Archive pour le 26 décembre, 2013
SAINT ETIENNE, LE PROTOMARTYR – 26 DÉCEMBRE – BENOÎT XVI
26 décembre, 2013BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
MERCREDI 10 JANVIER 2007
ETIENNE, LE PROTOMARTYR – 26 DÉCEMBRE
Chers frères et soeurs,
Après la période des fêtes, nous revenons à nos catéchèses. J’avais médité avec vous sur les figures des douze Apôtres et de saint Paul. Puis nous avons commencé à réfléchir sur les autres figures de l’Eglise naissante et ainsi, nous voulons aujourd’hui nous arrêter sur la figure de saint Etienne, fêté par l’Eglise le lendemain de Noël. Saint Etienne est le plus représentatif d’un groupe de sept compagnons. La tradition voit dans ce groupe la semence du futur ministère des « diacres », même s’il faut souligner que cette dénomination est absente dans le Livre des Actes. L’importance d’Etienne découle dans tous les cas du fait que Luc, dans son livre important, lui consacre deux chapitres entiers. Le récit de Luc part de la constatation d’une sous-division établie au sein de l’Eglise primitive de Jérusalem: celle-ci était certes entièrement composée de chrétiens d’origine juive, mais certains d’entre eux étaient originaires de la terre d’Israël et étaient appelés « Hébreux », tandis que d’autres de foi juive vétérotestamentaire provenaient de la diaspora de langue grecque et étaient appelés « Hellénistes ». Voici le problème qui se présentait: les plus démunis parmi les hellénistes, en particulier les veuves dépourvues de tout soutien social, couraient le risque d’être négligés dans l’assistance au service quotidien. Pour remédier à cette difficulté, les Apôtres, se réservant la prière et le ministère de la Parole comme devoir central propre, décidèrent de charger « sept hommes de bonne réputation, remplis de l’Esprit et de sagesse » afin d’accomplir le devoir de l’assistance (Ac 6, 2-4), c’est-à-dire du service social caritatif. Dans ce but, comme l’écrit Luc, sur l’invitation des Apôtres, les disciples élirent sept hommes. Nous connaissons également leurs noms. Il s’agit de: « Etienne, homme rempli de foi et de l’Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas prosélyte d’Antioche. On les présenta aux Apôtres et, après avoir prié, ils leur imposèrent les mains » (Ac 6, 5-6). Le geste de l’imposition des mains peut avoir diverses significations. Dans l’Ancien Testament, ce geste a surtout la signification de transmettre une charge importante, comme le fit Moïse avec Josué (cf. Mb 27, 18-23), désignant ainsi son successeur. Dans ce sillage, l’Eglise d’Antioche utilisera également ce geste pour envoyer Paul et Barnabé en mission aux peuples du monde (cf. Ac 13, 3). C’est à une imposition analogue des mains sur Timothée, pour lui transmettre une fonction officielle, que font référence les deux Epîtres de Paul qui lui sont adressées (cf. 1 Tm 4, 14; 2 Tm 1, 6). Le fait qu’il s’agisse d’une action importante, devant être accomplie avec discernement, se déduit de ce que l’on lit dans la Première Epître à Timothée: « Ne te hâte pas d’imposer les mains à qui que ce soit. Ne te fais pas complice des péchés d’autrui » (5, 22). Nous voyons donc que le geste d’imposition des mains se développe dans la lignée d’un signe sacramentel. Dans le cas d’Etienne et de ses compagnons, il s’agit certainement de la transmission officielle, de la part des Apôtres, d’une charge et, dans le même temps, d’une façon d’implorer la grâce de Dieu pour qu’ils l’exercent. La chose la plus importante à souligner est que, outre les services caritatifs, Etienne accomplit également une tâche d’évangélisation à l’égard de ses compatriotes, de ceux qu’on appelle « hellénistes », Luc insiste en effet sur le fait que celui-ci, « plein de grâce et de puissance » (Ac 6, 8), présente au nom de Jésus une nouvelle interprétation de Moïse et de la Loi même de Dieu, il relit l’Ancien Testament à la lumière de l’annonce de la mort et de la résurrection de Jésus. Cette relecture de l’Ancien Testament, une relecture christologique, provoque les réactions des Juifs qui perçoivent ses paroles comme un blasphème (cf. Ac 6, 11-14). C’est pour cette raison qu’il est condamné à la lapidation. Et saint Luc nous transmet le dernier discours du saint, une synthèse de sa prédication. Comme Jésus avait montré aux disciples d’Emmaüs que tout l’Ancien Testament parle de lui, de sa croix et de sa résurrection, de même saint Etienne, suivant l’enseignement de Jésus, lit tout l’Ancien Testament d’un point de vue christologique. Il démontre que le mystère de la Croix se trouve au centre de l’histoire du salut raconté dans l’Ancien Testament, il montre que réellement Jésus, le crucifié et le ressuscité, est le point d’arrivée de toute cette histoire. Et il démontre donc également que le culte du temple est fini et que Jésus, le ressuscité, est le nouveau et véritable « temple ». C’est précisément ce « non » au temple et à son culte qui provoque la condamnation de saint Etienne, qui, à ce moment-là – nous dit saint Luc -, fixant les yeux vers le ciel vit la gloire de Dieu et Jésus qui se trouvait à sa droite. Et voyant le ciel, Dieu et Jésus, saint Etienne dit: « Voici que je contemple les cieux ouverts: le Fils de l’homme est debout à la droite de Dieu » (Ac 7, 56). Suit alors son martyre, qui, de fait, est modelé sur la passion de Jésus lui-même, dans la mesure où il remet au « Seigneur Jésus » son esprit et qu’il prie pour que les péchés de ses meurtriers ne leur soient pas imputés (cf. Ac 7, 59-60). Le lieu du martyre de saint Etienne à Jérusalem est traditionnellement situé un peu à l’extérieur de la Porte de Damas, au nord, où s’élève à présent précisément l’église Saint-Etienne, à côté de la célèbre Ecole Biblique des Dominicains. La mort d’Etienne, premier martyr du Christ, fut suivie par une persécution locale contre les disciples de Jésus (cf. Ac 8, 1), la première qui ait eu lieu dans l’histoire de l’Eglise. Celle-ci constitua l’occasion concrète qui poussa le groupe des chrétiens juifs d’origine grecque à fuir de Jérusalem et à se disperser. Chassés de Jérusalem, ils se transformèrent en missionnaires itinérants: « Ceux qui s’étaient dispersés allèrent répandre partout la Bonne Nouvelle de la Parole » (Ac 8, 4). La persécution et la dispersion qui s’ensuit deviennent mission. L’Evangile se diffusa ainsi en Samarie, en Phénicie et en Syrie, jusqu’à la grande ville d’Antioche, où selon Luc il fut annoncé pour la première fois également aux païens (cf. Ac 11, 19-20) et où retentit aussi pour la première fois le nom de « chrétiens » (Ac 11, 26). Luc note en particulier que les lapidateurs d’Etienne « avaient mis leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul » (Ac 7, 58), le même qui, de persécuteur, deviendra un éminent apôtre de l’Evangile. Cela signifie que le jeune Saul devait avoir entendu la prédication d’Etienne, et qu’il connaissait donc ses contenus principaux. Et saint Paul était probablement parmi ceux qui, suivant et entendant ce discours, « s’exaspéraient contre lui, et grinçaient des dents » (Ac 7, 54). Et nous pouvons alors voir les merveilles de la Providence divine. Saul, adversaire acharné de la vision d’Etienne, après sa rencontre avec le Christ ressuscité sur le chemin de Damas, reprend la lecture christologique de l’Ancien Testament effectuée par le Protomartyre, il l’approfondit et la complète, et devient ainsi l’ »Apôtre des Nations ». La Loi est accomplie, ainsi enseigne-t-il, dans la Croix du Christ. Et la foi en Christ, la communion avec l’amour du Christ est le véritable accomplissement de toute la Loi. Tel est le contenu de la prédication de Paul. Il démontre ainsi que le Dieu d’Abraham devient le Dieu de tous. Et tous les croyants en Jésus Christ, en tant que fils d’Abraham, participent de ses promesses. Dans la mission de saint Paul s’accomplit la vision d’Etienne. L’histoire d’Etienne nous dit beaucoup de choses. Par exemple, elle nous enseigne qu’il ne faut jamais dissocier l’engagement social de la charité de l’annonce courageuse de la foi. Il était l’un des sept, chargé en particulier de la charité. Mais il n’était pas possible de dissocier la charité et l’annonce. Ainsi, avec la charité, il annonce le Christ crucifié, jusqu’au point d’accepter également le martyre. Telle est la première leçon que nous pouvons apprendre de la figure de saint Etienne: charité et annonce vont toujours de pair. Saint Etienne nous parle surtout du Christ, du Christ crucifié et ressuscité comme centre de l’histoire et de notre vie. Nous pouvons comprendre que la Croix reste toujours centrale dans la vie de l’Eglise et également dans notre vie personnelle. Dans l’histoire de l’Eglise ne manquera jamais la passion, la persécution. Et c’est précisément la persécution qui, selon la célèbre phrase de Tertullien, devient une source de mission pour les nouveaux chrétiens. Je cite ses paroles: « Nous nous multiplions à chaque fois que nous sommes moissonnés par vous: le sang des chrétiens est une semence » (Apologetico 50, 13: Plures efficimur quoties metimur a vobis: semen est sanguis christianorum). Mais dans notre vie aussi la croix, qui ne manquera jamais, devient bénédiction. Et en acceptant la croix, en sachant qu’elle devient et qu’elle est une bénédiction, nous apprenons la joie du chrétien également dans les moments de difficulté. La valeur du témoignage est irremplaçable, car c’est à lui que conduit l’Evangile et c’est de lui que se nourrit l’Eglise. Que saint Etienne nous enseigne à tirer profit de ces leçons, qu’il nous enseigne à aimer la Croix, car elle est le chemin sur lequel le Christ arrive toujours à nouveau parmi nous.
* * * Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones venus à cette audience. Je salue particulièrement les diacres du séminaire de Lille. Puissiez-vous, à l’exemple de saint Étienne, être d’ardents témoins de l’Évangile par votre engagement concret au service de vos frères et par l’annonce courageuse de la foi en Jésus. Que Dieu vous bénisse !
CANONISATION DE CHARBEL MAKHLUOF – HOMÉLIE DU PAPE PAUL VI
26 décembre, 2013http://www.vatican.va/holy_father/paul_vi/homilies/1977/documents/hf_p-vi_hom_19771009_fr.html
(Je cherchais quelque chose sur le Noël des Papes , et j’ai trouvé cela, en français seulement , je suis heureux de leggelo , j’espère que vous aussi)
CANONISATION DE CHARBEL MAKHLUOF
HOMÉLIE DU PAPE PAUL VI
Dimanche, 9 octobre 1977
Vénérables Frères et chers Fils,
L’Eglise entière, de l’Orient à l’Occident, est invitée aujourd’hui à une grande joie. Notre cœur se tourne vers le Ciel, où nous savons désormais avec certitude que saint Charbel Makhlouf est associé au bonheur incommensurable des Saints, dans la lumière du Christ, louant et intercédant pour nous. Nos regards se tournent aussi là où il a vécu, vers le cher pays du Liban, dont Nous sommes heureux de saluer les représentants: Sa Béatitude le Patriarche Antoine Pierre Khoraiche, avec nombre de ses Frères et de ses Fils maronites, les représentants des autres rites catholiques, des orthodoxes, et, au plan civil, la Délégation du Gouvernement et du Parlement libanais que Nous remercions chaleureusement. Votre pays, chers Amis, avait déjà été salué avec admiration par les poètes bibliques, impressionnés par la vigueur des cèdres devenus symboles de la vie des justes. Jésus lui-même y est venu récompenser la foi d’une femme syro-phénicienne: prémices du salut destiné à toutes les nations. Et ce Liban, lieu de rencontre entre l’orient et l’Occident est devenu de fait la patrie de diverses populations, qui se sont accrochées avec courage à leur terre et à leurs fécondes traditions religieuses. La tourmente des récents événements a creusé des rides profondes sur son visage, et jeté une ombre sérieuse sur les chemins de la paix. Mais vous savez notre sympathie et notre affection constantes: avec vous, Nous gardons la ferme espérance d’une coopération renouvelée, entre tous les fils du Liban. Et voilà qu’aujourd’hui, nous vénérons ensemble un fils dont tout le Liban, et spécialement l’Eglise maronite, peuvent être fiers: Charbel Makhlouf. Un fils bien singulier, un artisan paradoxal de la paix, puisqu’il l’a recherchée à l’écart du monde, en Dieu seul, dont il était comme enivré. Mais sa lampe, allumée au sommet de la montagne de son ermitage, au siècle dernier, a brillé d’un éclat toujours plus grand, et l’unanimité s’est faite rapidement autour de sa sainteté. Nous l’avions déjà honoré en le déclarant bienheureux le 5 décembre 1965, au moment de la clôture du Concile Vatican II. Aujourd’hui, en le canonisant et en étendant son culte à l’ensemble de l’Eglise, Nous donnons en exemple, au monde entier, ce valeureux moine, gloire de l’ordre libanais maronite et digne représentant des Eglises d’Orient et de leur haute tradition monastique. Il n’est point nécessaire de retracer en détail sa biographie, d’ailleurs fort simple. II importe du moins de noter à quel point le milieu chrétien de son enfance a enraciné dans la foi le jeune Youssef – c’était son nom de baptème -, et l’a préparé à sa vocation: famille de paysans modestes, travailleurs, unis; animés d’une foi robuste, familiers de la prière liturgique du village et de la dévotion à Marie; oncles voués à la vie érémitique, et surtout mère admirable, pieuse et mortifiée jusqu’au jeûne continuel. Ecoutez les paroles que l’on rapporte d’elle après la séparation de son fils: «Si tu ne devais pas être un bon religieux, je te dirais: Reviens à la maison. Mais je sais maintenant que le Seigneur te veut à son service. Et dans ma douleur d’être séparée de toi, je lui dis, résignée: Qu’il te bénisse, mon enfant, et fasse de toi un saint» (P. PAUL DAHER, Charbel, un homme ivre de Dieu, Monastère S. Maron d’Annaya, Jbail Liban, 1965, p. 63). Les vertus du foyer et l’exemple des parents constituent toujours un milieu privilégié pour l’éclosion des vocations. Mais la vocation comporte toujours aussi une décision très personnelle du candidat, où l’appel irrésistible de la grâce compose avec sa volonté tenace de devenir un saint: «Quitte tout, viens! Suis-moi!» (Ibid. p. 52; cfr. Marc. 10, 32). A vingt-trois ans, notre futur saint quitte en effet son village de Gégà-Kafra et sa famille pour ne plus jamais y revenir. Alors, pour le novice devenu Frère Charbel, commence une formation monastique rigoureuse, selon la règle de l’ordre libanais maronite de Saint Antoine, au monastère de Notre-Dame de Mayfouk, puis à celui plus retiré de Saint-Maron d’Annaya, après sa profession solennelle, il suit des études théologiques à Saint-Cyprien de Kfifane, reçoit l’ordination sacerdotale en 1859; il mènera ensuite seize ans de vie communautaire parmi les moines d’Annaya et vingt-trois ans de vie complètement solitaire dans l’ermitage des Saints Pierre et Paul dépendant d’Annaya. C’est là qu’il remet son âme à Dieu la veille de Noël 1898, à soixante-dix ans. Que représente donc une telle vie? La pratique assidue, poussée à l’extrême, des trois vœux de religion, vécus dans le silence et le dépouillement monastiques: d’abord la plus stricte pauvreté pour ce qui est du logement, du vêtement, de l’unique et frugal repas journalier des durs travaux manuels dans le rude climat de la montagne; une chasteté qu’il entoure d’une intransigeance légendaire; enfin et surtout une obéissance totale à ses Supérieurs et même à ses confrères, au règlement des ermites aussi, traduisant sa soumission complète à Dieu. Mais la clé de cette vie en apparence étrange est la recherche de la sainteté, c’est-à-dire la conformité la plus parfaite au Christ humble et pauvre, le colloque quasi ininterrompu avec le Seigneur, la participation personnelle au sacrifice du Christ par une célébration fervente de la messe et par sa pénitence rigoureuse jointe à l’intercession pour les pécheurs. Bref, la recherche incessante de Dieu seul, qui est le propre de la vie monastique, accentuée par la solitude de la vie érémitique. Cette énumération, que les hagiographes peuvent illustrer de nombreux faits concrets, donne le visage d’une sainteté bien austère, n’est-ce pas? Arrêtons-nous sur ce paradoxe qui laisse le monde moderne perplexe, voire irrité; on admet encore chez un homme comme Charbel Makhlouf une héroïcité hors de pair, devant laquelle on s’incline, retenant surtout sa fermeté au-dessus de la normale. Mais n’est-elle pas «folie aux yeux des hommes», comme s’exprimait déjà l’auteur du livre de la Sagesse? Même des chrétiens se demanderont: le Christ a-t-il vraiment exigé pareil renoncement, lui dont la vie accueillante tranchait avec les austérités de Jean-Baptiste? Pire encore, certains tenants de l’humanisme moderne n’iront-ils pas, au nom de la psychologie, jusqu’à soupçonner cette austérité intransigeante, de mépris, abusif et traumatisant, des saines valeurs du corps et de l’amour, des relations amicales, de la liberté créatrice, de la vie en un mot? Raisonner ainsi, dans le cas de Charbel Makhlouf et de tant de ses compagnons moines ou anachorètes depuis le début de l’Eglise, c’est manifester une grave incompréhension, comme s’il ne s’agissait que d’une performance humaine; c’est faire preuve d’une certaine myopie devant une réalité autrement profonde. Certes, l’équilibre humain n’est pas à mépriser, et de toute façon les Supérieurs, l’Eglise doivent veiller à la prudence et à l’authenticité de telles expériences. Mais prudence et équilibre humains ne sont pas des notions statiques, limitées aux éléments psychologiques les plus courants ou aux seules ressources humaines. C’est d’abord oublier que le Christ a exprimé lui-même des exigences aussi abruptes pour ceux qui voudraient être ses disciples: «Suis-moi . . . et laisse les morts enterrer leurs morts» (Luc. 9, 59-60). «Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (Ibid. 14, 26). C’est oublier aussi, chez le spirituel, la puissance de l’âme, pour laquelle cette austérité est d’abord un simple moyen, c’est oublier l’amour de Dieu qui l’inspire, l’Absolu qui l’attire; c’est ignorer la grâce du Christ qui la soutient et la fait participer au dynamisme de sa propre Vie. C’est finalement méconnaître les ressources de la vie spirituelle, capable de faire parvenir à une profondeur, à une vitalité, à une maîtrise de l’être, à un équilibre d’autant plus grands qu’il n’ont pas été recherchés pour eux-mêmes: « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît» (Matth. 6, 32). Et de fait, qui n’admirerait, chez Charbel Makhlouf, les aspects positifs que l’austérité, la mortification, l’obéissance, la chasteté, la solitude ont rendus possibles à un degré rarement atteint? Pensez à sa liberté souveraine devant les difficultés ou les passions de toutes sortes, à la qualité de sa vie intérieure, à l’élévation de sa prière, à son esprit d’adoration manifesté au cœur de la nature et surtout en présence du Saint-Sacrement, à sa tendresse filiale pour la Vierge, et à toutes ces merveilles promises dans les béatitudes et réalisées à la lettre chez notre saint: douceur, humilité, miséricorde, paix, joie, participation, dès cette vie, à la puissance de guérison et de conversion du Christ. Bref l’austérité, chez lui, l’a mis sur le chemin de la sérénité parfaite, du vrai bonheur; elle a laissé toute grande la place à l’Esprit Saint. Et d’ailleurs, chose impressionnante, le peuple de Dieu ne s’y est pas trompé. Dès le vivant de Charbel Makhlouf, sa sainteté rayonnait, ses compatriotes, chrétiens ou non, le vénéraient, accouraient à lui comme au médecin des âmes et des corps. Et depuis sa mort, la lumière a brillé plus encore au-dessus de son tombeau: combien de personnes, en quête de progrès spirituel, ou éloignées de Dieu, ou en proie à la détresse, continuent à être fascinées par cet homme de Dieu, en le priant avec ferveur, alors que tant d’autres, soi-disant apôtres, n’ont laissé aucun sillage, comme ceux dont parle l’Ecriture (Sap. 5, 10; Epistola ad Missam). Oui, le genre de sainteté pratiqué par Charbel Makhlouf est d’un grand poids, non seulement pour la gloire de Dieu, mais pour la vitalité de l’Eglise. Certes, dans l’unique Corps mystique du Christ, comme dit saint Paul (Cfr. Rom. 12, 4-8), les charismes sont nombreux et divers; ils correspondent à des fonctions différentes, qui ont chacune leur place indispensable. Il faut des Pasteurs, qui rassemblent le peuple de Dieu et y président avec sagesse au nom du Christ. Il faut des théologiens qui scrutent la doctrine et un Magistère qui y veille. Il faut des évangélisateurs et des missionnaires qui portent la parole de Dieu sur toutes les routes du monde. Il faut des catéchètes qui soient des enseignants et des pédagogues avisés de la foi: c’est l’objet du Synode actuel. Il faut des personnes qui se vouent directement à l’entraide de leurs frères . . . Mais il faut aussi des gens qui s’offrent en victimes pour le salut du monde, dans une pénitence librement acceptée, dans une prière incessante d’intercession, comme Moïse sur la montagne, dans une recherche passionnée de l’Absolu, témoignant que Dieu vaut la peine d’être adoré et aimé pour lui-même. Le style de vie de ces religieux, de ces moines, de ces ermites n’est pas proposé à tous comme un charisme imitable; mais à l’état pur, d’une façon radicale, ils incarnent un esprit dont nul fidèle du Christ n’est dispensé, ils exercent une fonction dont l’Eglise ne saurait se passer, ils rappellent un chemin salutaire pour tous. Permettez-Nous, en terminant, de souligner l’intérêt particulier de la vocation érémitique aujourd’hui. Elle semble d’ailleurs connaître un certain regain de faveur que n’explique pas seulement la décadence de la société, ni les contraintes que celle-ci fait peser. Elle peut d’ailleurs prendre des formes adaptées, à condition qu’elle soit toujours conduite avec discernement et obéissance. Ce témoignage, loin d’être une survivance d’un passé révolu, Nous apparaît très important, pour notre monde, comme pour notre Eglise. Bénissons le Seigneur de nous avoir donné saint Charbel Makhlouf, pour raviver les forces de son Eglise, par son exemple et sa prière. Puisse le nouveau saint continuer à exercer son influence prodigieuse, non seulement au Liban, mais en Orient et dans l’Eglise entière! Qu’il intercède pour nous, pauvres pécheurs, qui, trop souvent, n’osons pas risquer l’expérience des béatitudes qui conduisent pourtant à la joie parfaite! Qu’il intercède pour ses frères de l’ordre libanais maronite, et pour toute I’Eglise maronite, dont chacun connaît les mérites et les épreuves! Qu’il intercède pour le cher pays du Liban, qu’il l’aide à surmonter les difficultés de l’heure, à panser les plaies encore vives, à marcher dans l’espérance! Qu’il le soutienne et l’oriente sur la bonne et juste voie, comme nous le chanterons tout à l’heure! Que sa lumière brille au-dessus d’Annaya, ralliant les hommes dans la concorde et les attirant vers Dieu, qu’il contemple désormais dans la félicité éternelle! Amen!
Il Papa cosi prosegue in lingua italiana. Sia lode alla Santissima Trinità, che ci ha dato la gioia di proclamare Santo il monaco libanese Charbel Makhlouf, a conferma della perenne, inesausta santità della Chiesa. Lo spirito della vocazione eremitica che si manifesta nel nuovo Santo, lungi dall’appartenere ad un tempo ormai passato, ci appare molto importante, per il nostro mondo, come per la vita della Chiesa. La vita sociale di oggi è spesso contrassegnata dall’esuberanza, dall’eccitazione, dalla ricerca insaziabile del conforto e del piacere, unita ad una crescente debolezza della volontà: essa non riacquisterà il suo equilibrio se non con un accrescimento del dominio di sé, di ascesi, di povertà, di pace, di semplicità, di interiorità, di silenzio (Cfr. Paolo VI, Discorso ai Monaci di Monte Cassino, del 24 ottobre 1964: AAS 56 (1964) 987). La vita eremitica gliene insegna l’esempio ed il gusto. E nella Chiesa, come pensare di superare la mediocrità e realizzare un autentico rinnovamento spirituale, non contando che sulle nostre forze, senza sviluppare una sete di santità personale, senza esercitare le virtù nascoste, senza riconoscere il valore insostituibile e la fecondità della mortificazione, dell’umiltà, della preghiera? Per salvare il mondo, per conquistarlo spiritualmente, è necessario, come vuole Cristo, essere nel mondo, ma non appartenere a tutto ciò che nel mondo allontana da Dio (Cfr. SALVATORE GAROFALO, Il profumo del Libano, San Sciarbel Makhluf, Roma 1977, p. 216). L’eremita di Annaya ce lo ricorda oggi con una forza incomparabile.
i