 9.— 14. Deuxième lecture delà Messe :2Cor5,20-6,2.— 15. A.-M.Garcfa Dorronsoro, Un temps pour croire.