Archive pour janvier, 2014

JE CHERCHE EN TOI MON REFUGE : PSAUME 7

22 janvier, 2014

http://www.interbible.org/interBible/cithare/psaumes/2012/psa_120323.html

JE CHERCHE EN TOI MON REFUGE : PSAUME 7

1 Complainte de David. Chantée à l’Éternel, au sujet de Cusch, Benjamite.

2 Éternel, mon Dieu! je cherche en toi mon refuge;
Sauve-moi de tous mes persécuteurs, et délivre-moi,

3 Afin qu’il ne me déchire pas, comme un lion
Qui dévore sans que personne ne vienne au secours.

4 Éternel, mon Dieu! si j’ai fait cela,
S’il y a de l’iniquité dans mes mains,

5 Si j’ai rendu le mal à celui qui était paisible envers moi,
Si j’ai dépouillé celui qui m’opprimait sans cause,

6 Que l’ennemi me poursuive et m’atteigne,
Qu’il foule à terre ma vie, Et qu’il couche ma gloire dans la poussière! – Pause.

7 Lève-toi, ô Éternel! dans ta colère, Lève-toi contre la fureur de mes adversaires, Réveille-toi pour me secourir, ordonne un jugement!

8 Que l’assemblée des peuples t’environne!
Monte au-dessus d’elle vers les lieux élevés!

9 L’Éternel juge les peuples : Rends-moi justice, ô Éternel!
Selon mon droit et selon mon innocence!

10Mets un terme à la malice des méchants, et affermis le juste,
Toi qui sondes les coeurs et les reins, Dieu juste!

11 Mon bouclier est en Dieu,
Qui sauve ceux dont le coeur est droit.

12 Dieu est un juste juge,
Dieu s’irrite en tout temps.

13 Si le méchant ne se convertit pas, il aiguise son glaive,
Il bande son arc, et il vise;

14 Il dirige sur lui des traits meurtriers,
Il rend ses flèches brûlantes.

15 Voici, le méchant prépare le mal,
Il conçoit l’iniquité, et il enfante le néant.

16 Il ouvre une fosse, il la creuse,
Et il tombe dans la fosse qu’il a faite.

17 Son iniquité retombe sur sa tête,
Et sa violence redescend sur son front.

18 Je louerai l’Éternel à cause de sa justice,
Je chanterai le nom de l’Éternel, du Très Haut.

Commentaire

Éternel, mon Dieu! Je cherche en toi mon refuge Seigneur

Ce psaume est attribué à David. Par contre, l’origine de la détresse de David n’est pas claire. Qui est Kush, le Benjaminite, qui le persécute? On ne le sait pas. Ce psaume n’est guère utilisé dans la liturgie; il n’est jamais cité non plus dans le Nouveau Testament. Il réfère à une détresse personnelle plutôt qu’à un conflit communautaire.
Les supplications touchent habituellement les thèmes de la maladie, de la mort, des épreuves. Ici, David proteste de son innocence et répète qu’il est accusé faussement. Vivant une expérience d’injustice, il crie vers Dieu qu’il appelle son « refuge », un terme qui revient d’autres fois dans le psautier (Ps 18,3 ; 32,7 ; 46,2 ; 59,17 ; 64,11 ; 73,28 ; 90,1.9 ; 94,22).
Le mot « refuge » peut évoquer diverses images, selon que l’on est fugitif, que l’on fait du ski de fond, que l’on traverse un blizzard ou que l’on marche sur la route de Compostelle! Dans tous les cas, le refuge c’est un lieu de sécurité. Le lieu de sécurité de David ce fut En-Gaddi, sur les bords de la mer Morte. Poursuivi par Saül, le roi jaloux qui voulait le tuer, David a trouvé refuge dans les rochers d’En-Gaddi, la source des chevreaux. La falaise calcaire lui offrit de nombreuses cachettes pour se soustraire à la fureur du roi. Plus tard, dans la liturgie de Hanoukka, on chantera « Maoz Tsur », une hymne à Dieu le Rocher salutaire, une évocation des Rochers d’En-Gaddi, mais aussi une évocation du mont Sion, rocher sur lequel fut bâti le Temple de Jérusalem.
Avec toute la passion d’un Oriental qui défend sa juste cause, David est prêt à subir le châtiment imposé par la loi du Talion, si jamais on faisait la preuve qu’il a tort ! De semblables protestations d’innocence existent ailleurs dans la Bible (voir 1 S 12,3-5 ; Ps 18,21-25 ; 44,18-21 ; Jb 10,8 ; 23,10-13).
La persécution qu’il subit est si intense qu’il la compare à celle infligée par un lion qui étrangle sa proie (v. 2). L’image est suggestive d’autant plus qu’à cette époque, des lions vivaient dans le désert de Judée. Le lion deviendra même le symbole de la tribu de Juda, ainsi qu’il est mentionné dans la bénédiction de Jacob : « Tu es un lionceau, ô Juda…telle une lionne, qui le fera lever? » (Gn 49,9) Le châtiment ultime, c’était de jeter un prisonnier dans la fosse aux lions (histoire de Daniel). Comme nous rappelle encore le martyrologe, les premiers chrétiens furent souvent la proie des lions affamés, dans le Colisée de Rome.
En somme, dans ce psaume, Dieu est le refuge de David contre les « lions » qui veulent le dévorer. Dieu devient aussi son « bouclier » protecteur (magen David).

Sant’Agnese, vergine e martire

21 janvier, 2014

Sant'Agnese, vergine e martire dans images sacrée st-agnes-virgin-martyr

http://achristianpilgrim.wordpress.com/2013/01/21/saint-agnes-of-rome-virgin-and-martyr/

21 JANVIER : SAINTE AGNÈS

21 janvier, 2014

http://missel.free.fr/Sanctoral/01/21.php

21 JANVIER : SAINTE AGNÈS

Sommaire :   Historique par St Ambroise   Les reliques et les églises de Rome en son honneur

Historique A propos de sainte Agnès, la tradition latine a pour fondement le De Virginibus de saint Ambroise. Prononcé pour la fête de la sainte, en janvier 375 ou 376, le sermon donne la plus ancienne représentation du martyre de date certaine : A douze ans, Agnès accomplit son martyre ; détestable cruauté qui n’épargna point cet âge si jeune ou plutôt admirable puissance de la foi qui jusque dans cet âge sut trouver un témoin. En un si petit corps, y eut-il place pour la blessure ? Et pourtant, n’ayant pas où recevoir le glaive, elle eut de quoi vaincre le glaive. Les filles de cet âge ne peuvent soutenir le regard irrité de leurs parents, une piqûre d’aiguille les fait pleurer, comme si c’était une blessure ; Agnès, intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, immobile au milieu des lourdes chaînes qu’on tire avec fracas, offre tout son corps à la pointe du glaive que le soldat brandit contre elle avec fureur. Sans savoir encore ce qu’est la mort, elle est prête à la subir. Si, malgré elle, on la traîne aux autels, à travers leurs feux elle tend les mains vers le Christ ; sur les foyers sacrilèges, elle forme le signe victorieux de la croix du Seigneur. Au carcan et aux menottes de fer, elle passe son cou et ses deux mains ; mais il n’en était pas qui pussent serrer des membres si délicats. Martyre d’un genre inconnu, elle n’a point l’âge requis pour le supplice et elle est capable d’en triompher. À grand’peine elle peut être admise à combattre et, sans peine, elle ravit la couronne. Elle est maîtresse consommée en fait de courage, elle qui en était dispensée par son âge. L’épousée n’irait pas aussi allègrement à la salle nuptiale que la vierge alla, joyeuse de son succès, hâtant le pas vers le lieu de son supplice, ayant pour orner sa tête non la coiffure bien tressée, mais le Christ, ayant pour couronne non les fleurs, mais les vertus. Tous pleuraient, elle seule était sans larmes. On s’étonnait qu’elle fût si facilement prodigue de sa vie, qu’elle la donnât sitôt, non encore goûtée, comme si elle en était rassasiée déjà. Chacun s’émerveillait de la voir se présenter déjà en témoin de la divinité, à un âge où l’on ne peut encore disposer de soi. Elle fit tant qu’on accepta, quand il s’agissait de Dieu, son témoignage qu’on n’aurait pu recevoir s’il se fût agi d’un homme ; ce qui dépasse la nature ne dénote-t-il pas l’auteur de la nature. Quel appareil de terreur employa le juge pour l’intimider, que de douces paroles pour la persuader ! Combien lui exprimèrent le vœu de l’obtenir pour épouse ! Mais c’est faire injure à mon fiancé, dit-elle, que s’attendre à me plaire. Celui-là m’aura pour sienne qui le premier m’a choisie. Pourquoi, bourreau, tant de retards ? Périsse un corps qui peut être aimé par des yeux auxquels je me refuse ! Elle se tient droite, elle prie, elle infléchit le cou. Le juge frémit comme s’il était le condamné. Le bourreau sentit sa main trembler, son visage pâlir ; il redoutait pour Agnès ce qu’Agnès ne redoutait pas pour elle-même. Vous avez donc en une seule victime un double martyre : celui de la pudeur et celui de la religion. Agnès est restée vierge et elle a obtenu le martyre. Ambroise aime ici à répandre des fleurs sur son sujet ; il se soucie des antithèses beaucoup plus que des faits ; il suppose que son auditoire connaît l’histoire ou la légende de son héroïne ; il se réclame de la tradition dont les points essentiels se ramènent aux suivants : 1. Agnès accomplit son martyre à douze ans ; la naissance de la sainte a pu varier entre 240 et 290, le martyre entre 254 et 304 ; les auteurs, ici, ne sont pas d’accord ; 2. Agnès était vierge et elle a dû lutter pour rester vierge ; 3. Agnès a péri percée par le glaive ; elle est allée spontanément au martyre. D’autre part, dans la composition de son hymne, Agnes beatæ virginis, le même saint Ambroise a mis en lumière quelques traits laissés ici dans l’ombre ; ainsi, la modestie de la vierge mourante : curam pudoris præstitit, de l’avant-dernière strophe ; mais les différences ne portent que sur des particularités. Les données de la tradition ambrosienne restent donc plausibles.  De Virginibus de saint Ambroise

Les reliques et les églises de Rome en son honneur Lorsque le martyre d’Agnès fut consommé, ses restes furent recueillis et portés dans une villa de la famille, non loin de la voie Nomentane ; on a cru retrouver cette villa dans le monastère de Sainte-Agnès-hors-les-Murs. Quand la paix fut donnée à l’Église, les malades affluèrent au tombeau. Constance, qu’on a dite fille de Constantin le Grand fut guérie par l’intercession de sainte Agnès. Au tombeau de cette sainte, le pape Libère fit mettre des tables de marbre, sur l’une de ces tables, saint Damase inscrivit les louanges d’Agnès et y mentionna le nom de Constance. Cette princesse avait, en 321, résolu d’élever une basilique sur le tombeau : ce fut Sainte-Agnès-hors-les-Murs. Vers 410, Innocent I° mit la basilique et son cimetière sous la juridiction du prêtre titulaire de Saint-Vital. Les récits du V° siècle font allusion à la conservation du corps sous l’autel majeur de Sainte-Agnès-hors-les-Murs. Il y eut des réparations, sous Symmaque, Honorius I° ; des dévastations par les Lombards en 755, puis des réparations sous Adrien I°, en 773. Près de la basilique se trouvait un monastère de religieuses basiliennes grecques auxquelles Léon III fit des dons magnifiques pour l’ornementation de l’église. En somme, jusqu’au IX° siècle, les reliques de sainte Agnès restèrent intactes dans le tombeau où l’on avait placé aussi le corps de sainte Émérentienne (23 janvier) ; sous Pascal I° (817-824), les religieuses grecques furent remplacées par des bénédictines ; le corps de sainte Émérentienne fut tiré du tombeau, son chef resta à la basilique de la voie Nomentane, mais sans être placé sous l’autel. Le corps de sainte Agnès resta dans le tombeau, sous l’autel majeur ; le chef en fut détaché pour être porté dans la chapelle du palais pontifical du Latran, appelée Sancta sanctorum. En 877, Jean VIII pouvait emporter dans ses voyages le chef de sainte Agnès ; de là diverses translations et repositions pendant les XIV° et XVI° siècles. Il était dans un reliquaire donné par Honorius III, on en a fait une reconnaissance en 1903. Quant au corps de sainte Agnès, la reconnaissance qui en fut faite l’an 1605 en constate la présence à Sainte-Agnès-hors-les-Murs. Une pratique annuelle observée dans cette basilique a quelque rapport symbolique avec sainte Agnès elle-même. Chaque année, après la messe solennelle du 21 janvier, l’abbé de Saint-Pierre-ès-Liens bénit deux agneaux qui ont été donnés à titre de redevance au chapitre de Saint-Jean-de-Latran ; les chanoines de ce chapitre desservent maintenant la basilique de Sainte-Agnès-hors-les-Murs ; ils offrent au pape ces deux agneaux bénits dont le soin est confié aux religieuses du couvent de Saint-Laurent in Panisperna ; elles en recueillent et tissent la laine pour la confection des palliums. Outre la basilique de Sainte-Agnès-hors-les-Murs, Rome possédait plusieurs églises construites en l’honneur de sainte Agnès dont deux ont disparu : celle du Transtevere et S. Agnese ad duo furna ; en revanche, il existe encore, place Navonne, S. Agnese in Agone, à l’endroit même où s’élevaient les arcades du stade de Domitien, là où la tradition latine place l’exposition et le supplice de sainte Agnès. A Paris, au début du XIII° siècle, sainte Agnès possédait une chapelle, près des Halles, qui fut plus tard érigée en église paroissiale sous le vocable de Saint-Eustache où Augustin de Saint-Aubin a dessiné la châsse de sainte Agnès, telle qu’il la voyait, vers 1779, dans le recueil de Stockholm ; Lepautre sculpta une sainte Agnès sur le banc d’oeuvre.

JOSEPH RATZINGER – MON CONCILE VATICAN II

21 janvier, 2014

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=3035

JOSEPH RATZINGER

MON CONCILE VATICAN II

P. Bernard Xibaut Perpignan, Artège, 2011. – Esprit & Vie n°235 – mai 2011, p. 51-53.

Paru presque en même temps que le second tome du Jésus de Nazareth, ce titre en a surpris plus d’un lorsqu’il l’a découvert… Mais plutôt qu’un nouvel opus fraîchement rédigé, c’est une compilation de textes existants ou de conférences prononcées dans le prolongement du Concile. Il n’en demeure pas moins que ces pages sont importantes, elles apportent un éclairage utile sur les options théologiques de l’actuel pape. La première impression laissée par cet ouvrage est une certaine perplexité : il est en effet difficile de comprendre d’emblée la manière dont il a été composé. La signature « Joseph Ratzinger » semble indiquer qu’il ne s’agit pas d’une œuvre « pontificale », mais d’un témoignage antérieur, mais renvoie-t-elle au jeune théologien, à l’archevêque de Munich ou au cardinal-préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi ? Ajoutons – pour compliquer les choses – que le livre s’achève par le fameux discours du 22 décembre 2005 au cours duquel c’est bien le pape qui s’exprime : Benoît XVI oppose, dans l’interprétation du Concile, une « herméneutique de la réforme » à une « herméneutique de la discontinuité ». Au dos de la page de titre, l’éditeur précise qu’il s’agit d’une traduction et d’une adaptation française ayant reçu le copyright en mars 2011, mais aucune mention n’est faite de la version originale : quel est son titre ? Où et quand a-t-elle paru ? S’agit-il d’un livre unique ou de publications éparses ? Plusieurs indices militent en faveur de cette seconde hypothèse : l’avant-propos du chapitre II évoque un mystérieux « premier volume » et celui du chapitre III un « opuscule » en plusieurs parties. Grâce à une préface de Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, les choses s’éclaircissent quelque peu : l’essentiel de l’ouvrage est constitué de Conférences sur les grands enjeux de Vatican II données par le jeune prêtre théologien choisi par le cardinal Frings comme expert, au fil même des sessions conciliaires et de la discussion des schémas. Dès lors, le livre s’apparente au genre littéraire des journaux rédigés par des participants du Concile, à cela près que ces derniers n’étaient pas tous écrits en vue d’être publiés du vivant de leur auteur, tandis que les conférences de Joseph Ratzinger étaient par nature destinées à un public, ce qui excluait tout commentaire d’ordre confidentiel. S’agissant d’un personnage aussi considérable que le pape, il eût probablement été sage de s’en tenir strictement à la publication de ces conférences, datées du temps du Concile, ou d’établir de manière plus visible la distinction entre l’introduction de l’abbé Éric Iborra, qui occupe une cinquantaine de pages, les conférences proprement dites et les deux textes ajoutés en annexe, à savoir une conférence donnée à Bamberg en 1966 et le discours de 2005, auquel il a déjà été fait allusion. Cela étant dit, au-delà de la manière dont elles ont été mises en forme et présentées, l’ouvrage présente bien évidemment un intérêt majeur à travers toutes ses parties : le texte de l’abbé Iborra – qui pose clairement le problème de la réception du Concile -, les différentes conférences, situées à chaque intersession et par conséquent localisées en dehors de Rome, et… les deux textes ajoutés en annexes. Au cœur du Concile Parce que le jeune Ratzinger y explique les tenants, les aboutissants et les enjeux de certaines décisions prises par les évêques lors de chaque session qui précède, ses conférences présentent un incontestable intérêt didactique. Cela vaut d’abord pour la narration de la dynamique conciliaire : la question du choix des commissions lors de l’ouverture de la première session, la manière dont s’est posée la question œcuménique au début de la deuxième session, la mise en place de la doctrine de la collégialité, le combat autour du « schéma XIII ». Tous ces rebondissements de Vatican II, nous les connaissons depuis longtemps dans le moindre détail par d’autres chroniques, mais il n’est pas inintéressant d’enregistrer le témoignage particulier de l’expert Ratzinger. Fait notable à signaler : le conférencier aborde les événements sans offenser les personnes ; on ne trouve guère dans sa bouche de propos outranciers sur tel ou tel évêque. Lorsqu’il parle d’ » intégristes » pour désigner Mgr Lefebvre et ses amis du Coetus internationalis Patrum, on aimerait vérifier la version allemande : Ratzinger emploie probablement le vocable « Fundamentalist ». À moins d’être prophète, il ne pouvait utiliser durant le Concile une expression qui prendra tout son sens lors du schisme ultérieur. Quant au mot allemand traduit par « progressistes », il induit une simple signification d’ » hommes de progrès », sans la nuance d’excès que comporte le vocable français. On voit donc que la traduction de certains mots aurait mérité une note de commentaire pour éviter les contresens : rappelons-nous le tollé suscité par l’emploi, dans la bouche du cardinal Ratzinger, du mot « restauration », qui évoque en France un « retour en arrière », depuis la « Restauration » monarchique de 1815, alors qu’il voulait désigner une « rénovation ». On peut penser que Ratzinger nuance les oppositions entre conservateurs et novateurs en rappelant une autre ligne de fracture, apparue entre théologiens français et théologiens allemands, sur laquelle les commentateurs francophones se montrent généralement assez discrets : en cela, il amorce déjà son herméneutique de la continuité. La réflexion théologique Au-delà de l’apport sur l’histoire du Concile, les conférences de Joseph Ratzinger manifestent un intérêt proprement théologique. En même temps qu’il présente à ses auditeurs la tournure des différents débats, il apporte en effet sa propre contribution. Comment ne pas citer ici le développement autour du problème de la liturgie ? En ce domaine délicat, le lecteur relève plusieurs critiques assez acerbes de la « liturgie fossilisée », accompagnées d’un appel audacieux aux « questions posées par les protestants », susceptibles d’ » aiguillonner la réflexion sur l’héritage de l’Église ancienne ». Ajoutons, pour être complet, que le conférencier subordonnait la réussite de la réforme liturgique alors en cours à un certain nombre de conditions dont il peut dire aujourd’hui qu’elles n’ont pas été réalisées… L’apport théologique du futur pape se révèle encore dans les grandes questions ecclésiologiques : doctrine de la collégialité épiscopale, de la sacramentalité de l’épiscopat, question de la liberté religieuse, etc. Au fil de la lecture, on ne peut s’empêcher de relever avec malignité que le jeune théologien regrettait que le Synode des évêques reste soumis à la seule convocation du pape et qu’il affirmait que « l’Église se réalise d’abord et surtout dans chacune des Églises locales », lui qui deviendra le plus chaud partisan de l’antériorité chronologique et ontologique de l’Église universelle sur l’Église locale ! Progressivement, l’intérêt se déplace donc du Concile proprement dit vers l’interprétation de la pensée de Joseph Ratzinger : « son Concile », tel qu’il le présentait entre 1963 et 1966, est-il encore celui qu’il commente aujourd’hui ? En d’autres termes, doit-on invoquer « une herméneutique de la continuité » ou « une herméneutique de la rupture » pour évaluer cinquante ans de pensée de Benoît XVI : simple apport de « nuances » – comme il le concède dans Le Sel de la terre – ou maintien de l’ » impulsion fondamentale » ? Ce n’est certainement pas le moindre intérêt de cette publication, à quelques mois du cinquantième anniversaire de l’ouverture de Vatican II.

Rembrant, St. Peter and St. Paul in Conversation, 1628)

20 janvier, 2014

Rembrant, St. Peter and St. Paul in Conversation, 1628) dans images sacrée rembrandt-two-old-men-disputing-1628-792x1000x72

http://www.jesuswalk.com/philippians/artwork-st-paul.htm

L’ORIENT CHRÉTIEN ET L’APPORT DE LA RUSSIE

20 janvier, 2014

http://www.revue-kephas.org/03/3/Laubier49-61.html

L’ORIENT CHRÉTIEN ET L’APPORT DE LA RUSSIE

Juillet-Septembre 2003

Patrick de Laubier*

Lumière de l’Orient : c’est le titre de la Lettre apostolique du 2 mai 1995 de Jean-Paul II, qui écrit : « Nos frères orientaux sont tout à fait conscients d’être les porteurs vivants, avec nos frères orthodoxes, de cette tradition. Il est nécessaire que les fils de l’Église catholique de tradition latine puissent eux aussi connaître ce trésor dans sa plénitude et ressentir ainsi avec le pape le vif désir que soit rendue à l’Église et au monde la pleine manifestation de la catholicité de l’Église, exprimée non par une seule tradition, ni encore moins par une communauté opposée à l’autre ; et que nous puissions, nous aussi, apprécier pleinement ce patrimoine indivis de l’Église universelle révélé par Dieu. » (OL-1) Slave, il rappelle la proclamation des saints Cyrille et Méthode comme patrons de l’Europe (1985) et évoque notamment l’importance que la théologie orientale attribue à l’Esprit Saint auteur de la déification. En 1964, Paul VI et Athénagoras avaient abrogé les condamnations réciproques, mais l’unité plénière est encore à réaliser. Le Millénaire du baptême de la Rus’ de Kiev donna lieu à une lettre apostolique (Euntes in mundum) le 25 janvier 1988 et, en annexe, le 14 février 1988, fête des saints Cyrille et Méthode, à un message aux catholiques ukrainiens (Magnum baptismi donum), qui évoque le Concile de Florence (1439) et l’union de Brest (1596). Une célébration réunit les Ukrainiens de la diaspora à Rome, faute de pouvoir se tenir à Kiev où l’absence de liberté religieuse réduisit, jusqu’en 1990, les Gréco-catholiques (Uniates) à la clandestinité. L’encyclique Ut unum sint, publiée en mai 1995, traite longuement des rapports entre les Églises sœurs d’Orient et d’Occident : « C’est dans cette perspective que prend son sens le plus profond une expression que j’ai plusieurs fois employée : l’Église doit respirer avec ses deux poumons ! » Le pape en a parlé à propos de l’Europe et rappela que le baptême de la Rus’ s’était effectué lorsque l’Église était indivise. Enfin le pape va jusqu’à parler d’une conversion de la part de l’Église latine « afin qu’elle respecte et revalorise pleinement la dignité des Orientaux et qu’elle accueille avec gratitude les trésors spirituels que portent les Églises orientales catholiques au profit de la communion catholique tout entière, afin qu’elle montre de façon concrète, et beaucoup plus que par le passé, combien elle estime et admire l’Orient chrétien et combien elle considère comme essentielle la contribution de celui-ci pour vivre pleinement l’universalité de l’Église. » (OL – 23) Ajoutons qu’en 1996, lors de l’Angelus du 1er septembre, Jean-Paul II évoqua le souvenir de Vladimir Soloviev (1853–1900) en ces termes : « Pour lui, le fondement même de la culture est la reconnaissance de l’existence inconditionnelle de l’autre. D’où son refus d’un universalisme culturel de type monolithique, incapable de respecter et d’accueillir les multiples expressions de la civilisation. Il fut également cohérent avec cette vision lorsqu’il se fit le prophète ardent et passionné de l’œcuménisme, se consacrant à la réunification entre orthodoxes et catholiques. » (Osservatore Romano du 3 septembre 1996). Plus tard dans l’encyclique Fides et Ratio (1999), l’œuvre philosophique de V. Soloviev fut citée. Successivement nous verrons (I) la situation des Églises d’Orient aujourd’hui, puis l’esprit du monde chrétien d’Orient (II) et les données historiques et sociales du monde oriental chrétien (III) ; enfin le cas de la Russie fera l’objet d’une dernière partie (IV).

I. Les Églises orientales aujourd’hui1 Il y a 41 Églises orientales dont 19 sont rattachées à Rome. On peut distinguer trois grands groupes : – 1) d’abord celles qui sont rattachées à Rome, soit environ 10 millions de fidèles2 ; – 2) puis six Églises orientales orthodoxes, non rattachées à Rome, comptant environ 30 millions de fidèles3 ; – 3) enfin le groupe des Églises byzantines non rattachées à Rome, dont 14 sont autocéphales, avec un total de 135 millions de fidèles (80 millions pour le patriarcat de Moscou). Il faut ajouter 5 Églises dites autonomes avec des effectifs très faibles et 6 Églises canoniquement rattachées à Constantinople. Notons aussi plusieurs Églises orthodoxes non reconnues par les autres, comme les Vieux croyants russes), le Patriarcat de Kiev (Philaret) et l’Église de Macédoine. La totalité des fidèles appartenant aux Églises orientales est de l’ordre de 180 millions dont 10 millions, on l’a vu, sont rattachés à Rome.4 Les traditions théologiques orientales sont, pour l’essentiel, celles de l’Église catholique, à l’exception de la primauté romaine pour celles qui ne sont pas unies à Rome et leurs sacrements sont reconnus par l’Église catholique. Les progrès de l’œcuménisme sont à la fois considérables et insuffisants et même, dans certains cas, décevants. Considérables au plan des mentalités, car tous se proposent expressément l’unité visible. Décevants, surtout avec la plus importante des Églises byzantines, celle du Patriarcat de Moscou. Après la chute du communisme, on pouvait espérer un dialogue, mais il a été refusé par Moscou. Il faut comprendre que ce n’est pas facile. Je prends le cas de la liberté religieuse : elle a été reconnue par l’Église catholique dans une déclaration conciliaire qui n’a pas été adoptée sans mal puisque six projets consécutifs ont été nécessaires, pour recueillir une quasi-unanimité. L’Église russe sort de 70 ans de communisme précédés d’un asservissement ecclésial à l’époque tsariste. Dans cette situation de convalescence après tant d’épreuves, le dialogue œcuménique suscite chez elle la crainte et des frustrations. Les Églises orthodoxes sont d’ailleurs elles-mêmes divisées. Le Patriarcat de Moscou, qui compte le plus grand nombre de fidèles, dont près de la moitié en Ukraine, se trouve confronté à une Église romaine appartenant, dans la grande majorité des cas, au rite latin.5 L’Église doit respirer des deux poumons. Le génie occidental a engendré une contestation rationaliste et une sécularisation de la vie publique. Le génie oriental s’est souvent enfermé dans le nationalisme ou l’ethnicisme. En théologie, la menace arienne est souvent présente en Occident, par contraste avec des tentations monophysites en Orient. En respirant à deux poumons, ces maux peuvent être atténués sinon disparaître complètement. Sur une plus grande échelle, lorsque le christianisme se répandit dans l’empire romain, le bouddhisme pénétra dans l’empire chinois et fut, comme le christianisme, mais dans un tout autre esprit, une source de civilisation. Moines chrétiens en Occident et bouddhistes en Extrême-Orient furent des bâtisseurs de cultures. Un chrétien qui ne serait pas missionnaire, dans le plus grand respect des âmes, ne mériterait pas de le rester. Si l’on a employé hier des contraintes au service de la mission, nous savons aujourd’hui que les seuls moyens acceptables pour l’acculturation du christianisme sont ceux qu’énumèrent les Béatitudes. Pour cette grande œuvre missionnaire en Asie, les chrétiens orientaux n’ont-ils pas une vocation privilégiée ? On pense notamment à l’Inde dont 3% des habitants sont chrétiens. Il existe des Églises de rite oriental, comme les Malabars, rattachés à Rome, qui ont maintenant des évêques de cette tradition dans des diocèses indiens et même des territoires de mission propres depuis que les missionnaires étrangers ne peuvent plus obtenir des visas. L’Église orthodoxe russe, dans un pays qui a des frontières communes avec la Chine, n’est-elle pas appelée à y faire connaître le message chrétien ? L’unité des Églises est essentielle pour l’annonce de l’Évangile en Asie non seulement dans le rite latin, mais aussi dans le rite grec. À la Pentecôte, les apôtres parlaient toutes les langues.

II. L’esprit du monde chrétien oriental Les orientations philosophiques Successivement on examinera l’aspect théologique puis la liturgie et l’art. Les deux orientations fondamentales de l’esprit humain trouvent en Platon et en Aristote des expressions qui traversent toute l’histoire de la pensée chrétienne depuis les Pères de l’Église jusqu’à nos jours.6 « On a exposé la foi chrétienne, écrit Endre Ivanka, en se servant d’expressions philosophiques, lui donnant chaque fois une figure particulière, selon que l’on utilisait la philosophie platonicienne ou aristotélicienne à titre de langage conceptuel. Mais comme, dans l’histoire, les choses ont tourné de telle sorte que c’est une pensée théologique de facture aristotélicienne qui devint la caractéristique de l’Occident, tandis qu’une théologie à la manière des Pères grecs, formés par le platonisme, marquait plutôt l’Orient orthodoxe, l’opposition des deux styles de théologie, suivant leurs fondements philosophiques, revient en même temps à opposer la théologie occidentale actuelle et celle de l’Orient. »7

Et il poursuit : « Les deux perspectives se complètent nécessairement ; car la Révélation, ou la Parole de Dieu, contient à la fois l’être et le don ; et le don n’est pleinement saisi et religieusement honoré, qu’à partir de l’être. Pourtant, pris séparément, elles suscitent un style distinct, une orientation théologique distincte. Dans un cas, c’est l’aspect rationnel qui est le plus important pour comprendre la foi… L’autre manière de faire, de même qu’elle a un autre point de départ, se propose un autre but : non d’approfondir les doctrines de la foi révélée au moyen des catégories de la pensée conceptuelle, mais au contraire d’interpréter la situation de l’homme et du monde, tels que nous les connaissons, à partir des thèmes centraux de la vérité révélée… Dans un cas, la mystique est tout au plus un problème théologique… (et) ne peut en aucun cas devenir elle-même une manière de faire de la théologie. Pour l’autre façon de voir, au contraire, cette expérience immédiate du divin, cette connaissance immédiate de Dieu qui consiste à être élevé, ne fut-ce qu’un moment, à un état supérieur qui donne son sens à la vie humaine, est la théologie par excellence ».8 L’auteur conclut en opposant la « traduction » du surnaturel dans la sphère humaine et « l’élévation » ou mieux « l’illumination » de l’intellect humain dans la sphère surnaturelle. Les deux approches sont complémentaires, mais la première est menacée par le rationalisme et la seconde par une « gnose religieuse », un surnaturalisme, qui ne distingue plus entre le naturel et le surnaturel. Il faut corriger cette opposition simplifiée entre l’Orient et l’Occident, en rappelant, avec Ivanka, que saint Augustin et certains aspects de la tradition franciscaine relèvent pour une part du platonisme, tandis qu’un grand docteur de l’Orient, comme saint Jean Damascène, se propose, à l’instar de saint Thomas, d’offrir une exposition systématique de la foi chrétienne, sans utiliser, il est vrai, la méthode scolastique.9 L’aristotélisme est capable de fonder une philosophie d’inspiration chrétienne et d’affronter les objections de la science et de la philosophie moderne, tandis que le platonisme christianisé permet une théologie en lien plus étroit avec la mystique, mais ne peut fonder une philosophie d’inspiration chrétienne.10 On notera que le développement de la scolastique occidentale, à partir du deuxième millénaire, a été comme accompagné par l’existence des grandes mystiques féminines qui aujourd’hui comptent trois docteurs (sur 33) tandis que la tradition orientale ne reconnaît pas l’équivalent. En proclamant Thérèse docteur de l’Église, Jean Paul II lui a appliqué ce que Paul V déclara à propos de Catherine de Sienne : « Ce qui frappe plus que tout dans la sainte, c’est la sagesse infuse, c’est à dire l’assimilation brillante, profonde et exaltante des vérités divines et des mystères de la foi…, une assimilation certes favorisée par des dons exceptionnels, mais évidemment prodigieuse, due à un charisme de sagesse de l’Esprit Saint. »11

La liturgie byzantine et le mystère du Christ L’origine de la liturgie byzantine attribuée à saint Basile et à saint Chrysostome remonte à une période située entre les Conciles de Constantinople (381) et de Chalcédoine (451). Byzance se trouvait dans une zone ecclésiastique de tradition antiochienne, fort ancienne, puisqu’elle remontait aux apôtres et avait des liens étroits avec Jérusalem dont la liturgie se réclamait de Jacques, premier évêque de Jérusalem.12 Saint Jean Chrysostome, lui-même, avait été prêtre à Antioche avant d’occuper le siège patriarcal de Constantinople (398–404). Deux interprétations ont été proposées pour rendre compte de l’évolution liturgique. la première (Ferdinand Probst) suggère une liturgie primitive unique qui se serait diversifiée selon les régions et les langues ; la seconde (Anton Baumstark) voit au contraire une grande variété de rites dans les trois premiers siècles, qui aurait été suivie, entre 312 et la fin du premier millénaire, d’une stabilisation autour des rites romain et byzantin.13 Les deux interprétations ne sont pas contradictoires si l’on admet l’existence d’un kérygme initial issu de la communauté de Jérusalem. La liturgie de Saint Basile (330–379) est attribuée au grand docteur qui s’inspire d’une tradition cappadocienne anté-nicéenne. Celle de Saint Jean Chrysostome (349–407) a été placée sous ce nom prestigieux sans être vraiment de lui ; elle s’inspire de la tradition alexandrine et de celle de Jérusalem (Saint Jacques). Jusqu’aux Xe–XIe siècles, la liturgie de Saint Basile a prédominé puis elle fut évincée par celle de Saint Jean Chrysostome14, sauf pendant le Carême. À partir du VIe siècle, avec Justinien (527–565), le bâtisseur de Sainte-Sophie, le rite byzantin devient « impérial » et l’emporte peu à peu sur les traditions syriennes se réclamant de Jérusalem. L’invasion perse (605–627), puis celle de l’Islam (637–650), marquent le déclin des prestigieux patriarcats de Jérusalem, Alexandrie et Antioche, suivi de la conquête de l’Afrique chrétienne par les cavaliers d’Allah. Un siècle plus tard, Byzance connaît la grave crise iconoclaste (727–787) qui a eu pour conséquence la prédominance monastique dans l’évolution de la liturgie byzantine, ce qui marque, d’une certaine manière, un retour de l’influence de Jérusalem par l’intermédiaire des moines de Saint-Sabbas, en Judée, que Théodore le Studite associa à sa lutte contre l’iconoclasme. La vie du Christ, dans la liturgie de la messe, qui est au cœur de la « divinisation » chrétienne, est évoquée par Cabasilas (1322–1391) dans son « Explication de la divine liturgie. »15 « Dans les psalmodies et les lectures, comme dans tous les actes du prêtre à travers l’ensemble des rites, c’est toute l’économie de l’œuvre du Sauveur qui est signifiée : les premiers rites de la liturgie sacrée représentent les débuts de cette œuvre ; les seconds, la suite ; et les derniers, ce qui en fut la conséquence. C’est ainsi que les spectateurs de ces rites ont la possibilité d’avoir devant les yeux toutes ces divines réalités. »16 Plus loin, il précise que, jusqu’à la consécration, les rites symbolisent les événements antérieurs à la mort du Christ. Après la consécration, l’épiclèse symbolise la Pentecôte et la conversion des nations jusqu’à la fin des temps. La vie du Sauveur est ainsi mise sous nos yeux au cours de la liturgie et Cabasilas précise que les prières et les gestes ont aussi d’autres significations spirituelles et pratiques, mais chacun d’eux « symbolise quelque chose des œuvres du Christ, de ses actions ou de ses souffrances ». C’est ainsi que le transfert de l’Évangile durant la liturgie des catéchumènes, appelé petite entrée, renvoie à la manifestation encore obscure de la vie cachée, tandis que le transfert des oblats, pendant la liturgie des oblats, appelé grande entrée, symbolise la vie publique, puis la consécration nous fait revivre le triduum pascal. Revenant sur le détail du déroulement de la liturgie, Cabasilas évoque la prothèse, lorsque les dons ou oblats sont préparés avant d’être apportés sur l’autel pour la consécration. Ce rite suggère l’ancienne Alliance et ses sacrifices qui annonçaient l’unique sacrifice du Christ. Le Christ Lui-même à la Cène commence par bénir le pain et le vin qui seront ensuite consacrés. Les oblats constituent un fragment du pain tout entier pour symboliser la personne du Christ séparée de l’humanité pour être offerte. Durant la préparation des oblats, toute une symbolique de la Passion est figurée par les incisions, la lancette, tandis que le prêtre prononce les paroles appropriées tirées des psaumes et de l’Évangile. Les oblats, à ce moment, n’étaient encore que du pain et, selon Cabasilas, le corps du Seigneur « à son premier âge, car ce corps, lui aussi, fut dès le début une offrande ». Le prêtre couvre ces oblats d’un voile signifiant « qu’en effet la puissance du Dieu incarné était restée voilée jusqu’au temps fixé des prodiges et du témoignage venant du ciel. »17 Nous arrivons ensuite à la lecture des livres apostoliques (épîtres, actes des apôtres) suivie de celle de l’Évangile symbolisant la prédication de plus en plus manifeste du Christ dans sa vie publique. Puis vient la grande entrée avec le transfert solennel des oblats qui prend la forme d’une procession dans l’église. Une double symbolique est suggérée ici, notamment par l’hymne des chérubins : « Nous qui, dans ce mystère, sommes l’image des Chérubins, et qui, en l’honneur de la vivifiante Trinité, chantons l’hymne trois fois sainte. » Il y a d’abord l’idée d’un parallélisme entre la liturgie terrestre et la liturgie céleste célébrée par les anges, mais on trouve aussi une évocation de l’entrée de Jésus à Jérusalem lorsque le peuple l’acclame par le Hosanna : « Les oblats peuvent encore signifier l’ultime manifestation du Christ, au cours de laquelle Il excita au plus haut point la haine des Juifs, lorsqu’Il entreprit le voyage de sa patrie à Jérusalem, où Il devait être immolé ; lorsque, enfin, porté par une monture, Il entra dans la cité sainte, escorté et acclamé par la foule. »18 La tradition orientale accorde une importance toute particulière à ce moment de la vie du Christ, qui n’est évoqué, dans la liturgie romaine, qu’au Dimanche des rameaux. L’iconographie byzantine privilégie, elle aussi, cette entrée à Jérusalem. On peut y voir un héritage des somptueuses cérémonies de l’époque byzantine où l’empereur, qui garda au début le titre de Pontifex maximus, tenait une place toute particulière.19 La consécration est présentée par Cabasilas avec un remarquable réalisme qui, sans utiliser le terme latin de transsubstantiation, rejoint très exactement la doctrine catholique : « Car le pain n’est plus la figure du Corps du Seigneur, ni une simple offrande, portant l’image de la véritable offrande, ou contenant en soi, comme en un tableau, la représentation de la salutaire Passion : c’est maintenant l’offrande véritable elle-même, c’est le Corps même infiniment saint du Maître, ce corps qui a réellement reçu tous ces outrages, ces insultes, ces coups ; ce Corps qui a été crucifié, immolé, « qui a rendu sous Ponce Pilate le meilleur témoignage », qui a été souffleté, torturé, qui a enduré les crachats, qui a goûté au fiel. Pareillement, le vin est devenu le sang même qui a jailli du corps immolé. C’est ce Corps avec ce Sang, formé par le Saint-Esprit, né de la bienheureuse Vierge, qui a été enseveli, qui le troisième jour est ressuscité, qui est monté aux cieux, et qui est assis à la droite du Père. » On voit que Cabasilas ne se contente pas d’un silence adorateur devant ce grand mystère, il précise avec un réalisme saisissant « cette ineffable et incompréhensible œuvre rédemptrice du Sauveur à notre égard ». Il n’y a plus de pain, ni de vin, malgré les apparences. Plus loin, il évoque l’épiclèse, c’est-à-dire la prière à l’Esprit-Saint après les paroles consécratoires qui, pour les Orientaux, fait partie de la consécration proprement dite. Cabasilas reproche à « certains latins » de ne pas inclure l’épiclèse dans la consécration, et de fait saint Thomas enseigne que les seules paroles de la consécration suffisent, mais la prière du canon romain qui suit la transsubstantiation constitue un épiclèse, comme Cabasilas le note lui-même : « Nous t’en supplions, Dieu tout-puissant, ordonne que ces offrandes soient portées par les mains de ton saint Ange sur ton autel sublime, en présence de ta divine majesté : afin que nous tous, qui participons à ce sacrifice par la réception du Corps infiniment saint et du Sang de ton Fils, nous soyons remplis de bénédiction céleste et de grâce. » Les Grecs demandent à l’Esprit-Saint de « descendre sur les dons », tandis que le canon romain demande au « saint Ange » de porter les oblats à Dieu pour qu’Il les bénisse. On peut remarquer que les trois nouveaux canons prévus par le Concile Vatican II contiennent une invocation à l’Esprit-Saint plus explicite encore que le canon romain aussitôt avant les paroles consécratoires. Concluons sur ce point en disant l’accord des traditions catholique et orthodoxe sur l’essentiel de la consécration et de son effet, mais en notant que la liturgie byzantine est plus explicite sur l’action de l’Esprit-Saint que le canon romain. Les prières liturgiques et l’iconographie orientales sont d’ailleurs souvent plus riches que celles de l’Occident à propos de l’Esprit-Saint. Ceci traduit une plus grande attention spirituelle à la Troisième Personne de la Trinité chez les Orthodoxes. Les latins ont été, surtout depuis le deuxième millénaire, plus attentifs spirituellement à l’humanité douloureuse du Christ. Par ailleurs, la dévotion au Saint-Sacrement, en dehors de la messe, qui est si caractéristique de la tradition catholique depuis le XIIIe siècle, n’a pas son équivalent chez les Orientaux. L’Église est faite de ces contrastes qui, loin de l’appauvrir, comme le feraient des contradictions, l’enrichissent. Les prières pour les défunts « qui se sont endormi dans l’espérance d’une éternelle vie », sont commentées par Cabasilas, qui indique que les effets du sacrifice sont aussi le repos de l’âme des défunts. La tradition orthodoxe ne fait pas état du purgatoire, mais la célèbre icône de la Résurrection nous montre le Christ venant chercher les élus, à commencer par nos premiers parents, en brisant les portes de l’enfer. La communion des fidèles est précédée de la prière chantée par le chœur et se termine par : « Le Seigneur est Dieu et Il nous est apparu. » À la fois Résurrection du Christ et Parousie (présence). La communion est suivie d’une action de grâces : « Nous avons vu la Lumière véritable, nous avons reçu l’esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi ; adorons la Trinité indivisible, car c’est elle qui nous a sauvés. » On voit que la liturgie de Saint Jean Chrysostome peut être interprétée comme reprenant la vie du Christ dont le Corps est l’Église et les fidèles sont les membres. Bien d’autres formes symboliques pourraient être dégagées de cette magnifique liturgie dont Cabasilas s’est fait l’interprète autorisé.

L’art des icônes L’iconographie orientale a pris une importance croissante dans la piété populaire pour des raisons qui s’apparentent à la dévotion si répandues, en Orient, pour les reliques.20 « L’image du Christ », écrit André Grabar à propos de Byzance, « n’est pas une simple représentation de la nature humaine ; l’image de Marie et d’autres saints n’est pas seulement la représentation de leur apparence corporelle. Ces images portent en elles une empreinte de la nature divine de Jésus et de la sainteté. La vénération qu’on doit à l’icône est justifiée par cette présence en elle de cette parcelle du divin ou de la sainteté, sans nous faire oublier pour autant que ce culte s’adresse non pas à l’objet matériel qu’est l’icône, mais à l’être divin ou saint auquel elle doit sa part de l’intelligible. »21 Cette dévotion n’aura pas son équivalent en Occident, qui verra surtout dans l’image un instrument pédagogique pour représenter des mystères.22 À partir du XIIIe siècle en Occident la dévotion au Saint Sacrement ne cesse de progresser tandis qu’en Orient les saintes espèces restent cachées derrière l’iconostase. Le tabernacle des églises d’Occident, qui est au centre de la prière des fidèles, n’exclut pas les images et les statues, mais la réalité de la présence sacramentelle éclipse les images.23 Depuis le XVIe, l’adoration de l’hostie dans l’ostensoir devient de plus en plus fréquente et aujourd’hui, cette dévotion est devenue centrale dans la prière de l’Église latine. Ajoutons qu’en Occident des dévotions nouvelles issues de révélations privées reconnues par le Magistère24 ne cessent d’enrichir la piété des fidèles tandis qu’en Orient la stabilité des formes de la prière est la règle.25 On pourrait établir des rapprochements entre l’art oriental et des expressions artistiques italiennes, espagnoles ou latino-américaines, mais les conditions politiques et sociales, que nous allons maintenant examiner, ne permirent pas, le plus souvent, à l’Orient chrétien de donner toute sa mesure dans le domaine de l’art.

III. Les données historiques et sociales Les Églises orientales aussi bien pré-chalcédoniennes que byzantines n’ont pas connu la liberté politique qui a caractérisé l’Église romaine après la conversion de Constantin. Tantôt la domination provenait du prince chrétien, des empereurs byzantins aux tsars russes, tantôt de princes étrangers et à partir du VIe des conquérants musulmans. Le plus extraordinaire dans cette situation, c’est non pas l’asservissement, mais la liberté dont la papauté a bénéficié, le plus souvent face à de continuelles menaces, avec des périodes il est vrai, de contrôle extérieur par les empereurs et les rois d’Occident, mais sans comparaison avec la condition orientale. Dès les premiers siècles de l’empire chrétien, l’évêque de Rome est un cas spécial : « En théorie, écrit Duchesne, il n’y a pas de doute, c’était un sujet, car on est sujet ou souverain, et, dans l’empire il n’y avait pas d’autre souverain que l’empereur. Mais en réalité ! En réalité, l’empereur ne le nommait pas ; il se bornait à ratifier son élection faite à Rome par les romains… L’autorité qu’il exerçait ne lui venait pas de l’empereur… La succession de saint Pierre, le siège de saint Pierre, l’autorité de saint Pierre, voilà de quoi se réclamait le « Seigneur apostolique » et ce qui faisait son prestige. »26 Épargné par la conquête musulmane qui s’étendit sur les chrétientés d’Égypte, d’Afrique du nord et d’Espagne, à proximité immédiate de Rome, le siège apostolique romain connut bien des tentatives d’asservissement, notamment de la part des empereurs allemands et des rois de France, mais les États pontificaux assurèrent, pendant un millénaire et demi, l’indépendance politique du Saint-Siège. Rien de pareil avec les Églises orientales. « À Byzance », écrit Ostrogorsky, « l’empereur est l’élu de Dieu, sur lequel repose la providence divine… (Il) décide pratiquement de la nomination du patriarche… intervient aussi dans l’administration de l’Église. »27 Le Concile de Florence (1439) s’est tenu quatorze années avant la chute de Constantinople et plus de deux siècles après la quatrième croisade (1204), dont Jean-Paul II a tenu à regretter les dérives déplorables, et même criminelles, lors de sa visite à Athènes en mai 2002. Les vrais coupables furent les marchands vénitiens qui ont ourdi le complot et les croisés furent dûment excommuniés par Innocent III, pour avoir confondu, sous l’empire de la convoitise, Constantinople et Jérusalem. Ce formidable pillage médiéval d’or et de reliques fut suivi de l’instauration d’un empire latin dans la cité grecque qui ne s’en remit jamais. Pendant 57 ans, les 11 empereurs latins se comportèrent en colonisateurs et le dernier d’entre eux fut chassé à l’improviste par une troupe byzantine profitant d’une expédition des Latins vers l’île de Daphnusia, au profit, encore une fois, des Vénitiens. Ce n’était pas de cette manière que l’unité des chrétiens d’Orient et d’Occident pouvait s’effectuer ; tout au contraire, la haine fut renforcée de part et d’autre. Malgré ce lourd héritage de préventions, un authentique mouvement en faveur de l’union commença à se dessiner en Orient. L’empereur byzantin, Jean VIII Paléologue, prit l’initiative et se mit en relation avec Eugène IV, évêque de Rome. Ce dernier ne bénéficiait pas de la situation prestigieuse de son prédécesseur, Innocent III ; on peut même dire qu’il avait à peu près tout le monde contre lui. Le Concile de Bâle retentissait de théories conciliaristes, niant les prérogatives du successeur de Pierre. Le roi de France, Charles VII, allait bientôt imposer la « Pragmatique Sanction » gallicane de Bourges (1438), et tenter de rétablir la tutelle française héritée d’Avignon. En Italie, les condottieri, au service des princes ou à leur propre compte, organisaient le chaos. L’empereur byzantin devait choisir entre les « conciliaristes » de Bâle appuyés par les plus grands princes d’Occident et le pape légitime, Eugène IV. Celui-ci, sachant que les Grecs voulaient son approbation, avait transféré le Concile de Bâle à Ferrare et y arriva le jour même où l’assemblée de Bâle décidait de le suspendre (24 janvier 1438). Le 8 février, le Basileus, Jean VIII, débarqua à Venise avec une imposante délégation de 700 Grecs, et fut accueilli à Ferrare, le 4 mars, par Eugène IV. La session inaugurale, solennelle, eut lieu le 9 avril. Les autres sessions se succédèrent mais la menace de la peste entraîna le transfert du Concile à Florence. Au début de février 1439, le pape, l’empereur et le patriarche étaient enfin sur place et les sessions dogmatiques débutèrent pour s’achever le 4 juillet suivant avec le décret d’union. La délégation byzantine avait donc opté pour le pape au détriment de l’assemblée de Bâle, pour des raisons, notons-le, plus théologiques que politiques, sans se désintéresser pour autant de la menace turque sur Constantinople. Il fallut toutefois, d’interminables séances de discussion pour que les deux parties parviennent à trouver l’unité ecclésiale. Les résultats de cette mémorable entreprise furent rendus en grande partie vains après la chute dramatique de Constantinople, abandonnée à elle-même, malgré les efforts du pape. Les princes d’Occident, préoccupés de leurs seuls intérêts, n’intervinrent pas. Bessarion, un des plus éminents théologiens grecs, devint cardinal romain et fut même un candidat sérieux au trône de Pierre. Isidore de Kiev, dont dépendait la Russie, se rendit à Moscou et à Constantinople pour rendre officielle la fin du schisme. Il endura l’hostilité du prince de Moscou, opposé à l’Union, qui l’emprisonna. Une majorité du clergé orthodoxe, moines en tête, refusa l’union, notamment sous l’influence de Marc d’Ephèse, adversaire déterminé des latins. Scholarios, philosophe laïc, qui avait participé au Concile et signé le décret d’union, devint moine et changea d’avis sous l’influence de Marc d’Ephèse. Finalement il fut intronisé Patriarche de Constantinople par Mehmet II, le vainqueur de Byzance. Lorsque Moscou se proclama « troisième Rome », en 1589, la situation ne s’arrangea pas puisqu’en 1721, Pierre le Grand remplaça le patriarcat par un Synode dirigé par un fonctionnaire laïc nommé par le tsar. Le patriarcat fut rétabli en 1917 resta sans titulaire de 1925 à 1943 et se soumit au pouvoir soviétique de 1943 à 1990.28 Les Églises orientales des Balkans, du Moyen Orient et d’Afrique, à l’exception de l’Ethiopie, furent contrôlées par les Sultans, soit par l’intermédiaire de Constantinople, soit directement avec un régime spécial pour les Églises d’Orient rattachées à Rome et protégées par la France. La Russie intervint aussi au XIXe dans les Balkans et au Moyen-Orient en faveur des chrétiens orthodoxes et l’espérance de reconquérir Constantinople, la « deuxième Rome », est une des clés de la politique étrangère de l’empire tsariste, de Nicolas I (1825–1855) à Nicolas II (1894–1918).29 Cette sujétion historique des chrétiens d’Orient sous différents régimes politiques et religieux explique leurs attitudes de repliement confessionnel et même ethnique, leur absence d’esprit missionnaire et leur faible créativité culturelle, et certains caractères de leurs traditions théologiques, sans oublier la pauvreté matérielle et ses contraintes.

IV. Le cas de la Russie Georges Florovsky (1893–1979)30 a écrit une imposante synthèse de l’histoire spirituelle et théologique de l’Église orthodoxe russe et ukrainienne dont nous nous inspirons ici. Berdiaev pensait que cet ouvrage aurait pu avoir pour titre : « Impasses de la théologie russe ». C’est en Russie, la Russie orthodoxe, que le génie chrétien de l’Orient a manifesté au XIXe et au début du XXe, dans à peu près tous les domaines, le plus de créativité. Ce que Florovsky appelle la « Révolution de Pétersbourg » entreprise par Pierre le Grand au XVIIIe et le nationalisme grand russe au XIXe ont enfermé la Russie dans un système politico-religieux qui a bien failli l’étouffer avant même que les bolcheviks ne commencent leur œuvre de destruction physique de l’Église russe. Héritière de Byzance, la Russie orthodoxe a été d’emblée coupée de Rome qui s’est présentée à elle sous le visage du catholicisme polonais d’abord conquérant puis politiquement asservi, mais gardant tout le prestige du catholicisme latin et nourrissant un mépris pour ses conquérants. Il était difficile pour la Russie d’assumer simultanément l’héritage de Byzance et son rôle politique parmi les nations européennes, sans confondre le spirituel et le temporel et même sans asservir le premier au profit du second à l’âge des Lumières. Ses dirigeants se plurent à unir l’autocratie, l’orthodoxie et le nationalisme dans un système à dominante politique et même policière. Le génie de l’Orient chrétien se trouva comme atrophié et les énergies religieuses détournées s’engagèrent effectivement dans une impasse dangereusement explosive comme la suite le montra. L’histoire de l’uniatisme (gréco-catholiques) qui opposa Rome et Pétersbourg à partir du XVIe peut servir de fil rouge pour suivre un conflit ecclésiologique que le tsarisme tenta de régler par la force. Mais la science s’exprimait toujours en latin dans l’empire russe jusqu’au XVIIIe tandis que la théologie proprement orthodoxe n’avait pas d’expression originale à proposer à son clergé. Entre la Révolution de 1789 et celle de 1917, les idéologies sociales prétendirent prendre la place de la religion. C’est au milieu de ces tempêtes que l’Orthodoxie russe et avec elle le génie chrétien d’Orient durent se frayer un chemin qui aboutit justement à une impasse, laquelle transforma la vie religieuse russe en une tragédie. Georges Florovsky, qui voit dans la philosophie idéaliste allemande l’expression privilégiée de l’Occident, confond une branche sortie du tronc principal avec un arbre, plus que millénaire. L’expérience russe de la scolastique latine kiévienne au XVIIe avec Pierre Moghila, puis le retour à la scolastique latine en Russie au début du XIXe, avaient traumatisé la conscience russe qui crut perdre son identité orientale en se laissant latiniser. Pourtant, en écartant après 1840 la scolastique qui incluait cet « hellénisme chrétien » commun aux Occidentaux et aux Orientaux, les théologiens russes influencés par le mouvement piétiste comme Philarète, Métropolite de Moscou de 1821 à 1867, préparaient la voie à un « hellénisme païen » de facture idéaliste. Ce furent deux laïcs, Alexis S. Khomiakov (1804–1860) et Ivan Kireievsky (1806–1856), qui se firent les défenseurs d’une orthodoxie slavophile originale se réclamant de Pères et résolument hostiles à l’ecclésiologie romaine qu’ils opposaient à la Sobornost (conciliarité) orthodoxe.31 Vladimir Soloviev (1853–1900) sut le mieux exprimer le génie oriental chrétien. Son inspiration est platonicienne, plutôt qu’aristotélicienne, et, bien qu’elle reste parfois parasitée par l’idéalisme allemand et contient des traits gnostiques, son œuvre, très christocentrique, constitue un trésor pour l’Orient et pour l’Occident chrétiens.32 Personnalité mystérieuse et tragique, Soloviev fut un authentique pèlerin russe. Ce philosophe génial était en effet un poète sans domicile fixe et d’une générosité démesurée. Chevalier de la Sophia (Toinet), il s’éprit religieusement de la beauté sous toutes ses formes, féminines incluses. Sa passion pour l’unité des Églises était très profondément christocentrique, et contrairement à Dostoievski, Soloviev était marial. C’est d’ailleurs dans une chapelle dédiée à Notre-Dame de Lourdes que, le 18 février 1896, il récita la profession de foi du Concile de Trente et communia des mains d’un prêtre russe devenu catholique. Il déclara, en faisant cette démarche, vouloir demeurer toujours membre de l’Église orthodoxe. Il aimait les juifs et les Polonais que le régime tsariste persécutait. Seuls Pobiedonotsev, grand inquisiteur russe, et Tolstoi, inventeur d’un christianisme sans le Christ, échappaient à son universelle bienveillance. On peut dire de lui qu’il a été le véritable prophète de l’œcuménisme entre l’Orthodoxie russe et l’Église latine, même si son message reste encore trop souvent inécouté.

Conclusion Les chrétiens d’Orient se trouvent aujourd’hui dans des situations très différentes les unes des autres, mais dans la majorité des cas, la liberté politique est devenue une réalité qui avait manqué hier. Il incombe aux catholiques latins de porter un nouveau regard sur ce « deuxième poumon » de l’Église universelle, notamment en vue de la grande œuvre à laquelle Jean-Paul II convie les chrétiens du troisième millénaire, appelés à faire connaître le Christ aux peuples de l’immense Asie, qui, le plus souvent, ignorent l’Évangile.

* Patrick de Laubier (1935) est professeur honoraire de l’université de Genève (sociologie). Ordonné prêtre le 13 mai 2001 à Rome, il donne des cours à l’université du Latran et dans différentes institutions, notamment en Russie. Parmi ses ouvrages : Pour une civilisation de l’amour, Fayard ; L’eschatologie, Que-sais-je ? PUF ; L’avenir d’un passé, Rome, Saint Pétersbourg, Moscou, Téqui.

MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE  » (biblique)

20 janvier, 2014

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1319.html

 » MIS À PART DÈS LE SEIN DE MA MÈRE « 

Approfondir  … Choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont « mis à part dès le sein maternel » : pour quels enjeux ? Parmi les personnages bibliques choisis par Dieu pour une mission divine, Jérémie et Paul sont  » mis à part dès le sein maternel ». Si l’expression n’est pas utilisée pour Samson, Jean-Baptiste ou Jésus, les parallèles sont pourtant nombreux. Quels sont les enjeux de cette mise à part ? Comment éclaire-t-elle la mission donnée à l’élu ? Et quelle liberté réserve-t-elle à l’appelé ? L’expression « mis à part » (ou « consacré » selon les traductions), signifie « choisi parmi un groupe pour être institué dans une mission ». Elle sous-entend une délimitation, une définition et une séparation. Dans l’Ancien Testament, elle qualifie la distinction entre le pur et l’impur, entre le profane et le sacré. Elle désigne également la mission confiée au peuple élu (Cf. Lv 20,26).

• Le choix de Dieu La mise à part s’inscrit dans le mouvement de l’appel de Dieu. Pour Jérémie, Paul, Samson ou Jean-Baptiste, choisis dès le sein de leur mère, l’initiative du choix revient à Dieu de manière absolue. La perception d’un Dieu qui façonne sa créature dans le sein maternel, qui en connaît d’emblée toute l’existence (Cf. Ps 139), est placée ici au cœur de la vocation. Cette tradition est complétée dans le Psaume 51 (50) où l’élu de Dieu se reconnaît pécheur dès le sein de sa mère, et donc déjà placé sous le regard de Dieu. On peut parler d’une « prédestination » de la part de Dieu qui raisonne comme un appel à orienter engager toute sa vie sur la voie qu’il nous ouvre. La mise à part est liée aussitôt à une mission. C’est là son fondement et son but. Jérémie est mis à part dès le sein maternel car Dieu « fait (de lui) un prophète pour les nations « . De même, Paul est mis à part pour voir se révéler le Fils et l’annoncer aux païens. Jean-Baptiste, lui, reçoit la mission d’être prophète du Très-Haut, de marcher devant, sous le regard du Seigneur, et de préparer ses chemins (Lc 1,16.76).

• La réponse de l’élu Pour accomplir sa mission, l’élu est supposé avoir une vie intime avec le Seigneur, une connaissance particulière. L’assurance de la présence du Seigneur avec lui ou de l’Esprit en lui, le rendra fidèle à sa mission. Sa fidélité ne lui vient pas d’une qualité personnelle qu’il détiendrait mais de sa capacité à accueillir la grâce de Dieu. Ainsi Jérémie se considère trop jeune ou incapable d’assumer sa mission au point de maudire le jour de sa naissance. Mais le Seigneur lui confirme son choix à plusieurs reprises pour lui ôter ses doutes. L’élu devient comme l’instrument du Seigneur. La consécration réduirait-elle la liberté de l’élu, puisque sa mise à part a lieu dès le sein de sa mère ? Le Seigneur appelle et suscite une réponse de l’élu. Celui-ci accepte d’accueillir sa grâce, son Esprit, devenir son mandataire et rester fidèle en dépit de l’adversité rencontrée. Les réticences de Jérémie à l’encontre de l’appel divin montrent qu’entre Dieu et son envoyé, s’instaure un dialogue. La liberté de l’élu se situe non pas du côté de l’appel, mais du côté de sa réponse et de son consentement à faire la volonté de Dieu. L’appelé ne connaît pas d’emblée la mission qui lui est confiée. Il la découvrira progressivement, se laissera modeler par elle, et aura à l’accepter librement (ou y renoncer) à chaque instant. Elle s’inscrit dans le dessein de Dieu, lequel échappe à l’élu. C’est dans ce oui à la volonté de Dieu que se dit la liberté de l’appelé. Jésus accomplit pleinement cette adhésion libre à la volonté du Père. Sa mise à part et sa mission sont exprimées dès l’Annonciation : le fruit du sein de Marie est saint et béni, recevra le nom de Jésus, sera grand et appelé fils du Très-Haut, recevra le trône de David son père et régnera pour toujours (Lc 1,31-32). Sa conception mystérieuse par l’action de l’Esprit Saint manifeste la volonté de Dieu. Sa mission accueillie et assumée, Jésus la vivra dans la connaissance intime du Père. Il priera pour la partager avec ceux que le Père lui a donnés et qu’il lui demande de consacrer alors (Jn 17). Mis à part et consacré pour la mission, Jésus vient accomplir et donner sens à toute vocation.

Christophe RAIMBAULT.

The altar of the Presentation Theotpkos, The Greek Orthodox Church

17 janvier, 2014

The altar of the Presentation Theotpkos, The Greek Orthodox Church dans images sacrée 9688221-large

http://blog.al.com/live/2011/06/baldwin_countys_malbis_plantat.html

Un crayon dans les mains de Dieu

17 janvier, 2014

http://www.30giorni.it/articoli_id_1866_l4.htm

LA BÉATIFICATION DE MÈRE TERESA DE CALCUTTA (2003)

Un crayon dans les mains de Dieu

Interview du cardinal Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints qui dit: «Mère Teresa se considérait comme un simple instrument dans les mains du Seigneur, ou, pour employer l’une de ses célèbres expressions, “un crayon dans ses mains”. Le mérite ne revient jamais au crayon mais à celui qui écrit, c’est-à-dire, dans ce cas, à Dieu. C’est de cette conviction profonde que naissait sa confiance illimitée, son espérance tenace, dont la source n’était pas en elle, dans ses forces, mais dans la grâce divine»

par Gianni Cardinale

Des images de Mère Teresa. En haut, une photo d’elle; en bas, en prière avec ses consœurs Des images de Mère Teresa. En haut, une photo d’elle; en bas, en prière avec ses consœurs Le dimanche 19 octobre, la place Saint-Pierre se remplira de fidèles venus du monde entier pour la cérémonie de béatification de Mère Teresa de Calcutta. L’événement sera précédé des célébrations pour le XXVe anniversaire du pontificat de Jean Paul II et précédera lui-même de deux jours le consistoire, annoncé par le Pape le 28 septembre, dans lequel seront créés trente nouveaux cardinaux. La petite sœur albanaise sera élevée à l’honneur des autels après l’un des procès de béatification les plus rapides que l’on ait jamais connu. Selon les normes en vigueur, en effet, une cause de béatification ne peut être ouverte que cinq ans après la mort de la personne en question. Mais, pour Mère Teresa, le Pape a approuvé formellement une dérogation qui lui avait été demandée par le préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, le cardinal José Saraiva Martins, qui avait été lui-même sollicité en ce sens par de nombreux évêques et fidèles du monde entier. Mère Teresa est en effet morte le 5 septembre 1997 et sa cause, selon les règles, n’aurait pas dû pouvoir s’ouvrir avant septembre 2002. Or, à la fin de 1998, une année à peine après sa mort, le Pape avait déjà accordé la dérogation, et c’est ainsi que la première phase du procès, la phase diocésaine a pu débuter. Pendant ce temps, le 5 septembre 1998, est arrivé un miracle qui a été attribué à l’intercession de Mère Teresa. Il s’agit de la guérison de la jeune Monica Besra, de religion animiste, qui souffrait d’une grave forme de tumeur. La phase diocésaine s’est terminée le 14 août 2001, quand celui qui était alors archevêque de Calcutta, Henry S. D’Souza, a annonçé que les actes (76 volumes de 450 pages chacun) étaient en partance pour Rome. Là, le procès a progressé rapidement et, entre la fin de septembre et les premiers jours d’octobre 2002, en l’espace d’une semaine, la Congrégation pour les Causes des Saints a approuvé les vertus héroïques et le miracle. Le 20 décembre 2002 ensuite, ces décrets ont été solennellement promulgués au Vatican, en présence du Pape. 30Jours a posé quelques questions sur cette cause de béatification et sur la personne de Mère Teresa au cardinal Saraiva Martins, portugais, 71 ans, préfet depuis cinq ans de la Congrégation pour les Causes des Saints. Le cardinal Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints Le cardinal Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints Éminence, avez-vous connu personnellement Mère Teresa de Calcutta? JOSÉ SARAIVA MARTINS: Oui, le l’ai rencontrée à plusieurs reprises. Je me rappelle la première fois. J’étais recteur de l’Université pontificale Urbaniana et elle est venue au siège de cette université à l’occasion de la solennité de la Fête-Dieu. Mère Teresa n’a jamais fait mystère de sa dévotion pour le Saint Sacrement. Puis j’ai eu l’occasion de la voir quand j’étais secrétaire de la Congrégation pour l’Éducation catholique car elle venait souvent nous voir à notre siège de la place Pio XII. Mon souvenir le plus intense remonte au moment où j’ai eu le plaisir de recevoir la profession religieuse d’un groupe nombreux – elles étaient plus d’une douzaine – de sœurs missionnaires de la Charité. La cérémonie s’est déroulée à San Gregorio al Celio en présence de Mère Teresa, assise par terre, avec toutes les autres sœurs. C’était toujours une véritable leçon évangélique que de parler avec elle car on sentait dans ses paroles sa profonde spiritualité et son profond esprit missionnaire. Que représente pour vous la personne de la future bienheureuse? SARAIVA MARTINS: Mère Teresa est sans aucun doute l’une des figures les plus éminentes de l’Église de notre temps. Une figure qui exerce une grande fascination sur les fidèles, mais aussi sur les non-croyants du monde entier. Il y a, à l’origine de cette fascination, son extraordinaire personnalité de femme et de sœur, son charisme profondément évangélique et l’extrême actualité de son message humain et chrétien. Un message qui est essentiellement un message d’amour, de charité à l’égard de ses frères, à l’égard surtout des pauvres, des petits, des marginaux, lesquels ont toujours été ses plus grands trésors. C’est à eux qu’elle a consacré toute sa vie et toute son énergie. Tout au long de son intense apostolat au milieu des pauvres, Mère Teresa n’a jamais oublié les paroles de Jésus: «Tout ce que vous ferez au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le ferez». Dans le visage des pauvres et des marginaux elle voyait, parfois transfiguré, le visage même du Christ.

Mère Teresa, femme de charité mais aussi de foi et d’espérance… SARAIVA MARTINS: Certainement. Outre la charité, ce qui apparaît en elle c’est une foi profonde, concrète, vécue, essentielle. Une foi qui ne lui a jamais fait défaut, pas même durant la longue période d’aridité spirituelle par laquelle Dieu a voulu l’éprouver (il faut rappeler à ce sujet que d’autres grands saints mystiques ont dû eux aussi affronter une épreuve de ce genre). Mère Teresa, disais-je, était d’une grande humilité et d’une totale disponibilité pour accomplir la volonté de Dieu. Elle se considérait comme un simple instrument dans les mains du Seigneur, ou, pour employer l’une de ses célèbres expressions, «un crayon dans ses mains». Le mérite ne revient jamais au crayon mais à celui qui écrit, c’est à dire, dans ce cas, à Dieu. C’est de cette conviction profonde que naissait sa confiance illimitée et son espérance tenace, dont la source n’était pas en elle, dans ses forces, mais dans la grâce divine. On a toujours souligné combien Mère Teresa avait à cœur la famille… SARAIVA MARTINS: C’est vrai. Elle était tout à fait consciente de l’extrême importance de la famille pour l’Église et pour la société. Mère Teresa insistait en particulier sur la nécessité que soient vécues, dans la famille chrétienne, les valeurs évangéliques. Et elle le faisait sans autoritarisme et sans rien imposer. «Une famille qui prie», a-t-elle dit à l’occasion de la première Rencontre mondiale des familles «est une famille heureuse». Ces paroles de la Mère des pauvres conservent toute leur force et toute leur urgence. Et elles sont peut-être plus efficaces que bien des plans pastoraux… Mère Teresa disait en effet: «Il faut apprendre à prier ensemble dans la famille: le fruit de la prière est la foi, le fruit de la foi est l’amour, le fruit de l’amour est le service et le fruit du service est la paix». La cérémonie de béatification de Mère Teresa sera célébrée à l’occasion du XXVe anniversaire du pontificat de Jean Paul II. S’agit-il d’une simple coïncidence? SARAIVA MARTINS: Les images de la télévision ont fait entrer dans chaque famille la tendresse sublime de la personne de Mère Teresa à côté de celle de Jean Paul II, tous deux unis dans la célébration de la vie au milieu de la foule des jeunes qui se pressaient sur les places et les stades du monde entier. Mère Teresa a en effet suivi le Pape pèlerin sur les routes du monde avec la discrétion et le silence féminins qui sont générateurs de vie. Qui ne se rappelle Paris, Denver, Rome… pour ne citer que quelques rendez-vous de cette passion commune pour la vie et pour les jeunes? Pour toutes ces raisons la béatification de Mère Teresa, qui tombe au moment des célébrations du XXVe pontificat de Jean Paul II, est un fait providentiel, c’est un don de Dieu à l’Église. Je suis personnellement très content de cette heureuse coïncidence et je peux dire que notre Congrégation a activement travaillé pour qu’il puisse en être ainsi. Le procès de Mère Teresa s’est en effet déroulé en un temps record. La petite sœur albanaise aurait-elle joui d’une “recommandation”? SARAIVA MARTINS: Tout de suite après la mort de Mère Teresa, sa réputation de sainteté, comme une grande vague, a submergé et animé le monde chrétien. Une vague qui, d’une certaine façon, a déferlé sur notre Congrégation où sont arrivés des témoignages importants concernant la petite sœur de Calcutta. On n’a pas accéléré les temps et les procédures du procès. Mais il aurait fallu, selon les règles en vigueur, attendre au moins cinq ans après la mort de Mère Teresa pour ouvrir son procès. Or, dans son cas, une dispense a été obtenue en vertu de laquelle on a pu commencer immédiatement à recueillir les documents pour le procès qui, je le répète, a lui suivi les procédures et le rythme habituels. Vu l’ampleur et la résonance mondiales de la cause, la Congrégation a mis à la disposition des acteurs de la cause un official compétent en raison de son expérience juridique et linguistique. Le chemin vers la béatification a ainsi pu être accompli plus rapidement. Donc aucune “recommandation”. Le dicastère pour les Causes des Saints a simplement répondu au “cri” des fidèles qui s’élevait de tous les coins du monde. Il a été annoncé dans les mass media comme sur le quotidien Avvenire, que «l’hypothèse de canoniser Mère Teresa le jour même de sa béatification» avait été envisagée. Mais, écrit, ensuite le quotidien de la CEI, aurait prévalu «la tendance à suivre, pour Mère Teresa aussi, la procédure canonique normale». SARAIVA MARTINS: Il est sûr que Mère Teresa n’a jamais cherché pour elle durant son existence terrestre ni privilèges, ni traitements de faveur.

HOMÉLIE 2E DIMANCHE ORDINAIRE, A

17 janvier, 2014

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

HOMÉLIE 2E DIMANCHE ORDINAIRE, A

IS 49, 3. 5-6 ; 1 CO 1, 1-3 ; JN 1, 29-34

Je n’ai pas pris mon petit déjeuner avec Angelo Mozilo, le PDG et cofondateur de la banque de crédit immobilier Countrywide Financial. Dommage ! car il va partir avec un « parachute doré » de 115 millions de dollars. De plus, il bénéficiera de l’avion de la compagnie et aura ses cotisations à son club de golf payées jusqu’en 2011 (1). A l’échelle mondiale, il n’est certes pas le plus lourd des poids lourds. Mais il n’y a pas de quoi se laisser impressionner. Chacun de nous a aussi du poids ou du prix aux yeux du Seigneur. Comme le disait le prophète en prenant conscience que sa plus grande force et sa richesse la plus sûre était plutôt sa confiance en Dieu et sa vocation de serviteur. Quand S. Paul écrira aux chrétiens de Corinthe, il évoquera leur petite communauté blessée par des divisions et des discordes, des procès entre frères et des cas d’inconduite. Il n’en dira pas moins : « Vous êtes comblés de toutes les richesses et il ne vous manque aucun don, puisque vous avez été sanctifiés dans le Christ Jésus par le baptême et appelés à être saints ». Pas nécessairement des saints canonisés, ni des produits de grande marque, mais au moins des produits blancs, de vrais saints quand même, que l’on peut reconnaître, non pas à leur étiquette, mais à leur comportement de serviteur du Royaume de Dieu, à leur témoignage de vie selon le Christ, qui en font des artisans de réconciliation, de solidarité et de paix. En effet, nous sommes saints dans la mesure même où nous restons unis au Christ et où nous nous efforçons progressivement et de plus en plus d’imprégner notre vie quotidienne de son esprit. C’est notre portrait idéal que décrit le livre d’Isaïe. C’est notre mission qu’il précise. Puiser sa force dans le Seigneur, accepter d’être un instrument, un serviteur de son projet d’unité, rayonner la lumière du Christ et annoncer sa Bonne Nouvelle au-delà de toute frontière, qu’elle soit familiale, religieuse ou politique. Ce portrait du serviteur est repris par le psaume, sous forme de prière : Mettre son espoir dans le Seigneur, se tenir à sa disposition : « Voici que je viens, Seigneur, faire ta volonté ». Mais comment ? En cherchant les instructions et les directives dans le Livre où « est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse ». Ensuite, prendre plaisir à faire la volonté de Dieu, mettre sa loi au fond du cœur. Reste encore à ne pas garder ses lèvres closes, car la Bonne Nouvelle du Christ et sa justice doivent être annoncées et proclamées en public. Ce portrait est primitivement un autoportrait, celui que le prophète a fait de lui-même. Mais en le poussant à sa perfection totale, on a le portrait et la mission du Christ. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle « l’Eglise primitive a retrouvé les traits du Christ dans le portrait de ce prophète ». Et c’est en relisant cette page du second Isaïe aujourd’hui que les chrétiens peuvent y découvrir leur propre idéal. Par le baptême dans l’eau et dans l’Esprit, ils sont aussi des fils ou des filles bien-aimés de Dieu. Ils ont du poids aux yeux du Seigneur. Les trois textes de ce jour nous renvoient à notre baptême. Etre chrétien n’est rien si ce n’est pas aussi une tâche à accomplir, une mission à remplir. C’est-à-dire coopérer à l’accomplissement de la mission du Christ. En même temps, nous sommes appelés à développer constamment nos richesses spirituelles pour qu’elles pénètrent toute notre vie ou, en d’autres mots, la sanctifient. On n’est donc pas chrétien une fois pour toutes, mais on a constamment à le devenir. Et on le devient au fur et à mesure que l’on connaît mieux le Christ et que l’on vit davantage selon son Evangile. Ce qui veut dire que nous ne pouvons jamais nous contenter d’un acquis définitif dans la connaissance de Jésus Christ. Prétendre le contraire serait nous dispenser de continuer notre recherche et d’approfondir notre foi. Cette foi qui n’est jamais un acquis définitif. Elle implique que nous restions constamment à l’école du Maître, pour mieux le comprendre, l’approfondir, nous imprégner de son esprit et en témoigner dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Aujourd’hui encore, je me souviens du drame des affrontements fratricides en ex-Yougoslavie. A l’époque, un chrétien de ces régions, évêque de surcroît, déclarait : « Même si mon adversaire détruit ma maison ou mon église, je dois défendre la sienne ». Un témoignage évangélique exemplaire, et plus précisément héroïque. Mais, dans ces mêmes régions, un autre évêque, apôtre du Christ, et donc artisan de réconciliation et de paix, n’hésitait pas à proclamer « la fin de l’œcuménisme » et en appelait à « revenir à l’Ancien Testament, où il est écrit : « Œil pour œil, dent pour dent, et un jeune homme pour un jeune homme… ». Qu’avait-il donc fait de son baptême ? Une question que nous devons aussi nous poser régulièrement à nous-mêmes.

Frère Fabien Deleclos, franciscain (T)

 1925 – 2008

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