Archive pour janvier, 2014
LA VIE DE SAINT ANTOINE – SAINT ATHANASE[1] -
16 janvier, 2014http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/peres/antoine/viedesaintantoine.htm#_Toc104092621
LA VIE DE SAINT ANTOINE
SAINT ATHANASE[1]
(est très longue , tous les chapitres sont XXXIII, je mets les 3 premiers)
C’est un combat très avantageux que celui où vous vous êtes engagés, d’égaler par votre vertu celle des Solitaires d’Egypte, et d’esssayer, même, de les surpasser par une généreuse émulation. Il y a déjà parmi vous plusieurs maisons de Solitaires où la discipline religieuse est très bien observée. Chacun louera avec raison votre dessein, et Dieu accordera sans doute à vos prières l’heureux accomplissement de vos désirs. Aussi, voyant que vous me demandez avec instance de vous faire une relation de la manière de vivre du bienheureux Antoine, et que vous désirez apprendre comment il commença à suivre une profession si sainte, ce qu’il était auparavant , quelle a été la fin de sa vie et si les choses que l’on publie à son sujet sont véritables, afin de pouvoir entrer encore dans une plus grande perfection par son imitation et par son exemple, j’ai entrepris avec beaucoup de joie ce que votre charité m’ordonne, parce que de mon côté, je ne saurais me remettre devant les yeux les saintes actions d’Antoine sans en tirer un grand avantage ; et je fuis assuré que du vôtre vous entendrez avec tant d’admiration ce que je vous en dirai, que cela fera naître en vous un ardent désir de marcher sur les pas de ce grand serviteur de Dieu, puisque pour des Solitaires, c’est connaître le vrai chemin de la perfection que de savoir quelle a été la vie d’Antoine. Ne craignez donc point d’ajouter foi à ce que l’on vous a rapporté de lui, et croyez plutôt que ce ne sont que les moindres de ses excellentes vertus. Car comment aurait-on pu vous en informer entièrement, vu que tout ce que je vous en écrirai par cette lettre, après avoir rappelé ma mémoire pour satisfaire à votre désir, n’égale nullement ses actions. Mais vous-mêmes informez-vous-en soigneusement auprès de ceux qui passeront d’ici vers vous, mais même si chacun rapporte tout ce qu’il sait, il fera très difficile d’en faire une relation qui réponde à la dignité du sujet. J’avais eu dessein après avoir reçu vos lettres, d’envoyer quérir quelques Solitaires, et principalement ceux qui allaient souvent le visiter, afin qu’en étant mieux informé, je puisse vous en donner une plus particulière connaissance : mais parce que le temps de la navigation était passé et que celui qui m’a rendu vos lettres, était pressé de s’en retourner, je me suis hâté de satisfaire à votre piété, en vous écrivant ce que j’en sais par moi-même, comme l’ayant souvent vu, et ce que j’en ai pu apprendre d’un Solitaire, qui a demeuré longtemps avec lui, et qui lui donnait souvent à laver les mains. J’ai eu soin partout de demeurer dans les termes de la vérité, ce dont j’estime devoir vous avertir, afin que si quelqu’un entend rapporter de lui des actions encore plus grandes que celles que je vous dirai, cette multitude de merveilles ne lui en diminue pas la créance ; et que si au contraire, il n’en apprend que des choses qui soient au dessus de son mérite, cela ne le porte pas à mépriser un si grand Saint. CHAPITRE I. La patrie d’Antoine fut l’Egypte, où il naquit de parents nobles et riches qui, étant chrétiens, l’élevèrent chrétiennement. Ils le nourrirent en leur maison, et il ne connaissait qu’eux et leur famille. Lors qu’il eut grandi, il ne voulut point apprendre les lettres, de peur que cela ne l’engageât à avoir communication avec les autres enfants. Car ainsi qu’il est écrit de Jacob : Tout son désir était de demeurer avec simplicité dans la maison. Quand on le menait à l’église, il ne s’amusait point à badiner comme les autres enfants ; et lorsqu’il fut plus grand, il ne se laissa nullement emporter à la négligence et à la paresse. Il était très attentif à la lecture, et conservait dans son cœur le fruit que l’on en pouvait tirer. Il rendait une grande obéissance à son père et à sa mère, et bien qu’il soient fort à l’aise, il ne les importunait jamais pour faire bonne chère, et ne cherchait point les plaisirs d’une nourriture délicate ; mais se contentait de ce qu’on lui donnait, et ne désirait rien de plus. Lorsque son père et sa mère moururent, ils le laissèrent à l’âge de dix-huit à vingt ans avec une sœur encore fort jeune. Il prit soin d’elle et de la maison comme il le devait. Mais six mois s’étaient à peine écoulés, qu’un jour où il allait à l’église, selon sa coutume, avec grande dévotion, il pensait en lui-même pendant le chemin, comment les Apôtres avaient suivi Jésus-Christ en abandonnant toutes choses, et comment plusieurs autres, ainsi qu’on le voit dans les Actes, vendaient leurs biens et en mettaient le prix aux pieds des Apôtres, pour qu’il soit distribué à ceux qui en avaient besoin, et combien grande était la récompense qui les attendait dans le ciel. Alors qu’il avait, dis-je, l’esprit plein de ces pensées, il entra dans l’église au moment où on lisait l’Evangile où notre Seigneur a dit à ce jeune homme qui était riche : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et viens, et suis-moi, et tu aurais un trésor au Ciel » (Mt 19, 21). Antoine regarda la pensée qu’il avait eue de l’exemple des premiers Chrétiens, comme lui ayant été envoyée de Dieu, et ce qu’il avait entendu de l’Evangile, comme si ces paroles n’avaient été lues que pour lui. Il retourna soudain à son logis, et distribua à ses voisins, afin qu’ils n’aient rien à démêler avec lui ni avec sa sœur, tous les héritages qu’il avait de son patrimoine, qui étaient trois cents mesures de terre très fertile et très agréable. Et quant à ses meubles il les vendit tous, et en ayant tiré une somme considérable, il donna cet argent aux pauvres, à l’exception de quelque chose qu’il retint pour sa sœur. CHAPITRE II Etant une autre fois entré dans l’église, et entendant lire l’Evangile où Jésus-Christ dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain » (Mt 6, 34), il ne put se résoudre à demeurer davantage dans le monde. Et ainsi, il donna aux plus pauvres ce qui lui restait et mit sa sœur entre les mains de quelques filles fort vertueuses qui étaient de sa connaissance, afin de l’élever dans la crainte de Dieu, et dans l’amour de la virginité. Il quitta sa maison pour embrasser une vie solitaire, veillant sur lui-même, et vivant dans une très grande tempérance : il n’y avait pas alors en Egypte beaucoup de maisons de solitaires, et nul d’entre eux ne s’était encore avisé de se retirer dans le désert, mais chacun de ceux qui voulaient penser sérieusement à son salut, demeurait seul en quelque lieu près de son village. Dans un petit champ proche d’Antoine, il y avait un bon vieillard, qui dès sa première jeunesse avait passé toute sa vie en solitude. L’ayant vu et étant touché d’un louable désir de l’imiter, il commença à demeurer aussi dans un lieu séparé du village, et s’il apprenait qu’il y avait quelqu’un qui travaillait avec soin pour s’avancer en cette sorte de vie, il imitait la prudence des abeilles en allant le voir ; et il ne s’en retournait pas sans l’avoir vu, afin de remporter de sa conversation quelques instructions qui lui serviraient à se former à la douceur des vertus chrétiennes. Ayant commencé ainsi, il fortifiait son esprit dans le dessein de servir Dieu ; il ne se souvenait plus ni de ses parents, ni de ses alliés, et ne pensait à autre chose qu’à s’employer de tout son pouvoir à acquérir la perfection de la vie solitaire ; il travaillait de ses mains, sachant qu’il est écrit : « Que celui qui ne travaille pas, ne doit pas manger » (2 Th 3, 10) ; et ne gardant que ce qu’il lui fallait pour vivre, il donnait le reste aux pauvres. Il priait très souvent, parce qu’il avait appris qu’il fallait sans cesse prier dans son cœur (1 Th 5) ; et il lisait avec tant d’attention, que n’oubliant jamais rien de ce qu’il avait lu, sa mémoire lui servait de livres. Cette manière de vivre le faisait aimer de tous. Il se soumettait avec joie aux serviteurs de Dieu qu’il allait visiter, et pour s’instruire de ce en quoi chacun d’eux excellait dans les exercices de la vie solitaire, il considérait l’humeur agréable de l’un et l’assiduité à prier de l’autre ; il observait quelle était la douceur d’esprit de celui-ci, et la bonté de celui-là ; il remarquait les veilles de l’un, et l’amour de l’étude d’un autre. Il admirait la patience des uns, et les jeûnes et les austérités de quelques autres qui n’avaient pour lit que la terre toute nue. Il se rendait attentif à voir la douceur de l’un et la constance de l’autre. Il gravait dans son cœur quel était leur amour à tous pour Jésus-Christ, et la charité qu’ils se portaient. Et ainsi rempli de toutes ces images, il s’en retournait dans sa solitude où, repassant en son esprit les vertus qu’il avait vues séparées en tant de personnes, il s’efforçait de les rassembler toutes en lui seul. Il n’était pas jaloux de ceux de son âge, si ce n’est à ne pas paraître le dernier dans les exercices de la vertu, mais même en cela même il fâchât personne ; au contraire ils en avaient de la joie, et ainsi tous ces saints amis qu’il avait dans son voisinage, et avec lesquels il communiquait, le voyant vivre de la sorte, l’appelaient le bien-aimé de Dieu, et le nommaient en le saluant, les uns leur fils, et les autres leur frère. CHAPITRE III Mais le démon, qui hait tout ce qui est digne de louange et qui voit toutes les bonnes actions des hommes, ne pouvant souffrir de voir une personne de cet âge se porter avec tant d’ardeur dans un tel dessein, résolut d’user contre lui de tous les efforts qui seraient en son pouvoir. La première tentation, dont il se servit pour le détourner de la vie solitaire, fut de lui mettre devant les yeux les biens qu’il avait quittés, le soin qu’il devait prendre de sa sœur, la noblesse de sa race, l’amour des richesses, le désir de la gloire, les diverses voluptés qui se rencontrent dans les délices, et tous les autres plaisirs de la vie. Il lui représentait d’un autre côté les extrêmes difficultés et les travaux qui se rencontrent dans l’exercice de la vertu, la faiblesse de son corps, le long temps qui lui restait encore à vivre ; et enfin, pour tâcher de le détourner de la sainte résolution qu’il avait prise, il éleva dans son esprit comme une poussière et un nuage épais de diverses pensées. Mais se trouvant trop faible pour ébranler un aussi ferme dessein que celui d’Antoine, et voyant qu’au lieu d’en venir à bout il était vaincu par sa constance, renversé par la grandeur de sa foi, et mis à terre par ses prières continuelles, alors, se confiant avec orgueil, selon les paroles de l’Ecriture (Job 11) aux armes de ses reins, qui sont les premières embûches qu’il emploie contre les jeunes gens, il s’en servit pour l’attaquer, le troublant la nuit, et le tourmentant le jour, de telle sorte que ceux qui se trouvaient présents voyaient le combat qui se passait entre eux. Le démon présentait à son esprit des pensées d’impureté ; mais Antoine les repoussait par ses prières. Le démon chatouillait ses sens ; mais Antoine, rougissant de honte, comme s’il y eut eu en cela de sa faute, fortifiait son corps par la foi, par l’oraison, et par les veilles. Le démon, se voyant ainsi surmonté, prit de nuit la figure d’une femme et en imita toutes les actions afin de le tromper. Mais Antoine, élevant ses pensées vers Jésus-Christ et considérant quelle est la noblesse et l’excellence de l’âme qu’il nous a donnée, éteignit ces charbons ardents dont il voulait par cette tromperie embraser son cœur. Le démon lui remit encore davantage devant les yeux les douceurs de la volupté ; mais Antoine, comme entrant en colère et en s’affligeant, se représenta les gênes éternelles dont les impudiques sont menacés, et les douleurs de ce remord qui, comme un ver insupportable, ronge pour jamais leur conscience. Ainsi en opposant ces saintes considérations à tous ces efforts, ils n’eurent aucun pouvoir pour lui nuire. Et quelle plus grande honte pouvait recevoir le démon, lui qui ose s’égaler à Dieu, que de voir une personne de cet âge se moquer de lui, et de se trouver terrassé par un homme revêtu d’une chair fragile, lui qui se glorifie, comme il le fait, d’être par sa nature toute spirituelle élevé au-dessus de la chair et du sang ! Mais le Seigneur qui, par l’amour qu’il nous porte, a voulu prendre une chair mortelle, assistait son serviteur et le rendait victorieux du démon afin que chacun de ceux qui combattent contre lui puisse dire avec l’Apôtre : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est en moi » (1 Co 15). Enfin, comme ce dragon infernal vit qu’il ne pouvait de cette manière surmonter Antoine qui l’avait si généreusement repoussé de son cœur, alors en grinçant des dents, ainsi qu’il est dit dans l’Ecriture (Mc 9), et tout transporté de fureur, il se présenta à lui sous la figure d’un enfant aussi noir qu’est son esprit, et, les tromperies lui ayant si mal réussi, il se confessa vaincu. Il ne l’aborda plus avec de simples raisonnements, mais prenant une voix humaine, il lui dit : J’en ai trompé plusieurs, et j’en ai surmonté encore davantage ; mais maintenant en voulant t’attaquer, ainsi que je l’ai fait bien d’autres fois, pour te faire sortir du chemin si laborieux où tu es entré, j’ai éprouvé ma faiblesse. Antoine lui demanda : Qui es-tu, qui me parle de la sorte ? Il répondit d’une voix lamentable : Je me nomme l’esprit de fornication, et c’est moi qui chatouille les sens des jeunes gens pour les porter à la volupté. Et combien en ai-je trompé qui avaient résolu de vivre chastement ? Je suis celui au sujet duquel le Prophète accuse ceux qui sont tombés dans le vice en leur disant : « Vous avez été trompé par l’esprit de fornication » ( ). Car c’était moi qui les avais surmontés. Je suis celui qui t’ai troublé tant de fois, et que tu as toujours repoussé. Antoine, rendant grâces à Dieu, et prenant encore de nouvelles force par ce discours, lui dit : Tu es donc bien méprisable, puisque tu as l’esprit si noir, et la faiblesse d’un enfant. Ainsi je n’ai plus garde de t’appréhender, ni de te craindre. « Car le Seigneur est ma force et je mépriserai tous les ennemis » (Ps 117). Cet esprit de ténèbres, étonné par ces paroles, s’enfuit à l’instant et craignait de l’approcher. reconnaissant comme leur Père, étaient sou
17 JANVIER: SAINT ANTOINE – Historique Vie de Saint Antoine par St Athanase
16 janvier, 2014http://missel.free.fr/Sanctoral/01/17.php
17 JANVIER: SAINT ANTOINE
Historique Vie de Saint Antoine par St Athanase
Antoine, né vers 251 en Haute Egypte, avait dix-huit ans lorsque moururent ses parents, chrétiens à la fortune considérable, qui lui laissaient le soin d’élever sa petite sœur. Observant et pratiquant, il fut un jour vivement frappé par cette invitation de Jésus : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel : viens et suis-moi ! » (Mat, XIX 21). Il obéit, mais fit toutefois une réserve des ressources nécessaires à sa sœur. Bientôt il fut impressionné par une autre parole du Sauveur : « Ne vous mettez pas en peine du lendemain. » (Mat, VI 34). Il se débarrassa de sa réserve, confia sa sœur à une communauté de vierges, et se retira dans une solitude voisine de Qéman, entre Memphis et Arsinoé ; conduit par un vieil ascète, Antoine partagea son temps entre la prière et le travail. Cette demi-retraite ne lui suffit pas longtemps ; quand sa réputation lui amena trop des visiteurs, il se réfugia dans un des anciens tombeaux égyptiens de la montagne où, de temps à autre, un ami lui apportait des provisions. Là commencèrent ses tribulations : le démon lui livrait de furieuses attaques. Un matin l’ami charitable le trouva étendu inanimé sur le sol ; il le rapporta au village où, le croyant mort, on prépara ses funérailles. Antoine reprit ses sens et demanda à être ramené immédiatement dans sa grotte. Les assauts du démon continuèrent. Antoine chercha une retraite encore plus profonde, au delà du Nil. Vingt ans, il vécut enfermé dans un château ruiné, toujours aux prises avec Satan. « Le diable, qui hait tout ce qui est digne de louange et qui envie toutes les bonnes actions des hommes… résolut d’user contre lui de tous les efforts qui seraient en sa puissance. La première tentation dont il se servit pour le détourner de la vie solitaire, fut de lui mettre devant les yeux les biens qu’il avait quittés, le soin qu’il était obligé d’avoir de sa sœur, la noblesse de sa race, l’amour des richesses, le désir de la gloire, les diverses voluptés qui se rencontrent dans les délices, et tous les autres plaisirs de la vie. Il lui représentait d’un côté les extrêmes difficultés et les travaux qui se rencontrent dans l’exercice de la vertu, la faiblesse de son corps, le long temps qui lui restait encore à vivre ; et, enfin, pour tâcher de le détourner de la sainte résolution qu’il avait prise, il éleva dans son esprit comme une poussière et un nuage épais de diverses pensées. Mais se trouvant trop faible pour ébranler un aussi ferme dessein que celui d’Antoine, et voyant qu’au lieu d’en venir à bout, il était vaincu par sa constance, renversé par la grandeur de sa foi et porté par terre par ses prières continuelles, alors, se confiant avec orgueil, selon les paroles de l’Évangile, aux armes de ses reins, qui sont les premières embûches qu’il emploie contre les jeunes gens, il s’en servit pour l’attaquer, le troublant la nuit et le tourmentant de jour, de telle sorte que ceux qui se trouvaient présents voyaient le combat qui se passait entre eux. Le démon présentait à son esprit des pensées d’impureté, mais Antoine les repoussait par ses prières. Le démon chatouillait ses sens, mais Antoine rougissait de honte, comme s’il y eût en cela de sa faute, fortifiait son corps par la foi, par l’oraison et par les veilles. Le démon se voyant ainsi surmonté, prit de nuit la figure d’une femme et en imita toutes les actions afin de le tromper ; mais Antoine élevant ses pensées vers Jésus-Christ et considérant quelle est la noblesse et l’excellence de l’âme qu’il nous a donnée, éteignit ces charbons ardents dont il voulait, par cette tromperie, embraser son cœur. Le démon lui remit encore devant les yeux les douceurs de la volupté, mais Antoine, comme entrant en colère et s’en affligeant, se représenta les gênes mortelles dont les impudiques sont menacés et les douleurs de ce remords qui, comme un ver insupportable, rongera pour jamais leur conscience. Ainsi, en opposant ces saintes considérations à tous ces efforts, ils n’eurent aucun pouvoir de lui nuire. Et quelle plus grande honte pouvait recevoir le démon, lui qui ose s’égaler à Dieu, que de voir une personne de cet âge se moquer de lui et que, se glorifiant comme il fait, d’être par sa nature toute spirituelle élevé au-dessus de la chair et du sang, de se trouver terrassé par un homme revêtu d’une chair fragile ? Mais le Seigneur qui, par l’amour qu’il nous porte, a voulu prendre une chair mortelle, assistait son serviteur et le rendait victorieux du diable. » (Saint Athanase, Vie de Saint Antoine) Sollicité par les visiteurs qui venaient lui demander ou des miracles ou une règle de vie, il établit en 305 des ermitages où ses disciples, attentifs à ses discours et s’inspirant de ses exemples, pratiquaient un héroïque détachement. En 311, Antoine entendit dire que la persécution de Maximin ensanglantait l’Egypte ; il descendit à Alexandrie pour encourager les martyrs et partager leurs souffrances. Il s’attendait à être mis à mort, mais il ne fut pas inquiété. L’année suivante, il reprit le chemin de sa solitude ; animé d’une sainte émulation, il s’y imposa des jeûnes et des veilles plus austères. Il s’enfonça dans le désert de la Haute Egypte pour fixer sa résidence au mont Qualzoum, appelé plus tard Mont Saint Antoine, où il s’installa près d’une source, au milieu d’une palmeraie. Il cultivait lui-même un petit jardin pour aider à sa subsistance. Les disciples restés près du Nil construisirent le monastère de Pispir où Antoine les venait visiter à intervalles réguliers. Dans ses dernières années, il permit à deux de ses disciples, Macaire et Amathas, de rester près de lui. De 312 jusqu’à sa mort, Antoine demeura dans son ermitage où il y recevait des visiteurs animés de dispositions fort diverses : les uns lui demandant des miracles ou des enseignements, les autres cherchaient à l’embarrasser, comme ces philosophes grecs ou ces ariens qu’il réduisit au silence. Athanase, son futur biographe, y vint à plusieurs reprises ; l’empereur Constantin lui écrivit pour se recommander à ses prières. Vers 340, se place la rencontre d’Antoine et de l’ermite Paul dans les circonstances qu’a décrites saint Jérôme, dans la vie du second. Antoine ambitionnait d’imiter plus parfait que lui ; il apprit en songe qu’un anachorète, riche en mérites, vivait depuis longtemps dans une partie du désert qu’il croyait inhabitée. Sans tarder, il se mit à la recherche du saint homme, parvint non sans peine jusqu’à sa cellule, mais la trouva fermée. Paul qui l’avait pressenti, ne veut voir aucun être humain. Enfin, Paul céda aux instances réitérées d’Antoine, et les deux ermites tombèrent dans les bras l’un de l’autre, se saluant mutuellement par leur nom, s’entretenant des choses de Dieu, pendant qu’un corbeau apportait leur nourriture, un pain entier ce jour-là. On sait comment Paul mourut en l’absence de son visiteur, et reçut d’Antoine la sépulture dans une fosse que creusèrent deux lions du désert. Sur la fin de sa vie, Antoine descendit une seconde fois à Alexandrie où il convertit nombre d’hérétiques et d’infidèles. Peu après son retour, il annonça à ses deux disciples sa mort prochaine, leur fit promettre de ne révéler à personne le secret de sa tombe, légua à saint Athanase son manteau de peau et celui sur lequel il dormait. Il expira doucement en 356, un 17 janvier selon la tradition. Bien qu’il n’ait pas laissé de règle écrite, Antoine fut vraiment l’initiateur du monachisme. Antoine voulut que sa tombe fût secrète pour que l’on n’honorât pas ses reliques, mais son corps fut retrouvé et transféré à Alexandrie, puis à Constantinople (vers 633) où une église fut bâtie sous son vocable. Des documents du XIII° siècle, conservés à l’abbaye de Saint-Antoine de Viennois, attestaient que le corps fut apporté en Occident par un seigneur du Dauphiné, Jocelin, fils du comte Guillaume, qui l’aurait reçu de l’empereur de Constantinople, lors d’un pèlerinage en Terre Sainte. Aymar Falcon qui s’est servi de ces documents (XVI° siècle), place ce pèlerinage vers 1070, et la translation des reliques de saint Antoine à la Motte-Saint-Didier sous Urbain II. La localité prit le nom de Saint-Antoine-de-Viennois. Le culte de saint Antoine en Occident qui est devenu très populaire depuis cette époque, a pris son extension à l’occasion d’un mal étrange, une sorte de fièvre désignée sous les noms de feu sacré, de feu morbide, de feu infernal ou de feu de saint Antoine, le saint guérissant de ce mal ceux qui avaient recours à son intercession. Le noble Gaston, ayant avec son fils bénéficié de cette faveur, fonda à Saint-Antoine-de-Viennois un hôpital et une confrérie dont les membres devaient consacrer leur vie à soigner les malheureux atteints de ce mal. La confrérie, approuvée au concile de Clermont par Urbain II, fut confirmée comme ordre hospitalier par Honorius III (1228). Telle fut l’origine des Antonins qui furent chargés de la garde du sanctuaire et des reliques, enlevés aux bénédictins de Montmajour.
Vie de Saint Antoine Je vois que le Seigneur m’appelle à lui, et ainsi, je vais, comme il est écrit, entrer dans le chemin de mes pères. Continuez en votre abstinence ordinaire. Ne perdez pas malheureusement le fruit des saints exercices auxquels vous avez employé tant d’années, mais, comme si vous ne faisiez que commencer, efforcez-vous de demeurer dans votre ferveur ordinaire. Vous savez quelles sont les embûches des démons. Vous connaissez leur cruauté et n’ignorez pas aussi leur faiblesse. Ne les craignez donc point, mais croyez en Jésus-Christ et ne respirez jamais autre chose que le désir de le servir. Vivez comme chaque jour croyant devoir mourir. Veillez sur vous-mêmes et souvenez-vous de toutes les instructions que je vous ai données… Travaillez de tout votre pouvoir pour vous unir premièrement à Jésus et puis aux saints, afin qu’après votre mort ils vous reçoivent, comme étant de leurs amis et de leur connaissance, dans les tabernacles éternels. Gravez ces choses dans votre esprit. Gravez-les dans votre cœur… Ensevelissez-moi donc et me couvrez de terre ; et, afin que vous ne puissiez manquer à suivre mon intention, faites que nuls autres que vous ne sachent le lieu où sera le corps que je recevrai incorruptible de la main de mon Sauveur lors de la résurrection. Quant à mes habits, distribuez-les ainsi : donnez à l’évêque Athanase une de mes tuniques et le manteau que j’ai reçu de lui tout neuf et que je lui rends tout usé. Donnez mon autre tunique à l’évêque Sérapion, et gardez pour vous mon cilice. Adieu, mes chers enfants. Antoine s’en va et n’est plus avec vous. Saint Athanase
Psaume 51 , David réprimandé par Nathan se repent de son péché
15 janvier, 2014ÉGLISE CATHOLIQUE ET MÉDITATION
15 janvier, 2014http://www.pere-moniale.com/eglise-catholique-meditation/eglise-catholique-2-texte-reference.html
ÉGLISE CATHOLIQUE ET MÉDITATION
Texte de référence
par le Père Patrice Gourrier
EN 1989, LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER, FUTUR PAPE BENOÎT XVI, alors Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi écrivit une Lettre aux Evêques de l’Eglise Catholique sur quelques aspects de la méditation chrétienne . Dans celle-ci, le pape, tout en donnant des repères dogmatiques sur la méditation chrétienne, souligna les apports des autres religions en ce domaine et particulièrement des religions orientales, ainsi que de la place du corps dans celle-ci.
Extraits : Dans ce texte écrit il y a plus de vingt ans, le pape constate le désir de nombre de nos contemporains d’apprendre à méditer, n’hésitant pas pour certains catholiques à se tourner vers des religions orientales. Il prend aussi en compte l’aspect thérapeutique de certaines méthodes. Ne rejetant rien à priori, il se propose de donner un certain nombre de répères pour que ne soit pas perdue de vue la spécificité de la méditation chrétienne.
“Chez beaucoup de chrétiens de notre temps, le désir est très vif d’apprendre à prier d’une manière authentique et approfondie, malgré les nombreuses difficultés que la culture moderne oppose à l’exigence ressentie de silence, de recueillement et de méditation. L’intérêt que des formes de méditation liées à certaines religions orientales et à leurs modes particuliers de prière ont suscité ces dernières années, même parmi les chrétiens, est un signe non négligeable de ce besoin de recueillement spirituel et de profond contact avec le mystère divin. Toutefois, face à ce phénomène, on a aussi ressenti de divers côtés la nécessité de pouvoir disposer de critères sûrs, au plan doctrinal et pastoral, qui permettent d’éduquer à la prière, dans ses multiples manifestations, tout en demeurant dans la lumière de la vérité révélée en Jésus, grâce à l’authentique tradition de l’Église. La présente Lettre entend répondre à cette urgence, afin que dans les diverses Églises particulières, la pluralité des formes de prière, y compris les nouvelles, ne fasse jamais perdre de vue leur nature précise, personnelle et communautaire. Ces indications sont adressées avant tout aux évêques, afin qu’ils en fassent l’objet de leur sollicitude pastorale à l’égard des Églises qui leur sont confiées, de sorte que tout le Peuple de Dieu – prêtres, religieux et laïcs – soit invité à prier avec une vigueur nouvelle Dieu notre Père, dans l’Esprit du Christ notre Seigneur. Le contact toujours plus fréquent avec d’autres religions et leurs différents styles et méthodes de prière a, durant ces dernières décennies, conduit de nombreux fidèles à s’interroger sur la valeur que peuvent avoir pour les chrétiens des formes non chrétiennes de méditation. La question concerne surtout les méthodes orientales. Certains s’adressent aujourd’hui à ces méthodes pour des raisons thérapeutiques : l’instabilité spirituelle d’une vie soumise au rythme obsédant de la société technologiquement avancée pousse aussi un certain nombre de chrétiens à chercher en elles la voie de la tranquillité intérieure et de l’équilibre psychique. Cet aspect psychologique ne sera pas considéré dans la présente Lettre, qui entend au contraire mettre en évidence les implications théologiques et spirituelles du problème. D’autres chrétiens, dans le sillage du mouvement d’ouverture et d’échange avec les religions et les cultures diverses, sont d’avis que leur prière a beaucoup à gagner en s’inspirant de ces méthodes. Observant que dans des temps récents, bien des méthodes de méditation spécifiques au christianisme sont tombées dans l’abandon, ces chrétiens se demandent : ne serait-il pas alors possible, par une nouvelle éducation à la prière, d’enrichir notre héritage, en y incorporant aussi ce qui lui était jusqu’ici étranger ? Pour répondre à cette question, il faut avant tout considérer, ne fût-ce qu’à grands traits, en quoi consiste la nature intime de la prière chrétienne, pour voir ensuite si et comment elle peut être enrichie par des méthodes de méditation nées dans le contexte de religions et de cultures différentes. À cette fin, il est nécessaire de formuler une observation préliminaire fondamentale. La prière chrétienne est toujours déterminée par la structure de la foi chrétienne, dans laquelle resplendit la vérité même de Dieu et de la créature. C’est pourquoi elle se présente, à proprement parler, comme un dialogue personnel, intime et profond, entre l’homme et Dieu. Elle exprime donc la communion des créatures rachetées à la vie intime des Personnes trinitaires. Dans cette communion qui se fonde sur le baptême et l’Eucharistie, source et sommet de la vie de l’Église, est impliquée une attitude de conversion, un exode du “moi” vers le “Tu” de Dieu. La prière chrétienne est donc toujours en même temps authentiquement personnelle et communautaire. Elle repousse les techniques impersonnelles ou centrées sur le moi, capables de produire des automatismes dans lesquels celui qui prie reste prisonnier d’un spiritualisme intimiste, incapable d’une libre ouverture au Dieu transcendant. Dans l’Église, la légitime recherche de nouvelles méthodes de méditation devra toujours considérer que pour une prière authentiquement chrétienne, il faut essentiellement la rencontre de deux libertés : la liberté infinie de Dieu et la liberté finie de l’homme. [...]
Questions de méthode La majeure partie des grandes religions qui ont cherché l’union avec Dieu dans la prière, ont aussi indiqué des voies pour l’atteindre. Comme “l’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions”, on ne devra pas rejeter a priori ces indications parce que non chrétiennes. On pourra au contraire recueillir en elles ce qui s’y rencontre d’utile, à condition de ne jamais perdre de vue la conception chrétienne de la prière, sa logique et ses exigences, puisque c’est à l’intérieur de cette totalité que ces fragments devront être reformulés et assumés. Parmi eux, on peut compter avant tout l’humble acceptation d’un maître expert dans la vie de prière et de ses directives ; c’est là une chose dont on a toujours eu conscience dans l’expérience chrétienne, depuis les temps anciens, dès l’époque des Pères du désert. Ce maître, expert dans le “sentire cum Ecclesia”, doit non seulement guider et appeler l’attention sur certains dangers, mais comme “père spirituel”, il doit aussi introduire d’une manière vivante, dans le cœur à cœur, dans la vie de prière qui est un don de l’Esprit Saint. [...] Soulignant l’importance du corps dans la prière, le pape dresse un panorama des différentes approches et notamment orientales, mettant en garde le ‘pratiquant non informé’ sur certaines méthodes qui peuvent présenter des contre indications dans la démarche spirituelle. Il termine par un développement sur la prière de Jésus, prière sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir sur ce site.
Méthodes psychophysiques et corporelles L’expérience humaine démontre que la position et l’attitude du corps ne sont pas sans influence sur le recueillement et la disposition de l’esprit. C’est là une donnée à laquelle certains auteurs spirituels de l’Orient et de l’Occident chrétien ont prêté attention. Leurs réflexions, tout en présentant des points communs avec les méthodes orientales non chrétiennes de méditation, évitent les exagérations ou les unilatéralités qui, par contre, sont souvent proposées aujourd’hui à des personnes insuffisamment préparées. Ces auteurs spirituels ont adopté les éléments qui facilitent le recueillement dans la prière, reconnaissant en même temps aussi leur valeur relative : ceux-ci sont utiles s’ils sont reformulés en vue du but de la prière chrétienne . Ainsi, par exemple, le jeûne possède avant tout, dans le christianisme, la signification d’un exercice de pénitence et de sacrifice ; mais déjà chez les Pères, il avait aussi pour fin de rendre l’homme plus disponible à la rencontre avec Dieu, et le chrétien plus capable de se dominer et en même temps plus attentif à ceux qui sont dans le besoin. Dans la prière, c’est l’homme tout entier qui doit entrer en relation avec Dieu, et donc son corps aussi doit prendre la position la mieux adaptée au recueillement. Cette position peut exprimer d’une manière symbolique la prière elle-même, variant selon les cultures et la sensibilité personnelle. Dans certaines zones, les chrétiens acquièrent aujourd’hui une conscience plus grande du fait que l’attitude du corps peut favoriser la prière. La méditation chrétienne de l’Orient a valorisé le symbolisme psychophysique, souvent absent de la prière de l’Occident. Il peut aller d’une attitude corporelle déterminée jusqu’aux fonctions vitales, comme la respiration et le battement cardiaque. Ainsi l’exercice de la “prière de Jésus”, qui s’adapte au rythme respiratoire naturel, peut – au moins pour un certain temps – être d’une aide réelle à beaucoup. D’autre part, les mêmes maîtres orientaux ont aussi constaté que tous ne sont pas également aptes à utiliser ce symbolisme, parce que tous ne sont pas en mesure de passer du signe matériel à la réalité spirituelle recherchée. Compris d’une manière inadéquate et incorrecte, le symbolisme peut même devenir une idole, et par conséquent un obstacle à l’élévation de l’esprit vers Dieu. Vivre dans le cadre de la prière toute la réalité de son propre corps comme symbole est encore plus difficile : cela peut dégénérer dans un culte du corps, et porter à identifier subrepticement toutes ses sensations avec des expériences spirituelles. Certains exercices physiques produisent automatiquement des sensations de quiétude et de détente, des sentiments gratifiants, voire même des phénomènes de lumière et de chaleur qui ressemblent à un bien-être spirituel. Les prendre pour d’authentiques consolations de l’Esprit Saint serait une manière totalement erronée de concevoir le cheminement spirituel. Leur attribuer des significations symboliques typiques de l’expérience mystique, alors que l’attitude morale de l’intéressé ne lui correspond pas, représenterait une sorte de schizophrénie mentale, pouvant même conduire à des troubles psychiques et parfois à des aberrations morales. Cela n’empêche pas que d’authentiques pratiques de méditation provenant de l’Orient chrétien et des grandes religions non chrétiennes, qui attirent l’homme d’aujourd’hui divisé et désorienté, puissent constituer un moyen adapté pour aider celui qui prie à se tenir devant Dieu dans une attitude de détente intérieure, même au milieu des sollicitations extérieures. Il faut toutefois rappeler que l’union habituelle à Dieu, à savoir cette attitude de vigilance intérieure et d’invocation de l’aide divine que le Nouveau Testament nomme la “prière continuelle”, ne s’interrompt pas nécessairement lorsque l’on s’adonne aussi, selon la volonté de Dieu, au travail et au soin du prochain. “Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu”, nous dit l’Apôtre (1 Co 10, 31). En effet, comme le soutiennent les grands maîtres spirituels, la prière authentique réveille en ceux qui prient une ardente charité, qui les pousse à collaborer à la mission de l’Église et au service de leurs frères, pour la plus grande gloire de Dieu.”
CHEMINS DU DÉSIR DANS L’ANCIEN TESTAMENT
15 janvier, 2014http://www.finesettimana.org/pmwiki/?n=Db.Sintesi?num=138
(cette étude est très intéressante , à mon avis , je m’allonge avec Google , des erreurs et il ya bizarreries , mais je pense que vous pouvez lire aussi)
CHEMINS DU DÉSIR DANS L’ANCIEN TESTAMENT
résumé du rapport de Rinaldo Fabris
Verbania Pallanza 13 Novembre 1999
Contrairement à ce qui a été dit aussi par une relecture de Paul en termes dualistes, alors aggravée par le conflit entre catholiques et luthériens sur la « convoitise », le monde des passions n’est pas caractérisé dans la Bible en termes négatifs, comme si la rencontre avec Dieu peut se produire seulement libéré du corps, les émotions, les passions, les désirs. La Bible hébraïque est pleine d’hommes, et même certaines femmes, les désirs croisés. Ezéchiel a été appelé par Dieu « homme de désirs ». Nombreux sont les protagonistes d’histoires d’amour, la jalousie, les querelles, et pas seulement entre les hommes et les femmes (voir Jonathan et David.) Mais en plus de deux désirs exposés par l’intervenant précédent (Vigna), que de manger et de boire et que de faire l’amour, il est peut-être un désir plus puissant, celui de la puissance, le succès, défendre et promouvoir leur identité? Et «C’est le premier désir que vous rencontrez dans la Bible.
Une. le drame du désir dans le jardin d’Eden Dieu crée un jardin idéal, un monde idéal, plein d’eau et des arbres « , agréables à voir et bons à manger », centrée sur l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Pour l’homme, présenté comme étant responsable pour le jardin qui est à sa disposition, est payé comme non-accès à l’arbre de la connaissance du bien et du mal comme une condition pour vivre. désir, déclenchée par le dialogue avec le serpent («Vous serez comme des enfants de Dieu sont capables de connaissant le bien et le mal »), est le désir de l’infini, comme une condition de la réussite, de la puissance. Et depuis que l’homme a pu prendre possession de la connaissance et de la puissance, pourraient accéder à la vie non comme un don mais comme une propriété et le vol qualifié, est chassé du jardin. Les rapports sont brisés. Eva abordera leur désir d’Adam qui va dominer.
2. le conflit du désir dans Caïn Dans le couple des frères est représentée la diversité (autre que l’acceptation du sacrifice de la part de Dieu), d’où vient le désir menaçant, les conflits, la violence. Dieu invite Cain à dominer l’instinct, le désir du péché, présenté comme bête menaçante.
3. la cupidité des gens dans le désert (Nombres 11,4 à 35) Le temps du désert est le temps de l’épreuve. où les voeux occasion et la raison de la rébellion et de la mort. (Paul fera référence à cet épisode dans 1 Cor 10). d ‘gens, libérés de l’esclavage de l’Égypte et voyage au pays de la liberté, fatigué de la manne et la saveur des pâtes cuites avec de l’huile, prises par la cupidité, il se plaint avec Moïse, regrettant les goûts épicés de l’époque de l’esclavage. Dieu promet de donner la viande avec une telle abondance que susciter la nausée et affecte les gens pour leur cupidité. émerge ici le problème de l’ambivalence du désir: vous pouvez vivre des relations justes dans la famille, entre frères et sœurs ou entre contrôle différent désirer? La nécessité pour la vie, manger, la sécurité est ambigu et peut conduire à l’enfouissement plutôt que de la terre de la liberté.
4. « Non desiderare» (Es 20.17; 5,21 DT) Le Décalogue, ou dix mots, avant d’être une liste d’interdictions ou de commandes est une indication de la façon d’obtenir le droit vie et heureux. « Tu ne convoiteras pas » est la seule indication répétée deux fois. Le libellé différent du dernier commandement de l’Exode et du Deutéronome se traduira par la tradition des Eglises d’Occident (contrairement judaïsme et les Églises orientales) en deux commandements distincts. désir en question n’est pas d’abord un simple état ??de l’esprit ou un sentiment, mais un comportement qui découle de la volonté, de sorte que « ne convoiteras pas la maison de ton prochain » devraient être traduits comme suit: « . ne font rien pour mettre la main sur la maison de votre voisin » Selon les dix mots de la condition de vivre dans la liberté est que personne ne prend la place de Dieu et du prochain, un membre de l’alliance, pour être sûr. Alors n’essayez pas de tout ce qui est essentiel pour la vie, la propriété, et entre eux, dans le centre, sa femme (vue patriarcal.) Le « Tu ne convoiteras pas la femme» comme «Tu ne commettras pas d’adultère» (sixième commandement) n’est pas un problème de désirs impurs, désirs de contrôle sexuel, mais ne pas tenter la dignité des autres (Paul dans Romains 13 dit que le « ne veulent pas » se résume dans l’amour des autres.) Dans cette perspective, le désir n’est pas l’internalisation interdictions précédentes. Le fait que les dix mots sont presque tous mis en place par ne signifie pas que le Décalogue présenter une morale négative et que seul le christianisme est passé de négatif à une morale positive, et une extérieure à une morale intérieure. Le «non» exprime la forme apodictique des lois absolues, plus vaste et plus exigeant que positif. Ce sont des principes de vie. L’internalisation est déjà dans l’Ancien Testament. La fidélité à Dieu que celui que vous vivez en bonne relation avec les autres, intériorisée avec l’indication de « ne pas vouloir. »
5. le désir dans la tradition de la sagesse. Le thème de « ne pas convoiter » est incorporé dans le Décalogue emploi (31,1-2.7-9). En décrivant le portrait dell’osservante emploi souligne l’importance de ne pas porter atteinte à ce qui appartient à ton prochain. Dans les Proverbes (6,24 à 29) soutient la nécessité de contrôler nos désirs, de ne pas être séduit par l’étranger prostituée … l’issue est fatale Jésus Ben Sirach enseigne aux jeunes comment se comporter avec les femmes (Sir 9,1 à 9) parce que la passion ne glisse en ruine, échoué dans la vie … L’accomplissement du désir est la source de la vie (Proverbes 13:19) En face de la conscience de la limite radical, que tout est sans texture, l’Ecclésiaste vous invite à profiter du calme de l’esprit avec tout ce que vous avez. Dieu a destiné des êtres humains à jouir des bonnes choses de la vie et de positif, de ne pas piller comme propriétaires fonciers, mais pour être accepté comme un cadeau.
6. Le désir de Dieu Dans le Psaume 63 parle de la volonté de Dieu avec le langage métaphorique de manger, de boire, réunion de l’amour. Ces images sont transfigurées par l’expérience du désir de l’infini. ‘s l’expérience de guides de prière et donne vie à ses désirs.
conclusions Le désir de l’infini et du désir interdit ne sont pas deux pôles alternatifs. Le désir de l’infini est une vocation, pas une malédiction. Il nous permet de voir un plus grand horizon dans les petites collectivités dans lesquelles nous vivons, ceux de manger, de boire, réunion … Le désir de l’infini n’est pas réalisé avec le vol de l’arbre de la connaissance, le pouvoir, la liberté (à réclamer que la propriété), mais aussi en cadeau de bienvenue. Le « ne pas convoiter » n’est pas une invitation à diaboliser ou supprimer désirs, mais de les éduquer et de les guider. La réalisation du désir se produit pas prendre la place de Dieu, mais en acceptant les cadeaux. Le désir qui naît de la nécessité de vivre peut se terminer par la mort si vous cédez à la tentation de prendre la place de Dieu, et si vous ne parvenez pas en bonne relation avec l’autre, tendre l’autre dans l’objet plutôt que le sujet de la réunion.
Jésus remarquable capacité de hall de gare officiant, Tabor (Google traduction du chinois)
14 janvier, 2014DES FEMMES ACCOMPAGNAIENT JÉSUS
14 janvier, 2014http://www.ssccjm.org/spiritualite/femmesbible/lesfemmesdanslabible_desfemmesaccompagnejesus.html
DES FEMMES ACCOMPAGNAIENT JÉSUS
On comprend que des femmes qui avaient par Jésus recouvré leur intégrité physique ou morale, des femmes guéries « sauvées », se soient attachées à Jésus. Or, Jésus a laissé un groupe de femmes se joindre à celui de ses disciples. Nous ignorons dans quelle mesure il l’a provoqué. Mais c’est un fait, à la vérité exceptionnel et qui paraît unique en Palestine. « Jésus proclamait et annonçait la bonne nouvelle du Règne de Dieu. Les Douze étaient avec lui et aussi des femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladie : Marie, dite de Magdala, dont étaient sortis sept démons; Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode; Suzanne et beaucoup d’autres qui les aident de leurs biens. » L’on peut se demander comment était considéré de l’extérieur ce groupe de femmes dont beaucoup étaient d’anciennes malades et certaines sans doute d’anciennes prostituées. Jésus a accepté des présences qui ne devaient pas contribuer à sa réputation. Ce ne sont pas des femmes idéales qui suivent Jésus. On s’est souvent demandé pourquoi Jésus n’avait pas choisi de femmes dans le collège des Douze (ou parmi les soixante-douze). C’est une question pour le moins incongrue lorsqu’on connaît le statut de la femme juive au temps de Jésus. Elles ne pouvaient pas prêcher en public, encore moins dans les synagogues où elles n’avaient pas le droit de parler ni même d’être en vue. Comment ces femmes, à qui était refusé le « témoignage » auraient-elles pu porter un message public ? Du moins faut-il dire que, dès l’origine, la Bonne Nouvelle fut colportée à la fois par des hommes et par des femmes. Nous saurions bien peu de choses de ces femmes qui ont dû peu compter aux yeux de leurs collègues masculins si, par un de ces retournements dont Dieu seul a le secret, ces femmes, fidèles à Jésus jusqu’à la croix et à l’ensevelissement, n’allaient être les premières informées de la Résurrection.
Les femmes et la Résurrection Après la mort de Jésus, les hommes se cachent (Mc 16, 8; Jn 20, 19), mais les femmes, qu’ont-elles à perdre ? Leur reconnaissance et leur amour sont plus forts que la mort. Elles suivent une logique dont on pourrait dire qu’elle est celle du cœur, car enfin qui roulera la pierre du tombeau?… Or, la pierre est roulée, la tombe vide. C’est l’effroi et le message : « Pourquoi chez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici; il est ressuscité. » (Lc 24, 6). Les femmes sont donc chargées du message qui est le Roc de la foi chrétienne; c’est un point sur lequel on semble avoir peu réfléchi. Luc (encore lui) souligne que les hommes ne les ont pas crues; ces récits de femmes leur apparaissent comme un délire (Lc 24, 10-11). Pierre se rend au tombeau, et lorsque Jésus eut apparu à Pierre, la chose est sérieuse (Lc 24-34).
Prier avec les femmes de la Bible Dans la plus ancienne confession de foi chrétienne sur la Résurrection (1 Co 15, 5), l’ordre des témoins de la Résurrection est hiérarchique : Pierre d’abord, ensuite les Douze. Il n’y est pas question des femmes; Juridiquement, leur témoignage n’est pas acceptable. Il ne semble pourtant pas que le Ressuscité ait suivi la même « logique » que celle de ses disciples masculins. Dans la finale de Marc (16, 14), Jésus reproche aux Onze leur incrédulité et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru à ceux qui l’avaient vu ressuscité. Or qui donc n’avait pas été cru, sinon en premier lieu les femmes ?
Beaucoup d’autres femmes En plus de celles évoquées, traversent l’Évangile : femmes en chair et en os, ou femmes fictives des paraboles de Jésus, tout aussi vivantes d’ailleurs. Femmes de tous âges et en toutes situations : adolescentes comme la fille de Jaïre ou vieilles femmes comme Élisabeth, Anne la prophétesse, ou la belle-mère de Pierre… jeunes filles dans la joyeuse attente d’une fête de mariage (les vierges folles ou les vierges sages), heureuses épouses, mères comblées ou mères désolées (la Syro-phénicienne, la veuve de Naïn), veuves (Anne, la veuve importune), célibataires comme peut-être Marthe et Marie, les sœurs de Lazare… femme qui accouche, femme qui moud son blé, pétrit son pain ou balaie sa maison; femmes qui bavardent avec leurs voisines ou pleurent sur le passage du condamné… Jésus a posé son regard sur chacune de ces femmes, sur chacune de ces situations. Il est le premier rabbi de la tradition juive à employer des personnages féminins dans ses paraboles. Cela est significatif. Si la femme est faite, comme l’homme, à l’image de Dieu, sa vie, si ordinaire qu’elle soit, a quelque chose à nous dire du mystère de Dieu. Dès lors, tout change pour la femme… Jésus, par son attitude, nous révèle le dessein d’amour de Dieu sur la femme tout autant que sur l’homme.
2. Les femmes et Paul Les affirmations de l’apôtre Paul au sujet des femmes, voilà le sujet le plus épineux dans le dossier; il a fait couler beaucoup d’encre et déverser bien des paroles, tant du côté de ceux et celles qui accusent Paul de misogynie que de ceux qui l’en défendent. Mon propos n’est pas d’envisager et de régler toutes les questions soulevées par les textes attribués à Paul. J’ai surtout l’intention de présenter les femmes que Paul nous fait connaître comme ses principales collaboratrices. Reste que sa visée fondamentale, Paul l’indique dans un passage célèbre : « Vous êtes tous, par la foi, fils de Dieu en Jésus-Christ… Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni l’homme ni la femme; car vous n’êtes qu’un dans le Christ. » (Ga 3, 26-28). En tous cas, sa pratique témoigne de l’estime qu’il porte à celles qui ont été ses collaboratrices dans la mission. Paul a eu le don de s’adjoindre d’importantes collaboratrices dont il a d’ailleurs plus d’une fois reconnu la valeur et le mérite dans ses lettres. Parmi toutes ces femmes, s’en détachent quelques-unes. Comme, par exemple, cette Phébée, que Paul salue comme sa « sœur et comme diaconesse de la communauté de Cenchrées », à Corinthe… Diaconesse : ce titre que Paul se donnait à lui-même et à son frère Timothée, il n’hésite pas ici à l’attribuer en toute égalité à sa « sœur » Phébée. C’est dire à quel point Paul valorisait le travail de cette femme missionnaire, animatrice et éducatrice de la foi dans sa communauté chrétienne locale (Romains 16, 1-3). Priscille fut une autre excellente collaboratrice de Paul au cours de ses voyages apostoliques (Actes 18, 1-4. 20-22. 24-26 ; Romains 16, 3-5). C’est à Corinthe qu’on la rencontre pour la première fois. Elle vient d’y entrer avec son mari Aquilas; elle a dû quitter Rome, car l’empereur Claude avait donné l’ordre d’expulser tous les Juifs de la ville. L’arrivée du couple à Corinthe change la vie de Paul : il ne met pas de temps à les connaître et à se lier d’une grande amitié avec eux. Il faut dire que les trois, Priscille, Aquilas et Paul, exercent le même métier : ils sont faiseurs de tentes. C’est en travaillant ensemble qu’ils découvrent une même passion pour l’annonce de la Bonne Nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus. Ils décident alors d’habiter ensemble : Priscille et son mari ouvrent leur maison à leur ami. C’est ainsi que Paul se consacre à la formation de ses amis pour en faire des collaborateurs dans la prédication de l’Évangile aux Corinthiens. Priscille est impressionnée par le témoignage de vie et l’engagement apostolique de son maître. Aussi, quand Paul lui laisse entendre qu’il va quitter Corinthe pour aller à Éphèse, elle veut le suivre. Aquilas consent bien volontiers à les accompagner. À sa grande joie, Paul découvre à Éphèse une Église solidement affermie. Il décide alors de ne pas s’y installer, escomptant que Priscille et son mari peuvent fort bien y poursuivre l’œuvre d’évangélisation. Sa confiance n’est pas déçue. Priscille ouvre sa maison pour y accueillir la communauté chrétienne. Appuyée sur son mari, elle prend l’initiative de s’offrir pour compléter la formation théologique et biblique d’un lettré juif d’Alexandrie : Apollos. Ce n’était pas tâche facile que d’avoir à enseigner à ce savant qui voulait prêcher Jésus Christ, mais ignorait tout de sa mort et de sa résurrection. Priscille le fait avec patience et tact. Elle réussit si bien qu’Apollos joue plus tard un rôle important à Corinthe. C’est d’ailleurs la préoccupation première de ce couple de laïcs que de préparer des ministres de la Parole pour animer les communautés naissantes. Après un certain temps, Priscille juge que sa mission est accomplie à Éphèse; la communauté locale qu’elle accompagne avec son mari s’est prise en charge : ils peuvent partir. C’est à Rome qu’ils décident de rentrer après la mort de l’empereur Claude. Là aussi Priscille ouvre sa maison aux chrétiens et chrétiennes de cette ville. C’est précisément en terminant la lettre adressée à cette communauté que Paul célèbre avec gratitude les mérites de Priscille et d’Aquilas. Il rend témoignage de leur engagement apostolique auprès des païens : « Saluez Priscille et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus; pour me sauver la vie, ils ont risqué leur tête et je ne suis pas seul à leur devoir de la gratitude : c’est le cas de toutes les Églises du monde païen; saluez aussi l’Église qui se réunit chez eux. » (Romains 16, 3-5). Priscille est une femme forte qui puise dans la mort et la résurrection de Jésus le courage de faire face à de grands défis : l’exil, les voyages longs et difficiles, le pouvoir des Apôtres, les persécutions; tout cela pour protéger Paul et ses compagnons. Priscille est une femme respectueuse de la personnalité de son mari; cela ne l’empêche pas d’affirmer et de développer la sienne; elle est capable de concilier leurs dons différents pour s’engager ensemble dans l’animation des Églises locales. Disciple de Paul, elle fait preuve de tact, d’imagination et d’esprit d’initiative pour former des ministres de la Parole. Faisant surgir des communautés chrétiennes partout où elle s’arrête, Priscille contribue remarquablement à l’expansion de l’Église.
Sr Lise Plante, ss.cc.j.m.
SCIENCES DU QUOI ET SCIENCE DU QUI
14 janvier, 2014http://ghansel.free.fr/science.html
SCIENCES DU QUOI ET SCIENCE DU QUI
Dans le Choulhan aroukh, code législatif qui régit la vie juive, parmi les lois relatives aux bénédictions, nous lisons1: Celui qui voit un hakham Juif (traduction habituelle: un Sage Juif) dit: «Béni soit Celui qui a distribué de sa hokhma (de sa sagesse), à ceux qui le craignent». Celui qui voit un hakham non-Juif, savant dans la connaissance du monde, dit: «Béni soit Celui qui a donné de sa hokhma à un être de chair et de sang». Nous observons qu’un même mot hébreu, le mot hakham, désigne indifféremment celui qui s’adonne aux sciences de la nature, le savant, et celui que l’on a coutume d’appeler le «Sage», celui qui s’adonne à l’étude et à l’approfondissement de la Torah. De même, la connaissance acquise par l’étude de la Torah et les connaissances sur le monde, les sciences, sont désignées par le même terme hokhma. L’objet de cette étude est d’éclairer cette analogie. Pour la commodité, elle est divisée en deux parties. Dans un premier temps, j’analyserai l’attitude de la tradition juive par rapport à la science ; puis, dans une deuxième partie, j’examinerai en quel sens la connaissance issue de la Torah s’appelle également science et quelle est alors sa place, en tant que science, dans l’ensemble de toutes les connaissances. Les talmudistes avaient devant eux l’exemple d’une science exacte, l’astronomie, portée dès l’antiquité à un haut degré de perfectionnement. Les Grecs ou les Chaldéens observaient avec minutie le mouvement des astres et savaient effectuer des prévisions précises. Il est donc naturel que ce soit à propos de l’astronomie que la position des talmudistes ait été formulée en premier lieu. Première question : la connaissance scientifique a-t-elle une valeur en soi ? Ou bien au contraire, sa valeur et son importance résultent-elles seulement de ses applications pratiques ? Une réponse sans ambiguïté est donnée dans le traité Shabbat2: Rabbi Simon fils de Pazi a dit : celui qui est capable de faire des calculs d’astronomie et ne le fait pas, sur lui un verset [d'Isaïe] dit3: l’oeuvre de l’Eternel, ils ne la regardent pas, et le travail de ses mains, ils ne le voient pas. Le sens premier du texte d’Isaïe cité n’a aucun rapport avec l’astronomie. Pour s’en convaincre, il suffit de replacer le verset dans son contexte4: Malheur à ceux qui se lèvent de bon matin pour courir aux liqueurs fortes et s’attardent dans la nuit, échauffés par le vin, qui mêlent la harpe et la lyre, le tambourin, la flûte et le vin à leurs repas. L’oeuvre de l’Eternel, ils ne la regardent pas, le travail de ses mains, ils ne le voient pas. Le prophète Isaïe ne traite pas d’astronomie mais décrit la vie de jouissance des hommes de son temps et leur reproche de s’abrutir dans le vin sans réfléchir à la signification dernière des choses. Rabbi Simon ne cherche pas à expliquer ce sens premier et évident mais veut lui ajouter une autre dimension. Dans son sens coutumier, la «contemplation de l’oeuvre de l’Eternel» est une notion religieuse. Rabbi Simon lui donne un sens nouveau : «contempler l’oeuvre de l’Eternel» devient par définition accéder à la vision scientifique du monde, vision de lois rigoureuses, de lois mathématiques cachées derrière l’apparence sensible. Et inversement, la connaissance des lois du monde, le calcul auquel l’homme est capable de soumettre les phénomènes, prennent une valeur intrinsèque qui dépasse celle de leur seule utilité : l’approche scientifique est vision véritable de la réalité, «vision de l’oeuvre de l’Eternel». Cette première conclusion soulève une nouvelle question : la science est-elle seulement juste vision, juste approche du monde sensible ? Ou bien au contraire, a-t-elle également une valeur théorique ? Est-elle aussi un modèle de pensée ? La suite du texte nous éclaire sur ce point : Rabbi Samuel fils de Nahmani a dit au nom de Rabbi Yohanan : d’où savons-nous que c’est une obligation de faire des calculs d’astronomie ? C’est qu’il est dit5: Vous les garderez et vous les accomplirez, car c’est votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples ; qu’est-ce qui est sagesse (hokhma) et intelligence (bina) aux yeux des peuples ? C’est l’astronomie. Ici encore, le verset cité est pris dans un sens différent de son sens premier indiqué par le contexte. En effet, il s’agit dans ce passage des lois de la Torah et non d’astronomie6: Voyez, je vous ai enseigné des lois et des statuts, selon ce que m’a ordonné l’Eternel mon Dieu, afin que vous vous y conformiez dans le pays où vous allez entrer pour le posséder. Vous les garderez et les accomplirez… La distorsion que Rabbi Samuel fait subir à ce sens premier nous montre que, à ses yeux, l’astronomie relève, comme les lois de la Torah, des concepts de hokhma et bina, science et intelligence. Une importance dans l’ordre de la pensée est reconnue à l’astronomie. La science ne constitue pas seulement une relation éminente avec le monde sensible comme nous l’avons déjà établi. Sa valeur en tant qu’activité théorique est également reconnue. L’astronomie est une hokhma, un savoir qui prolonge celui qui nous est donné dans la Torah. Dans le même mouvement, Rabbi Samuel énonce que le peuple juif ne saurait limiter son horizon intellectuel à la seule connaissance de la Torah. Cette connaissance doit impérativement être complétée par une activité scientifique. Il y a là une condition nécessaire au rayonnement du peuple juif dans le monde. Croire que l’étude et la pratique de la Torah puissent à elles seules valoir au peuple juif l’estime des autres peuples est une illusion. Remarquons incidemment que, d’une manière générale, le commandement dont il est question a été mis en pratique et que le rôle du peuple juif dans le développement des sciences est tout à fait honorable. Venons-en maintenant à une question de nature épistémologique. Doit-on accorder à la vérité qui apparaît dans la science une valeur absolue ou seulement une valeur relative ? Est-elle entachée par définition d’un doute provenant de son origine non révélée ? La raison et l’expérience humaine convenablement dirigées permettent-elles d’atteindre dans le domaine où elles s’exercent une vérité indiscutable ? Les passages déjà cités laissent plus ou moins entendre que la réponse à cette question épistémologique est positive mais un texte important de Maïmonide lève toute ambiguïté à ce sujet. Dans le Michne Torah, Maïmonide, après avoir établi les règles du calcul du calendrier juif, conclut ainsi7: La raison de tous ces calculs, la manière dont tout cela a été connu et peut se prouver, constitue la science de l’astronomie et de la géométrie. Les savants grecs ont écrit à ce sujet de nombreux livres qui se trouvent à présent entre les mains de nos sages. Les livres qu’avaient écrit les savants de la tribu d’Issakhar au temps des prophètes ne nous sont pas parvenus ; mais étant donné que toutes ces choses se démontrent par des preuves sans défaut qu’il est impossible à quiconque de contester, on ne tient pas compte de l’auteur, qu’il s’agisse d’un prophète ou d’un savant étranger. Plus généralement, pour toute chose dont la raison est évidente et dont la vérité se démontre par des preuves sans défaut, nous nous appuyons sur l’homme qui l’a dite ou enseignée. Pour Maïmonide, la raison humaine et l’expérience constituent donc des sources de vérité authentiques, sous réserve qu’elles soient utilisées avec précaution. Si la raison des phénomènes apparaît de manière claire et si les preuves théoriques ou expérimentales sont sans défaut, on doit accorder foi aux affirmations du savant. Il n’y a pas lieu de se retrancher derrière un quelconque scepticisme pour en minimiser la valeur. L’évidence et la démonstration sont les critères d’une vérité authentique. On doit cependant remarquer que Maïmonide laisse percer entre les lignes une certaine inquiétude. Une raison alléguée peut ne pas être évidente, une preuve peut être truquée ou insuffisante. Cela nous conduit à une nouvelle interrogation. N’y aurait-il pas des perversions de la science ? Ce qui est présenté comme vérité objective ne peut-il pas être parfois une illusion ? N’y a-t-il pas même lieu éventuellement de s’imposer une autocensure relativement à certains enseignements ou certaines recherches ? La suite du texte du traité Shabbat déjà cité va nous éclairer sur ce point en introduisant une distinction essentielle : Qu’est-ce qu’un magouch ? Rav et Samuel en discutaient. L’un disait : «c’est un sorcier». L’autre disait : «c’est un blasphémateur» (Rachi8 explique : un militant d’une doctrine idolâtre). On peut démontrer que c’est Rav qui disait : «c’est un blasphémateur». En effet Rav Zoutra a dit au nom de Rav : «celui qui apprend quelque chose d’un magouch mérite la mort.» Or, à propos des sorciers il est dit9: Tu n’apprendras pas à pratiquer les abominations de ces peuples [ce qui sous-entend] tu ne peux apprendre pour pratiquer mais tu peux apprendre pour comprendre et légiférer10. Ainsi le Talmud distingue deux aspects dans la perversion de la vérité. Le premier se définit par le concept de sorcellerie. Il s’agit de l’exploitation sous des formes infiniment variées de la crédulité populaire ; toutes les pratiques de charlatans, nécromanciens, devins…, relèvent évidemment et directement de cette notion de sorcellerie. L’analyse de ces pratiques commence dans la Torah, puis est développée par le Talmud et les décisionnaires. Mais l’on peut également rattacher à ce concept toute forme d’escroquerie intellectuelle, ancienne ou nouvelle. Longue est la liste des illusions, mensonges et escroqueries qui ont accompagné le progrès scientifique. Tout se passe comme si, spécialement dans ses débuts, chaque science sécrétait sa propre sorcellerie. L’astrologie, l’alchimie, les potions magiques et les cures de jouvence en sont quelques exemples. Plus près de nous, la psychanalyse, bien que science véritable dans son principe, a donné et peut-être donne encore lieu à de multiples abus, que ce soit dans la pratique psychanalytique elle-même ou surtout dans les conclusions idéologiques et morales auxquelles elle conduit parfois. Quelle est l’attitude des talmudistes vis-à-vis du phénomène de la sorcellerie ? Elle se résume en trois termes indiqués dans notre texte : apprendre, comprendre, légiférer. On ne préconise pas vis-à-vis de la sorcellerie une attitude de rejet systématique et a priori. La lutte contre la sorcellerie passe par la connaissance approfondie de ses manifestations, par la distinction minutieuse entre ce qui est connaissance vraie et ce qui est mystification, enfin éventuellement par l’utilisation de moyens juridiques appropriés pour son élimination. Ce point sera éclairé sous un autre jour ultérieurement.11 La deuxième perversion de la vérité signalée par notre texte est l’idolâtrie. Il ne s’agit pas ici de l’idolâtrie en tant que pratique mais en tant que conception. La doctrine essentiellement visée par le texte est le dualisme qui était répandu en Babylonie où enseignait Rav mais ce n’est là qu’un exemple. D’une manière générale, vis-à-vis de toute idéologie dont les principes sont en contradiction nette avec ceux de la pensée juive, les Sages du Talmud et leurs successeurs adoptent une attitude de rejet. Commentant notre texte, Rachi énonce : Même apprendre un enseignement de la Torah de la bouche d’un idolâtre est interdit. Ce principe dévoile tout d’abord une méfiance à l’égard de la séduction que peuvent exercer toutes sortes de personnalités dotées d’un pouvoir charismatique. Mais cela signifie aussi le refus du syncrétisme. Que le judaïsme puisse se développer en intégrant en son sein des idées puisées dans des idéologies ou des religions étrangères est une conception absente de la littérature traditionnelle. Il est possible que des spécialistes de l’histoire des idées montrent que dans tel ou tel cas des doctrines extérieures ont influé sur le développement de la pensée juive. Mais il ne peut s’agir que d’un cas d’exception, d’une sorte d’effraction. Cela est contraire à la volonté explicitement formulée et constamment rappelée par les autorités traditionnelles de s’opposer à l’intrusion d’idéologies extérieures au sein du judaïsme. Alors que vis-à-vis de la sorcellerie, les Sages préconisent une attitude de connaissance et d’analyse, au contraire dans le domaine idéologique et religieux, ils penchent nettement pour un rejet systématique. On peut ajouter deux remarques à ce sujet. La première est que les considérations qui précèdent ne s’appliquent pas à la philosophie. L’attitude de la tradition juive envers la philosophie se caractérise par son ambiguïté. Tantôt l’étude de la philosophie est condamnée, tantôt elle est prônée. En fait, on peut montrer que l’ambiguïté de la position des Sages envers la philosophie provient de l’ambiguïté de la nature de la philosophie elle-même. Est-elle constituée par une recherche de vérités objectives, démontrables ou vérifiables ? Ou, au contraire, est-elle inévitablement entachée d’idéologie et d’affirmations dogmatiques échappant par nature à tout examen possible ? C’est ce caractère équivoque de la philosophie qui a empêché les Sages de prendre une position nette à son sujet. Deuxième remarque : l’attitude négative de notre tradition envers les idéologies étrangères est essentiellement à usage interne. Que objectivement, ces idéologies aient une part, même dans leurs erreurs, au progrès de l’humanité, n’est pas nié. L’expérimentation de l’erreur et son rejet progressif constituent une voie d’accès possible vers la vérité. Ce thème a en particulier été développé par Juda Halevy dans son ouvrage le Kuzari.12 Venons en maintenant à la deuxième partie de cette étude : comment la tradition juive perçoit-elle sa relation avec la science ? Comment se situe-t-elle par rapport à elle ? Nous avons déjà observé qu’un même terme, le terme hokhma, englobe simultanément la vérité qui se révèle dans la Torah et ses développements et celle qui apparaît dans les sciences. Autrement dit, pour la tradition juive, la Torah et la science sont deux modalités ou deux domaines relevant d’un horizon commun, l’horizon de la connaissance. La distinction faite habituellement entre le domaine de la foi et des croyances d’un côté, le domaine des connaissances rationnelles de l’autre, cette opposition est étrangère à la manière dont la tradition juive se pense elle-même. Pour elle, Torah et science sont deux domaines appartenant à un même plan, celui du dévoilement de la vérité. Cette manière de voir se confirme encore avec l’expression hokhmot hitsoniot, sciences extérieures, par laquelle on désigne couramment les sciences en général, à l’exclusion de la connaissance de la Torah. Mais à l’intérieur de leur horizon commun, la Torah et la science sont-elles des voies parallèles et d’égale importance ou bien au contraire sont-elles hiérarchisées ? Un texte du traité Abot éclaire ce problème13: Rabbi Eliezer ben Hassma dit : Les nids et les débuts de l’impureté sont dans le corps même de la loi ; l’astronomie et la géométrie sont les «périphériques» de la hokhma.14 D’abord quelques remarques sur ce texte. Le terme de «nids» est générique : il désigne l’ensemble des lois concernant les sacrifices d’oiseaux qu’une femme apportait au temple après un accouchement. L’expression «les débuts de l’impureté» est également générique. Elle renvoie à l’ensemble, très complexe à l’époque, des lois concernant le calcul des périodes de pureté et d’impureté de la femme. Enfin le mot hébreu parparaot que j’ai rendu par «périphériques» a pour sens concret, soit le dessert d’un repas, soit l’apéritif qui le précède. Il provient effectivement du mot grec qui a donné en français le mot «périphérique». Les nids et les débuts de l’impureté constituent dans l’esprit des talmudistes l’exemple type de lois très sophistiquées, soulevant de nombreux problèmes, mais éloignées dans leur acception première des principes moraux universels. Notre texte leur oppose l’astronomie et la géométrie, sciences prestigieuses, exactes, universellement respectées. Ainsi, les aspects les plus bizarres de la loi de la Torah sont mis en regard des aspects les plus brillants des sciences extérieures. La relation que le texte établit entre ces deux domaines est précise : la loi constitue la partie centrale de la hokhma; l’astronomie et la géométrie en sont la partie périphérique, l’apéritif ou le dessert, au choix. Pourquoi cette hiérarchie ? Comme nous l’avons vu précédemment, elle n’est pas fondée sur une différence dans le degré de vérité auquel parviennent respectivement la Torah et la science. Elle n’est pas non plus fondée sur une considération de théologie dogmatique : la Torah serait obtenue par révélation prophétique, tandis que la science résulterait de l’effort de la seule raison humaine. Là n’est pas l’essentiel du problème. Ce qui distingue la Torah de la science, c’est le contenu. La Torah a pour objet premier de définir ce que doit être le comportement humain. Autrement dit, elle se conçoit comme science de l’homme en tant qu’homme, ce qui pour elle signifie tout à la fois libre, conscient, responsable, soumis à des obligations encadrant le faisceau des liaisons multiples dans lesquelles il est inséré. Toutes les relations que l’homme entretient, relations avec autrui en premier lieu, mais aussi avec la nature, avec soi-même, toutes les aspirations de l’homme à la valeur, à la perfection, à la transcendance, y sont considérées, analysées et jugées. Recherche que l’on peut à bon droit qualifier d’infinie aboutissant à la halakha, à la loi, juste règle d’action ou de comportement. Recherche jamais achevée, toujours approfondie ou complétée à mesure qu’apparaissent dans l’histoire de nouvelles situations ou de nouvelles relations. En d’autres termes, la Torah vise à répondre à la question : qui est l’homme ? Mais non pas l’homme en tant que substance ou en tant qu’objet dont on détaillerait les propriétés. Il ne s’agit pas de répondre à la question «qu’est l’homme ?» mais bien à la question «qui est l’homme ?», en tant que sujet, en tant que personne. Il résulte immédiatement de cette définition que la Torah s’adresse à la fois à la volonté de l’homme et à sa pensée15, que son contenu se présente d’emblée et d’une manière indiscernable comme connaissance et comme norme, car dans la réponse à la question « qui est l’homme ? », il est impossible de distinguer ce qui est et ce qui doit ou devra être. L’idéal et l’avenir, le projet à réaliser et l’être qu’il faut engendrer, font autant partie de la définition de l’homme que son passé et l’identité déjà constituée. On ne peut se contenter ici d’un «je pense, donc je suis», ou d’un «je suis, j’existe»; je n’existe pas encore. Or les «sciences extérieures» scrutent chacune un contenu particulier, un aspect de la réalité, et visent à répondre à la question «qu’y a-t-il ?», «qu’est-ce ?». Non plus à la question «qui ?» mais à la question «quoi ?» Qu’il s’agisse des sciences de la nature physique ou biologique, des sciences sociales ou même des sciences de l’esprit, telles la psychologie ou la psychanalyse, chacune, avec son approche et dans son domaine, vise à décrire et comprendre un aspect particulier de la réalité objective. Elles ne sauraient atteindre l’étude de l’homme en tant qu’homme, en tant que personne, en tant qu’être moral en donnant à cette expression l’acception la plus large. Le domaine ainsi exploré transcende tous les autres, même ceux auxquels il est le plus directement lié, tels la politique, l’économie ou la sexualité. Pour mieux expliciter cette distinction, prenons un exemple. Il est bien connu que l’un des dix commandements reçus au Sinaï est l’interdit de l’assassinat (lo tirtsah). La nécessité d’un tel interdit fait partie des évidences premières. Une société dans laquelle l’assassinat serait autorisé ne pourrait subsister, sa légalisation étant parfaitement incompatible avec toute vie politique et toute organisation économique. Mais est-ce là la signification intrinsèque de cet interdit ? On se convainc vite qu’il ne s’agit là que de considérations pratiques, quasiment techniques, qui ne justifieraient pas la présence de l’interdit au sein d’une «révélation». Son fondement véritable réside en l’humanité même de l’homme, laquelle implique par définition reconnaissance et respect de l’autre homme en tant que tel et donc en premier lieu conscience de la valeur de sa vie et de son unicité. Là se situe le «révélé» de l’interdit. Chaque commandement, interdiction ou obligation, a cette double nature à des degrés divers, est nécessaire ou souhaitable en vertu de considérations pragmatiques d’un côté, est fondé sur tel ou tel aspect de l’humanité de l’homme de l’autre. Il va de soi que les choses sont rarement aussi simples. Certes il ne faut pas mentir. Mais doit-on accorder à cette règle une extension universelle comme semble le dire Kant ? Ne peut-on mentir dans certains cas par pudeur, par modestie, pour éviter un dommage à autrui, pour rétablir la paix entre frères ennemis ? Il nous faut donc une science du mensonge permis. Plus généralement, chaque personne se découvre insérée d’emblée dans un réseau de relations et de solidarités, couple, famille, cité, peuple, humanité, et même monde animal, végétal ou minéral. Pour l’homme en tant qu’homme, la multiplicité de ces insertions a pour corollaire une multiplicité de responsabilités. Comment les concilier, quelles en sont l’étendue, les limites et les interactions ? La science de l’homme en tant qu’homme, la «science du qui», se dit également comme science des responsabilités. L’homme a aussi une histoire et cela est spécialement vrai du Juif pour qui l’histoire tend paradoxalement à se faire immémoriale. Que faut-il en assumer, en rappeler, en «réactualiser»16 ? Quelles en sont les scories, les taches et les perversions ? Ce n’est pas le rôle de l’historien de produire une telle science normative de l’histoire, quelle que soit la précision des descriptions auxquelles il peut parvenir. Ces considérations, bien incomplètes au demeurant, ouvrent un domaine de recherche immense. On ne saurait répondre à ces questions en se limitant à énoncer quelques principes généreux et généraux. La multiplicité et l’enchevêtrement des problèmes posés deviennent parfois vertigineux et aucun effort individuel ne pourrait suffire pour les délimiter et à plus forte raison les résoudre. Ce travail ne peut être effectué que par une collectivité se vouant à sa tâche avec acharnement, héritant des conclusions du passé, les approfondissant et transmettant les nouveaux résultats aux générations ultérieures. On reconnaît là le processus de constitution de toute science. Au sein de la multiplicité des «sciences extérieures», le caractère central attribué à la Torah ne réside pas dans des caractéristiques formelles mais dans la conception que la tradition a de son propre contenu. Selon la formule déjà citée de Léon Askenazi qui en fit le pivot de son enseignement, la Torah est sepher toledot adam, le livre des engendrements de l’homme17. C’est ce que j’ai tenté d’exprimer par le titre de cette étude : la Torah est la «science du qui», les autres sciences étant celles du «quoi».18 Cela étant établi, une question importante se pose : la connaissance des «sciences extérieures» est-elle utile, voire nécessaire, à l’approfondissement de la Torah elle-même ? Cette question a deux aspects, l’un technique ou pédagogique, l’autre théorique. Du point de vue technique ou pédagogique, la réponse ne fait pas de doute. Comme le remarquent de nombreux auteurs, Juda Halevy en particulier, le calendrier des fêtes, les lois de la pureté familiale, celles de l’abattage des animaux en vue de leur consommation, exigent pour être comprises maintes connaissances d’astronomie, d’anatomie ou de médecine. Il n’est pratiquement aucun domaine de la loi qui soit indépendant de l’expérience du monde réel. De même, l’utilité d’une formation générale pour le développement de l’esprit n’a guère été contestée. C’est surtout dans les circonstances historiques du début de l’Emancipation, et face à un danger d’assimilation inhabituel, qu’une méfiance poussée à l’extrême à l’égard de la culture générale a pu se manifester. Mais ce phénomène a un caractère marginal et contingent. En revanche, l’aspect théorique de la question est plus délicat et a fait l’objet de controverses. La connaissance des «sciences extérieures» est-elle nécessaire pour une juste compréhension de la Torah sous son angle métaphysique ? On ne saurait prétendre qu’il y a consensus à cet égard. Il me semble toutefois qu’en dernier ressort, une fois éliminés les craintes circonstancielles, il faut répondre positivement à cette question. Voici en tout cas comment s’exprime Maïmonide19: Et tu sais que toutes ces choses (le ciel, les anges, le monde, l’âme) sont reliées les unes aux autres. Il n’y a rien dans l’existant, sinon l’Eternel et toutes ses créatures. Ces dernières constituent la totalité de l’existant en dehors de lui et il n’y a aucune voie pour l’atteindre si ce n’est par leur intermédiaire. Ce sont elles qui indiquent son existence et ce qu’il convient de penser à son sujet, je veux dire ce qui doit être affirmé ou nié de lui. Il est donc indispensable d’examiner l’ensemble de l’existant tel qu’il est afin retirer de chaque chose des principes vrais et certains qui nous seront utiles dans nos recherches métaphysiques. Combien nombreux sont les principes extraits de la nature des nombres et des propriétés des figures géométriques dont on peut induire ce qu’il convient de nier de Lui, qu’il soit élevé. Et cette négation nous conduit à divers sujets. Quant aux choses de l’astronomie et des sciences de la nature, je ne pense pas que tu auras le moindre doute qu’il s’agit là de choses indispensables pour saisir la relation du monde au gouvernement divin telle qu’elle est en vérité et non selon l’imagination. Il y a aussi beaucoup de sujets théoriques qui, sans fournir des principes pour la connaissance métaphysique, exercent néanmoins l’esprit et lui donnent l’habitude d’effectuer des démonstrations et de connaître la vérité dans ce qu’elle a d’essentiel… Il faut donc nécessairement que celui qui veut atteindre la perfection humaine s’instruise d’abord dans la logique, puis graduellement dans les mathématiques, ensuite dans les sciences de la nature et après cela dans la métaphysique. Plus près de nous, le Gaon de Vilna a encouragé un de ses élèves, Rabbi Baroukh, à traduire en hébreu les livres de géométrie d’Euclide, et cet élève a rapporté au nom du Gaon de Vilna la phrase suivante20: A chaque manque dans la connaissance des autres sciences correspond une mesure centuple dans la connaissance de la Torah, car la Torah et la science sont attachées ensemble. On ne peut tirer d’une telle phrase des conséquences excessives et définitives. C’est précisément l’incertitude qui l’entoure qui est significative. Le fait qu’elle ne soit que rapportée et non écrite par le Gaon de Vilna lui-même, et inversement que par la suite elle ait été acceptée comme authentique, que notamment le Rav Kook en ait développé certaines implications, montre à la fois l’importance et le danger des principes qu’elle révèle. Il y a là affirmation de l’unité dernière de la connaissance. La Torah et la science sont deux manifestations distinctes mais indissociables d’une même vérité. Le risque inhérent à une telle conception est clair : elle pourrait en effet mener à une réduction simpliste, à confondre la Torah avec un livre de médecine, à lui retirer sa dimension d’intériorité et de transcendance, à aboutir à une sorte de scientisme, la Torah n’étant plus la «science du qui» mais une «science du quoi» parmi d’autres. L’unité de la Torah et de la science postulée ici n’est pas l’unité d’un mélange ou celle d’une synthèse. C’est en quelque sorte une unité par correspondance, l’unité qui relie la face interne et la face externe d’un même récipient. Dernière question. Dans les deux derniers siècles, un développement scientifique sans précédent s’est produit. Ce développement a également entraîné des modifications d’approche ou d’attitude relativement à de nombreux problèmes. Doit-on comme conséquence de cette évolution prévoir un approfondissement de la tradition ? Tel est en tout cas le jugement du Rav Kook21: Au fur et à mesure que la recherche scientifique trouve des lois précises au milieu du désordre des phénomènes, la science de «l’oeuvre de la création» est de plus en plus à découvert, expliquée en public, nourrissant de nombreux esprits ? Parallèlement, les vérités supérieures, qui ont toujours constitué la force des Sages et éclairé Israël dans son ensemble, deviennent progressivement à la portée de tous. il est impossible d’expliquer désormais même les notions les plus simples de la foi sans faire appel pour leur présentation aux notions les plus cachées qui se tiennent au sommet du monde. Ainsi, avec le développement scientifique, ce sont à la fois l’exigence et l’aptitude de l’esprit humain à recevoir des vérités autrefois trop subtiles qui se sont accrues. Ces exigences nouvelles ne constituent pas une remise en cause de la vérité de la tradition, encore moins une contestation. Elles impliquent cependant un effort de purification de la formulation, écartant certaines représentations confuses ou erronées qui se sont introduites par suite d’influences extérieures. D’autre part, les catégories et les énoncés de la théologie scolastique du moyen âge, en tout cas dans leur littéralité, ne suffisent plus pour l’exposé des doctrines fondamentales du judaïsme. Quelles sont les voies nouvelles à explorer ? Comment à partir d’un immense fond de textes, de lois, de traditions, est-il possible de construire de nouvelles synthèses ? Il faut, comme le dit le Rav Kook, faire appel aux «notions qui se tiennent au sommet du monde», expression par laquelle il désigne habituellement l’enseignement de la kabbale. L’attitude de la tradition juive vis-à-vis de la science peut donc se résumer comme un acquiescement conditionnel. Acquiescement à la prétention de la science d’être une vision authentique de la réalité, acquiescement à l’importance de sa place dans l’ordre théorique comme pensée objective et vraie. Mais cet acquiescement reste conditionnel. Il est assorti de quelques restrictions : refus de la sorcellerie sous toutes ses formes, refus de l’aliénation de l’homme par l’idéologie, et enfin maintien des sciences à leur juste place, c’est-à-dire à la périphérie de la vérité. Les «sciences du quoi» ne sauraient se substituer à la «science du qui». Le centre de la vérité reste la Torah, sepher toledot adam, le livre des engendrements de l’homme.
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