QUAND VINT LA PLÉNITUDE DU TEMPS DIEU ENVOYA SON FILS NÉ D’UNE FEMME (Père Cantalamessa)

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QUAND VINT LA PLÉNITUDE DU TEMPS DIEU ENVOYA SON FILS NÉ D’UNE FEMME

Vendredi 19 Décembre 2008

Troisième prédication d’Avent

1. Paul et le dogme de l’Incarnation Commençons, cette fois-ci encore, par écouter le passage de Paul sur lequel nous voulons méditer : « Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale. Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! Aussi n’es-tu plus esclave mais fils ; fils, et donc héritier de par Dieu » (Ga 4, 4-7). Nous entendrons souvent ce texte biblique durant la période de Noël, à commencer par les Premières Vêpres de la solennité de Noël. Disons tout d’abord un mot de ses implications théologiques. Il s’agit du passage qui, dans le corpus paulinien, se rapproche le plus de l’idée de préexistence et d’incarnation. L’idée d’ « envoi » (« Dieu envoya, exapesteilen, son Fils ») est mise en parallèle avec l’envoi de l’Esprit dont il est fait mention deux versets plus loin. Elle rappelle ce qui est dit dans l’Ancien Testament de l’envoi sur le monde, par Dieu, de la Sagesse et de l’Esprit saint (Sg 9, 10.17). Ces rapprochements indiquent qu’il ne s’agit pas d’un envoi « depuis la terre », comme dans le cas des prophètes, mais du haut « du ciel ». Cette idée de la préexistence du Christ est implicite dans les textes pauliniens où il est question d’un rôle du Christ dans la création du monde (1 Co 8,6 ; Col 1, 15-16) et quand Paul dit que le rocher qui suivait le peuple dans le désert était le Christ (1 Co 10, 4). L’idée d’incarnation, elle aussi, est sous-jacente dans l’hymne christologique de l’Epître aux Philippiens, chapitre 2 : « De condition divine, il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave ». Il faut, toutefois, reconnaître que, chez Paul, préexistence et incarnation sont des vérités en gestation, qui n’ont pas encore trouvé une pleine formulation. Et ceci parce que, pour lui, le centre d’intérêt et le point de départ de tout est le mystère pascal, autrement dit l’acte (du Salut), plus que la personne du Sauveur. Le contraire de Jean, pour qui le point de départ et l’épicentre de l’attention sont justement la préexistence du Christ et l’incarnation. Il s’agit de deux « voies », ou chemins, différents dans la découverte de qui est Jésus Christ : l’une, celle de Paul, part de l’humanité pour parvenir à la divinité, de la chair pour atteindre l’Esprit, de l’histoire du Christ pour arriver à la préexistence du Christ ; l’autre voie, celle de Jean, emprunte le chemin inverse : elle part de la divinité du Verbe pour atteindre et affirmer son humanité, de son existence dans l’éternité pour descendre à son existence dans le temps ; l’une met à la charnière des deux étapes la résurrection du Christ là où l’autre voit le passage d’un état à l’autre dans l’incarnation. Dès l’époque suivante, les deux voies ont tendance à s’affirmer, donnant lieu à deux modèles ou archétypes et, pour finir, à deux écoles christologiques : l’école antiochienne qui se réfère de préférence à Paul, et l’école alexandrine rattachée plutôt à Jean. Aucun des adeptes de l’une ou l’autre voie n’a conscience de choisir entre Paul et Jean ; chacun est convaincu de les avoir tous deux de son côté. Ce qui est sûrement vrai ; il n’en reste pas moins que les deux mouvances restent parfaitement visibles et distinguables, tels deux fleuves qui, tout en confluant ensemble, se distinguent par la couleur différente de leurs eaux. Cette différenciation se reflète, par exemple, dans l’interprétation différente que les deux écoles proposent de la kénose du Christ telle qu’elle est exprimée dans l’Epître aux Philippiens, chapitre 2. Dès le II-IIIème siècle se dessinent deux lectures différentes de ce texte, que l’on retrouve aussi dans l’exégèse moderne. Selon l’école alexandrine, c’est le Fils de Dieu préexistant dans sa condition divine qui est le sujet initial de l’hymne. Par conséquent, dans ce cas, la kénose consisterait dans l’incarnation, Dieu qui se fait homme. Selon l’interprétation prédominante dans l’école antiochienne, le sujet unique de l’hymne du début à la fin est le Christ historique, Jésus de Nazareth. Dans ce cas, la kénose consisterait dans le mouvement d’abaissement inhérent au fait qu’il prend la condition d’esclave, dans son obéissance jusqu’à la Passion et la mort. La différence entre les deux écoles n’est pas tant que certains suivent Paul et d’autres Jean ; mais que certains interprètent Jean à la lumière de Paul et d’autres interprètent Paul à la lumière de Jean. La différence est dans le schéma, ou dans la perspective de fond, que l’on adopte pour illustrer le mystère du Christ. C’est en quelque sorte dans la confrontation entre ces deux écoles, que se sont formées les « lignes porteuses » du dogme et de la théologie de l’Eglise, restées en vigueur jusqu’à nos jours. 2. Né d’une femme Le silence relatif sur l’incarnation comporte, chez Paul, un silence quasi total sur Marie, la Mère du Verbe incarné. L’incise « né d’une femme » (factum sub muliere) dans notre texte constitue l’allusion à Marie la plus explicite que l’on trouve dans le corpus paulinien. Elle est l’équivalente de l’autre expression : « issu de la lignée de David selon la chair » « factum ex semine David secundum carnem » (Rm 1, 3). Mais si mince soit-elle, cette affirmation de l’Apôtre est d’une importance capitale. Elle a été l’un des pivots de l’opposition au docétisme gnostique, à partir du IIe siècle. Elle dit en effet que Jésus n’est pas une apparition céleste ; par sa naissance d’une femme, il s’est pleinement inséré dans l’humanité et dans l’histoire, « en tout semblable aux hommes » (Ph 2, 7). « Pourquoi disons-nous que le Christ est homme, écrit Tertullien, sinon parce qu’il est né de Marie qui est une créature humaine ? » (1). Tout bien considéré, l’expression « né d’une femme » est plus adéquate pour exprimer la véritable humanité du Christ que le titre de « fils de l’homme ». Littéralement parlant, Jésus n’ayant pas eu pour père un homme, n’est pas le fils de l’homme, alors qu’il est vraiment « fils de la femme ». Le texte paulinien sera également au centre du débat sur le titre de mère de Dieu (theotokos) dans les querelles théologiques postérieures. Ce qui explique pourquoi la liturgie nous le fera entendre dans la seconde lecture de la messe de la solennité de Sainte Marie Mère de Dieu, le premier janvier. Un détail est à noter. Si Paul avait dit : « né de Marie », il se serait agi d’un simple détail biographique ; ayant dit « né d’une femme », il a conféré à son affirmation une portée universelle et immense. C’est la femme même, chaque femme, qui a été élevée, en Marie, à une hauteur inimaginable. Marie est ici la femme par antonomase. 3. « A quoi me sert-il que le Christ soit né de Marie ? » C’est à l’approche de Noël et dans l’esprit de la lectio divina que nous méditons le texte paulinien. Aussi, nous ne nous attarderons pas trop sur l’élément exégétique. Mais, après avoir contemplé la vérité théologique contenue dans le texte biblique, nous devrons en tirer des conséquences pour notre vie spirituelle, en mettant en lumière le « pour moi » de la parole de Dieu. Une phrase d’Origène, reprise par saint Augustin, saint Bernard, par Luther et par d’autres dit : « A quoi me sert-il que le Christ soit né une fois de Marie à Bethléem, s’il ne naît pas aussi par la foi dans mon âme ? » (2). La maternité divine de Marie se réalise sur deux plans : sur un plan physique et sur un plan spirituel. Marie est mère de Dieu pas seulement parce qu’elle l’a porté physiquement en son sein, mais aussi parce qu’elle l’a conçu d’abord dans son coeur, par la foi. Il ne nous est pas possible, naturellement, d’imiter Marie dans le premier sens, en engendrant à nouveau le Christ, mais nous pouvons l’imiter dans le second sens, celui de la foi. Jésus lui-même a initié cette application à l’Eglise du titre de « Mère du Christ », quand il déclara : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8, 21 ; Mc 3, 31 ss ; Mt 12, 49). Dans la tradition, cette vérité a connu deux niveaux d’application complémentaires, un de type pastoral et l’autre de type spirituel. Dans un cas, cette maternité se voit réalisée, dans l’Eglise considérée dans son ensemble, en tant que « sa­crement universel de salut » ; dans l’autre, réalisée dans chaque personne, chaque âme qui croit. Un écrivain du Moyen Age, le Bienheureux Isaac de l’Etoile a opéré une sorte de synthèse de ces questions. Dans une homélie célèbre que nous avons lue dans la Liturgie des heures de samedi dernier, il déclare : « Ma­rie et l’Eglise sont une mère et plusieurs mères ; une vierge et plusieurs vierges. L’une et l’autre mère, l’une et l’autre vierge…C’est à juste titre que, dans les Ecritures, inspirées par Dieu, ce qui est dit de façon générale pour l’Église vierge et mère, s’applique individuellement à Marie, vierge et mère et ce qui est dit en particulier de la Vierge mère qu’est Marie se comprend en général de l’Eglise vierge mère… Enfin, chaque âme croyante est également, à sa manière, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et soeur du Christ, à la fois vierge et féconde » (3). Le Concile Vatican II se situe dans la première perspective quand il écrit : « L’Eglise… devient mère, elle aussi … Car, par la prédication et le baptême, elle engendre à la vie nouvelle et immortelle des fils conçus du Saint-Esprit nés de Dieu » (4). Concentrons-nous sur l’application personnelle à chaque âme : « tout chrétien qui croit, écrit saint Ambroise, conçoit et engendre le Verbe de Dieu. S’il n’existe qu’une unique mère du Christ selon la chair, selon la foi, au contraire, le Christ est le fruit de tous, tous ceux qui écoutent la parole de Dieu » (5). Un autre Père d’Orient lui fait écho : « Le Christ naît toujours mystiquement de son propre chef, en assumant la chair, à travers ceux qui sont sauvés. Et il rend l’âme par laquelle il est né mère et vierge » (6). Comment devient-on, concrètement, mère de Jésus ? Il nous l’a indiqué lui-même dans l’évangile : en écoutant la Parole de Dieu et en la mettant en pratique (cf. Lc 8, 21 ; Mc 3, 31 s. ; Mt 12, 49). Repensons, pour bien comprendre, à la manière dont Marie est devenue mère : en concevant Jésus et en le mettant au monde. Dans l’Ecriture Sainte, ces deux moments sont mis en lumière : « Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils », lit-on dans Isaïe, et « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils », dit l’ange à Marie. Il existe deux maternités incomplètes ou deux types d’interruption de maternité. L’une est celle, ancienne et bien connue, de l’avortement. Elle se produit lorsqu’on conçoit une vie, mais sans lui donner le jour parce que, entre-temps, pour des causes naturelles ou à cause du péché des hommes, le foetus est mort. Récemment encore, l’avortement était l’unique cas connu de maternité incomplète. Aujourd’hui, on en connaît un autre qui consiste, à l’opposé, à donner naissance à un enfant sans l’avoir conçu. C’est le cas de bébés conçus en éprouvette et réimplantés, dans un second temps, dans le sein d’une femme ; le cas aussi de l’utérus « prêté » pour héberger, quand ce n’est pas contre rémunération, des vies humaines conçues ailleurs. Dans ce cas, ce que la femme met au monde, ne vient pas d’elle, n’est pas conçu « dans son cœur avant de l’être dans son corps ». Malheureusement, ces deux tristes possibilités de maternité incomplète existent également sur le plan spirituel. Conçoit Jésus sans l’enfanter celui qui accueille la Pa­role, sans la mettre en pratique, celui qui accumule les avortements spirituels les uns après les autres, en formulant des intentions de conversion, lesquelles sont ensuite systématiquement abandonnées à mi-chemin ; celui qui se comporte à l’égard de la Parole comme l’homme pressé observant sa physionomie dans un miroir. Il s’observe, part, et oublie comment il était. (Jc 1, 23-24). Bref, celui qui a la foi, mais sans les oeuvres. Enfante le Christ, au contraire, sans l’avoir conçu celui qui accomplit des quantités d’oeuvres, même bonnes, mais qui ne viennent pas du coeur, de l’amour pour Dieu et d’une intention droite, mais plutôt de l’habitude, de l’hypocrisie, de la recherche de sa propre gloire et de son intérêt, ou simplement de la satisfaction que donne le fait de faire. Bref, celui qui a les œuvres, mais sans la foi. Saint François d’Assise a une pa­role qui résume, positivement, en quoi consiste la véritable maternité à l’égard du Christ : « Nous sommes mères du Christ – dit-il – lorsque nous le portons dans notre coeur et dans notre corps par amour, par la pureté et la loyauté de notre conscience ; et que nous l’enfantons par nos bonnes actions, qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple… Oh ! qu’il est saint et qu’il est cher, plaisant, humble, pacifique, doux, aimable et par-dessus tout désirable d’avoir un tel frère et un tel Fils, notre Seigneur Jésus Christ ! » (7). Nous concevons le Christ – veut dire le saint – quand nous l’aimons d’un coeur sincère et avec une conscience droite ; et nous le faisons naître quand nous accomplissons de bonnes et saintes actions qui le manifestent au monde. 4. Les deux fêtes de l’Enfant Jésus Saint Bonaventure, disciple et fils spirituel du Poverello, a recueilli et développé cette pensée dans un opuscule intitulé « Les cinq fêtes de l’Enfant Jésus ». Dans l’introduction du livre, il raconte comment un jour, alors qu’il faisait une retraite à La Verna, il repensa à ce que disent les Pères de l’Eglise, à savoir que l’âme fidèle à Dieu peut, par la grâce de l’Esprit Saint et la puissance du Très-haut, concevoir spirituellement le Verbe béni et Fils unique du Père, le mettre au monde, lui donner un nom, le chercher et l’adorer avec les Mages et enfin le présenter avec joie à Dieu le Père dans son temple (8). Parmi ces cinq moments ou fêtes de l’Enfant Jésus que l’âme doit revivre, celles qui nous intéressent le plus sont les deux premières : la conception et la naissance. Pour saint Bonaventure, l’âme conçoit Jésus quand, mécontente de la vie qu’elle mène, stimulée par de saintes inspirations, embrasée par une sainte ardeur, et, enfin, s’étant résolument détachée de ses anciennes habitudes et de ses défauts, elle est comme fécondée spirituellement par la grâce de l’Esprit Saint et conçoit l’intention de mener une vie nouvelle. Le Christ a été conçu ! Une fois conçu, le Fils béni de Dieu naît dans le cœur lorsque, après avoir fait un sain discernement, demandé conseil de façon opportune, invoqué l’aide de Dieu, l’âme met immédiatement en pratique sa sainte intention, en commençant à faire ce qu’elle projetait depuis longtemps mais ne cessait de reporter, par peur de ne pas en être capable. Mais il faut insister sur une chose : cette intention de mener une vie nouvelle doit se traduire immédiatement par quelque chose de concret, un changement, si possible même externe et visible, dans notre vie et dans nos habitudes. Si l’intention n’est pas mise en pratique, Jésus est conçu mais il n’est pas mis au monde. Nous nous retrouvons devant l’un des nombreux avortements spirituels. Et on ne célèbrera jamais « la deuxième fête » de l’Enfant Jésus qui est Noël ! C’est un report parmi tant d’autres, qui est l’une des principales raisons pour lesquelles il y a si peu de saints. Si tu décides de changer de style de vie et d’entrer dans la catégorie des pauvres et des humbles qui, comme Marie, se soucient uniquement de trouver grâce auprès de Dieu, sans se préoccuper de plaire aux hommes, alors, écrit saint Bonaventure, tu dois t’armer de courage car tu en auras besoin. Tu devras affronter deux types de tentation. D’abord les hommes charnels qui t’entourent se présenteront à toi et te diront : « ce que tu entreprends est trop dur ; tu n’y arriveras jamais, tu n’en auras pas la force, tu vas sacrifier ta santé ; cela ne sied pas à ton état, tu compromets ta réputation et la dignité de ta charge… . » Quand tu auras surmonté cet obstacle, des personnes qui ont la réputation d’être – peut-être à juste titre – des personnes pieuses et religieuses, mais qui ne croient pas vraiment à la puissance de Dieu et de son Esprit, se présenteront à toi. Elles te diront que si tu commences à vivre de cette manière – en accordant une grande place à la prière, en évitant de prendre part aux ragots et aux discussions inutiles, en faisant des œuvres de charité – on verra vite en toi un saint, un homme dévot, spirituel, et puisque tu sais très bien que tu ne l’es pas encore, tu finiras par tromper les gens et être un hypocrite, et tu attireras ainsi sur toi la réprobation de Dieu qui scrute les cœurs. A toutes ces tentations il faut répondre avec foi : « Non, la main du Seigneur n’est pas trop courte pour sauver ! » (Is 59, 1) et presque en nous mettant en colère contre nous-mêmes, nous exclamer, comme Augustin à la veille de sa conversion . « Se ceux-ci et celles-ci y arrivent, pourquoi pas moi ? Si isti et istae, cur non ego ?(9). 5. Marie a dit Oui L’exemple de la Mère de Dieu nous montre ce qu’il faut faire, concrètement, pour donner à notre vie spirituelle ce nouvel élan, pour concevoir et faire vraiment naître Jésus en nous à Noël. Marie a dit un « oui » déterminé et total à Dieu. On insiste beaucoup sur le fiat de Marie, sur Marie comme « la Vierge du fiat ». Mais Marie ne parlait pas en latin et par conséquent elle n’a pas dit « fiat » ; elle n’a pas non plus dit genoito qui est le mot utilisé dans le texte grec de Luc, car elle ne parlait pas grec. S’il est légitime de chercher à remonter, à travers une pieuse réflexion, à l’ipsissima vox, la parole exacte sortie de la bouche de Marie – ou du moins la parole qui se trouvait à cet endroit dans la source en hébreu utilisée par Luc – cela devait être le mot « amen ». Amen – mot hébreu dont la racine signifie solidité, certitude – était utilisé dans la liturgie comme réponse de foi à la Parole de Dieu. Là où, à la fin de certains psaumes, on lisait « fiat, fiat » dans la Vulgate, dans la nouvelle version des textes originaux on lit : Amen, amen. Même chose pour le mot grec : là où, dans la Bible des Septante on lit, dans ces mêmes psaumes génoito, génoito, l’original en hébreu dit : Amen, amen ! Avec l’amen on reconnaît ce qui a été dit comme parole ferme, définitive, valide et qui engage. La traduction exacte quand il s’agit d’une réponse à la parole de Dieu est : « Il en est ainsi et qu’il en soit ainsi ». Il indique en même temps la foi et l’obéissance ; il reconnaît que ce que Dieu dit est vrai et s’y soumet. C’est dire « oui » à Dieu. On le trouve en ce sens dans la bouche même de Jésus : « Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir » (cf. Mt 11, 26). Il est même l’Amen personnifié : « Ainsi parle l’Amen… » (Ap 3, 14) et c’est par lui, ajoute Paul, que tout « amen » prononcé sur la terre monte désormais à Dieu (cf. 2 Co 1, 20). Dans presque toutes les langues humaines la parole qui exprime l’assentiment est un monosyllabe : sì, ja, yes, oui, tag, etc. Le mot le plus court du vocabulaire mais celui avec lequel aussi bien les époux que les personnes consacrées prennent une décision de vie, pour toujours. En effet, dans le rite de la profession religieuse et de l’ordination sacerdotale il y a aussi un moment où l’on prononce un « oui ». Il y a une nuance dans l’Amen de Marie qu’il est important de noter. Dans les langues modernes, nous utilisons le mode indicatif du verbe pour indiquer une chose passée ou qui aura lieu, le mode conditionnel pour indiquer une chose qui pourrait se produire à certaines conditions etc. ; le grec possède un mode particulier qui s’appelle l’optatif. C’est un mode que l’on utilise quand on veut exprimer le souhait ou l’impatience qu’une certaine chose se produise. Le verbe utilisé par Luc, genoito, est précisément dans ce mode ! Saint Paul dit que « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9, 7) et Marie a dit son « oui » à Dieu, avec joie. Demandons-lui de nous obtenir la grâce de dire à Dieu un « oui » joyeux et renouvelé afin de concevoir et de mettre nous aussi son Fils Jésus Christ au monde, à Noël. Traduit de l’italien par Zenit _____________________________________

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