Archive pour le 14 janvier, 2014

Jésus remarquable capacité de hall de gare officiant, Tabor (Google traduction du chinois)

14 janvier, 2014

Jésus remarquable capacité de hall de gare officiant, Tabor (Google traduction du chinois) dans images sacrée
http://blog.udn.com/jackhcliu/4343236

DES FEMMES ACCOMPAGNAIENT JÉSUS

14 janvier, 2014

http://www.ssccjm.org/spiritualite/femmesbible/lesfemmesdanslabible_desfemmesaccompagnejesus.html

DES FEMMES ACCOMPAGNAIENT JÉSUS

On comprend que des femmes qui avaient par Jésus recouvré leur intégrité physique ou morale, des femmes guéries « sauvées », se soient attachées à Jésus. Or, Jésus a laissé un groupe de femmes se joindre à celui de ses disciples. Nous ignorons dans quelle mesure il l’a provoqué. Mais c’est un fait, à la vérité exceptionnel et qui paraît unique en Palestine. « Jésus proclamait et annonçait la bonne nouvelle du Règne de Dieu. Les Douze étaient avec lui et aussi des femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladie : Marie, dite de Magdala, dont étaient sortis sept démons; Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode; Suzanne et beaucoup d’autres qui les aident de leurs biens. » L’on peut se demander comment était considéré de l’extérieur ce groupe de femmes dont beaucoup étaient d’anciennes malades et certaines sans doute d’anciennes prostituées. Jésus a accepté des présences qui ne devaient pas contribuer à sa réputation. Ce ne sont pas des femmes idéales qui suivent Jésus. On s’est souvent demandé pourquoi Jésus n’avait pas choisi de femmes dans le collège des Douze (ou parmi les soixante-douze). C’est une question pour le moins incongrue lorsqu’on connaît le statut de la femme juive au temps de Jésus. Elles ne pouvaient pas prêcher en public, encore moins dans les synagogues où elles n’avaient pas le droit de parler ni même d’être en vue. Comment ces femmes, à qui était refusé le « témoignage » auraient-elles pu porter un message public ? Du moins faut-il dire que, dès l’origine, la Bonne Nouvelle fut colportée à la fois par des hommes et par des femmes. Nous saurions bien peu de choses de ces femmes qui ont dû peu compter aux yeux de leurs collègues masculins si, par un de ces retournements dont Dieu seul a le secret, ces femmes, fidèles à Jésus jusqu’à la croix et à l’ensevelissement, n’allaient être les premières informées de la Résurrection.

Les femmes et la Résurrection Après la mort de Jésus, les hommes se cachent (Mc 16, 8; Jn 20, 19), mais les femmes, qu’ont-elles à perdre ? Leur reconnaissance et leur amour sont plus forts que la mort. Elles suivent une logique dont on pourrait dire qu’elle est celle du cœur, car enfin qui roulera la pierre du tombeau?… Or, la pierre est roulée, la tombe vide. C’est l’effroi et le message : « Pourquoi chez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici; il est ressuscité. » (Lc 24, 6). Les femmes sont donc chargées du message qui est le Roc de la foi chrétienne; c’est un point sur lequel on semble avoir peu réfléchi. Luc (encore lui) souligne que les hommes ne les ont pas crues; ces récits de femmes leur apparaissent comme un délire (Lc 24, 10-11). Pierre se rend au tombeau, et lorsque Jésus eut apparu à Pierre, la chose est sérieuse (Lc 24-34).

Prier avec les femmes de la Bible  Dans la plus ancienne confession de foi chrétienne sur la Résurrection (1 Co 15, 5), l’ordre des témoins de la Résurrection est hiérarchique : Pierre d’abord, ensuite les Douze. Il n’y est pas question des femmes; Juridiquement, leur témoignage n’est pas acceptable. Il ne semble pourtant pas que le Ressuscité ait suivi la même « logique » que celle de ses disciples masculins. Dans la finale de Marc (16, 14), Jésus reproche aux Onze leur incrédulité et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru à ceux qui l’avaient vu ressuscité. Or qui donc n’avait pas été cru, sinon en premier lieu les femmes ?

Beaucoup d’autres femmes En plus de celles évoquées, traversent l’Évangile : femmes en chair et en os, ou femmes fictives des paraboles de Jésus, tout aussi vivantes d’ailleurs. Femmes de tous âges et en toutes situations : adolescentes comme la fille de Jaïre ou vieilles femmes comme Élisabeth, Anne la prophétesse, ou la belle-mère de Pierre… jeunes filles dans la joyeuse attente d’une fête de mariage (les vierges folles ou les vierges sages), heureuses épouses, mères comblées ou mères désolées (la Syro-phénicienne, la veuve de Naïn), veuves (Anne, la veuve importune), célibataires comme peut-être Marthe et Marie, les sœurs de Lazare… femme qui accouche, femme qui moud son blé, pétrit son pain ou balaie sa maison; femmes qui bavardent avec leurs voisines ou pleurent sur le passage du condamné… Jésus a posé son regard sur chacune de ces femmes, sur chacune de ces situations. Il est le premier rabbi de la tradition juive à employer des personnages féminins dans ses paraboles. Cela est significatif. Si la femme est faite, comme l’homme, à l’image de Dieu, sa vie, si ordinaire qu’elle soit, a quelque chose à nous dire du mystère de Dieu. Dès lors, tout change pour la femme… Jésus, par son attitude, nous révèle le dessein d’amour de Dieu sur la femme tout autant que sur l’homme.

2. Les femmes et Paul Les affirmations de l’apôtre Paul au sujet des femmes, voilà le sujet le plus épineux dans le dossier; il a fait couler beaucoup d’encre et déverser bien des paroles, tant du côté de ceux et celles qui accusent Paul de misogynie que de ceux qui l’en défendent. Mon propos n’est pas d’envisager et de régler toutes les questions soulevées par les textes attribués à Paul. J’ai surtout l’intention de présenter les femmes que Paul nous fait connaître comme ses principales collaboratrices. Reste que sa visée fondamentale, Paul l’indique dans un passage célèbre : « Vous êtes tous, par la foi, fils de Dieu en Jésus-Christ… Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni l’homme ni la femme; car vous n’êtes qu’un dans le Christ. » (Ga 3, 26-28). En tous cas, sa pratique témoigne de l’estime qu’il porte à celles qui ont été ses collaboratrices dans la mission. Paul a eu le don de s’adjoindre d’importantes collaboratrices dont il a d’ailleurs plus d’une fois reconnu la valeur et le mérite dans ses lettres. Parmi toutes ces femmes, s’en détachent quelques-unes. Comme, par exemple, cette Phébée, que Paul salue comme sa « sœur et comme diaconesse de la communauté de Cenchrées », à Corinthe… Diaconesse : ce titre que Paul se donnait à lui-même et à son frère Timothée, il n’hésite pas ici à l’attribuer en toute égalité à sa « sœur » Phébée. C’est dire à quel point Paul valorisait le travail de cette femme missionnaire, animatrice et éducatrice de la foi dans sa communauté chrétienne locale (Romains 16, 1-3). Priscille fut une autre excellente collaboratrice de Paul au cours de ses voyages apostoliques (Actes 18, 1-4. 20-22. 24-26 ; Romains 16, 3-5). C’est à Corinthe qu’on la rencontre pour la première fois. Elle vient d’y entrer avec son mari Aquilas; elle a dû quitter Rome, car l’empereur Claude avait donné l’ordre d’expulser tous les Juifs de la ville. L’arrivée du couple à Corinthe change la vie de Paul : il ne met pas de temps à les connaître et à se lier d’une grande amitié avec eux. Il faut dire que les trois, Priscille, Aquilas et Paul, exercent le même métier : ils sont faiseurs de tentes. C’est en travaillant ensemble qu’ils découvrent une même passion pour l’annonce de la Bonne Nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus. Ils décident alors d’habiter ensemble : Priscille et son mari ouvrent leur maison à leur ami. C’est ainsi que Paul se consacre à la formation de ses amis pour en faire des collaborateurs dans la prédication de l’Évangile aux Corinthiens. Priscille est impressionnée par le témoignage de vie et l’engagement apostolique de son maître. Aussi, quand Paul lui laisse entendre qu’il va quitter Corinthe pour aller à Éphèse, elle veut le suivre. Aquilas consent bien volontiers à les accompagner. À sa grande joie, Paul découvre à Éphèse une Église solidement affermie. Il décide alors de ne pas s’y installer, escomptant que Priscille et son mari peuvent fort bien y poursuivre l’œuvre d’évangélisation. Sa confiance n’est pas déçue. Priscille ouvre sa maison pour y accueillir la communauté chrétienne. Appuyée sur son mari, elle prend l’initiative de s’offrir pour compléter la formation théologique et biblique d’un lettré juif d’Alexandrie : Apollos. Ce n’était pas tâche facile que d’avoir à enseigner à ce savant qui voulait prêcher Jésus Christ, mais ignorait tout de sa mort et de sa résurrection. Priscille le fait avec patience et tact. Elle réussit si bien qu’Apollos joue plus tard un rôle important à Corinthe. C’est d’ailleurs la préoccupation première de ce couple de laïcs que de préparer des ministres de la Parole pour animer les communautés naissantes. Après un certain temps, Priscille juge que sa mission est accomplie à Éphèse; la communauté locale qu’elle accompagne avec son mari s’est prise en charge : ils peuvent partir. C’est à Rome qu’ils décident de rentrer après la mort de l’empereur Claude. Là aussi Priscille ouvre sa maison aux chrétiens et chrétiennes de cette ville. C’est précisément en terminant la lettre adressée à cette communauté que Paul célèbre avec gratitude les mérites de Priscille et d’Aquilas. Il rend témoignage de leur engagement apostolique auprès des païens : « Saluez Priscille et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus; pour me sauver la vie, ils ont risqué leur tête et je ne suis pas seul à leur devoir de la gratitude : c’est le cas de toutes les Églises du monde païen; saluez aussi l’Église qui se réunit chez eux. » (Romains 16, 3-5). Priscille est une femme forte qui puise dans la mort et la résurrection de Jésus le courage de faire face à de grands défis : l’exil, les voyages longs et difficiles, le pouvoir des Apôtres, les persécutions; tout cela pour protéger Paul et ses compagnons. Priscille est une femme respectueuse de la personnalité de son mari; cela ne l’empêche pas d’affirmer et de développer la sienne; elle est capable de concilier leurs dons différents pour s’engager ensemble dans l’animation des Églises locales. Disciple de Paul, elle fait preuve de tact, d’imagination et d’esprit d’initiative pour former des ministres de la Parole. Faisant surgir des communautés chrétiennes partout où elle s’arrête, Priscille contribue remarquablement à l’expansion de l’Église.

  Sr Lise Plante, ss.cc.j.m.

SCIENCES DU QUOI ET SCIENCE DU QUI

14 janvier, 2014

http://ghansel.free.fr/science.html

SCIENCES DU QUOI ET SCIENCE DU QUI

Dans le Choulhan aroukh, code législatif qui régit la vie juive, parmi les lois relatives aux bénédictions, nous lisons1: Celui qui voit un hakham Juif (traduction habituelle: un Sage Juif) dit: «Béni soit Celui qui a distribué de sa hokhma (de sa sagesse), à ceux qui le craignent». Celui qui voit un hakham non-Juif, savant dans la connaissance du monde, dit: «Béni soit Celui qui a donné de sa hokhma à un être de chair et de sang». Nous observons qu’un même mot hébreu, le mot hakham, désigne indifféremment celui qui s’adonne aux sciences de la nature, le savant, et celui que l’on a coutume d’appeler le «Sage», celui qui s’adonne à l’étude et à l’approfondissement de la Torah. De même, la connaissance acquise par l’étude de la Torah et les connaissances sur le monde, les sciences, sont désignées par le même terme hokhma. L’objet de cette étude est d’éclairer cette analogie. Pour la commodité, elle est divisée en deux parties. Dans un premier temps, j’analyserai l’attitude de la tradition juive par rapport à la science ; puis, dans une deuxième partie, j’examinerai en quel sens la connaissance issue de la Torah s’appelle également science et quelle est alors sa place, en tant que science, dans l’ensemble de toutes les connaissances. Les talmudistes avaient devant eux l’exemple d’une science exacte, l’astronomie, portée dès l’antiquité à un haut degré de perfectionnement. Les Grecs ou les Chaldéens observaient avec minutie le mouvement des astres et savaient effectuer des prévisions précises. Il est donc naturel que ce soit à propos de l’astronomie que la position des talmudistes ait été formulée en premier lieu. Première question : la connaissance scientifique a-t-elle une valeur en soi ? Ou bien au contraire, sa valeur et son importance résultent-elles seulement de ses applications pratiques ? Une réponse sans ambiguïté est donnée dans le traité Shabbat2: Rabbi Simon fils de Pazi a dit : celui qui est capable de faire des calculs d’astronomie et ne le fait pas, sur lui un verset [d'Isaïe] dit3: l’oeuvre de l’Eternel, ils ne la regardent pas, et le travail de ses mains, ils ne le voient pas. Le sens premier du texte d’Isaïe cité n’a aucun rapport avec l’astronomie. Pour s’en convaincre, il suffit de replacer le verset dans son contexte4: Malheur à ceux qui se lèvent de bon matin pour courir aux liqueurs fortes et s’attardent dans la nuit, échauffés par le vin, qui mêlent la harpe et la lyre, le tambourin, la flûte et le vin à leurs repas. L’oeuvre de l’Eternel, ils ne la regardent pas, le travail de ses mains, ils ne le voient pas. Le prophète Isaïe ne traite pas d’astronomie mais décrit la vie de jouissance des hommes de son temps et leur reproche de s’abrutir dans le vin sans réfléchir à la signification dernière des choses. Rabbi Simon ne cherche pas à expliquer ce sens premier et évident mais veut lui ajouter une autre dimension. Dans son sens coutumier, la «contemplation de l’oeuvre de l’Eternel» est une notion religieuse. Rabbi Simon lui donne un sens nouveau : «contempler l’oeuvre de l’Eternel» devient par définition accéder à la vision scientifique du monde, vision de lois rigoureuses, de lois mathématiques cachées derrière l’apparence sensible. Et inversement, la connaissance des lois du monde, le calcul auquel l’homme est capable de soumettre les phénomènes, prennent une valeur intrinsèque qui dépasse celle de leur seule utilité : l’approche scientifique est vision véritable de la réalité, «vision de l’oeuvre de l’Eternel». Cette première conclusion soulève une nouvelle question : la science est-elle seulement juste vision, juste approche du monde sensible ? Ou bien au contraire, a-t-elle également une valeur théorique ? Est-elle aussi un modèle de pensée ? La suite du texte nous éclaire sur ce point : Rabbi Samuel fils de Nahmani a dit au nom de Rabbi Yohanan : d’où savons-nous que c’est une obligation de faire des calculs d’astronomie ? C’est qu’il est dit5: Vous les garderez et vous les accomplirez, car c’est votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples ; qu’est-ce qui est sagesse (hokhma) et intelligence (bina) aux yeux des peuples ? C’est l’astronomie. Ici encore, le verset cité est pris dans un sens différent de son sens premier indiqué par le contexte. En effet, il s’agit dans ce passage des lois de la Torah et non d’astronomie6: Voyez, je vous ai enseigné des lois et des statuts, selon ce que m’a ordonné l’Eternel mon Dieu, afin que vous vous y conformiez dans le pays où vous allez entrer pour le posséder. Vous les garderez et les accomplirez… La distorsion que Rabbi Samuel fait subir à ce sens premier nous montre que, à ses yeux, l’astronomie relève, comme les lois de la Torah, des concepts de hokhma et bina, science et intelligence. Une importance dans l’ordre de la pensée est reconnue à l’astronomie. La science ne constitue pas seulement une relation éminente avec le monde sensible comme nous l’avons déjà établi. Sa valeur en tant qu’activité théorique est également reconnue. L’astronomie est une hokhma, un savoir qui prolonge celui qui nous est donné dans la Torah. Dans le même mouvement, Rabbi Samuel énonce que le peuple juif ne saurait limiter son horizon intellectuel à la seule connaissance de la Torah. Cette connaissance doit impérativement être complétée par une activité scientifique. Il y a là une condition nécessaire au rayonnement du peuple juif dans le monde. Croire que l’étude et la pratique de la Torah puissent à elles seules valoir au peuple juif l’estime des autres peuples est une illusion. Remarquons incidemment que, d’une manière générale, le commandement dont il est question a été mis en pratique et que le rôle du peuple juif dans le développement des sciences est tout à fait honorable. Venons-en maintenant à une question de nature épistémologique. Doit-on accorder à la vérité qui apparaît dans la science une valeur absolue ou seulement une valeur relative ? Est-elle entachée par définition d’un doute provenant de son origine non révélée ? La raison et l’expérience humaine convenablement dirigées permettent-elles d’atteindre dans le domaine où elles s’exercent une vérité indiscutable ? Les passages déjà cités laissent plus ou moins entendre que la réponse à cette question épistémologique est positive mais un texte important de Maïmonide lève toute ambiguïté à ce sujet. Dans le Michne Torah, Maïmonide, après avoir établi les règles du calcul du calendrier juif, conclut ainsi7: La raison de tous ces calculs, la manière dont tout cela a été connu et peut se prouver, constitue la science de l’astronomie et de la géométrie. Les savants grecs ont écrit à ce sujet de nombreux livres qui se trouvent à présent entre les mains de nos sages. Les livres qu’avaient écrit les savants de la tribu d’Issakhar au temps des prophètes ne nous sont pas parvenus ; mais étant donné que toutes ces choses se démontrent par des preuves sans défaut qu’il est impossible à quiconque de contester, on ne tient pas compte de l’auteur, qu’il s’agisse d’un prophète ou d’un savant étranger. Plus généralement, pour toute chose dont la raison est évidente et dont la vérité se démontre par des preuves sans défaut, nous nous appuyons sur l’homme qui l’a dite ou enseignée. Pour Maïmonide, la raison humaine et l’expérience constituent donc des sources de vérité authentiques, sous réserve qu’elles soient utilisées avec précaution. Si la raison des phénomènes apparaît de manière claire et si les preuves théoriques ou expérimentales sont sans défaut, on doit accorder foi aux affirmations du savant. Il n’y a pas lieu de se retrancher derrière un quelconque scepticisme pour en minimiser la valeur. L’évidence et la démonstration sont les critères d’une vérité authentique. On doit cependant remarquer que Maïmonide laisse percer entre les lignes une certaine inquiétude. Une raison alléguée peut ne pas être évidente, une preuve peut être truquée ou insuffisante. Cela nous conduit à une nouvelle interrogation. N’y aurait-il pas des perversions de la science ? Ce qui est présenté comme vérité objective ne peut-il pas être parfois une illusion ? N’y a-t-il pas même lieu éventuellement de s’imposer une autocensure relativement à certains enseignements ou certaines recherches ? La suite du texte du traité Shabbat déjà cité va nous éclairer sur ce point en introduisant une distinction essentielle : Qu’est-ce qu’un magouch ? Rav et Samuel en discutaient. L’un disait : «c’est un sorcier». L’autre disait : «c’est un blasphémateur» (Rachi8 explique : un militant d’une doctrine idolâtre). On peut démontrer que c’est Rav qui disait : «c’est un blasphémateur». En effet Rav Zoutra a dit au nom de Rav : «celui qui apprend quelque chose d’un magouch mérite la mort.» Or, à propos des sorciers il est dit9: Tu n’apprendras pas à pratiquer les abominations de ces peuples [ce qui sous-entend] tu ne peux apprendre pour pratiquer mais tu peux apprendre pour comprendre et légiférer10. Ainsi le Talmud distingue deux aspects dans la perversion de la vérité. Le premier se définit par le concept de sorcellerie. Il s’agit de l’exploitation sous des formes infiniment variées de la crédulité populaire ; toutes les pratiques de charlatans, nécromanciens, devins…, relèvent évidemment et directement de cette notion de sorcellerie. L’analyse de ces pratiques commence dans la Torah, puis est développée par le Talmud et les décisionnaires. Mais l’on peut également rattacher à ce concept toute forme d’escroquerie intellectuelle, ancienne ou nouvelle. Longue est la liste des illusions, mensonges et escroqueries qui ont accompagné le progrès scientifique. Tout se passe comme si, spécialement dans ses débuts, chaque science sécrétait sa propre sorcellerie. L’astrologie, l’alchimie, les potions magiques et les cures de jouvence en sont quelques exemples. Plus près de nous, la psychanalyse, bien que science véritable dans son principe, a donné et peut-être donne encore lieu à de multiples abus, que ce soit dans la pratique psychanalytique elle-même ou surtout dans les conclusions idéologiques et morales auxquelles elle conduit parfois. Quelle est l’attitude des talmudistes vis-à-vis du phénomène de la sorcellerie ? Elle se résume en trois termes indiqués dans notre texte : apprendre, comprendre, légiférer. On ne préconise pas vis-à-vis de la sorcellerie une attitude de rejet systématique et a priori. La lutte contre la sorcellerie passe par la connaissance approfondie de ses manifestations, par la distinction minutieuse entre ce qui est connaissance vraie et ce qui est mystification, enfin éventuellement par l’utilisation de moyens juridiques appropriés pour son élimination. Ce point sera éclairé sous un autre jour ultérieurement.11 La deuxième perversion de la vérité signalée par notre texte est l’idolâtrie. Il ne s’agit pas ici de l’idolâtrie en tant que pratique mais en tant que conception. La doctrine essentiellement visée par le texte est le dualisme qui était répandu en Babylonie où enseignait Rav mais ce n’est là qu’un exemple. D’une manière générale, vis-à-vis de toute idéologie dont les principes sont en contradiction nette avec ceux de la pensée juive, les Sages du Talmud et leurs successeurs adoptent une attitude de rejet. Commentant notre texte, Rachi énonce : Même apprendre un enseignement de la Torah de la bouche d’un idolâtre est interdit. Ce principe dévoile tout d’abord une méfiance à l’égard de la séduction que peuvent exercer toutes sortes de personnalités dotées d’un pouvoir charismatique. Mais cela signifie aussi le refus du syncrétisme. Que le judaïsme puisse se développer en intégrant en son sein des idées puisées dans des idéologies ou des religions étrangères est une conception absente de la littérature traditionnelle. Il est possible que des spécialistes de l’histoire des idées montrent que dans tel ou tel cas des doctrines extérieures ont influé sur le développement de la pensée juive. Mais il ne peut s’agir que d’un cas d’exception, d’une sorte d’effraction. Cela est contraire à la volonté explicitement formulée et constamment rappelée par les autorités traditionnelles de s’opposer à l’intrusion d’idéologies extérieures au sein du judaïsme. Alors que vis-à-vis de la sorcellerie, les Sages préconisent une attitude de connaissance et d’analyse, au contraire dans le domaine idéologique et religieux, ils penchent nettement pour un rejet systématique. On peut ajouter deux remarques à ce sujet. La première est que les considérations qui précèdent ne s’appliquent pas à la philosophie. L’attitude de la tradition juive envers la philosophie se caractérise par son ambiguïté. Tantôt l’étude de la philosophie est condamnée, tantôt elle est prônée. En fait, on peut montrer que l’ambiguïté de la position des Sages envers la philosophie provient de l’ambiguïté de la nature de la philosophie elle-même. Est-elle constituée par une recherche de vérités objectives, démontrables ou vérifiables ? Ou, au contraire, est-elle inévitablement entachée d’idéologie et d’affirmations dogmatiques échappant par nature à tout examen possible ? C’est ce caractère équivoque de la philosophie qui a empêché les Sages de prendre une position nette à son sujet. Deuxième remarque : l’attitude négative de notre tradition envers les idéologies étrangères est essentiellement à usage interne. Que objectivement, ces idéologies aient une part, même dans leurs erreurs, au progrès de l’humanité, n’est pas nié. L’expérimentation de l’erreur et son rejet progressif constituent une voie d’accès possible vers la vérité. Ce thème a en particulier été développé par Juda Halevy dans son ouvrage le Kuzari.12 Venons en maintenant à la deuxième partie de cette étude : comment la tradition juive perçoit-elle sa relation avec la science ? Comment se situe-t-elle par rapport à elle ? Nous avons déjà observé qu’un même terme, le terme hokhma, englobe simultanément la vérité qui se révèle dans la Torah et ses développements et celle qui apparaît dans les sciences. Autrement dit, pour la tradition juive, la Torah et la science sont deux modalités ou deux domaines relevant d’un horizon commun, l’horizon de la connaissance. La distinction faite habituellement entre le domaine de la foi et des croyances d’un côté, le domaine des connaissances rationnelles de l’autre, cette opposition est étrangère à la manière dont la tradition juive se pense elle-même. Pour elle, Torah et science sont deux domaines appartenant à un même plan, celui du dévoilement de la vérité. Cette manière de voir se confirme encore avec l’expression hokhmot hitsoniot, sciences extérieures, par laquelle on désigne couramment les sciences en général, à l’exclusion de la connaissance de la Torah. Mais à l’intérieur de leur horizon commun, la Torah et la science sont-elles des voies parallèles et d’égale importance ou bien au contraire sont-elles hiérarchisées ? Un texte du traité Abot éclaire ce problème13: Rabbi Eliezer ben Hassma dit : Les nids et les débuts de l’impureté sont dans le corps même de la loi ; l’astronomie et la géométrie sont les «périphériques» de la hokhma.14 D’abord quelques remarques sur ce texte. Le terme de «nids» est générique : il désigne l’ensemble des lois concernant les sacrifices d’oiseaux qu’une femme apportait au temple après un accouchement. L’expression «les débuts de l’impureté» est également générique. Elle renvoie à l’ensemble, très complexe à l’époque, des lois concernant le calcul des périodes de pureté et d’impureté de la femme. Enfin le mot hébreu parparaot que j’ai rendu par «périphériques» a pour sens concret, soit le dessert d’un repas, soit l’apéritif qui le précède. Il provient effectivement du mot grec qui a donné en français le mot «périphérique». Les nids et les débuts de l’impureté constituent dans l’esprit des talmudistes l’exemple type de lois très sophistiquées, soulevant de nombreux problèmes, mais éloignées dans leur acception première des principes moraux universels. Notre texte leur oppose l’astronomie et la géométrie, sciences prestigieuses, exactes, universellement respectées. Ainsi, les aspects les plus bizarres de la loi de la Torah sont mis en regard des aspects les plus brillants des sciences extérieures. La relation que le texte établit entre ces deux domaines est précise : la loi constitue la partie centrale de la hokhma; l’astronomie et la géométrie en sont la partie périphérique, l’apéritif ou le dessert, au choix. Pourquoi cette hiérarchie ? Comme nous l’avons vu précédemment, elle n’est pas fondée sur une différence dans le degré de vérité auquel parviennent respectivement la Torah et la science. Elle n’est pas non plus fondée sur une considération de théologie dogmatique : la Torah serait obtenue par révélation prophétique, tandis que la science résulterait de l’effort de la seule raison humaine. Là n’est pas l’essentiel du problème. Ce qui distingue la Torah de la science, c’est le contenu. La Torah a pour objet premier de définir ce que doit être le comportement humain. Autrement dit, elle se conçoit comme science de l’homme en tant qu’homme, ce qui pour elle signifie tout à la fois libre, conscient, responsable, soumis à des obligations encadrant le faisceau des liaisons multiples dans lesquelles il est inséré. Toutes les relations que l’homme entretient, relations avec autrui en premier lieu, mais aussi avec la nature, avec soi-même, toutes les aspirations de l’homme à la valeur, à la perfection, à la transcendance, y sont considérées, analysées et jugées. Recherche que l’on peut à bon droit qualifier d’infinie aboutissant à la halakha, à la loi, juste règle d’action ou de comportement. Recherche jamais achevée, toujours approfondie ou complétée à mesure qu’apparaissent dans l’histoire de nouvelles situations ou de nouvelles relations. En d’autres termes, la Torah vise à répondre à la question : qui est l’homme ? Mais non pas l’homme en tant que substance ou en tant qu’objet dont on détaillerait les propriétés. Il ne s’agit pas de répondre à la question «qu’est l’homme ?» mais bien à la question «qui est l’homme ?», en tant que sujet, en tant que personne. Il résulte immédiatement de cette définition que la Torah s’adresse à la fois à la volonté de l’homme et à sa pensée15, que son contenu se présente d’emblée et d’une manière indiscernable comme connaissance et comme norme, car dans la réponse à la question « qui est l’homme ? », il est impossible de distinguer ce qui est et ce qui doit ou devra être. L’idéal et l’avenir, le projet à réaliser et l’être qu’il faut engendrer, font autant partie de la définition de l’homme que son passé et l’identité déjà constituée. On ne peut se contenter ici d’un «je pense, donc je suis», ou d’un «je suis, j’existe»; je n’existe pas encore. Or les «sciences extérieures» scrutent chacune un contenu particulier, un aspect de la réalité, et visent à répondre à la question «qu’y a-t-il ?», «qu’est-ce ?». Non plus à la question «qui ?» mais à la question «quoi ?» Qu’il s’agisse des sciences de la nature physique ou biologique, des sciences sociales ou même des sciences de l’esprit, telles la psychologie ou la psychanalyse, chacune, avec son approche et dans son domaine, vise à décrire et comprendre un aspect particulier de la réalité objective. Elles ne sauraient atteindre l’étude de l’homme en tant qu’homme, en tant que personne, en tant qu’être moral en donnant à cette expression l’acception la plus large. Le domaine ainsi exploré transcende tous les autres, même ceux auxquels il est le plus directement lié, tels la politique, l’économie ou la sexualité. Pour mieux expliciter cette distinction, prenons un exemple. Il est bien connu que l’un des dix commandements reçus au Sinaï est l’interdit de l’assassinat (lo tirtsah). La nécessité d’un tel interdit fait partie des évidences premières. Une société dans laquelle l’assassinat serait autorisé ne pourrait subsister, sa légalisation étant parfaitement incompatible avec toute vie politique et toute organisation économique. Mais est-ce là la signification intrinsèque de cet interdit ? On se convainc vite qu’il ne s’agit là que de considérations pratiques, quasiment techniques, qui ne justifieraient pas la présence de l’interdit au sein d’une «révélation». Son fondement véritable réside en l’humanité même de l’homme, laquelle implique par définition reconnaissance et respect de l’autre homme en tant que tel et donc en premier lieu conscience de la valeur de sa vie et de son unicité. Là se situe le «révélé» de l’interdit. Chaque commandement, interdiction ou obligation, a cette double nature à des degrés divers, est nécessaire ou souhaitable en vertu de considérations pragmatiques d’un côté, est fondé sur tel ou tel aspect de l’humanité de l’homme de l’autre. Il va de soi que les choses sont rarement aussi simples. Certes il ne faut pas mentir. Mais doit-on accorder à cette règle une extension universelle comme semble le dire Kant ? Ne peut-on mentir dans certains cas par pudeur, par modestie, pour éviter un dommage à autrui, pour rétablir la paix entre frères ennemis ? Il nous faut donc une science du mensonge permis. Plus généralement, chaque personne se découvre insérée d’emblée dans un réseau de relations et de solidarités, couple, famille, cité, peuple, humanité, et même monde animal, végétal ou minéral. Pour l’homme en tant qu’homme, la multiplicité de ces insertions a pour corollaire une multiplicité de responsabilités. Comment les concilier, quelles en sont l’étendue, les limites et les interactions ? La science de l’homme en tant qu’homme, la «science du qui», se dit également comme science des responsabilités. L’homme a aussi une histoire et cela est spécialement vrai du Juif pour qui l’histoire tend paradoxalement à se faire immémoriale. Que faut-il en assumer, en rappeler, en «réactualiser»16 ? Quelles en sont les scories, les taches et les perversions ? Ce n’est pas le rôle de l’historien de produire une telle science normative de l’histoire, quelle que soit la précision des descriptions auxquelles il peut parvenir. Ces considérations, bien incomplètes au demeurant, ouvrent un domaine de recherche immense. On ne saurait répondre à ces questions en se limitant à énoncer quelques principes généreux et généraux. La multiplicité et l’enchevêtrement des problèmes posés deviennent parfois vertigineux et aucun effort individuel ne pourrait suffire pour les délimiter et à plus forte raison les résoudre. Ce travail ne peut être effectué que par une collectivité se vouant à sa tâche avec acharnement, héritant des conclusions du passé, les approfondissant et transmettant les nouveaux résultats aux générations ultérieures. On reconnaît là le processus de constitution de toute science. Au sein de la multiplicité des «sciences extérieures», le caractère central attribué à la Torah ne réside pas dans des caractéristiques formelles mais dans la conception que la tradition a de son propre contenu. Selon la formule déjà citée de Léon Askenazi qui en fit le pivot de son enseignement, la Torah est sepher toledot adam, le livre des engendrements de l’homme17. C’est ce que j’ai tenté d’exprimer par le titre de cette étude : la Torah est la «science du qui», les autres sciences étant celles du «quoi».18 Cela étant établi, une question importante se pose : la connaissance des «sciences extérieures» est-elle utile, voire nécessaire, à l’approfondissement de la Torah elle-même ? Cette question a deux aspects, l’un technique ou pédagogique, l’autre théorique. Du point de vue technique ou pédagogique, la réponse ne fait pas de doute. Comme le remarquent de nombreux auteurs, Juda Halevy en particulier, le calendrier des fêtes, les lois de la pureté familiale, celles de l’abattage des animaux en vue de leur consommation, exigent pour être comprises maintes connaissances d’astronomie, d’anatomie ou de médecine. Il n’est pratiquement aucun domaine de la loi qui soit indépendant de l’expérience du monde réel. De même, l’utilité d’une formation générale pour le développement de l’esprit n’a guère été contestée. C’est surtout dans les circonstances historiques du début de l’Emancipation, et face à un danger d’assimilation inhabituel, qu’une méfiance poussée à l’extrême à l’égard de la culture générale a pu se manifester. Mais ce phénomène a un caractère marginal et contingent. En revanche, l’aspect théorique de la question est plus délicat et a fait l’objet de controverses. La connaissance des «sciences extérieures» est-elle nécessaire pour une juste compréhension de la Torah sous son angle métaphysique ? On ne saurait prétendre qu’il y a consensus à cet égard. Il me semble toutefois qu’en dernier ressort, une fois éliminés les craintes circonstancielles, il faut répondre positivement à cette question. Voici en tout cas comment s’exprime Maïmonide19: Et tu sais que toutes ces choses (le ciel, les anges, le monde, l’âme) sont reliées les unes aux autres. Il n’y a rien dans l’existant, sinon l’Eternel et toutes ses créatures. Ces dernières constituent la totalité de l’existant en dehors de lui et il n’y a aucune voie pour l’atteindre si ce n’est par leur intermédiaire. Ce sont elles qui indiquent son existence et ce qu’il convient de penser à son sujet, je veux dire ce qui doit être affirmé ou nié de lui. Il est donc indispensable d’examiner l’ensemble de l’existant tel qu’il est afin retirer de chaque chose des principes vrais et certains qui nous seront utiles dans nos recherches métaphysiques. Combien nombreux sont les principes extraits de la nature des nombres et des propriétés des figures géométriques dont on peut induire ce qu’il convient de nier de Lui, qu’il soit élevé. Et cette négation nous conduit à divers sujets. Quant aux choses de l’astronomie et des sciences de la nature, je ne pense pas que tu auras le moindre doute qu’il s’agit là de choses indispensables pour saisir la relation du monde au gouvernement divin telle qu’elle est en vérité et non selon l’imagination. Il y a aussi beaucoup de sujets théoriques qui, sans fournir des principes pour la connaissance métaphysique, exercent néanmoins l’esprit et lui donnent l’habitude d’effectuer des démonstrations et de connaître la vérité dans ce qu’elle a d’essentiel… Il faut donc nécessairement que celui qui veut atteindre la perfection humaine s’instruise d’abord dans la logique, puis graduellement dans les mathématiques, ensuite dans les sciences de la nature et après cela dans la métaphysique. Plus près de nous, le Gaon de Vilna a encouragé un de ses élèves, Rabbi Baroukh, à traduire en hébreu les livres de géométrie d’Euclide, et cet élève a rapporté au nom du Gaon de Vilna la phrase suivante20: A chaque manque dans la connaissance des autres sciences correspond une mesure centuple dans la connaissance de la Torah, car la Torah et la science sont attachées ensemble. On ne peut tirer d’une telle phrase des conséquences excessives et définitives. C’est précisément l’incertitude qui l’entoure qui est significative. Le fait qu’elle ne soit que rapportée et non écrite par le Gaon de Vilna lui-même, et inversement que par la suite elle ait été acceptée comme authentique, que notamment le Rav Kook en ait développé certaines implications, montre à la fois l’importance et le danger des principes qu’elle révèle. Il y a là affirmation de l’unité dernière de la connaissance. La Torah et la science sont deux manifestations distinctes mais indissociables d’une même vérité. Le risque inhérent à une telle conception est clair : elle pourrait en effet mener à une réduction simpliste, à confondre la Torah avec un livre de médecine, à lui retirer sa dimension d’intériorité et de transcendance, à aboutir à une sorte de scientisme, la Torah n’étant plus la «science du qui» mais une «science du quoi» parmi d’autres. L’unité de la Torah et de la science postulée ici n’est pas l’unité d’un mélange ou celle d’une synthèse. C’est en quelque sorte une unité par correspondance, l’unité qui relie la face interne et la face externe d’un même récipient. Dernière question. Dans les deux derniers siècles, un développement scientifique sans précédent s’est produit. Ce développement a également entraîné des modifications d’approche ou d’attitude relativement à de nombreux problèmes. Doit-on comme conséquence de cette évolution prévoir un approfondissement de la tradition ? Tel est en tout cas le jugement du Rav Kook21: Au fur et à mesure que la recherche scientifique trouve des lois précises au milieu du désordre des phénomènes, la science de «l’oeuvre de la création» est de plus en plus à découvert, expliquée en public, nourrissant de nombreux esprits ? Parallèlement, les vérités supérieures, qui ont toujours constitué la force des Sages et éclairé Israël dans son ensemble, deviennent progressivement à la portée de tous. il est impossible d’expliquer désormais même les notions les plus simples de la foi sans faire appel pour leur présentation aux notions les plus cachées qui se tiennent au sommet du monde. Ainsi, avec le développement scientifique, ce sont à la fois l’exigence et l’aptitude de l’esprit humain à recevoir des vérités autrefois trop subtiles qui se sont accrues. Ces exigences nouvelles ne constituent pas une remise en cause de la vérité de la tradition, encore moins une contestation. Elles impliquent cependant un effort de purification de la formulation, écartant certaines représentations confuses ou erronées qui se sont introduites par suite d’influences extérieures. D’autre part, les catégories et les énoncés de la théologie scolastique du moyen âge, en tout cas dans leur littéralité, ne suffisent plus pour l’exposé des doctrines fondamentales du judaïsme. Quelles sont les voies nouvelles à explorer ? Comment à partir d’un immense fond de textes, de lois, de traditions, est-il possible de construire de nouvelles synthèses ? Il faut, comme le dit le Rav Kook, faire appel aux «notions qui se tiennent au sommet du monde», expression par laquelle il désigne habituellement l’enseignement de la kabbale. L’attitude de la tradition juive vis-à-vis de la science peut donc se résumer comme un acquiescement conditionnel. Acquiescement à la prétention de la science d’être une vision authentique de la réalité, acquiescement à l’importance de sa place dans l’ordre théorique comme pensée objective et vraie. Mais cet acquiescement reste conditionnel. Il est assorti de quelques restrictions : refus de la sorcellerie sous toutes ses formes, refus de l’aliénation de l’homme par l’idéologie, et enfin maintien des sciences à leur juste place, c’est-à-dire à la périphérie de la vérité. Les «sciences du quoi» ne sauraient se substituer à la «science du qui». Le centre de la vérité reste la Torah, sepher toledot adam, le livre des engendrements de l’homme.

Notes sur le site