LE VERBE S’EST FAIT CHAIR. AU FIL DU TEXTE : JN 1,1-18

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LE VERBE S’EST FAIT CHAIR. AU FIL DU TEXTE : JN 1,1-18

COMMENTAIRE AU FIL DU TEXTE  

Prologue à l’évangile L’évangile selon Jean s’ouvre par un texte admirable mais difficile : le Prologue. En quelques lignes il nous livre la nouveauté de la révélation chrétienne. Ecrit dans un langage poétique, d’une construction très élaborée, le texte de Jn 1,1-18 est rythmé en trois mouvements principaux. Il chante successivement la préexistence du Verbe (v. 1-5) sa présence auprès des hommes (v. 6-15), son incarnation en la personne de Jésus (v. 16-18). Au commencement (v.1-5)  »Au commencement était le Verbe » : c’est la reprise des premiers mots de la Bible où l’on nous dit qu’  »au commencement » Dieu créa le ciel et la terre. Le premier verset du Prologue rappelle donc le premier verset de la Bible, pour que nous contemplions le Verbe qui n’a pas été créé, qui existe de toute éternité, qui est  »auprès de Dieu ». On apprend ainsi que le Verbe n’existe pas pour lui-même, mais qu’il est tourné, tendu vers Dieu. C’est une manière de dire qu’il se reçoit de Dieu en même temps qu’il se donne à lui. Depuis toujours, il est vers Dieu, et il est Dieu. Comme tel, précise le Prologue, le Verbe a été le maître d’œuvre de la création, puisque tout a été fait par lui et que rien ne subsiste en dehors de lui. Du Verbe, ce texte nous dit enfin qu’il est inséparablement vie et lumière. Tout au long de son évangile, Jean appliquera ces deux mots à la figure de Jésus qu’il présentera comme la  »Lumière du monde » (8,12) et  »la Résurrection et la Vie » (11,25). Non sans évoquer le récit de la Genèse, ces mots s’inscrivent pourtant ici dans un contexte de résistance et d’opposition. Mais le texte du Prologue est ambigu, et les traducteurs hésitent. En traduisant  »la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée », on soulignera la force et la victoire du Verbe dans son combat contre les ténèbres. En traduisant  »et les ténèbres ne l’ont pas comprise », on mettra l’accent sur le refus de la Lumière par quelques-uns. Du Verbe lumière au Verbe fait chair (v.6-15) Nous voilà maintenant conduits sur terre. Après la contemplation du Verbe dans son éternité, le texte nous oriente vers un homme, Jean (il s’agit de Jean-Baptiste). Et l’évangéliste précise qu’il  »n’était pas la Lumière mais il était là pour lui rendre témoignage » (vv.7-8). Pourquoi une telle précision ? Pourquoi, dans le verset suivant, cette autre remarque :  »Le Verbe était la vraie Lumière » (v.9) ? On pourrait penser que la polémique prend ici le pas sur la méditation. Il n’en est rien. De manière décisive, le Prologue distingue le Verbe qui était  »dès le commencement tourné vers Dieu » et Jean-Baptiste, un homme venu de la part de Dieu. Mais il élève Jean-Baptiste au rang de témoin privilégié de la Lumière. Ce qui fera dire plus loin à l’auteur du Quatrième évangile :  »Ce qu’il a dit au sujet de cet homme est vrai » ( 10, 41). À cela s’ajoute pourtant un double constat douloureux concernant le Verbe.  »Il était dans le monde, dit le Prologue,  »lui par qui le monde s’était fait, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu » (v.11). Heureusement, certains l’ont accueilli et ils sont devenus  »enfants de Dieu » (v.12). Nous sommes ici au cœur de la composition poétique du Prologue, exactement au milieu. Nous sommes également au cœur de la pensée johannique. La Première Lettre de Jean le réaffirmera : il n’y a pas de don plus grand que celui de devenir enfant de Dieu (1 Jn 3,1-2). Suit une dernière mention du Verbe. Des mots nouveaux apparaissent : chair, gloire, Fils unique, Père. Du Verbe, dont nous savions qu’il existe depuis toujours et que tout subsiste en lui, nous apprenons maintenant qu’il est entré dans l’histoire des hommes. Lui, le Fils unique, il a pris notre chair, et  »nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père… » (v.14). Mystère étonnant de la manifestation de la Gloire de Dieu dans et à travers l’incarnation du Verbe. Enfin le texte évoque une dernière fois Jean-Baptiste pour qu’on entende de ses lèvres l’aveu de sa dépendance radicale :  »Lui qui vient derrière moi, il a pris place devant moi… » (v.15). Jésus Christ (v. 16-18) Dans ces versets, le  »Verbe » disparaît et un nom apparaît : Jésus Christ (v.16). Face à un autre nom : Moïse. Comme pour relier – ou opposer ? – l’ancienne et la nouvelle alliance. Vient un ultime verset :  »Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fis unique qui est dans le sein du Père, c’est lui qui a conduit à le faire connaître » (v.18). Et voilà que tout s’éclaire : Jésus Christ, le Fils unique, est le Verbe fait chair. En lui, Dieu a livré à l’humanité la plénitude de sa grâce. Par lui, le Père s’est fait connaître. Tel est le cœur de la révélation chrétienne. En Jésus-Christ, Dieu  »a planté sa tente parmi nous ». Il s’est fait Parole vivante. Pour que nous découvrions son vrai visage et notre vrai visage. En Jésus Christ, le Verbe fait chair, la création a été saisie et transfigurée par celui qui est à l’origine de tout et qui entretient avec le Père une relation unique. Pour que nous reconnaissions en chaque être humain la lumière divine et que nous devenions enfants de Dieu.

 Pierre DEBERGÉ.

Note : Il a planté sa tente Le Verbe a  »habité » chez les hommes. Mieux, il a  »planté sa tente ». Pourquoi insister sur cette image ? Souvenons-nous : lors de l’exode et du séjour au désert, Le Seigneur avait fait construire une tente, lieu de rencontre entre lui et Moïse et signe de sa présence au milieu de son peuple. De plus la  »Gloire » du Seigneur remplissait cette tente (Exode 40,34-38). Pour le Quatrième évangile, la personne de Jésus est désormais le lieu saint où les hommes rencontrent Dieu.

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