HOMÉLIE DE LA SAINTE FAMILLE, ANNÉE A
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HOMÉLIE DE LA SAINTE FAMILLE, ANNÉE A
Si 3, 2-6, 12-14 ; Col 3, 12-21 ; Mt 2, 13-15, 19-23
Il y a bien une vingtaine d’années, de nombreux feuilletons télévisés présentaient le portrait idyllique de la famille américaine : un gentil mari, avec un bon job, deux enfants pleins de vie, une mère qui reste à la maison. Mais les statistiques parlaient de 10 familles seulement sur 100 qui approchaient de cette image. Et l’on évoquait déjà la famille éclatée, parfois même en miettes. Les causes sont multiples, les conséquences souvent désastreuses. A l’époque, une spécialiste de la démographie signalait que, dans nos pays, on ne fondait plus famille pour la vie. On vivait dans une cellule familiale qui avait une malchance sur quatre de se dissoudre. Aujourd’hui, une malchance sur trois. C’est un fait de société. Un homme politique évoquait même, était-ce une boutade ?, des contrats de mariage 3,6,9, comme pour les loyers. Il ne faut pas pour autant confondre l’évolution des structures familiales selon les époques ou les cultures, et les valeurs fondamentales qui transcendent le temps et l’espace. Les textes bibliques ne nous présentent pas une idéologie familiale ni un modèle culturel. Ils nous proposent des valeurs, sans entrer dans le réseau infini des conséquences et des applications multiples. Qui, elles, peuvent et même doivent évoluer selon les époques, les civilisations et les situations. Mais, une chose demeure : la famille est le trésor fondamental, tant de la société que de l’Eglise, là où l’amour et la foi se donnent la main. D’où, l’expression » Eglise domestique « . Pour Ben Sirac le Sage, Paul ou Matthieu l’évangéliste, le fondement de la famille idéale c’est d’être à l’écoute de la Parole de Dieu pour accomplir sa volonté. C’est une sagesse à mettre en pratique, quelles que soient les circonstances. Mais il s’agit toujours d’une construction exigeante, depuis la fondation jusqu’à la toiture. Ce qui exige nécessairement de tous et de chacun des protagonistes, des efforts, des renoncements, de la patience et de la persévérance. Sachant aussi que rien n’est acquis une fois pour toutes. Ce que voulait Ben Sirac, en son temps, c’était de sauvegarder les valeurs essentielles de la famille, contre la vague de l’hellénisme qui offrait un terrain favorable à la multiplication de sectes ET cultivait, comme aujourd’hui, un individualisme et un égoïsme outranciers. Ce qui, à l’époque (1e lecture), conduisait à négliger, voire même à mépriser les parents âgés et à se moquer de leurs infirmités. Aujourd’hui, bien des couples modernes diront ne plus vouloir durer à n’importe quel prix. Ce qui n’est pas totalement insensé. Mais, on risque de vouloir s’engager au conditionnel, parce qu’on ne veut pas rater son bonheur personnel. Alors, on est parfois trop occupé à la construction de soi-même, tout seul, alors qu’il s’agit de se construire et de s’épanouir avec l’autre, et en famille, tous ensemble. Paul, lui aussi, était bien de son temps, quand il conseille aux épouses d’être soumises à leur mari. Il répétait ce qui était exigé dans l’ensemble du monde antique. Pour la morale grecque ancestrale, l’homme commande et la femme obéit… Mais l’apôtre tempère déjà l’expression, car le type de soumission qu’il évoque est celle du Christ obéissant à son Père . Ce qui est tout autre chose et n’a rien d’humiliant. C’est dans le même esprit que Paul s’adresse aux maris, en utilisant le terme très positif d’AGAPE, c’est-à-dire l’amour en tant que don, pardon, réconciliation et dévouement. Et non pas EROS, qui se réduit à l’amour-passion, où l’homme se comporte comme le propriétaire de la femme. D’où, cette précision quasi mystique à l’adresse des maris : Aimez votre femme comme le Christ aime l’Eglise. Ici, les relations entre parents et enfants respectent également le principe traditionnel et spartiate de l’époque, celui de l’obéissance rigoureuse. Paul y introduit une chose toute nouvelle : un critère. Celui de l’amour qui vient à la fois éclairer le sens profond, le bien fondé et la sagesse de cette obéissance. Et, en même temps, tempérer l’exercice absolu de l’autorité paternelle. La préoccupation essentielle de Paul est de développer et de faciliter la croissance et l’épanouissement de tous et de chacun dans la vie de famille. Famille selon la chair et famille selon la foi chrétienne. Et, par conséquent, que rien ne vienne y faire obstacle. C’est-à-dire : quel que soit le type culturel de la famille, elle est le lieu par excellence où doivent pouvoir fleurir la bienveillance, l’humilité, la douceur et la patience, la bonté, le pardon. Le tout, dans un authentique climat d’amour qui assure l’équilibre, l’unité et fait régner la paix. Ce qui demande de prendre du temps, ensemble, gratuitement, pour s’écouter, partager, témoigner. Au sein des familles, c’est une véritable urgence. D’abord entre parents, pour qu’ils puissent prolonger et nourrir le dialogue avec les enfants. Retenez bien le conseil de Paul : » Que la Parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse ; instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres avec une vraie sagesse… « . Quel que soit le type de structure de la famille, il existe une grammaire de l’amour, dont il faut connaître les lois élémentaires pour être et rester à la fois des éducateurs et des bénéficiaires de l’amour. De toute manière, la famille reste le fondement de la vie sociale et civile. Ce n’est certes pas une réalité dépassée.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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