DIMANCHE 29 DÉCEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE

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DIMANCHE 29 DÉCEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Ben Sirac le Sage 3, 2-6. 12-14

3, 2 Le Seigneur glorifie le père dans ses enfants,  il renforce l’autorité de la mère sur ses fils. 3 Celui qui honore son père obtient le pardon de ses fautes, 4 celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor. 5 Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants,  au jour de sa prière il sera exaucé. 6 Celui qui glorifie son père verra de longs jours,  celui qui obéit au Seigneur donne du réconfort à sa mère… 12 Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse,  ne le chagrine pas pendant sa vie. 13 Même si son esprit l’abandonne, sois indulgent,  ne le méprise pas, toi qui es en pleine force. 14 Car ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée  et elle relèvera ta maison  si elle est ruinée par le péché.

Ben Sirac dit encore bien d’autres choses sur le respect dû aux parents ; et s’il éprouve le besoin d’y insister, c’est parce qu’à son époque, l’autorité des parents n’était plus ce qu’elle avait été : les moeurs étaient en train de changer et Ben Sirac ressentait le besoin de redresser la barre. Nous sommes au deuxième siècle av.J.C., vers 180. Ben Sirac tient une école de Sagesse (on dirait « Philosophie » aujourd’hui) à Jérusalem ; on est sous la domination grecque : les souverains sont libéraux et les Juifs peuvent continuer à pratiquer intégralement leur Loi ; (la situation changera un peu plus tard avec Antiochus Epiphane) ; mais c’est cette tranquillité, justement, qui inquiète Ben Sirac, car, insidieusement, de nouvelles habitudes de penser se répandent : à côtoyer de trop près des païens, on risque de penser et de vivre bientôt comme eux. Et c’est bien ce qui pousse Ben Sirac à défendre les fondements de la religion juive, à commencer par la famille. Car si la structure familiale s’affaiblit, qui transmettra aux enfants la foi, les valeurs, et les pratiques du Judaïsme ?  Notre texte d’aujourd’hui est donc avant tout un plaidoyer pour la famille parce qu’elle est le premier sinon le seul lieu de transmission des valeurs.  C’est aussi un commentaire magnifique, une variation sur le quatrième commandement. Les plus âgés d’entre nous le connaissent sous la forme du catéchisme de leur enfance : « Tes père et mère honoreras afin de vivre longuement ». Et le voici dans sa forme primitive au livre de l’Exode : « Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre que te donne le SEIGNEUR ton Dieu » (Ex 20, 12) ; et le livre du Deutéronome ajoutait « et afin que tu sois heureux » (Dt 5, 16).  Le texte que nous lisons aujourd’hui a donc été écrit vers 180 av.J.C. ; et puis, cinquante ans plus tard, le petit-fils de Ben Sirac a traduit l’oeuvre de son grand-père et il a voulu préciser les choses : il a donc ajouté deux versets pour justifier ce respect dû aux parents : son argument est le suivant : nos parents nous ont donné la vie, ils sont donc les instruments de Dieu qui donne la vie : « De tout ton coeur glorifie ton père, et n’oublie pas les souffrances de ta mère. Souviens-toi que tu leur dois la naissance, comment leur rendras-tu ce qu’ils ont fait pour toi ? » (Si 7, 27 – 28).  Bien sûr, ce commandement rejoint le simple bon sens : on sait bien que la cellule familiale est la condition primordiale d’une société équilibrée. Actuellement, nous ne faisons que trop l’expérience des désastres psychologiques et sociaux entraînés par la brisure des familles. Mais, plus profondément, j’entends aussi là que notre rêve d’harmonie familiale fait partie du plan de Dieu.  Cette défense des valeurs familiales ne nous étonne donc pas : mais dans le texte de Ben Sirac on a un peu l’impression d’un calcul : « Celui qui honore son père obtient le pardon de ses fautes, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor. Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants, au jour de sa prière il sera exaucé. Celui qui glorifie son père verra de longs jours… » Même chose pour le commandement : « Tes père et mère honoreras afin de vivre longuement » ; comme si on nous disait « si tu te conduis bien, Dieu te le revaudra ».  Or, il n’est jamais question de calcul avec Dieu, puisqu’avec lui tout est grâce, c’est-à-dire gratuit ! Ce qu’on veut nous dire, c’est que chaque fois que Dieu nous donne un commandement, c’est pour notre bonheur.  Si vous en avez le courage, reportez-vous au livre du Deutéronome, en particulier au chapitre 6, celui dont est extraite la plus célèbre prière d’Israël, le « Shema Israël » (Ecoute Israël) ; vous serez étonnés de l’insistance de ce texte pour nous dire que la loi est chemin de bonheur et de liberté. Voici quelques versets du Deutéronome : « Tu feras ce qui est droit et bien aux yeux du SEI¬GNEUR, pour être heureux et entrer prendre possession du bon pays que le SEI¬GNEUR a promis par serment à tes pères… » (Dt 6, 18) 1.  Revenons à Ben Sirac ; nous y lisons une phrase un peu étonnante : « Celui qui honore son père obtient le pardon de ses fautes ». Tout d’abord, on peut penser qu’une telle phrase prouve que ce texte est récent ; on sait bien qu’il a fallu des siècles de pédagogie de Dieu, par la bouche de ses prophètes, pour que l’on découvre que le seul chemin de réconciliation avec Dieu n’est pas le sacrifice sanglant comme on le croyait primitivement ; le seul chemin de réconciliation avec Dieu, c’est la réconciliation avec le prochain. On entend là comme un écho de la célèbre phrase du prophète Osée « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice » (Os 6, 6).  En quelque sorte, Ben Sirac nous dit : « Vous voulez être sûrs d’honorer Dieu ? C’est bien simple, honorez vos parents : être filial à leur égard, c’est être filial aussi à l’égard de Dieu. On sait que sur les dix commandements, deux seulement sont des ordres positifs : le commandement sur le sabbat et celui-ci sur le respect des parents. « Du jour du sabbat, tu feras un mémorial… », « Honore ton père et ta mère » ; tous les autres commandements sont négatifs, ils indiquent seulement des limites à ne pas dépasser : « Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas d’adultère »…  Mais c’est bien un ordre positif qui résume tous les commandements : vous le trouvez dans l’Ancien Testament au Livre du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ; or, notre premier prochain, au vrai sens du terme, ce sont nos parents. En cette période de fêtes où des liens familiaux se resserrent ou se redécouvrent, ce texte de Ben Sirac est donc bien trouvé.  —————————

 Note  1 – Inversement, le même livre affirmait : « Maudit soit celui qui méprise son père et sa mère ! » (Dt 27, 16). Et ce commandement était assorti de peines très sévères : la peine de mort, en particulier, pour celui qui avait « frappé son père ou sa mère » même si ses coups n’avaient pas entraîné la mort (Ex 21, 15). La même sanction était prévue pour celui qui « insultait » son père ou sa mère (Ex 21, 17). Rappelons-nous, il n’est pas si loin le temps où le Droit français prévoyait des sanctions particulièrement sévères pour les parricides.

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