Archive pour décembre, 2013

LES ANGES DE NOËL. AU FIL DU TEXTE DE LC 2,8-21

16 décembre, 2013

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/533.html

LES ANGES DE NOËL. AU FIL DU TEXTE DE LC 2,8-21

COMMENTAIRE AU FIL DU TEXTE  

COMMENCER …

Un Ange du Seigneur apparaît à des bergers. Tout s’éclaire d’une lumière venue d’en haut. L’enfant, les bergers et les anges

Voici donc le récit de la naissance de Jésus. La naissance elle-même occupe peu de place dans le texte. Elle est évoquée en un seul verset : Marie accouche d’un bébé, l’emmaillote et le couche dans une mangeoire. C’est tout. Extrême sobriété, pas un mot de trop. Rien de spectaculaire : une mère et son bébé. On aimerait en savoir un peu plus. Où sont les autres personnages ? Où est Joseph ? Que fait-il ? L’auteur ne s’y intéresse pas. Il est pressé de nous emmener ailleurs, là où se déroule l’essentiel de son récit.

La scène principale se passe en effet dans un lieu indéterminé, mais à quelque distance de l’endroit qui a vu naître Jésus. Comme dans un théâtre, la scène s’éclaire d’une lumière venue d’en haut.

L’ange du Seigneur Un Ange du Seigneur apparaît à des bergers. L’apparition de l’Ange du Seigneur n’est pas une nouveauté dans la Bible. Tout se déroule en effet selon un schéma classique : l’Ange du Seigneur arrive subitement, sa venue suscite le trouble, le messager divin annonce la naissance d’un enfant et il donne un signe. Luc connaît bien la Bible et les interventions de l’Ange du Seigneur. Dans l’évangile de Luc c’est la troisième apparition de l’Ange du Seigneur. Il s’est déjà adressé à Zacharie, dans le Temple de Jérusalem, et à Marie dans sa maison de Nazareth. Dans les deux cas il s’agissait de Gabriel celui qui, dans le livre de Daniel, annonçait la venue du temps du salut. Ici, l’Ange du Seigneur n’est pas nommé pas plus que les destinataires du message. Ce sont des bergers anonymes.

L’enfant est pour vous Le récit comporte une nouveauté. Tout ne se déroule pas selon le schéma convenu. L’annonce de la naissance, cette fois-ci, n’est pas destinée à de futurs parents, mais à des tiers. « Il ‘vous’ est né », dit l’Ange. Dieu donne cet enfant aux bergers, mais également à tout un peuple qui sera comblé de joie à l’annonce de la bonne nouvelle. L’enfant, par ailleurs, n’est plus à venir, il est déjà là : « Il vous est né aujourd’hui », dit l’Ange. Nous entendons pour la première fois ce mot si important dans l’évangile de Luc que nous retrouverons lors du baptême de Jésus, lors de sa prédication inaugurale à Nazareth, lors de sa visite à Zachée et sur la croix, adressée à un des deux bandits : le mot « aujourd’hui ». Le temps du salut n’est plus à venir. Il est là, inauguré par la naissance de Jésus.

Les titres royaux Le messager divin attribue maintenant l’enfant qui vient de naître une surabondance de titre royaux. Il est Christ, Seigneur et Sauveur. Christ : c’est la traduction grecque du mot « Messie » qui désigne le roi attendu par le peuple juif issu de la descendance de David. Jésus justement est né dans le même village que David, à Béthléem. Seigneur : autre terme royal utilisé pour désigner l’empereur. Mais c’est aussi le terme utilisé par la Bible grecque pour désigner Dieu. Sauveur : encore un titre royal ou impérial. Les potentats de l’époque aimaient s’attribuer ce titre. Ils voulaient qu’on les appelle « bienfaiteurs » ou « sauveurs » de leur peuple. C’est également le mot que le livre des Juges emploie pour désigner les personnages providentiels que Dieu envoyait pour sauver son peuple en péril. C’est enfin un des mots qui désigne Dieu lui-même. Marie l’a employé dans son Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu, mon Sauveur. »

Le hérault du roi Dans le récit de Luc, l’Ange du Seigneur apparaît comme un hérault qui parcourt le royaume pour énumérer les titres d’un l’enfant royal destiné à monter sur le trône. Le texte n’indique pas le lieu où apparaît l’Ange. Il précise seulement que c’est « dans le même pays », celui de Marie et de Joseph, le descendant de David. Il s’adresse à la population du pays, qui attend un roi envoyé par Dieu. Ce roi vient de naître. Les bergers, qui font partie des basses classes de la société, sont les premiers à en être avertis. C’est normal, le roi vient plus particulièrement pour eux. Plus tard le Seigneur Jésus dira : « Heureux, vous les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous. » et également : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits. »

Une intrigue qui se noue Le lecteur de l’évangile est intrigué par cette déclaration solennelle. Que signifient tous ces titres ? Comment l’enfant va-t-il régner ? À la manière de César Auguste et de son représentant Quirinius que le texte vient d’évoquer ? À la manière du roi David, ancêtre de Joseph ? Comment va-t-il monter sur le trône ? D’une façon plus pratique, le lecteur se demande comment les bergers vont trouver l’enfant. L’Ange du Seigneur ne répond à aucune de ces questions, mais, comme dans tous les autres récits d’annonces de naissances, il donne un signe. Il parle d’un enfant couché dans une crèche. Le signe donné par l’Ange est ambigu. Il semble en totale contradiction avec le message qui vient d’être donné. Comment la pauvreté et la faiblesse de l’enfant peuvent-elles être des signes royaux ? Placé au début de l’évangile, ce message angélique joue un grand rôle. Il intrigue et invite à lire la suite du texte. Quelle va être la destinée de cet enfant royal couché dans une mangeoire ? La lecture de l’évangile, et plus particulièrement le récit de la longue marche de Jésus vers Jérusalem permettra petit à petit de comprendre le paradoxe. Mais le sens ultime de la royauté de Jésus ne pourra être comprise qu’après sa mort et sa résurrection.

Le choeur de l’armée céleste Le récit continue avec l’arrivée d’un groupe nombreux qui occupe tout l’espace : l’armée céleste . Son rôle est semblable à celui d’un choeur dans un théâtre antique qui intervient à la fin d’une scène pour en tirer la leçon. L’armée céleste chante la louange de Dieu et la paix pour « les hommes de bienveillance ». Nouvelle expression ambiguë. De quelle bienveillance s’agit-il ? De celle des hommes ou de celle de Dieu ? S’agit-il des hommes de bonne volonté (selon les traductions anciennes) ou des hommes objets de la bonne volonté de Dieu (selon les traductions récentes) ? Pour formuler les choses différemment : Qu’est-ce qui est premier : la bonne disposition du coeur des hommes pour accueillir le salut de Dieu ou l’amour gratuit de Dieu pour les hommes ? Autres questions : de quels hommes s’agit-il ? Du peuple élu, objet de la promesse ou de tous les hommes de la terre ? Et enfin : en quoi consiste cette paix ? Est-elle intérieure ou extérieure, pour aujourd’hui ou pour demain ? La suite de l’évangile apportera progressivement des réponses à ces questions. Comme le message de l’Ange du Seigneur, le chant de l’armée céleste s’adresse au lecteur pour susciter son intérêt. Il formule les questions essentielles, celles que la communauté chrétienne des origines se pose, celles qui continuent à se poser à notre foi.

Les nouveaux « anges » Quand les anges sont partis, les bergers, qui jusqu’à présent semblaient figés comme des santons, s’animent à leur tour. Ils s’encouragent mutuellement et vont voir ce qui vient de s’accomplir. Ils y vont en hâte et annoncent ce qui leur a été révélé. Ceux qui les entendent sont étonnés. Nous retrouverons ce même étonnement chez Pierre, à la fin de l’évangile, quand, au matin de Pâque, les femmes lui transmettront le message des anges. Les bergers maintenant s’en retournent pleins de joie. Ils ont pu constater que les paroles de Dieu se réalisaient. Ils sont devenus des « anges » à leur tour, c’est-à-dire des messagers et des célébrants. Comme l’Ange du Seigneur, ils ont annoncé un message de bonheur. Comme l’armée céleste, ils chantent maintenant les louanges de Dieu. Ils préfigurent le rôle de la communauté chrétienne chargée d’annoncer à tous les hommes la bienveillance de Dieu qui s’exerce par le Seigneur Jésus, notre seul Sauveur.

Joseph STRICHER

John the Baptist

13 décembre, 2013

John the Baptist dans images sacrée OL_JohnBaptist

http://www.olgachristine.com/icon_johnthebaptist.html

BENOÎT XVI: SAINT JEAN DE LA CROIX – 14 DÉCEMBRE

13 décembre, 2013

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110216_fr.html  

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

SALLE PAUL VI

MERCREDI 16 FÉVRIER 2011

SAINT JEAN DE LA CROIX – 14 DÉCEMBRE

Chers frères et sœurs,

Il y a deux semaines, j’ai présenté la figure de la grande mystique espagnole Thérèse de Jésus. Je voudrais aujourd’hui parler d’un autre saint important de ces territoires, ami spirituel de sainte Thérèse, réformateur, avec elle, de la famille religieuse carmélitaine: saint Jean de la Croix, proclamé Docteur de l’Eglise par le Pape Pie XI, en 1926, et surnommé dans la tradition Doctor mysticus, «Docteur mystique». Jean de la Croix naquit en 1542 dans le petit village de Fontiveros, proche d’Avila, en Vieille Castille, de Gonzalo de Yepes et Catalina Alvarez. Sa famille était très pauvre, car son père, issu d’une famille noble de Tolède, avait été chassé de chez lui et déshérité pour avoir épousé Catalina, une humble tisseuse de soie. Orphelin de père dans son jeune âge, Jean, à neuf ans, partit avec sa mère et son frère Francisco pour Medina del Campo, non loin de Valladolid, un pôle commercial et culturel. Il y fréquenta le Colegio de los Doctrinos, en assurant également d’humbles travaux pour les sœurs de l’église-couvent de la Madeleine. Par la suite, vues ses qualités humaines et ses résultats dans les études, il fut admis d’abord comme infirmier dans l’Hôpital de la Conception, puis au Collège des jésuites, qui venait d’être fondé à Medina del Campo: Jean y entra à dix-huit ans et étudia pendant trois ans les sciences humaines, la rhétorique et les langues classiques. A la fin de sa formation, sa vocation lui était très claire: la vie religieuse et, parmi tous les ordres présents à Medina, il se sentit appelé au carmel. Au cours de l’été 1563, il débuta le noviciat chez les carmes de la ville, en prenant le nom religieux de Mattia. L’année suivante, il fut destiné à la prestigieuse université de Salamanque, où il étudia pendant un triennat les arts et la philosophie. En 1567, il fut ordonné prêtre et retourna à Medina del Campo pour célébrer sa première Messe entouré de l’affection de sa famille. C’est là qu’eut lieu la première rencontre entre Jean et Thérèse de Jésus. La rencontre fut décisive pour tous les deux: Thérèse lui exposa son programme de réforme du carmel, l’appliquant également à la branche masculine de l’ordre et proposa à Jean d’y adhérer «pour la plus grande gloire de Dieu»; le jeune prêtre fut fasciné par les idées de Thérèse, au point de devenir un grand défenseur du projet. Ils travaillèrent ensemble quelques mois, partageant les idéaux et les propositions pour inaugurer le plus rapidement possible la première maison des carmes déchaux: l’ouverture eut lieu le 28 décembre 1568 à Duruelo, un lieu isolé de la province d’Avila. Avec Jean, trois autres compagnons formaient cette première communauté masculine réformée. En renouvelant leur profession de foi selon la Règle primitive, tous les quatre adoptèrent un nouveau nom: Jean s’appela dès lors «de la Croix», nom sous lequel il sera universellement connu. A la fin de 1572, à la demande de sainte Thérèse, il devint confesseur et vicaire du monastère de l’Incarnation d’Avila, où la sainte était prieure. Ce furent des années d’étroite collaboration et d’amitié spirituelle, qui les enrichit tous deux. C’est à cette période que remontent aussi les plus importantes œuvres de Thérèse et les premiers écrits de Jean. L’adhésion à la réforme du carmel ne fut pas facile et coûta également de graves souffrances à Jean. L’épisode le plus traumatisant fut, en 1577, son enlèvement et son incarcération dans le couvent des carmes de l’antique observance de Tolède, à la suite d’une accusation injuste. Le saint fut emprisonné pendant des mois, soumis à des privations et des contraintes physiques et morales. En ce lieu, il composa, avec d’autres poésies, le célèbre Cantique spirituel. Finalement, dans la nuit du 16 au 17 août 1578, il réussit à fuir de façon aventureuse, se réfugiant dans le monastère des carmélites déchaussées de la ville. Sainte Thérèse et ses compagnons réformés célébrèrent avec une immense joie sa libération et, après une brève période pour retrouver ses forces, Jean fut destiné à l’Andalousie, où il passa dix ans dans divers couvents, en particulier à Grenade. Il assuma des charges toujours plus importantes dans l’ordre, jusqu’à devenir vicaire provincial, et il compléta la rédaction de ses traités spirituels. Il revint ensuite dans sa terre natale, comme membre du gouvernement général de la famille religieuse thérésienne, qui jouissait désormais d’une pleine autonomie juridique. Il habita au carmel de Ségovie, exerçant la charge de supérieur de cette communauté. En 1591, il fut relevé de toute responsabilité et destiné à la nouvelle province religieuse du Mexique. Alors qu’il se préparait pour ce long voyage avec dix autres compagnons, il se retira dans un couvent solitaire près de Jaén, où il tomba gravement malade. Jean affronta avec une sérénité et une patience exemplaires d’immenses souffrances. Il mourut dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591, alors que ses confrères récitaient l’office de mâtines. Il les quitta en disant: «Aujourd’hui je vais chanter l’Office au ciel». Sa dépouille mortelle fut transférée à Ségovie. Il fut béatifié par Clément X en 1675 et canonisé par Benoît XIII en 1726. Jean est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole. Ses plus grandes œuvres sont au nombre de quatre: «La montée du Mont Carmel», «La nuit obscure», «Les cantiques spirituels» et «La vive flamme d’amour». Dans les Cantiques spirituels, saint Jean présente le chemin de purification de l’âme, c’est-à-dire la possession progressive et joyeuse de Dieu, jusqu’à ce que l’âme parvienne à sentir qu’elle aime Dieu avec le même amour dont Il l’aime. La vive flamme d’amour poursuit dans cette perspective, en décrivant plus en détail l’état de l’union transformante avec Dieu. Le parallèle utilisé par Jean est toujours celui du feu: de même que le feu, plus il brûle et consume le bois, plus il devient incandescent jusqu’à devenir flamme, ainsi l’Esprit Saint, qui au cours de la nuit obscure purifie et «nettoie» l’âme, avec le temps l’illumine et la réchauffe comme si elle était une flamme. La vie de l’âme est une incessante fête de l’Esprit Saint, qui laisse entrevoir la gloire de l’union avec Dieu dans l’éternité. La montée du Mont Carmel présente l’itinéraire spirituel du point de vue de la purification progressive de l’âme, nécessaire pour gravir le sommet de la perfection chrétienne, symbolisée par le sommet du Mont Carmel. Cette purification est proposée comme un chemin que l’homme entreprend, en collaborant avec l’action divine, pour libérer l’âme de tout attachement ou lien d’affection contraire à la volonté de Dieu. La purification, qui pour parvenir à l’union d’amour avec Dieu doit être totale, commence par celle de la vie des sens et se poursuit par celle que l’on obtient au moyen des trois vertus théologales: foi, espérance et charité, qui purifient l’intention, la mémoire et la volonté. La nuit obscure décrit l’aspect «passif», c’est-à-dire l’intervention de Dieu dans ce processus de «purification» de l’âme. L’effort humain, en effet, est incapable tout seul d’arriver jusqu’aux racines profondes des inclinations et des mauvaises habitudes de la personne: il peut seulement les freiner, mais non les déraciner complètement. Pour cela, l’action spéciale de Dieu est nécessaire, qui purifie radicalement l’esprit et le dispose à l’union d’amour avec Lui. Saint Jean qualifie de «passive» cette purification, précisément parce que, bien qu’acceptée par l’âme, elle est réalisée par l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui, comme la flamme du feu, consume toute impureté. Dans cet état, l’âme est soumise à tous types d’épreuves, comme si elle se trouvait dans une nuit obscure. Ces indications sur les œuvres principales du saint nous aident à nous familiariser avec les points principaux de sa vaste et profonde doctrine mystique, dont l’objectif est de décrire un chemin sûr pour parvenir à la sainteté, l’état de perfection auquel Dieu nous appelle tous. Selon Jean de la Croix, tout ce qui existe, créé par Dieu, est bon. A travers les créatures, nous pouvons parvenir à la découverte de Celui qui a laissé en elles une trace de lui. La foi, quoi qu’il en soit, est l’unique source donnée à l’homme pour connaître Dieu tel qu’il est en soi, comme Dieu Un et Trine. Tout ce que Dieu voulait communiquer à l’homme, il l’a dit en Jésus Christ, sa Parole faite chair. Jésus Christ est le chemin unique et définitif vers le Père (cf. Jn 14, 6). Toute chose créée n’est rien par rapport à Dieu et ne vaut rien en dehors de Lui: par conséquent, pour atteindre l’amour parfait de Dieu, tout autre amour doit se conformer dans le Christ à l’amour divin. C’est de là que découle l’insistance de saint Jean de la Croix sur la nécessité de la purification et de la libération intérieure pour se transformer en Dieu, qui est l’objectif unique de la perfection. Cette «purification» ne consiste pas dans la simple absence physique des choses ou de leur utilisation; ce qui rend l’âme pure et libre, en revanche, est d’éliminer toute dépendance désordonnée aux choses. Tout doit être placé en Dieu comme centre et fin de la vie. Le processus long et fatigant de purification exige certainement un effort personnel, mais le véritable protagoniste est Dieu: tout ce que l’homme peut faire est d’«être disposé», être ouvert à l’action divine et ne pas lui opposer d’obstacle. En vivant les vertus théologales, l’homme s’élève et donne une valeur à son engagement. Le rythme de croissance de la foi, de l’espérance et de la charité va de pair avec l’œuvre de purification et avec l’union progressive avec Dieu jusqu’à se transformer en Lui. Lorsque l’on parvient à cet objectif, l’âme est plongée dans la vie trinitaire elle-même, de sorte que saint Jean affirme qu’elle parvient à aimer Dieu avec le même amour que celui avec lequel il l’aime, car il l’aime dans l’Esprit Saint. Voilà pourquoi le Docteur mystique soutient qu’il n’existe pas de véritable union d’amour avec Dieu si elle ne culmine pas dans l’union trinitaire. Dans cet état suprême, l’âme sainte connaît tout en Dieu et ne doit plus passer à travers les créatures pour arriver à Lui. L’âme se sent désormais inondée par l’amour divin et se réjouit entièrement en lui. Chers frères et sœurs, à la fin demeure la question: ce saint, avec sa mystique élevée, avec ce chemin difficile vers le sommet de la perfection, a-t-il quelque chose à nous dire à nous également, au chrétien normal qui vit dans les circonstances de cette vie actuelle, ou est-il un exemple, un modèle uniquement pour quelques âmes élues, qui peuvent réellement entreprendre ce chemin de la purification, de l’ascèse mystique? Pour trouver la réponse, nous devons avant tout tenir compte du fait que la vie de saint Jean de la Croix n’a pas été un «envol sur les nuages mystiques», mais a été une vie très dure, très pratique et concrète, tant comme réformateur de l’ordre, où il rencontra de nombreuses oppositions, que comme supérieur provincial, ou dans les prisons de ses confrères, où il était exposé à des insultes incroyables et à de mauvais traitements physiques. Cela a été une vie dure, mais précisément au cours des mois passés en prison, il a écrit l’une de ses œuvres les plus belles. Et ainsi, nous pouvons comprendre que le chemin avec le Christ, aller avec le Christ, «le Chemin», n’est pas un poids ajouté au fardeau déjà assez difficile de notre vie, ce n’est pas quelque chose qui rendrait encore plus lourd ce fardeau, mais il s’agit d’une chose totalement différente, c’est une lumière, une force, qui nous aide à porter ce fardeau. Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière; telle est la foi: être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette «ouverture»: ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés. Prions le Seigneur afin qu’il nous aide à trouver cette sainteté, à nous laisser aimer par Dieu, qui est notre vocation à tous et la véritable rédemption. Merci.

DIMANCHE 15 DÉCEMBRE – COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT : Isaïe 35, 1…10

13 décembre, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 15 DÉCEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Isaïe 35, 1…10

1 Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! 2 Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse,  qu’il se couvre de fleurs des champs,  qu’il exulte et crie de joie !  La gloire du Liban lui est donnée,  la splendeur du Carmel et de Sarône.  On verra la gloire du SEIGNEUR,  la splendeur de notre Dieu.  3 Fortifiez les mains défaillantes,  affermissez les genoux qui fléchissent. 4 Dites aux gens qui s’affolent :  « Prenez courage, ne craignez pas.  Voici votre Dieu :  c’est la vengeance qui vient,  la revanche de Dieu.  Il vient lui-même  et va vous sauver. »  5 Alors s’ouvriront les yeux des aveugles  et les oreilles des sourds. 6 Alors le boiteux bondira comme un cerf  et la bouche du muet criera de joie. 10 Ils reviendront, les captifs rachetés par le SEIGNEUR,   ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie,  un bonheur sans fin illuminera leur visage ;  allégresse et joie les rejoindront,  douleur et plainte s’enfuiront.

Je commence tout de suite par le mot difficile de ce texte : au milieu de promesses magnifiques, Isaïe parle de la vengeance de Dieu. Voilà pour nous l’occasion de découvrir une fois pour toutes ce que veut dire ce mot dans la Bible ! Car Isaïe lui-même l’explique très clairement. Il prêche au sixième siècle, au moment de l’Exil à Babylone : à cette époque-là, visiblement, il y a des gens qui s’affolent, puisque le prophète dit : « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent. Dites aux gens qui s’affolent… » Et c’est pour les rassurer qu’il annonce la vengeance de Dieu : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. » Et il en donne aussitôt la définition : « Votre Dieu vient lui-même et va vous sauver. » Il continue : « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »  Cela veut dire qu’au moment où ce texte a été écrit, l’expression « vengeance de Dieu » est non un épouvantail mais une promesse de salut. C’est donc un sens extrêmement positif du mot « vengeance » ; dans ce texte, il est bien clair que Dieu ne se venge pas des hommes, il ne prend pas sa revanche contre les hommes, mais contre le mal qui atteint l’homme, qui abîme l’homme ; sa revanche c’est la suppression du mal, c’est comme dit Isaïe « les aveugles qui voient et les sourds qui entendent, les boiteux qui bondissent et les muets qui crient de joie, les captifs qui sont libérés ». Quelle que soit l’humiliation physique ou morale que nous ayons subie, il veut nous libérer, nous relever.  Mais il faut bien dire qu’on n’a pas toujours pensé comme cela ! Le texte d’Isaïe est assez tardif dans l’histoire biblique (sixième siècle av.J.C.) ; il a fallu tout un long chemin de révélation pour en arriver là. Au début de son histoire, le peuple de la Bible imaginait un Dieu à l’image de l’homme, un Dieu qui se venge comme les humains.  Puis, au fur et à mesure de la Révélation, grâce à la prédication des prophètes, on a commencé à découvrir Dieu tel qu’il est, et non pas tel qu’on l’imaginait ; alors le mot « vengeance » est resté dans le vocabulaire mais son sens a complètement changé ; nous avons déjà vu plusieurs fois dans la Bible ce phénomène de retournement complet du sens d’un mot : c’est le cas pour le sacrifice, par exemple, et aussi pour la crainte de Dieu.  Très concrètement, quand Isaïe écrit le texte de ce dimanche, le salut auquel aspirent ses contemporains, c’est le retour au pays de tous ceux qui sont exilés à Babylone ; ils ont vécu les atrocités du siège de Jérusalem par les armées de Nabuchodonosor ; et maintenant, l’exil n’en finit pas ! Cinquante années, de quoi perdre courage. Ce n’est pas par hasard qu’Isaïe leur dit « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : Prenez courage, ne craignez pas ». Pendant ces cinquante années, on a rêvé de ce retour, sans oser y croire. Et voilà que le prophète dit « c’est pour bientôt » : « Ils reviendront les captifs rachetés par le SEIGNEUR, ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie » (verset 10).  Pour rentrer au pays, le chemin le plus direct entre Babylone et Jérusalem traverse le désert d’Arabie ; mais cette traversée du désert, Isaïe la décrit comme une véritable marche triomphale… mieux, une procession grandiose : le désert se réjouira, le pays aride exultera et criera de joie, il « jubilera » dit même le texte hébreu… Le désert sera beau… et alors là on pense à ce qui est le plus beau au monde pour un habitant de la Terre Sainte à l’époque : ce qui est le plus beau au monde, ce sont les montagnes du Liban, les collines du Carmel, la plaine côtière de Sarône ! Alors on dit : le désert sera aussi beau et luxuriant que ces trois paysages réputés pour leur beauté ! Beau comme les montagnes du Liban, beau comme les collines du Carmel, beau comme la plaine côtière de Sarône… 1  Et tout cela sera l’oeuvre de Dieu : « Il vient lui-même et va vous sauver… » ; c’est cette œuvre de salut que le prophète appelle « la gloire de Dieu ». Il dit : « On verra la gloire du SEIGNEUR, la splendeur de notre Dieu. » Et Isaïe continue : « Ils reviendront les captifs rachetés par le SEIGNEUR » ; et l’on sait que le mot « rachetés », dans la Bible, veut dire « libérés » ; tout comme le mot « rédemption » signifie « libération ».  La Loi juive prévoyait une règle qu’on appelait le « rachat » 2 : lorsqu’un débiteur était obligé de vendre sa maison ou son champ pour payer ses dettes, son plus proche parent payait le créancier à sa place et le débiteur gardait donc sa propriété (Lv 25, 25) ; si le débiteur avait été obligé de se vendre lui-même comme esclave à son créancier parce qu’il ne possédait plus rien, de la même manière son plus proche parent intervenait auprès du créancier pour libérer le débiteur, on disait qu’il le « revendiquait ». Il y avait bien un aspect financier, mais il était secondaire : ce qui comptait avant tout, c’était la libération du débiteur.  Le génie d’Isaïe a été d’appliquer ces mots à Dieu lui-même pour nous faire comprendre deux choses : premièrement, Dieu est notre plus proche parent ; deuxièmement, il veut nous libérer de tout ce qui nous emprisonne. Et c’est pourquoi nous chantons si volontiers « Alleluia » qui veut dire « Dieu nous a amenés de la servitude à la libération ».  ——————–

 Notes  1 – Le Liban est le pays voisin au Nord d’Israël, il est réputé pour ses forêts de cèdres. En Israël même, le Carmel, au Nord-Ouest, est la petite chaîne montagneuse la plus boisée du pays. Le Sharône est la plaine fertile qui borde la Méditerranée entre le Carmel et Jaffa.  2 – Le racheteur s’appelait le « Go’el » ; ce mot ne se trouve pas dans les versets lus ce dimanche, mais il apparaît au verset 9 ; (au verset 10, c’est un synonyme). Nous sommes donc bien dans ce cadre-là.

3E DIMANCHE DE L’AVENT, A – HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE L’AVENT, A

13 décembre, 2013

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

3E DIMANCHE DE L’AVENT, A – HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE L’AVENT, A

IS 35, 1-6A. 10 ; JC 5, 7-10 ; MT 11, 2-11

Tout d’abord, une petite question, mais dont la réponse ne sera pas récompensée par des cadeaux, comme à la télévision. Dans l’évangile, combien y a-t-il de béatitudes ? On peut répondre très justement : une litanie de neuf chez Matthieu, une litanie de quatre chez Luc. Chacune à leur manière et pour des publics différents, elles présentent la quintessence de l’enseignement de Jésus… Il y en a d’autres, dispersées dans le texte. Par exemple : « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent », ou « Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu ». Cependant, la plus troublante, sinon la plus choquante, est celle que nous avons entendue aujourd’hui : « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ». Autrement dit, « Heureux celui qui ne sera pas heurté jusqu’à en trébucher par le caractère ambigu et déconcertant de la personne du Christ, de son œuvre, et du monde nouveau qu’il est venu inaugurer ». Ce qui veut dire que l’on peut croire en Dieu et même en Jésus Christ, être un homme ou une femme de bonne volonté et de devoir, être pratiquant et nourrir sa vie de prière, être religieux ou religieuse, et se faire une idée du Christ, de son message et de son Royaume, qui ne correspond pas à la réalité de l’Evangile. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que ceux qui se sont opposés à Jésus, qui l’ont considéré comme blasphémateur, suppôt de Satan, fossoyeur de la Loi et des traditions, étaient des croyants. Et ces croyants l’ont fait mettre à mort. Cela ne doit pas trop nous étonner. Jean Baptiste lui-même a été, comme beaucoup d’autres et comme nous pouvons l’être, complètement désorienté par Jésus, dont il avait annoncé la venue comme Messie. Il l’avait imaginé tel un homme énergique et puissant, maniant la cognée, utilisant les grands moyens pour opérer un vaste nettoyage, tout purifier par le feu et remettre de l’ordre. L’arrivée du Messie libérateur devait être un « jour de colère et de ruine pour les persécuteurs d’Israël ». Et voilà que, tout au contraire, il enseigne paisiblement, fréquente des pécheurs, guérit des malades, prêche des béatitudes, critique l’élite religieuse, ses pratiques, sa façon d’observer la Loi et sa manière de prier. Le géant de l’ascèse est envahi par le doute et l’inquiétude, à tel point qu’il envoie ses propres disciples interroger son cousin : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Une question qui en dit long sur l’état d’esprit de Jean Baptiste. Et Jésus ne va pas le rassurer, mais bien l’inviter à corriger sa vision du Messie et de son Royaume. Il va acculer le grand prédicateur de la conversion à se mettre lui-même en question et à se laisser convertir, parce que le Royaume de Dieu était déjà là, bien visible et portant du fruit, et il ne les avait pas reconnus. Remarquez que Jésus ne répond pas par des doctrines, ni des principes, mais par des faits très concrets, qui ne sont rien d’autre que les signes annoncés par les prophètes, notamment par Isaïe et par les psaumes. « Le Seigneur Dieu, chantait déjà le psaume 145, c’est l’espoir des malheureux. Et il précise : « Il fait droit aux opprimés, donne du pain aux affamés, relâche les captifs, rend la vue aux aveugles, redresse ceux qui sont courbés. Il aime les justes, protège les étrangers, soutient l’orphelin et la veuve ». Ce sont ces preuves-là que Jésus apporte : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez ». Et ce que l’on voit, c’est l’amour à l’œuvre, le combat pour la justice et la paix, la délivrance de tous ceux et celles qui sont écrasés, blessés, meurtris, rejetés. Jésus renvoie Jean à la Parole de Dieu dans les Ecritures, pour qu’il ouvre ses yeux et ses oreilles et qu’il se fasse une autre idée du Christ et de son Royaume. Manifestement, Jean s’est remis en question, mais pas tous ses disciples. Il en est qui n’ont pas voulu rallier Jésus et sont restés fidèles au Jean Baptiste d’avant sa conversion. Ce sont les Johannites. Nous pouvons, nous aussi, être des Johannites sans le savoir, nous tromper de Christ et nous tromper sur les signes et les preuves de la présence ou de la croissance du Royaume de Dieu. Pour beaucoup de chrétiens, les signes de la bonne santé du Royaume sont peut-être des églises remplies, des séminaires trop petits, un renouveau de la prière et des statistiques réconfortantes. Beaucoup reconnaissent le Christ à la fraction du pain et l’adorent dans le Saint Sacrement. Tout cela est bon et nécessaire, mais largement insuffisant. Ce ne sont pas encore des signes du Royaume de Dieu. Cela peut même constituer un mirage, un alibi ou une vaine sécurité et une illusion, si l’on voit d’un mauvais œil un Christ anonyme, solidaire des pauvres et des affamés, des exclus et des opprimés. Ou encore, si on reste aveugle aux signes de croissance du Royaume de Dieu, qui se manifestent un peu partout, grâce aux artisans de justice et de paix, aux promoteurs de la non-violence, du pardon et de la réconciliation. Un Christ, présent et à l’œuvre dans toutes les solidarités, dans le sang versé par tant d’hommes et de femmes, parce qu’ils réclamaient respect et justice pour les exploités, et manifestaient un amour préférentiel pour les plus nécessiteux. « L’amour des autres apparaît », témoignait une vedette lors d’une émission de solidarité à la télévision. C’est là un signe indiscutable du Royaume de Dieu. Vous avez entendu les paroles du Christ, celles d’Isaïe et du psaume, qui expriment cette vision du Royaume. Jean Paul II avait repris le même message pour les hommes et les femmes de notre temps. C’était le 13 mai 1981, le jour où il fut victime d’une tentative d’assassinat. A l’heure même où il se préparait à faire un discours sur la place Saint-Pierre : « Par vocation, l’Eglise est la mère des opprimés et des laissés-pour-compte, la mère des faibles, ce qui justifie son intervention dans les questions sociales, qui sont l’engagement pour la justice. Ce type d’intervention, ajoutait Jean Paul II, fait partie de son rôle prophétique et a des liens directs (et non pas indirects) avec sa fin religieuse et surnaturelle ».

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)  1925 – 2008

Filippino Lippi, Sainte Lucie

12 décembre, 2013

Filippino Lippi, Sainte Lucie dans images sacrée 25550ah

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SAINTE LUCIE DE SYRACUSE, VIERGE ET MARTYRE EN SICILE (+ 305). FÊTE LE 13 DÉCEMBRE.

12 décembre, 2013

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SAINTE LUCIE DE SYRACUSE, VIERGE ET MARTYRE EN SICILE (+ 305). FÊTE LE 13 DÉCEMBRE.

Vierge et martyre à Syracuse, elle est victime de la persécution de Dioclétien en 304. Son nom même évoque la lumière, mais sa vie reste dans l’ombre. Elle fut très populaire et son culte remonte aux premiers siècles. Il s’étendit jusqu’en Scandinavie, en particulier en Suède où la fête païenne de la lumière et des mauvais esprits qui luttent contre elle, a été remplacée par la Fête de sainte Lucie. A cette date, ce sont les longues nuits de l’hiver nordique. Nous connaissons aussi de longues nuits dans les doutes de notre Foi. La rédaction de sa ‘passion’ date du Ve voire du VIe siècle et beaucoup de détails y sont légendaires: enfermée dans un lieu de prostitution, elle sut résister à toute avance; attelée à deux bœufs pour l’écarteler, ils ne purent bouger; mise sur un bûcher, les flammes s’éloignèrent d’elle. Ses reliques vénérées à Syracuse ont été transportées d’abord à Constantinople et actuellement à Venise. Saint Thomas d’Aquin parle d’elle à deux reprises dans sa ‘Somme théologique’. Elle se serait rendue en pèlerinage à Catane sur le tombeau de sainte Agathe pour demander la guérison de sa mère. Ce miracle accomplit elle distribua sa fortune aux pauvres. Dénoncée comme Chrétienne, condamnée à être livrée à des débauchés, elle fut comme une ‘colonne inébranlable’ d’après une hymne… De cette ‘fabuleuse’ passion, nous retiendrons la réponse qu’elle fit à son juge: « Toi tu gardes les volontés de tes princes et moi j’observe nuit et jour les volontés de mon Dieu… Toi tu désires leur plaire et moi je n’ai d’autre ambition que de plaire au Christ seul. Fais donc ce qui te sembles utile et moi je ferai ce qui sera utile au Salut de mon âme ». De Syracuse où elle était l’objet d’une dévotion fort tendre dès le IVe siècle, son culte se répandit dans tout l’occident. La Corse du moyen-âge lui  a dédié quelques vingt-neuf sanctuaires. (d’après ‘Église de Corse en prière’ – diocèse d’Ajaccio) Mémoire de sainte Lucie, vierge et martyre à Syracuse en Sicile, vers 300. Tant qu’elle vécut, elle garda sa lampe allumée pour aller au-devant de l’Époux et, conduite à la mort pour le Christ, elle mérita d’entrer avec Lui dans la salle des noces et de posséder la lumière qui n’a pas de fin.

Martyrologe romain Lucie, jeune fille de Syracuse, vint à Catane, au tombeau de sainte Agathe, avec sa mère qui souffrait d’un flux de sang incurable. Après avoir prié un instant, Lucie s’endormit et vit en songe sainte Agathe qui lui dit : « Lucie, ma sœur, pourquoi me demander ce que ta Foi a pu obtenir par elle-même ? Ta mère est guérie. Tu seras bientôt la gloire de Syracuse comme je suis la gloire de Catane. » Lucie en échange de la guérison de sa mère, lui demanda et obtint la grâce de garder sa virginité. De retour à Syracuse, elle se défit de ses bijoux, vendit tous ses biens, et ne tarda pas à être dénoncée comme Chrétienne par son propre fiancé. Le gouverneur fait venir Lucie à son tribunal et lui ordonne de sacrifier aux dieux ; Lucie demeure invincible devant toutes les menaces. Les bourreaux la saisissent pour l’entraîner en un mauvais lieu ; mais, malgré leurs efforts, elle reste inébranlable comme un rocher. On la tire avec des cordes attachées à ses pieds et à ses mains sans plus de succès. On attelle plusieurs paires de bœufs pour l’ébranler ; mais toute la vigueur de ces robustes animaux ne produit aucun effet. « Quels maléfices emploies-tu donc ? dit à Lucie le préfet exaspéré. – Je ne recours point aux maléfices, dit-elle, mais la puissance de Dieu est avec moi. – Comment peux-tu, femme de rien, triompher d’un millier d’hommes ? – Fais-en venir dix mille, et ils ne pourront lutter contre Dieu. » Lucie est alors couverte d’huile, de poix et de résine, et on y met le feu ; mais la flamme respecte la vierge. Enfin elle meurt d’un coup d’épée en prédisant la paix dans l’Église.

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome01/007.htm. Lucie, vierge de Syracuse, noble d’origine; entendant parler, par toute la Sicile, de la célébrité de sainte Agathe, alla à son tombeau avec sa mère Euthicie qui, depuis quatre ans, souffrait, sans espoir de guérison, d’une perte de sang. Or, à la messe, on lisait l’évangile où l’on raconte que N.-S. guérit une femme affligée de la même maladie. Lucie dit alors à sa mère : « Si vous croyez ce qu’on lit, croyez que Agathe jouit toujours de la présence de celui pour lequel elle a souffert. Si donc vous touchez son tombeau avec Foi, aussitôt vous serez radicalement guérie. » Quand toute l’assistance se fut retirée, la mère et la fille restèrent en prières auprès du tombeau; le sommeil alors s’empara de Lucie, et elle vit Agathe entourée d’anges, ornée de pierres précieuses ; debout devant elle et lui disant : « Ma sœur Lucie, vierge toute dévouée à Dieu, que demandez-vous de moi que vous né puissiez vous-même obtenir à l’instant pour votre mère ? Car elle vient d’être guérie par votre Foi. » Et Lucie qui s’éveilla dit : «Mère, vous êtes guérie. Or, je vous conjure, au nom de celle qui vient d’obtenir votre guérison par ses prières, de ne pas me chercher d’époux; mais tout ce que vous deviez me donner en dot, distribuez-le aux pauvres. » « Ferme-moi les yeux auparavant, répondit la mère, et alors tu disposeras de ton bien comme tu voudras. » Lucie lui dit : « En mourant, si vous donnez quelque chose c’est parce que tous ne pouvez l’emporter avec vous : donnez-le-moi tandis que vous êtes en vie, et vous en serez récompensée. » Après leur retour on faisait journellement des biens une part qu’on distribuait aux pauvres. Le bruit du partage de ce patrimoine vint aux oreilles du fiancé, et il en demanda le motif à la nourrice. Elle eut la précaution de lui répondre que sa fiancée avait trouvé une propriété de plus grand rapport, qu’elle voulait acheter à son nom ; c’était le motif pour lequel on la voyait se défaire de son bien. L’insensé, croyant qu’il s’agissait d’un commerce tout humain, se mit à faire hausser lui-même la vente. Or, quand tout fut vendu et donné aux pauvres, le fiancé traduisit Lucie devant le consul Pascasius : il l’accusa d’être Chrétienne et de violer les édits des Césars. Pascasius l’invita à sacrifier aux idoles, mais elle répondit : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est de visiter les pauvres, de subvenir à leurs besoins, et parce que je n’ai plus rien à offrir, je me donne moi-même pour lui être offerte. » Pascasius dit: « Tu pourrais bien dire cela à quelque Chrétien insensé, comme toi, mais à moi qui fais exécuter les décrets des princes, c’est bien inutile de poursuivre. » « Toi, reprit Lucie, tu exécutes les lois de tes princes, et moi j’exécute la loi de mon Dieu. Tu crains les princes, et moi je crains Dieu. Tu ne voudrais pas les offenser et moi je me garde d’offenser Dieu. Tu désires leur plaire et moi je souhaite ardemment de plaire à J.-C. Fais donc ce que tu juges te devoir être utile, et moi je ferai ce que je saurai m’être profitable. » Pascasius lui dit : « Tu as dépensé ton patrimoine avec des débauchés, aussi tu parles comme une courtisane. » « J’ai placé, reprit Lucie, mon patrimoine en lieu sûr, et je suis loin de connaître ceux qui débauchent l’esprit et le corps. » Pascasius lui demanda: « Quels sont-ils ces corrupteurs? » Lucie reprit : « Ceux qui corrompent l’esprit, c’est vous qui conseillez aux âmes d’abandonner le créateur. Ceux qui corrompent le corps, ce sont ceux qui préfèrent les jouissances corporelles aux délices éternelles. » « Tu cesseras de parler, reprit Pascasius, lorsqu’on commencera à te fouetter. » «Les paroles de Dieu, dit Lucie, n’auront jamais de fin. » « Tu es donc Dieu », repartit Pascasius. « Je suis, répondit Lucie, la servante du Dieu qui a. dit : « Alors que vous serez en présence des rois et des présidents, ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, ce ne sera pas vous qui parlez, mais L’Esprit parlera en vous. » Pascasius reprit: « Alors tu as l’esprit saint en toi ? » « Ceux qui vivent dans la chasteté, dit Lucie, ceux-là sont les temples du Saint-Esprit. » Alors, dit Pascasius je vais te faire conduire dans un lieu de prostitution, pour que tu y subisses le viol, et que tu perdes l’esprit saint. » « Le corps, dit Lucie, n’est corrompu qu’autant que le cœur y consent, car si tu me fais violer malgré moi, je gagnerai la couronne de la chasteté. Mais jamais tu ne sauras forcer ma volonté à y donner consentement. Voici mon corps, il est disposé à toutes sortes de supplices. Pourquoi hésites-tu? Commence, fils du diable, assouvis sur moi ta rage de me tourmenter. » Alors Pascasius fit venir des débauchés, en leur disant : « Invitez tout le peuple, et qu’elle subisse tant d’outrages qu’on vienne dire qu’elle en est morte. Or, quand on voulut la traîner, Le Saint-Esprit la rendit immobile et si lourde qu’on ne put lui faire exécuter aucun mouvement. Pascasius fit venir mille hommes et lui fit lier les pieds et les mains; mais ils ne surent la mouvoir en aucune façon. Aux mille hommes, il ajouta mille paires de bœufs, et cependant la vierge du Seigneur demeura immobile. Il appela des magiciens, afin que, par leurs enchantements, ils la fissent remuer, mais ce fut chose impossible. Alors Pascasius dit « Quels sont ces maléfices ? Une jeune fille ne saurait être remuée par mille hommes? » Lucie lui dit : « Ce ne sont pas maléfices; mais bénéfices de J.-C. Et quand vous en ajouteriez encore dix mille, vous ne m’enverriez pas moins immobile: » Pascasius pensant, selon quelques rêveurs, qu’une lotion d’urine la délivrerait dit maléfice, il l’en fit inonder; mais, comme auparavant, on ne pouvait venir à bout de la mouvoir, il en fut outré ; alors il fit allumer autour d’elle un grand feu et jeter sur son corps de l’huile bouillante mêlée de poix et de résine. Après ce supplice, Lucie s’écria : « J’ai obtenu quelque répit dans mes souffrances, afin d’enlever à ceux qui: croient la crainte des tourments, et à ceux qui ne croient pas, le temps de  m’insulter. » Les amis de Pascasius, le voyant fort irrité, enfoncèrent une épée dans la gorge de Lucie, qui, néanmoins, ne perdit point la parole : « Je vous annonce, dit-elle, que la paix est rendue à l’Eglise, car Maximien vient de mourir aujourd’hui, et Dioclétien est chassé de son royaume : et de même que ma sœur Agathe a été établie la protectrice de la ville de Catane, de même j’ai été établie la gardienne de Syracuse. » Comme la vierge parlait ainsi, voici venir les ministres romains qui saisissent Pascasius, le chargent de chaînes et le mènent à César. César avait en effet appris qu’il avait pillé toute la province. Arrivé à Rome, il comparait devant le Sénat, est convaincu, et condamné à la peine capitale. Quant à la vierge Lucie, elle ne fut pas enlevée du lieu où elle avait souffert, elle rendit l’esprit seulement quand les Prêtres furent venus lui apporter le Corps du Seigneur. Et tous les assistants répondirent : Amen. Elle fut ensevelie dans cet endroit là même où on bâtit une église. Or, elle souffrit au- temps de Constantin et de Maxime, vers l’an de N.-S. 310.   HISTOIRE DE SAINTE LUCIE

Etymologie : Lucie vient du mot latin lux qui signifie la lumière. Fête de Sainte Lucie : le 13 Décembre Sainte Lucie est la patronne des aveugles et des électriciens.

     Lucie vivait à Syracuse, en Sicile au IVème siècle ; elle était issue d’une famille de nobles. Sa mère souffrait d’un flux de sang incurable. On disait qu’une nuit de prière sur la tombe de Sainte-Agathe permettait de grands prodiges. Lucie vint avec sa mère à Catane pour prier sur le tombeau de Sainte-Agathe. En priant pour la guérison de sa mère, Lucie s’endormit et elle vit Sainte Agathe lui dire : « Lucie, ma sœur, pourquoi me demander ce que ta Foi a pu obtenir par elle-même ? Ta mère est guérie. Tu seras bientôt la gloire de Syracuse comme je suis la gloire de Catane. »      En remerciement, Lucie décida de faire don de tous ses biens et de sa dot aux nécessiteux. Elle décida de consacrer sa vie aux pauvres. L’homme à qui elle était promise en mariage (contre la volonté de Lucie) n’apprécia pas du tout ce comportement. Il continuait de la presser. Lucie lui aurait demandé pourquoi il tenait tant à elle ; il lui aurait répondu : « Vos yeux ! » Lucie s’arracha les yeux avec un petit couteau et après les avoir mis sur un plat, elle les porta à tâtons à son fiancé (voir la statue de l’église de Ste-Luce). La vierge Marie aurait rendu la vue à Lucie, avec des yeux encore plus beaux !      Lucie apportait la nuit des provisions aux Chrétiens qui se cachaient dans les grottes. Comme il faisait nuit, elle avait besoin de bougies pour s’éclairer et comme elle portait de la nourriture et de l’eau, elle avait besoin de ses deux mains. Elle fabriqua une couronne sur laquelle elle fixa des bougies.      Finalement son fiancé la dénonça aux autorités comme chrétienne.      Lucie fut conduite devant le consul Pascasius. Lucie refusa de se conformer au culte des idoles et elle affirma sa Foi Chrétienne :      « Ceux qui vivent avec chasteté et piété sont le Temple de l’Esprit-Saint. »      Pour la punir, le consul décida de l’emmener dans une maison de débauche pour lui faire perdre sa virginité. Le corps de Lucie devint très lourd et il fut impossible de l’emmener. Le consul fit venir des bœufs pour la tirer, mais ce fut sans résultat !      Le consul décida alors de la faire brûler sur un bucher ; on enduisit son corps de poix, de résine et d’huile bouillante, mais les flammes se détournèrent de Lucie. Le consul ordonna de l’égorger : un coup d’épée lui trancha la gorge. Son corps fut enseveli à Syracuse. Il fut ensuite transféré à Constantinople et enfin à Venise.

Lecture Quand son fiancé apprit que Lucie avait distribué tous ses biens aux pauvres, il traduisit la jeune fille devant le consul Paschase sous l’accusation qu’elle était Chrétienne et refusait de se soumettre aux lois de l’empire. Aussitôt Paschase lui intima l’ordre de sacrifier aux idoles. Lucie répondit : « Visiter les pauvres et soulager leurs misères est un sacrifice qui plaît à Dieu : je n’ai désormais plus de richesses à offrir, je n’ai plus que ma personne que j’offre en victime au Dieu vivant. Jacques de Voragine, Légende dorée

Prière Permets, nous t’en prions, Seigneur, que l’intercession de sainte Lucie ranime notre ferveur, afin que nous puissions chanter aujourd’hui son martyre et contempler sa gloire auprès de toi.

« L’ICÔNE DES ICÔNES » – L’œuvre d’Andreï Roublev

12 décembre, 2013

http://www.revue-kephas.org/02/4/Trisagion123-138.html

OCTOBRE–DÉCEMBRE 2002

« L’ICÔNE DES ICÔNES »

UNE DOMINICAINE DU SAINT-ESPRIt

« C’était au plus chaud du jour », précise la Bible, qu’Abraham reçut ses mystérieux visiteurs (Gen 18, 1). « L’œuvre d’Andreï Roublev », elle aussi, « se situe au zénith d’un long parcours. Elle est le fruit mûr d’un développement théologique et iconographique au sein de la tradition de l’Église orientale, qui remonte au début du christianisme. » (Gabriel Bunge o.s.b) Elle marque un apogée exceptionnel en tous ordres.

Un apogée exceptionnel Dans la vie de Roublev, cette œuvre est la dernière. Peu de temps après son achèvement, il mourait au monastère Andronikov de Moscou (transformé de nos jours en Musée Roublev, cf. P.V. 1 p. 9). Elle constitue donc son testament spirituel et artistique. Quand il peint cette Trinité, il est dans la plénitude de ses dons naturels et surnaturels. (G.B. p. 54) Quant à ses talents de peintre, ils ont été formés par un maître, Théophane le Grec, tandis que l’iconographie russe se trouvait dans sa plus belle période de gloire et de fécondité, après avoir reçu l’héritage de Constantinople et formé une école propre, avec son caractère et son style. Quant à la vie religieuse, de même que l’œuvre de Fra Angelico, à Florence, à la même époque, plonge ses racines dans la restauration de l’observance régulière due au zèle de Saint Antonin des conseils, de Sainte Catherine de Ricci, de Savonarole, de même l’Icône de Roublev couronne un puissant courant de la grâce. Si la « nature ne fait pas de saut », la grâce, elle aussi, agit le plus souvent dans la discrétion, respectant les rythmes et les conditions de toute croissance. La Providence avait envoyé saint Serge. Et c’est à partir de la communauté fondée par lui que se développa le grand monastère, la Laure, dédié à la Sainte Trinité, qui devint le centre spirituel de la grande principauté de Moscou. Considérons, maintenant, la situation du point de vue de l’Église universelle. Il est important de comprendre que l’approfondissement théologique des mystères de la Foi, et d’abord du premier d’entre eux, a commencé dès les temps apostoliques. Ce n’est pas sans raison que saint Jean porte le titre de « Théologien ». Quant à saint Paul, les formules trinitaires, splendides, abondent sous sa plume. Voici celle que la liturgie a choisie pour la messe votive en l’honneur de la Sainte Trinité : « Vivez en paix et le Dieu de la charité et de la paix sera avec vous. La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous ! » (II Cor 13, 11–13) À l’époque patristique, la réflexion se concentre sur le Mysterium Trinitatis et atteint son âge d’or au IVe siècle, où sévit l’hérésie arienne ! Le mot « Trinité »- contraction de « Tri-Unité » c’est-à-dire Un seul Dieu en Trois Personnes – ne se trouve pas dans l’Écriture, mais « il a été forgé par l’Église dès le début quand Elle a voulu désigner cette profondeur du mystère intime de Dieu, soulever un peu le voile cachant la Déité ».1 L’Évangile, par contre, donne la formule trinitaire du baptême : « Baptisez-les au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » (Mt 28, 18–20). Les grands Conciles (Nicée, Constantinople, Ephèse…) portant sur la divinité du Christ et du Saint-Esprit, et sur la Theotokos, projettent au long du premier millénaire la lumière de leurs définitions dogmatiques sur toute l’Église, la pourvoyant des assises théologiques nécessaires au développement de sa doctrine trinitaire et de sa prière liturgique. La première église d’Occident dédiée au mystère de la Trinité est construite au Xe siècle à la pointe orientale de l’île Saint-Honorat de Lérins, sans doute à l’emplacement d’un ermitage (cf. D.A. p. 90, note 2) tandis que la récitation quotidienne de l’Office divin, en particulier de ses hymnes, permet aux moines de goûter cette manne spirituelle. Quant à l’iconographie, la Rencontre de Mambré est considérée, dès les premiers siècles, comme un événement privilégié par les chrétiens. Si l’art n’ose encore exprimer dans son propre langage la signification de cette scène vétéro-testamentaire, la fréquence et la constance de ses représentations attestent l’importance qu’on lui reconnaît. Une question pratique se pose alors : l’art a-t-il le droit d’orienter la lecture du récit biblique dont la théologie perçoit la portée, ou faut-il laisser les fidèles aux limites de leur propre contemplation ? Autrement dit, l’art doit-il s’en tenir au sens littéral de l’Écriture ou peut-il en faire pressentir les sens figuratif (ou typologique), anagogique et eschatologique ? Nous touchons ici à un problème plus large et à ses répercussions : celui des différents sens de l’Écriture. S’il est permis de commenter l’Écriture Sainte par la plume, pourquoi serait-il interdit de le faire par le pinceau ? Certes, la fonction première de l’art consiste en la louange de Dieu. Mais, peu à peu, il a pris conscience de sa mission évangélisatrice, didactique. L’art, messager du Beau, est indissociablement messager du Vrai. Il lui revient d’aider les hommes à entrer dans la Lumière Révélée en conduisant leur regard spirituel au-delà de la lettre. À l’époque de Roublev, ce long cheminement touchait à son terme, en ce qui concerne la Philoxénie d’Abraham. Il ne restait qu’un pas à franchir (mais c’était un pas de géant, un pas de saint…) pour arriver à l’expression plénière du sens prophétique de la mystérieuse Rencontre. Et c’est Roublev qui va le franchir. Précisons maintenant les grandes étapes de ce développement de l’art, touchant la scène biblique de la Genèse. Ce que Roublev y ajouta de sublime paraîtra alors en toute clarté.

« Mysterium Trinitatis » Les nombreuses icônes de l’Hospitalité d’Abraham se ressemblent à première vue. Mais un regard approfondi révèle des inspirations de niveaux bien différents. Ces niveaux, du reste, ne s’excluent pas ; ils se superposent, et c’est ce qui explique la richesse, la variété et la densité du regard que nous pouvons poser sur l’Icône des Icônes. En celle-ci, en effet, Roublev a traduit les interprétations antérieures dans le respect absolu de la tradition iconographique, avant d’ouvrir, par son génie propre, cette Rencontre de Mambré sur l’éternité. En dehors de la toute première représentation de cet épisode biblique (Catacombes Via Latina IVe siècle), les plus anciennes, qui remontent aux origines mêmes de l’art chrétien, font toujours partie d’un ensemble : soit d’un cycle complet de l’Ancien Testament (comme à Sainte Marie-Majeure, dans la 1ere moitié du Ve siècle), soit d’un thème à plusieurs illustrations (thème du sacrifice autour de l’autel à Ravenne, milieu du VIe siècle). Leur caractère historique est donc prioritaire et majeur. Le mystère de la signification des trois anges n’est pas levé par l’iconographie. Trois anges rendent visite à Abraham… L’interprétation iconographique est strictement angéologique. Il s’agit essentiellement de l’Hospitalité d’Abraham. Cependant les artistes représentent les trois anges de façon identique, bien que l’Écriture ne précise rien à ce sujet. Cet usage suggère qu’une interprétation trinitaire est déjà discrètement à l’œuvre. Très vite, de légers indices dans les gestes ou les objets soulignent l’importance de l’ange central. Peu à peu l’identification de cet ange au Christ s’imposera. C’est cette interprétation christologique qui se transmettra pendant des siècles. Les trois anges apparaîtront rigoureusement de face, toujours sous les traits de jeunes gens, généralement auréolés. À Sainte-Marie-Majeure, celui du centre, dans la scène de l’arrivée, est même distingué par une mandorle. Au terme du premier millénaire, les représentations sont nettement christologiques. La crise iconoclaste (730–843) a ravagé la chrétienté d’Orient. Les martyrs ont signé de leur sang leur fidélité à l’Emmanuel et à son Visage d’Homme. L’Ange central porte désormais ses attributs distinctifs : le rouleau, le nimbe crucifère, les lettres IC-XC… Il est parfois un peu plus grand et vêtu différemment. Il est bien, pour tous, le Verbe Incarné, la descendance d’Abraham, dont la naissance est annoncée, à travers celle d’Isaac. Il est la Victime destinée au Sacrifice, comme le Fils de la Promesse. Et l’art n’a plus peur de le proclamer. Mais l’art s’engage dans un acte de Foi plus profond… Autour de l’an 1000, les scènes de Mambré commencent à s’intituler « Sainte Trinité ». À la vérité, les artistes se contentent d’écrire ce titre au bas de leur œuvre. Aussi perçoit-on comme une tension entre l’intention exprimée et la réalisation qui demeure en-deçà. Mais c’est déjà un très grand pas. L’hospitalité d’Abraham est bien considérée et affirmée comme la vision prophétique du Mystère intime de Dieu. Et si l’Ange central se distingue des deux autres par quelques attributs propres, les Trois Messagers retrouvent leur antique similitude (même taille, même vêtement…) car la triple répétition d’un symbole, d’un motif ou d’une lettre a été, dès l’origine, un moyen privilégié d’évoquer le Mysterium Trinitatis. Le cadre de la scène se modifie, lui aussi. Ce n’est plus le Chêne de Mambré et la tente d’Abraham qui ornent le fond, mais un riche et somptueux décor architectural. Abraham et Sara, de maîtres de maison figurant parmi les personnages principaux de l’action, sont devenus adorateurs. (cf. G.B. p. 98) À la fin de l’époque byzantine, la scène prend de plus en plus d’autonomie. On la trouve même dans les livres, sans aucune référence biblique, uniquement pour illustrer la Majesté divine. Les toutes dernières représentations sont de type trinitaire, caractérisé par une ressemblance rigoureuse entre les trois anges. Cependant, la gestuelle, la position, l’expression deviennent plus vivantes et laissent transparaître des rapports réciproques. Tout cela n’est qu’une timide ébauche… Cette lente maturation de l’art s’est faite dans la prudence de l’Église qui n’a pas encouragé, au début, la représentation de la Trinité sous la forme de trois hommes. Elle n’a fait que la tolérer, parce qu’elle redoutait des confusions touchant l’Incarnation. Si la représentation de l’Hospitalité a fini par s’imposer, avec sa portée trinitaire, c’est qu’elle a d’abord une consistance vétéro-testamentaire propre, incontestable. En définitive, c’est Dieu Lui-même qui a voulu se faire connaître, dans l’intimité de son Mystère, à travers cet épisode. Plus tard, au XVIIe siècle, il Lui plaira de consacrer, en quelque sorte, cette représentation, au cours d’une apparition à Sainte Marguerite-Marie : « Je reçus la grâce incomparable que les Trois Personnes de l’adorable Trinité se présentèrent à moi (…) L’impression qu’y firent ces Divines Personnes ne s’est jamais effacée. Ils me furent représentés sous la forme de trois jeunes hommes vêtus de blanc, tout resplendissants de lumière, de même âge, grandeur et beauté » (Vie par elle-même, no 59). Si la représentation de l’Hospitalité perdure, c’est aussi parce qu’elle est belle. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur certaines œuvres condamnées depuis par l’Église. Mais il restera toujours un abîme entre la Réalité de Dieu et sa représentation. Saint Augustin le comprit… On raconte qu’il vit un petit enfant sur la plage s’évertuant à « mettre la mer dans son trou de sable » et que Dieu lui parla au cœur : « Il aura fini avant que tu aies réussi à mettre le mystère de la Trinité dans ton esprit ». On ne peut voir Dieu sans mourir… (Ex 33, 18–23) La Vision immédiate appartient à l’au-delà. Ici-bas, nous ne verrons jamais que « dans un miroir » (I Cor 13, 12). Nous rejoignons ici l’apophatisme de l’Orient, et la théologie négative de l’Occident. Mais, s’il était permis de s’avancer jusque là sur le chemin de l’art, pouvait-on pénétrer plus loin dans le Mystère des Trois ? « In Nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti » Comme le scribe de l’Évangile (Mt 13, 52), exercé au Royaume des Cieux, Roublev va tirer de son trésor « du neuf et de l’ancien ». L’ancien, nous venons de l’inventorier. Le lecteur peut comprendre, maintenant, pourquoi il est vain de s’interroger sur les identifications possibles des Personnes. Cette question est une fausse question. Elle ne se pose pas à celui qui a suivi le développement de la Tradition (dans les domaines de la théologie spéculative et biblique, de l’iconographie…). Les mathématiciens modernes comptent 3 ! (lire « factorielle 3 ») façons, soit 3 fois 2, ou 6 façons, d’ordonner trois éléments. Abstraitement parlant, ils ont raison. Concrètement, trois identifications différentes seulement se rencontrent : celle qui place le Père à gauche, le Fils au centre et l’Esprit-Saint à droite et les deux qui placent le Père au centre. Mais nous pensons qu’une seule reste historiquement justifiable, quels que soient les arguments en faveur des deux autres et leur valeur par ailleurs : c’est celle qui, à chaque instant du temps, respecte le passé ; car le sensus Ecclesiae, qui est un esprit de Tradition, porte à l’élargissement, à un développement homogène, jamais à des ruptures qui seraient mortelles pour le Corps Mystique du Christ. Roublev, moine, obéissant, formé à la liturgie, n’a pu que recueillir saintement l’héritage… S’il l’a enrichi, ce n’est qu’en le conservant. Il n’a donc pu qu’approfondir l’interprétation trinitaire greffée sur l’interprétation christologique établie, qui place le Christ au centre. Cet argument, à lui seul, serait décisif. Mais deux autres viennent le corroborer et nous tenons à les exposer ici puisque la question se trouve soulevée. D’abord, la position de cette Icône, dans l’Iconostase pour laquelle elle a été peinte : à droite de la porte royale. Cette Trinité se trouvait donc sous le regard direct des fidèles quand le prêtre exerçait sa fonction sacerdotale suprême, au moment du Sacrifice sacramentel. La porte royale se ferme au moment du Canon. Les fidèles ne pouvaient pas voir l’élévation de l’Hostie, mais ils voyaient, sur l’Icône de Roublev, le Christ-Prêtre, au centre de l’autel, consacrant le Calice de son Sang. Enfin, un dernier argument : c’est que la représentation sous forme d’anges n’a pas la même portée pour les Trois. Seul le Verbe s’est incarné. Il est, pour l’humanité, la récapitulation de l’Univers entier. Il est la Tête de l’Église. Le Père et l’Esprit d’Amour n’ont pas assumé la chair. Mais Ils sont des Personnes. Le seul moyen d’évoquer le mystère de leur Personnalité, autrement que par des symboles (nuée, feu, langues, colombe) est l’analogie. Or, seuls les hommes possèdent cette dignité de « personne », dans le monde visible. S’il est donc légitime de représenter sous forme de personne humaine chacune des Trois Personnes Divines, il y a cependant une convenance et un équilibre particuliers à placer au centre Celui pour qui cette représentation est la plus lourde de sens : c’est-à-dire le Christ, Verbe Incarné. Venons-en à l’innovation de Roublev. L’Abbé Nikon vient de lui demander de se mettre à l’œuvre. Pendant trois ans, Andréï médite l’Évangile de l’Apôtre Bien-Aimé, dont Origène dit qu’il est « la fleur des Évangiles » comme « les Évangiles sont la fleur de l’Écriture Sainte » ; pendant trois ans, il jeûne, il réfléchit, il travaille avec son fidèle compagnon Daniel Tcherny… « Les jours de fête, lorsque André et Daniel ne travaillaient pas, ils s’asseyaient devant les vénérables et divines icônes ; et regardant celles-ci sans distraction… ils élevaient constamment leur esprit et leur pensée dans la lumière immatérielle et divine… » (P.E. p. 206) De ceux qui l’ont précédé, il adopte la composition de type trinitaire. Mais des modifications audacieuses traduisent une inspiration originale et géniale. « On constate une simplification radicale de la représentation, obtenue en se limitant expressément au strict essentiel. Une telle concentration sur l’essentiel ne se trouve que dans des œuvres d’art mineures où, toutefois, elle est déterminée la plupart du temps par la forme et par les dimensions réduites. Mais sur l’Icône de Roublev, qui a des dimensions notables, ce caractère essentiel revêt un sens monumental. Il n’est cependant jamais grossier ; au contraire, les rares choses représentées par le peintre sont raffinées à l’extrême et presque avec une élégance supérieure. » (G.B. p. 93–94) Sans troubler l’équilibre de l’ensemble, il complète, et enrichit, il modèle dans sa contemplation les visages du Père et de l’Esprit avant de les former sur le bois doré. « Roublev n’a pas seulement créé, comme sur les icônes de type christologique, une figure individuelle avec deux accompagnateurs, ou encore, comme dans le type trinitaire, idéal, trois figures égales, interchangeables, mais bien trois personnalités spécifiques. » (G.B. p. 93) Peut-être l’inspiration avait-elle un jour effleuré quelqu’iconographe avant Roublev. Mais il ne s’en trouve aucun indice. Et si, par impossible, l’inspiration a été donnée à quelqu’autre, nul ne s’est risqué à la suivre. Il appartenait à Roublev, et à lui le premier, d’avoir cette audace de la Foi. C’est qu’il s’agit ici de s’aventurer aux confins de la Béatitude, de monter jusqu’à la cime de la Révélation confiée pour nous au Verbe Incarné. Roublev s’enfonça dans la « nuée lumineuse » de la connaissance du Père et de l’Esprit d’Amour. Cette connaissance lui fut accordée, avec la grâce de l’offrir aux autres à travers sa peinture. « Nous sommes convaincus que Andreï Roublev, et lui seul, dans sa Trinité, a voulu relier chacun des trois anges à une des Trois Personnes Divines. » (G.B. p. 28) L’Icône de Roublev a reçu le titre, incontestablement mérité, « d’Icône des Icônes ». D’autre part, elle a été adoptée comme Canon des Icônes de la Trinité, au Concile orthodoxe des Cent Chapitres de 1551, Canon qui jusque-là n’était pas pleinement fixé. Elle porte un rayon de la Transcendance de Dieu. Elle est « un commentaire contemplatif de l’Évangile contemplatif » conclut le Père Benoît o.s.b. Elle est ce « Trisagion » de lignes et de couleurs qui chante, en silence, l’adoration de l’Église à l’Heure Divine où l’Amour l’emporte éternellement sur la mort :

« Hagios o Theos, Sanctus Deus Hagios Ischyros, Sanctus Fortis Hagios Athanatos eleison, hymas, Sanctus Immortalis, miserere nobis ».2

« Spiritus Veritatis » La lecture de l’Icône peut s’opérer sur trois plans, distincts mais compatibles : le plan de l’histoire sainte (sens littéral : Philoxénie d’Abraham), le plan figuratif (sens typologique, à la lumière du Nouveau Testament : sens christologique et trinitaire), et le plan du contexte particulier de l’œuvre picturale (à rattacher au sens moral de l’Écriture). Nous avons exploré les deux premiers plans. Il nous reste à découvrir le troisième. Roublev fut sollicité pour peindre une icône à destination précise : celle qui devait orner l’iconostase de l’Église de la Trinité, où reposait Saint Serge vénéré comme la « Demeure de la Trinité » et « l’instrument de choix de l’Esprit-Saint ». Ces deux expressions, inséparables, rythment la biographie de Saint Serge et font entendre l’accent original de sa spiritualité trinitaire : une vie de communion avec les Trois Divines Personnes, marquée du Sceau de l’Esprit-Saint et livrée à son inspiration. Roublev ne pouvait honorer la mémoire de son Abbé fondateur sans mettre en relief cet attrait prononcé pour la Troisième Personne. Il est permis de penser que « cette Icône peinte dans la demeure de la Sainte Trinité construite par saint Serge a précisément voulu représenter ce mystère de la grâce de l’Esprit-Saint. » (G.B. p. 108) D’autre part, si la doctrine trinitaire s’était magnifiquement développée au cours du premier millénaire, si la liturgie romaine venait d’introduire une Fête de la Trinité dans le temporal, à l’octave de la Pentecôte (Jean XXII en 1334), l’Orient ne célébrait pas cette Fête (et ne l’a pas encore intégrée à son calendrier). Mais la piété liturgique des fidèles envers ce Mysterium Trinitatis est intense en Orient et s’exprime le dimanche de Pentecôte, devenue Fête de la Trinité sans en prendre le nom. Cette disposition (que certains supposent due à l’influence de saint Serge) est, d’ailleurs, théologiquement très belle car la Pentecôte sonne l’heure de la manifestation plénière du Mystère de Dieu : « Quand Il viendra, Lui, l’Esprit de Vérité, Il vous introduira dans la Vérité tout entière » (Jn 16, 13). C’est bien la grâce suprême que l’Église demande à l’Esprit Saint pour les croyants en la fête liturgique de sa fondation : « Faites-nous connaître le Père, et révélez-nous le Fils, et Vous, leur commun Esprit, faites-nous toujours croire en Vous. » (Hymne Veni Creator). Quant à la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres au Cénacle, elle est célébrée, dans ces chrétientés, le Lundi de Pentecôte. Ainsi, l’Icône de la Trinité, demandée à Andreï, fut-elle composée dans cette perspective liturgique, liant le Mystère de la Trinité à celui de la Pentecôte. C’est, entre autres, pour remplir cette fonction d’Icône de Fête qu’elle fut conçue, c’est-à-dire pour être exposée solennellement à la vénération des fidèles, à la place d’honneur dans l’église, le jour même de la Pentecôte. « C’est donc à partir du Mystère de la Pentecôte qu’elle doit être interprétée » (G.B. p. 63), c’est-à-dire à partir de « cet événement où l’Esprit-Saint émerge pour la première fois en tant que Personne de l’ombre du Père et du Fils. » (G.B. p. 110) Roublev anime, au sens fort, son Icône de sa propre vie « spirituelle » dans laquelle l’action des dons du Saint-Esprit devient tangible et intime l’expérience des Béatitudes. La tradition latine ne dit pas autre chose, même si son expression diffère. Les théologiens thomistes ont approfondi la réalité de la grâce. Ils ont distingué la Grâce Incréée, le Saint-Esprit, de la grâce créée, habitus entitatif de l’âme, qui nous rend participants de la vie divine. Ils ne les ont toutefois pas séparées car la grâce est de « l’eau vive » (Jean 4, 10), une eau qui jaillit en permanence de sa Source sans la quitter. Si les termes sont plus techniques, ils sont aussi des étincelles prêtes à embraser l’âme dans l’oraison. Car en l’homme, image de Dieu, l’amour procède de la connaissance, comme en la Trinité l’Esprit d’Amour procède du Verbe-Sagesse. Par-delà leur expression propre, les traditions orientale et occidentale se rejoignent au cœur de l’Évangile et dans le feu de Saint Paul : « L’Amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par L’Esprit-Saint qui nous a été donné. » (Rm 5, 5) Don infini. Don confondant. « Comment cela se fera-t-il ? » pourrions-nous interroger, avec la Vierge (Luc 1, 34). Le pinceau de Roublev a su traduire la réponse de l’Évangile. Déchiffrons son message. Un indice mérite attention : « La main droite du Fils était initialement fermée et seul son index était pointé vers l’Esprit, au-dessus du Calice, comme cela a pu être établi lors de la restauration de l’Icône. Ce geste particulier de la main a dû paraître si incompréhensible aux premiers copistes du XVe siècle que cela les a conduits à ajouter le majeur à l’index. L’original lui-même a été retouché en ce sens. Hélas, les restaurateurs qui sont intervenus au début du XXe n’ont pas rétabli le dessin originel, qui modifie la signification du geste : d’un geste indicateur, il devient geste de bénédiction. » (G.B. p. 109) Mais si le Christ désigne l’Esprit, c’est que, « tourné vers le Père » (Jean 1, 18), Il Lui adresse la Prière sacerdotale comme au soir de la Cène. « La Trinité de Roublev, dont le cadre théologique est précisément la Pentecôte, peut en effet être lue comme une représentation des discours de départ de saint Jean, entièrement empreints du mystère du Dieu trinitaire, mystère qui désormais est en train de se révéler. » (G.B. p. 110). Il parle de la Maison du Père, du Chemin qu’Il va tracer en sa Pâque, du Paraclet qui les instruira de tout, de notre communion éternelle avec les Trois, et sa Tendresse coule jusqu’à nous. Plus de cinquante jours ont passé, mais maintenant, dans l’immobile Présent de l’Eternité, la supplication du Jeudi-Saint au Cénacle, s’accomplit et retombe dans le temps, par le Don de l’Esprit d’Amour au Cénacle même. Le Père, dans un puissant geste d’envoi, et le Christ, en le désignant de la main, font descendre dans le temps Celui que les Apôtres attendent. À la vérité, Roublev a sublimé et fusionné ces deux grands moments du Salut, Celui de la Cène avec le don du Seigneur dans l’Eucharistie, et Celui de la Pentecôte avec le Don de l’Esprit en son Onction. La simplicité de Dieu, au regard de qui toutes choses sont présentes éternellement, se reflète en l’Icône des Icônes. Si elle est Icône de Pentecôte, elle pourrait être aussi Icône du Jeudi-Saint parce que la Prière du Seigneur, prononcée ce soir-là, s’actualise en ce Mystère. On peut relire Saint Jean devant la Trinité de Roublev : chaque Parole en devient saisissante. Et ce n’est pas tout. « La Pentecôte, fête de « l’Esprit qui demeure » est la fête de chaque jour » (G.B. p. 114). Si cette Icône est d’abord celle de la Pentecôte, avec elle le Saint-Esprit « nous rappellera » (Jean 14, 26) tous les mystères du Christ et nous aidera à les revivre en l’année liturgique. Car ses mystères plongent éternellement en celui de la Trinité. À Noël, Roublev nous introduit auprès du Père, engendrant éternellement son Fils : « Ego hodie genui Te, Moi, aujourd’hui, je T’ai engendré » (Introït de la messe de minuit). À la Transfiguration, si chère à nos frères d’Orient, l’Icône chante l’antienne des Premières Vêpres : « Le Christ Jésus, Splendeur du Père, et empreinte de sa substance, portant toutes choses par la parole de sa propre puissance, réalisant la purification des péchés, a daigné apparaître glorieux, aujourd’hui, sur la haute montagne. » (Magnificat). À Pâques, elle nous conduit au Christ Ressuscité partageant la gloire du Père : « Resurrexi et adhuc Tecum sum, Alleluia. Je suis ressuscité et je suis désormais avec Toi. » (Introït du Dimanche de Pâques). Et ainsi de chaque solennité. Mais c’est au Cénacle, le Jeudi-Saint, qu’elle nous ramène sans cesse pour recueillir les dernières Paroles du Sauveur à son Père : « Que tous soient Un, comme toi, Père, tu es en moi, et que je suis en toi ; que tous soient Un en nous. » (Jn 17, 22).

Une synthèse théologique Si l’Icône de Roublev, dans sa richesse spirituelle, peut accompagner toutes les grandes heures liturgiques, c’est que cette richesse spirituelle repose sur un sens théologique puissant et sûr, et qu’elle est saturée de poésie biblique. Saint Thomas nous a laissé la Somme Théologique comme une cathédrale de la pensée chrétienne. Roublev nous a légué l’Icône des Icônes comme une « Montagne de Dieu », un « Sinaï » spirituel, d’où nous embrassons, en un panorama sacré, tout le Mystère de Dieu. Mais tous deux proclament la même Foi. À la suite de Moïse, sur le bois de l’Icône comme dans le Buisson ardent, nous rencontrons « Celui qui Est ». C’est ainsi, en effet, que les iconographes désignent traditionnellement le Christ, en écrivant dans son nimbe crucifère, les lettres grecques du Nom Incommunicable. Sur cette terre brûlée de soleil, comme Abraham à Mambré, nous entrevoyons « le Jour de Dieu », la Lumière de sa Vie Trinitaire. Sur cette « Montagne de Dieu », le cosmos, à traits esquissés, depuis la roche du règne minéral jusqu’au Temple du règne de l’esprit, en passant par le monde végétal, étend son ciel de louange au Créateur ; tandis que l’histoire des hommes trouve son sens divin et sa récapitulation dans l’arbre de la Croix, planté au cœur de l’Icône, comme au centre du temps, rappelant l’arbre du Paradis perdu et le chêne de Mambré, annonçant l’arbre de vie de la Jérusalem céleste (Ap 22, 2). Ainsi, sur le bois, le pinceau de Roublev a écrit en lettres d’or toute la première partie de la Somme Théologique : le Dieu Un et Trine, son œuvre créatrice et sa Providence. Ouvrons la deuxième partie de la Somme… Parmi ses lignes maîtresses, sur sa planche de bois, Roublev a ciselé la puissante verticale, plaçant l’homme qui contemple l’icône face à la Béatitude qui l’attend, l’encourageant au seuil du grand Chemin ouvert (« Ego sum Via. Je suis la Voie » Jn 14, 6) où il peut s’avancer « à pas d’amour » (Saint Grégoire le Grand). C’est le traité de la Béatitude qui ouvre la Prima Secundae, et c’est la route de la grâce et des vertus décrite dans la Secunda Secundae. Pour finir, écoutons saint Thomas en la dernière partie de sa dernière œuvre, celle qui restera inachevée par la mort, peu après la composition du traité sur l’Eucharistie (ce sont ses frères et disciples qui complèteront les dernières questions de la Somme, à partir d’autres écrits du Docteur Angélique). Ainsi, non seulement la composition de l’Icône s’harmonise au plan de la Somme, mais à la lumière théologale, unifiante, de l’œuvre de Roublev, nous entrons dans l’intelligence de ses plus belles questions de théologie spirituelle3 : des missions des divines Personnes, extension dans le temps des processions trinitaires, visiblement à l’Incarnation et à la Pentecôte, et invisiblement dans nos cœurs par la puissance de la grâce ; également la question sur l’homme image de Dieu, qui rejoint le thème de la « divinisation » si cher aux Pères orientaux ; la Béatitude ; également la Loi Nouvelle, gravée dans nos cœurs, qui n’est autre que « la grâce du Saint-Esprit et son instinct, donnés à ceux qui croient dans le Christ » ; et celle de la grâce (on peut remarquer que Roublev a parfaitement ordonné la nature et la grâce en plaçant le rectangle de la terre au bas de l’autel, dans le cercle des Trois à l’intérieur de l’action créatrice, et la Coupe de la grâce sur la blancheur de l’autel, dans l’axe de la nature, mais dans l’intimité des Trois et sous l’action immédiate de leur regard et de leurs mains, sachant que « la grâce ne détruit pas la nature », mais qu’« elle la perfectionne » et que Dieu est Créateur et Rédempteur, cf. J.-P. T/2 p. 210) ; enfin l’Eucharistie, qui contient et nous donne non seulement la grâce, mais l’Auteur de la grâce. Dans notre condition d’ici-bas, pouvons-nous monter plus haut ? Dans la Foi, pouvons-nous communier davantage au Dieu de Vérité ? Non, mais après la Somme de théologie, qui, dans « sa limpidité abstraite et sa transparence impersonnelle » nous donne « cristallisée sous nos yeux, la vie intérieure même de saint Thomas » (Gilson, Le thomisme, p. 457), il nous reste la prière du chantre de l’Eucharistie :

« Jésus, que je contemple maintenant voilé, Je vous en prie, réalisez mon ardent désir : Que j’aie le bonheur de vous voir un jour Face à face dans votre gloire. Amen ! » (Hymne Adoro Te)

Avant saint Thomas d’Aquin, et sous un autre mode que lui, les Pères de l’Église ont cherché l’intelligence de la Foi. Le Catéchisme de l’Église Catholique (no 236) expose ainsi leur doctrine : « Les Pères de l’Église distinguent entre la Theologia et l’Oikonomia, désignant par le premier terme le mystère de la vie intime du Dieu-Trinité, par le deuxième toutes les œuvres de Dieu par lesquelles Il se révèle et communique sa Vie. C’est par l’Oikonomia que nous est révélée la Theologia ; mais inversement, c’est la Theologia qui éclaire toute l’Oikonomia. Les œuvres de Dieu révèlent Qui Il est en Lui-même ; et inversement, le mystère de son être intime illumine l’intelligence de toutes ses œuvres. Il en est ainsi, analogiquement, entre les personnes humaines. La personne se montre dans son agir, et mieux nous connaissons une personne, mieux nous comprenons son agir. » L’Icône des Icônes englobe dans sa simplicité toute la Theologia, ou Vie « ad intra » de la Trinité, et toute l’Oikonomia, ou Vie « ad extra » de la Trinité. En goûtant sa saveur patristique, nous nous abreuvons à la source des premiers temps de l’Église, une source qui garde sa fraîcheur, une source à laquelle tous les Docteurs, tous les théologiens ont puisé au cours des siècles.

Concluons avec le C.E.C. (no 234) : « Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi, lumière qui les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la « hiérarchie des vérités de foi ». Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché. » Car « la fin ultime de toute l’économie divine, c’est l’entrée des créatures dans l’unité parfaite de la Bienheureuse Trinité. » (no 260) Nous ne faisons que bredouiller quelques mots d’enfants devant l’Insondable et l’Ineffable… Celui que, dans une hymne, saint Grégoire de Naziance invoque ainsi : « O Toi, l’Au-Delà de tout… comment Te nommer d’un autre nom ? » Celui que saint Jean Damascène désigne comme l’« Océan infini de l’Être » et que sainte Catherine de Sienne invoque avec ardeur, au terme de son « Dialogue » avec le Père : « Ô Trinité éternelle ! Ô Déité ! Vous êtes une mer sans fond où plus je me plonge, plus je Vous trouve, et plus je Vous trouve, plus je Vous cherche encore. De Vous, jamais on ne peut dire : c’est assez ! L’âme qui se rassasie dans vos profondeurs Vous désire sans cesse (…) Ô abîme ! Océan sans fond ! Pouvez-Vous me donner davantage que de Vous donner Vous-même ? » L’âme chrétienne pénètre, ici, dans le Silence Sacré du ciel et de l’éternité. C’est à ce silence de la contemplation, anticipation de la liturgie céleste de l’Apocalypse, que nous laissons le lecteur car il aura compris que la sagesse théologique ne peut que conduire et s’effacer au seuil d’une autre sagesse, la plus haute, la sagesse mystique de l’Amour.

Un fruit de Sagesse De cette « Scientia Amoris », la petite sainte de Lisieux est devenue le grand Docteur. Elle nous a tracé la « petite voie », elle l’a grimpée avant nous, et c’est le sentier à pic de la Montée du Carmel. C’est la belle verticale de Roublev, croisée de sa large horizontale, contemplée et parcourue, tout droit, dans l’élan magnifique de sa courte vie. N’est-ce pas le dimanche de la Trinité 1895 qu’elle s’offrit à l’Amour Miséricordieux ? Elle nous entraîne sur la route de la prière intérieure, celle du cœur, celle de l’humble quotidien, avec son sourire et son réalisme… « Marchez dans la voie de l’Amour . Ambulate in dilectione. » Saint Paul, ce chantre de la charité théologale, aurait pu dire aussi : « Montez dans la voie de l’Amour. » Pour nous entraîner dans cette ascension, l’Église compte sur ses « Premiers de cordée » que sont les saints et les bienheureux. Le Saint-Père a voulu recommander spécialement à notre génération le message de saint Jean de la Croix : « Il convient de nous tenir à l’écoute de ce maître. Par une heureuse coïncidence, il se fait notre compagnon de route en cette période de l’histoire (4e centenaire de sa mort le 14 décembre 1990). Saint Jean de la Croix est le guide de ceux qui cherchent une plus grande intimité avec Dieu au sein de l’Église. » Et le Saint-Père explique : « L’ardeur et le réalisme de la foi du Docteur mystique s’appuient sur sa connaissance des mystères centraux du christianisme. Une moniale contemporaine du saint affirme : « Parmi les mystères pour lesquels il avait un grand amour, il y avait celui de la Très Sainte Trinité et aussi celui du Fils de Dieu fait homme. » La source préférée de sa contemplation est l’Écriture, comme il l’atteste souvent lui-même. Il revient en particulier au chapitre 17 de l’Évangile de saint Jean dont il aime à se faire l’écho. (…) Le mystère de la Trinité, les mystères du Verbe Incarné : le théologien mystique en fit le pivot de la vie spirituelle. » (Lettre apostolique de Jean-Paul II sur saint Jean de la Croix, le 14 décembre 1990, nos 3, 17 et 9). N’est-ce pas là retrouver Andreï Roublev ? À la longue liste des saints, le Saint-Père a ajouté une autre fille de saint Jean de la Croix, ardente disciple de Saint Paul et ayant exercé – confie-t-il dans son homélie du Bourget en 1980 – « la plus grande influence sur sa vie ». « Avec la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, une nouvelle lumière brille pour nous, un nouveau guide, certain et sûr, se présente dans notre monde rempli d’incertitude et d’obscurité. » (Jean-Paul II, le 25 novembre 1984). Ce n’est pas un hasard si l’on trouve souvent la prière de Sœur Élisabeth de la Trinité (« Ô Mon Dieu, Trinité que j’adore… ») au dos des représentations de la Trinité de Roublev. Ce n’est pas sans raison que la brodeuse de la bannière de la Bienheureuse Élisabeth (Bannières 1996) a trouvé l’inspiration d’évoquer l’Icône des Icônes sur le scapulaire de la carmélite. Les deux contemplatifs se sont rejoints dans l’objet de leur contemplation à cinq siècles de distance, l’un exprimant sa prière par le pinceau, l’autre laissant jaillir cette même prière par la plume. Et remarquons les dates : l’Icône de Roublev est redécouverte vers 1904–1905 tandis qu’Élisabeth de la Trinité compose sa prière le 21 novembre 1904, quelques mois seulement avant sa mort, le 9 novembre 1906. « Un des signes des temps les plus caractéristiques est sans doute le renouveau d’attention, en théologie et dans la vie de prière, accordée au Mystère le plus caché, le plus important de tous, celui de la Très Sainte Trinité. Ce Mystère est si haut qu’il est difficile de trouver, pour en parler, des paroles qui ne soient pas des trahisons », écrit le Père Cottier o.p. Et il ajoute une réflexion qui oriente notre recherche : « L’explication théologique va de pair avec la lecture des saints. »4 En effet, les saints, parvenus à leur maturité, sont devenus une théologie vivante. Non seulement ils rayonnent, mais ils nous lancent un appel. À nous d’entendre le langage de leur vie et de leurs œuvres. L’Icône de la Trinité de Roublev et la prière de Sœur Élisabeth ne seront jamais des trahisons du plus auguste des Mystères. « C’est à la plus haute prière que Roublev nous introduit, écrit Nicolaï Greschny. C’est l’unique but de cette Icône. C’est, plus que son art, ce qui fait l’incomparable splendeur de cette Icône. » (N.G. p. 122) « Tout ce que je sais de la Trinité, je l’ai appris de cette Icône » reconnaît le frère Benoît, bénédictin (R.F. p.15). « Il me semble qu’au ciel ma mission sera d’attirer les âmes, en les aidant à sortir d’elles-mêmes pour adhérer à Dieu par un mouvement tout simple, tout amoureux et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet à Dieu de s’imprimer en elles et de les transformer en Lui. » (Bse Élisabeth de la Trinité citée par le Père Philippon : M.-M.P. p. 280) Le moine saint André Roublev et la carmélite Élisabeth de la Trinité nous invitent tous deux au même silence dans un monde saturé de bruit et même de vacarme. Il faut se taire pour regarder l’Icône de Roublev et il faut se garder « en ce grand silence du dedans » pour recevoir l’empreinte intérieure de Dieu. La peinture et la contemplation sont toutes deux regard et silence. Toutes deux nous conduisent dans le « Cellier » du Bien-Aimé (Cant. 2, 4), « où le Maître habite » : « La Trinité, voilà notre demeure » (Bse Élisabeth de la Trinité) Telle est la sagesse des saints, à la fois spéculative et pratique dans sa simplicité. C’est à elle qu’appartient l’ultime béatitude : « Bienheureux les pacifiques », parce que c’est elle qui conduit l’homme « à la filiation de Dieu », le faisant participer à « la ressemblance du Fils Unique » (a. 6) : « Ils seront appelés fils de Dieu ». Telle est la sagesse qui a inspiré Andreï Roublev. Tel est le secret du rayonnement de l’Icône des Icônes. Elle continuera de conduire au Dieu de Sagesse et d’Amour ceux qui se laissent fasciner par sa profondeur et irradier par sa lumière, et ceux qui, à la suite de la Bse Élisabeth de la Trinité, aspirent à brûler de la flamme de Saint Paul et de celle du Carmel : « Que le Père daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur. Que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour. Ainsi, vous recevrez la force de comprendre avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu. » (Eph 3, 16–19)

Conclusion

Nous voici au terme de cette longue étude dans laquelle nous avons entrevu cette « Splendeur du Trisagion ». Toute la Révélation tient dans cette Icône des Icônes :

Le Mystère de la Très Sainte Trinité, Le Mystère de l’Incarnation-Rédemption, Le Mystère de l’Eucharistie et de l’Église.

Et la Vierge Marie, me direz-vous ? Impossible de l’oublier, de la passer sous silence, Elle qui apprit à Sainte Bernadette, à Lourdes, à bien dire le « Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto » et qui le récitait avec elle en s’inclinant, dans l’humble prière du Rosaire ! Eh bien ! Elle est là, discrète comme toujours… C’est une inscription ajoutée en exergue à une « Annonciation » de Fra Angelico, celle du couvent Saint-Marc à Florence, qui nous La révèle, cachée dans la Lumière :

« Salve, Mater Pietatis, et totius Trinitatis nobile Triclinium »

La saveur latine de ce vers d’Adam de Saint Victor (XIIe siècle) est incomparable : les Romains ont toujours été des réalistes ! Elle est aussi intraduisible… Mais si vous cherchez « Triclinium » dans un dictionnaire, vous apprendrez qu’il s’agit d’« un lit de table pour trois personnes ». Pouvait-on trouver meilleure expression pour rappeler que la Vierge Marie a été cet espace intérieur où les Trois Divines Personnes, dès le premier instant, sont entrées en familiarité avec la créature humaine et où le Verbe est devenu, à la plénitude des temps, notre « commensal » (cf. Lauda Sion) pour partager un jour, avec nous, si nous l’accueillons, le repas du soir (Apoc. 3, 20), le repas des Noces éternelles (Mt 22, 2) ? C’est à l’heure de son Immaculée-Conception que le Divin Iconographe a pris en main le bois précieux de son âme, l’a poli, l’a préparé, l’a pénétré de son onction. C’est à l’heure de l’Incarnation qu’Il a peint en elle les traits humains du Verbe. Et c’est à l’Assomption qu’Il l’a « revêtue du Soleil » de la gloire (Ap 12, 1), qu’Il a achevé son image en Elle, devenue alors pour l’éternité cette « Fenêtre sur l’Absolu » (selon l’expression de M. Quenot définissant l’icône), totalement transparente à la Déité Une et Trine. Avec le Christ-Jésus tressaillant de joie dans l’Esprit-Saint, la Vierge Marie ne cesse de « rendre grâces au Père qui a caché toutes ces choses aux sages et aux savants et qui les a révélées aux tout petits » (Luc 10, 21). Elle a mission de veiller sur ces « tout petits » de l’Évangile, sur ceux qui l’ont reçue pour mère, comme Saint Jean, sur ceux qui ont pour devise : « Totus tuus », avec Saint Louis-Marie Grignon de Montfort et le Saint-Père. Elle a mission de les conduire au Royaume où s’achèvera le Cantique de leur vie, auprès d’Elle, à la gloire du Très-Haut :

« Magnificat anima mea dominum … …Abraham et semini ejus in saecula »

Abréviations bibliographiques D.A. : Daniel-Ange, L’étreinte de feu ou l’icône de la Trinité de Roublev, D.D.B., 2001. G.B. : Gabriel Bunge o.s.b., L’iconographie de la Ste Trinité (des catacombes à Andreï Roublev), Médiaspaul, 2000. J.-P. T : Jean-Pierre Torrell o.p., Dieu, qui es-tu ? (dernier chapitre : « Une fête solennelle »), Cerf, 1999. N.G. : Nicolaï Greschny, L’icône de la Trinité d’André Roublev, Lion de Juda, 1986. P.E. : Paul Evdokimov, L’art de l’icône – Théologie de la beauté, D.D.B., 1981. P.V. : Philippe Verhaegen o.s.b., L’icône de la Trinité d’Andreï Roublev, Éd. Fidélité, 1995 Namur. R.F. : Renaissance de Fleury, no spécial tiré à part, 1986.

Cardinal Journet, Entretiens sur la Trinité, p.15. « O Dieu saint !, O Dieu saint ! Dieu saint ! Dieu fort ! Dieu saint ! Dieu fort ! Dieu saint et immortel, ayez pitié de nous ! Dieu saint et immortel, ayez pitié de nous ! » Liturgie grégorienne du Vendredi Saint, adoration de la Croix. (alternance de grec et de latin). Le Cardinal Journet dans tous ses ouvrages, et le Père Torrell o.p. dans Saint Thomas d’Aquin, maître spirituel, tous deux disciples du docteur Angélique, sont devenus maîtres à leur tour en cette théologie spirituelle et peuvent aider à la pénétrer… Préface aux Entretiens sur la Trinité du Cardinal Journet p. 7–8.

NOTRE DAME DE GUADALUPE

11 décembre, 2013

NOTRE DAME DE GUADALUPE dans images sacrée our-lady-of-guadalupe

http://gracefulrosaries.blogspot.it/2010/12/happy-feast-of-our-lady-of-guadalupe.html

RÉCIT DES APPARITIONS DE NOTRE DAME À GUADALUPE – 12 DÉCEMBRE

11 décembre, 2013

http://www.mariedenazareth.com/9304.0.html?&L=0

(plusieurs autres articles intéressants sur le site)

LE NICAN MOPOHUA

Tout récit sur les apparitions de Notre Dame de Guadalupe est inspiré du Nican Mopohua, ou Huei Tlamahuitzoltica, écrit en Hahuatl, la langue Aztèque, par l’écrivain Indien Antonio Valeriano (1520-1605), contemporain des apparitions de Guadalupe (1531) et du voyant Juan Diego. Le texte original est perdu, nous en possédons une copie publiée en Nahuatl par Luis Lasso de la Vega en 1649. Voici la traduction française du récit :  

RÉCIT DES APPARITIONS DE NOTRE DAME À GUADALUPE – 12  DÉCEMBRE

Dix ans après la prise de Mexico, la guerre prit fin et la paix régna parmi le peuple ; de cette façon la foi commença à éclore, le discernement du vrai Dieu pour qui nous vivons. En ce temps-là, en l’année quinze cent trente et un, dans les premiers jours du mois de décembre, vivait un pauvre Indien appelé Juan Diego, connu comme étant un natif de Cuautitlan. A certains égards, il appartenait spirituellement à Tlatilolco.   Première apparition Un samedi, tout juste avant l’aube, il était en route pour le culte divin et pour ses propres affaires. Lorsqu’il arriva au pied de la colline connu sous le nom de Tepeyacac, le jour parut et il entendit chanter sur la colline, comme un chant de différents beaux oiseaux. Occasionnellement la voix des chanteurs s’arrêtait et il semblait que l’écho répondit. Le chant, très doux et délicieux, était plus beau que celui du coyoltotol, du tzintizcan et d’autres beaux oiseaux. Juan Diego s’arrêta pour voir et se dit à lui-même : « Par chance, suis-je digne de ce que j’entends? Peut-être suis-je en train de rêver? Suis-je réveillé? Où suis-je? Peut-être suis-je dans ce paradis terrestre dont nous parlaient nos ancêtres? Peut-être suis-je maintenant au ciel? » Il regardait vers l’est, vers le haut de la colline d’où venait ce précieux chant céleste; puis, subitement le chant s’arrêta et le silence régna. Il entendit alors une voix venant de la colline qui lui disait  : « Juanito, Juan Dieguito »…  Il s’aventura alors vers l’endroit où on l’appelait. Il n’était pas le moindrement effrayé; au contraire, il jubilait. Il grimpa alors la colline pour voir d’où on l’appelait. Quand il atteignit le sommet il vit une Dame qui s’y tenait debout et qui lui dit de s’avancer.  S’approchant d’elle, il s’émerveilla de sa grandeur surhumaine; ses vêtements brillaient comme le soleil; la falaise sur laquelle reposaient ses pieds étincelait de lumière comme entourée d’un bracelet de pierres précieuses, et la terre resplendissait comme un arc en ciel. Les mezquites, nopales et autres mauvaises herbes qui poussent à cet endroit, paraissaient comme des émeraudes, leurs feuillages comme des turquoises, leurs branches et leurs épines brillaient comme de l’or. Il s’inclina devant elle et entendit sa parole, douce et courtoise, comme quelqu’un qui vous charme et vous enchante profondément.  Elle lui dit : « Juanito, le plus humble de mes fils, où vas-tu? »  Il lui répondit : « Madame et enfant, je dois atteindre ton église à Mexico, Tlatilolco, afin de poursuivre les choses divines qui nous sont enseignées et données par nos prêtres et nos délégués et Notre Seigneur ».  Elle lui parla alors ainsi : « Sache et comprends bien, le plus humble de mes fils, que je suis la toujours vierge Sainte Marie, Mère du Vrai Dieu pour qui nous existons, du Créateur de toutes choses, Seigneur du ciel et de la terre. J’aimerais qu’une église soit érigée ici, rapidement, afin que je puisse vous montrer et vous donner mon amour, ma compassion, mon aide et ma protection, parce que je suis votre mère miséricordieuse, à vous, à tous les habitants de cette terre et à tous ceux qui m’aiment, m’invoquent et ont confiance en moi. J’écoute leurs lamentations et je remédie à leurs misères, leurs détresses et leurs peines. Afin d’accomplir ce qu’exige ma clémence, va au palais de l’évêque de Mexico et tu lui diras que je manifeste un grand désir qu’ici, sur cette plaine, une église soit construite en mon honneur; tu lui raconteras dans les moindres détails tout ce que tu as vu et admiré et ce que tu as entendu. Sois assuré que je te serai extrêmement reconnaissante et que je te récompenserai, parce que je te rendrai heureux et digne de récompense pour les efforts et la fatigue que tu vas endurer pour cette mission. Voilà, tu as entendu mes instructions, mon humble fils, va et fais tous tes efforts. »  A cet instant, il s’inclina devant elle et dit : « Madame, Je vais obéir à tes instructions ; maintenant je dois te quitter, moi, ton humble serviteur. » Il descendit alors afin de s’acquitter de sa tâche et prit l’allée qui mène tout droit à Mexico. Deuxième apparition Ayant pénétré dans la ville, il se rendit directement et sans délais, au palais épiscopal ou venait d’être nommé un nouveau prélat, le Père Juan de Zumarraga, un Religieux Franciscain. A son arrivée, il essaya de le voir; il plaida auprès des serviteurs afin qu’ils annoncent sa visite, et après une longue attente il fut informé que l’évêque avait ordonné de le faire entrer. En entrant, il s’inclina et s’agenouillant devant l’évêque il lui transmit le message de la Dame du ciel. Il lui raconta aussi tout ce qu’il avait admiré, vu et entendu. Après avoir écouté son bavardage et son message l’évêque trouva cela incroyable ; il lui dit alors : « Tu repartiras, mon fils et je t’écouterai à mon gré. Je reprendrai tout depuis le début et réfléchirai sur les voeux et les désirs pour lesquels tu es venu ». Il s’en alla et paraissait triste car le message n’avait pas été accompli sous toutes ses formes. Il rentra le même jour. Il revint directement au haut de la colline et rencontra la Dame du ciel qui l’attendait à la même place où il l’avait vue la première fois.  La voyant, il se prosterna devant elle et lui dit : Madame, la plus petite de mes filles, mon Enfant, j’ai été là où tu m’as envoyé afin de me conformer à tes instructions. Avec beaucoup de difficultés j’ai pénétré dans le bureau du prélat. Je l’ai vu et lui ai fait part de ton message, comme tu me l’avais commandé. Il m’a reçu bienveillamment et m’a écouté attentivement mais sa réponse laissait entendre qu’il ne me croyait pas. Il m’a dit “Tu reviendras et je t’entendrai à mon gré. Je reprendrai tout depuis le début et réfléchirai sur le voeu et le désir qui t’ont amené.” J’ai parfaitement compris de par la façon dont il m’a répondu qu’il pensait que ton désir d’avoir une église qui te soit consacrée est une invention de ma part, et que ce n’est pas ton ordre, aussi je te supplie fortement, Madame, de confier l’accomplissement de ton message à quelqu’un d’important, de connu qui inspire le respect et l’estime, afin qu’on le croie; parce que je ne suis rien, je suis une petite ficelle, une minuscule échelle, une queue, une feuille et toi, mon Enfant la plus petite de mes enfants, ma Dame, tu m’as envoyé à une place que je ne fréquente jamais ni ne m’y repose. Je t’en prie, pardonne moi ce grand désagrément et ne sois pas irritée, Madame ».  La Vierge Marie répondit : Ecoute, ô le moindre de mes fils, tu dois comprendre que j’ai de nombreux serviteurs et messagers à qui je peux confier l’accomplissement de mon message et l’exécution de mon désir, mais c’est toi précisément que je sollicite et demande de m’aider afin que par ta médiation mon voeu soit accompli. Je t’implore ardemment, toi le moindre de mes fils, et avec fermeté je t’ordonne d’aller demain voir l’évêque. Tu y vas en mon nom et tu lui fais connaitre mon voeu intégral selon lequel je lui demande de commencer la construction d’une église. Et dis-lui aussi que c’est Moi, en personne, la toujours-vierge, Sainte Marie, Mère de Dieu qui t’ai envoyé ».  Juan Diego répondit: Madame, mon Enfant, je ne veux pas te faire de la peine. Joyeusement et de plein gré j’obéirai à tes instructions. Sous aucune condition je ne manquerai de le faire; j’irai accomplir ton désir car non seulement le chemin est pénible mais peut-être que je ne serai pas écouté avec plaisir, ou si on m’écoute on ne me croira peut-être pas. Demain après-midi, au coucher du soleil, je reviendrai te porter la réponse de ton message au prélat. Je prends maintenant congé de toi, le plus petite de mes enfants, mon Enfant et Madame. Repose-toi entre-temps » Il s’en alla se reposer chez lui.   Troisième apparition Le jour suivant, il quitta la maison avant l’aube, et prit le chemin de Tlatilolco, afin d’être instruit des choses divines et d’être présent à l’appel, après quoi il irait voir le prélat. Vers dix heures, rapidement, après avoir assisté à la Messe et avoir inscrit sa présence, il s’en alla quand la foule se fut dispersée. Sur l’heure Juan Diego se rendit au palais de l’évêque. A peine fut-il arrivé qu’il essaya ardemment de voir l’évêque. Après encore beaucoup de difficultés il parvint à le voir. Il s’agenouilla à ses pieds. Il s’attrista et pleura pendant qu’il exposait les instructions de la Dame du ciel demandant à Dieu de lui accorder qu’on croie à son message et au voeu de l’Immaculée pour qu’un temple soit construit là où Elle le voulait.  L’évêque, afin de se rassurer, lui posa beaucoup de questions, lui demandant où il l’avait vue et comment elle était. Il décrivit le tout à la perfection à l’évêque. Malgré les explications précises de son apparence et de tout ce qu’il avait vu et admiré, qui en soi indiquait qu’elle était la toujours-vierge Sainte Mère du Sauveur, Notre Seigneur Jésus-Christ, il ne lui accorda néanmoins aucun crédit lui disant que pour sa requête il lui fallait faire ce qui lui était demandé mais de plus qu’un signe était nécessaire afin qu’il puisse croire qu’il était vraiment envoyé par une Dame du ciel. Juan Diego dit alors à l’évêque : « Monseigneur, écoutez ! Quel doit être le signe que vous demandez ? Car j’irai le demander à la Dame du ciel qui m’a envoyé vers vous. »  L’évêque voyant qu’il acceptait sans aucun doute et ne se rétractait pas, le renvoya. Il ordonna immédiatement à quelques personnes de son entourage, en qui il pouvait avoir confiance, de le suivre et de surveiller où il allait, qui il voyait et avec qui il parlait. Ceux qui le suivirent le perdirent de vue alors qu’ils traversaient la ravine près du pont de Tepeyac. Ils cherchèrent partout mais ne purent le retrouver. Ils revinrent donc non seulement parce qu’ils étaient fatigués mais aussi parce que leurs desseins avaient été déjoués, et cela les avait mis en colère. Et c’est ce qu’ils racontèrent à l’évêque. Pour l’influencer afin qu’il ne crut pas en Juan Diego, ils dirent à l’évêque que Juan Diego le trompait et inventait ce qu’il racontait ou qu’il avait seulement rêvé ce qu’il racontait et demandait. Finalement ils s’arrangèrent pour que, si jamais il retournait, il fût retenu et durement puni afin qu’il cessât de mentir et de tromper.  Entre temps, Juan Diego était avec la Bienheureuse Vierge lui rapportant la réponse de Monseigneur l’évêque. La Dame, après l’avoir écouté, lui dit : « Très bien, mon petit, tu repartiras là-bas demain, afin de porter à l’évêque le signe qu’il a demandé. Avec cela il te croira et dans son regard il n’y aura ni doute ni soupçon. Et sache, mon petit, que je te récompenserai pour ta sollicitude, tes efforts et ta fatigue à mon égard. Je t’attendrai ici demain. »   Quatrième apparition C’est le jour suivant, un lundi, que Juan Diego devait porter un signe pour qu’on le croie, mais il n’y revint pas parce que, en rentrant chez lui, son oncle, Juan Bernardo, était tombé malade et son état était grave. Il appela d’abord un docteur qui l’aida mais c’était trop tard, son état empirait. A la tombée de la nuit son oncle lui demanda d’aller à l’aube à Tlatilolco et de ramener un prêtre pour le préparer et entendre sa confession car il était certain qu’il allait mourir et qu’il ne se lèverait plus ni ne guérirait. Le mardi, avant l’aube, Juan Diego partit de sa maison pour Tlatilolco pour ramener un prêtre et comme il s’approchait de la route qui rejoint la pente qui mène au sommet de la colline de Tepeyac, vers l’ouest, et où il avait l’habitude de traverser la route, il se dit : « Si je continue ce chemin, la Dame va sûrement me voir, et je pourrais être retenu afin que je puisse porter le signe au prélat comme convenu ; mais notre premier souci est d’aller rapidement appeler un prêtre car mon oncle l’attend certainement. »  Il fit donc le tour de la colline afin qu’il ne puisse être vu par elle qui voit bien partout. Il la vit descendre du haut de la colline et regarder vers là où ils s’étaient rencontrés précédemment.  Elle s’approcha de lui au bas de la colline et lui dit : « Qu’y a-t-il, le moindre de mes fils? Où vas-tu? ». Etait-il affligé ou honteux ou effrayé ? Il s’inclina devant elle. Il la salua, disant : « Mon Enfant, la plus tendre de mes filles, Madame, que Dieu veuille que tu sois satisfaite. Comment vas-tu ce matin ? Est-ce que ta santé est bonne, Madame et mon Enfant ? Je vais te faire de la peine. Sache, mon enfant, qu’un des tes serviteurs, mon oncle, est très malade. Il a attrapé la peste et est sur le point de mourir. Je dois me hâter vers ta maison à Mexico afin d’appeler un de tes prêtres, aimé de Dieu, pour qu’il entende sa confession et lui donne l’absolution car, depuis notre naissance, nous sommes venus au monde pour nous préserver des oeuvres de la mort. Mais si je pars, je reviendrai ici rapidement afin d’aller porter ton message. Madame, mon Enfant, pardonne moi, sois patiente avec moi pour le moment. Je ne te décevrai pas, la plus petite des mes filles. Demain je viendrai en toute hâte. »  Après avoir écouté les paroles de Juan Diego, la Très Sainte Vierge répondit : « Ecoute moi et comprends bien, le moindre de mes fils, rien ne doit t’effrayer ou te peiner. Que ton coeur ne soit pas troublé. N’aies pas peur de cette maladie, ni d’aucune autre maladie ou angoisse. Ne suis-je pas là, moi qui suis ta Mère ? N’es-tu pas sous ma protection ? Ne suis-je pas ta santé ? Ne reposes-tu pas heureux en mon sein ? Que désires-tu de plus ? Ne sois pas malheureux ou troublé par quoi que ce soit. Ne sois pas affligé par la maladie de ton oncle, il n’en mourra pas. Sois assuré qu’il est maintenant guéri ». Et à ce moment son oncle fut guéri comme il devait l’apprendre par la suite. Quand Juan Diego entendit ces mots de la Dame du ciel, il était grandement consolé. Il était heureux. Il la supplia de l’excuser afin qu’il aille voir l’évêque et lui porter le signe ou la preuve afin qu’on le croie.  La Dame du ciel lui ordonna de grimper au haut de la colline où ils s’étaient précédemment rencontrés. Elle lui dit : « Grimpe, ô le moindre de mes fils, jusqu’au haut de la colline ; là où tu m’as vue et où je t’ai donné des instructions, tu verras différentes fleurs. Coupes-les, cueille-les, rassembles-les et puis viens les porter devant moi. » Juan Diego grimpa sur la colline immédiatement, et comme il atteignait le sommet il fut stupéfait de voir qu’une telle variété de merveilleux rosiers de Castille étaient en floraison bien avant la saison où les roses devraient bourgeonner car hors de saison elles gèleraient. Elles étaient parfumées et recouvertes des gouttes de rosée de la nuit qui ressemblaient à des perles précieuses. Il commença immédiatement à les cueillir. Il les assembla et les plaça dans son tilma.  Le haut de la colline n’était pas une place où pourrait fleurir n’importe quelle fleur car il y avait beaucoup de rochers, de ronces, d’épines, de nopales et de mezquites. Occasionnellement de l’herbe poussait mais c’était au mois de décembre quand la végétation n’était pas gelée. Il descendit la colline immédiatement et porta les différentes roses qu’il avait cueillies à la Dame du ciel qui, en les voyant les prit entre ses mains et les plaça à nouveau dans son tilma, lui disant : « ô toi, le moindre de mes fils, cette variété de roses est une preuve et un signe que tu porteras à l’évêque. Tu lui diras en mon nom qu’il y verra là mon voeu et qu’il doit s’y conformer. Tu es mon ambassadeur, le plus digne de ma confiance. Je te l’ordonne rigoureusement de ne déplier ton manteau qu’en présence de l’évêque et de lui montrer ce que tu portes. Tu lui raconteras bien tout; tu lui diras que je t’ai ordonné de grimper au haut de la colline et de cueillir les fleurs; et aussi tout ce que tu as vu et admiré afin que tu puisses persuader le prélat d’accorder son soutien à ma demande qu’une église soit construite. »  Après les conseils de la Dame du ciel, il prit le chemin qui mène directement à Mexico, heureux et sûr du succès, portant avec beaucoup de précaution le contenu de son tilma afin que rien ne s’échappe de ses mains et s’enivrant du parfum de cette variété de belles fleurs. Le miracle de l’image non faite par l’homme Quand il arriva au palais épiscopal, le majordome vint à sa rencontre ainsi que d’autres serviteurs du prélat. Il les supplia de dire à l’évêque qu’il voulait le voir, mais personne ne voulait le faire, ils faisaient semblant de ne pas l’entendre, probablement parce qu’il était trop tôt ou parce qu’ils le connaissaient comme étant un importun et qu’il les harcelait ; de plus, leurs collègues leur avaient raconté qu’ils l’avaient perdu de vue quand ils l’avaient suivi. Il attendit longtemps. Quand ils virent qu’il avait attendu longtemps debout, abattu, ne faisant rien, attendant d’être appelé et paraissant avoir quelque chose dans son tilma, ils s’approchèrent de lui afin de savoir ce qu’il portait.  Juan Diego voyant qu’il ne pouvait cacher ce qu’il portait et sachant qu’il serait molesté, bousculé, lacéré, ouvrit un peu son tilma là où se trouvaient les fleurs. En voyant cette variété de roses de Castille hors saison, ils furent complètement stupéfaits parce qu’elles étaient si fraiches, en pleine floraison, si parfumées et si belles. Ils essayèrent de s’en emparer et de tirer quelques-unes mais ne réussirent à aucune des trois fois qu’ils osèrent le faire. Ils ne réussirent pas parce qu’à chaque fois qu’ils essayaient de les prendre, ils ne purent voir les fleurs réelles. A la place elles paraissaient peintes, imprimées ou cousues sur la toile. Ils allèrent alors dire à l’évêque ce qu’ils avaient vu l’informant que l’Indien qui était venu à plusieurs reprises voulait le voir et qu’il avait sûrement une raison pour l’avoir attendu avec anxiété si longtemps et être si désireux de le voir.  En entendant cela l’évêque comprit qu’il avait apporté la preuve pour confirmer ses dires afin qu’il se conformât à la requête de l’Indien. Il ordonna de le faire entrer immédiatement. Dès son entrée Juan Diego s’agenouilla devant lui comme à l’accoutumée et raconta à nouveau ce qu’il avait vu et admiré ainsi que le message. Il lui dit : « Monseigneur, j’ai fait ce que tu as commandé, je suis allé dire à mon Ama, ma Dame du ciel, Sainte Marie, précieuse Mère de Dieu que tu as demandé un signe et une preuve afin que tu puisses croire qu’il faut construire une église là où elle l’a demandé ; je lui ai aussi dit que je t’avais donné ma parole que je rapporterais un signe et une preuve de son désir comme tu l’as demandé. Elle se montra condescendante et agréa à ta requête. Tôt ce matin elle m’a envoyé te voir à nouveau ; je lui demandais une fois encore le signe afin que tu puisses me croire et elle me dit qu’elle me le donnerait et elle s’y conforma. Elle m’envoya au haut de la colline, là où j’avais l’habitude de la voir, pour cueillir une variété de roses de Castille. Après les avoir cueillies je les lui ai portées, elle les a prises de sa main et les a placées dans mon vêtement afin que je te les porte et te les donne en personne. Même si je savais que le haut de la colline n’était pas un endroit où pousseraient des fleurs car il y a beaucoup de rochers, de ronces, d’épines, de nopales et de mezquites, j’avais encore des doutes. Quand je me suis approché du haut de la colline, je vis que j’étais au paradis où il y avait une variété d’exquises roses de Castille, couvertes de brillante rosée et je les ai cueillies immédiatement. Elle m’a dit que je devais te les porter et je me suis exécuté afin que tu puisses voir en elles le signe que tu m’as demandé et te conformer à son voeu ; aussi et mon message soient crédibles. Voilà. Reçois-les. »  Il déplia son vêtement blanc où il avait mis les fleurs et quand toutes les différentes variétés de roses de Castille tombèrent à terre apparut soudain le dessin de la précieuse Image de la toujours vierge Sainte Marie, Mère de Dieu, comme on la voit aujourd’hui dans l’église de Tepeyac, nommé Guadalupe. Quand l’évêque vit l’image, lui et tous ceux présents tombèrent à genoux. On l’admira beaucoup. Ils se levèrent pour la voir, ils tremblèrent et, avec tristesse, ils démontrèrent qu’ils la contemplaient avec leur coeur et leur esprit. L’évêque, avec des larmes de tristesse, pria et implora son pardon pour n’avoir pas accompli son voeu et sa requête. Quand il se releva, il détacha du cou de Juan Diego le vêtement sur lequel apparaissait l’Image de la Dame du ciel. Il le prit et le plaça dans sa chapelle. Juan Diego demeura un jour supplémentaire à l’évêché à la requête de l’évêque.  Le jour suivant l’évêque lui dit : « Montre nous où la Dame du ciel désire qu’une église soit construite ». Et il invita immédiatement tous ceux présents à s’y rendre.   Apparition à Juan Bernardino Après que Juan Diego eut montré l’endroit où la Dame du ciel voulait que son église soit construite, il demanda la permission de prendre congé. Il voulait rentrer chez lui pour voir son oncle Juan Bernardino qui était gravement malade quand il l’avait quitté pour aller à Tlatilolco appeler un prêtre afin d’entendre sa confession et lui donner l’absolution. La Dame du ciel lui avait dit que son oncle était guéri. Mais ils ne le laissèrent pas partir seul et l’accompagnèrent jusqu’à chez lui. Comme ils arrivèrent, ils virent que son oncle était heureux et en bonne santé. Il était très stupéfait de voir son neveu ainsi accompagné et honoré, et demandait la raison d’un tel honneur.  Son neveu répondit que lorsqu’il partit chercher le prêtre pour entendre sa confession et lui donner l’absolution, la Dame du ciel lui apparut à Tepeyac lui disant de ne pas être triste, que son oncle allait bien, ce qui l’a consolé. Elle l’a envoyé à Mexico voir l’évêque afin que ce dernier lui construise une maison à Tepeyac. L’oncle témoigna de ce que c’était vrai qu’à cette occasion il fut guéri et qu’il l’avait vue de la même manière que son neveu, apprenant d’Elle qu’elle l’avait envoyé à Mexico pour voir l’évêque. La Dame lui dit aussi que, lorsqu’il irait voir l’évêque, il devrait lui révéler ce qu’il avait vu et lui expliquer de quelle façon Elle l’avait guéri miraculeusement et qu’Elle voulait être appelée La toujours vierge Sainte Marie de Guadalupe et que son image bénie soit aussi ainsi connue.  Juan Bernardino fut conduit en la présence de l’évêque afin qu’il l’en informe et lui donne un témoignage ; son neveu et lui furent les invités de l’évêque chez lui jusqu’à ce que l’église consacrée à la Reine de Tepeyac soit construite là où Juan Diego l’avait vue. L’évêque transféra l’image sacrée de la belle Dame du ciel de sa chapelle privée à l’église principale afin que tout le peuple puisse voir l’image bénie et l’admirer. La cité tout entière était sous le coup d’une grande émotion. Tous vinrent la voir, admirer l’image pieuse et prier. Ils s’émerveillèrent de son apparition dans ce divin miracle car aucune personne humaine de ce monde n’avait peint cette image précieuse. »   Aimable concession du sanctuaire de Guadaloupe. www.virgendeguadalupe.org.mx

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