HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE DE L’AVENT, A

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4E DIMANCHE DE L’AVENT, A

HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE DE L’AVENT, A

IS 7, 10-16 ; RM 1, 1-7 ; MT 1, 18-24

Si vous passez un jour à Autun, en Saône-et-Loire, vous visiterez sans doute la cathédrale St Lazare, édifiée au début du 12e siècle. L’intérieur, et donc les chapiteaux, sont du plus pur roman bourguignon, c’est-à-dire clunisien. L’un de ces petits chefs-d’œuvre de l’art naïf représente l’adoration des mages. Les trois étrangers se prosternent devant l’enfant, assis sur les genoux de sa mère, tandis que dans un coin, bien à l’écart, un Joseph tout songeur, la tête appuyée sur une main, semble dire : « Moi, je ne compte pour rien ici ! ». Il est vrai qu’il existe une longue tradition chrétienne, pas très évangélique, qui a fait de Joseph le laissé-pour-compte de l’événement de Noël et le simple « père nourricier de la Sainte Famille »… S. Augustin y est sans doute pour quelque chose, car il a fait bien peu d’honneur à Joseph en le déclarant modèle des maris trompés. C’est un peu court. Sans entrer ici dans tous les détails d’une exégèse des textes, il faut d’abord reconnaître que, loin d’être dans l’ombre, Joseph est ici, dans l’évangile de Matthieu, le personnage central sur lequel sont braqués les projecteurs, contrairement à S. Luc qui, lui, projette la lumière sur Marie. Et de même qu’il y a une annonciation faite à Marie, il y en a une faite à Joseph. Les annonciations constituent d’ailleurs un genre littéraire biblique, qui respecte chaque fois les éléments et les règles de composition selon un schéma rigoureux. C’est ainsi que l’on trouve dans la Bible des annonciations pour Ismaël et Isaac, Gédéon, Samson, Samuel, Zacharie, Jean-Baptiste. Il faut aussi se rappeler que Matthieu n’est pas un historien ni un chroniqueur, ni un journaliste. C’est un croyant, un pasteur venu du judaïsme, et qui s’adresse à des gens de sa race et de sa culture, qui sont récemment devenus chrétiens. Et il le fait après la résurrection de Jésus, c’est-à-dire quand Jésus, par sa vie et sa prédication, sa mort et sa résurrection, a bien montré qui il était, le Messie attendu. Les preuves et justifications dont l’apôtre a besoin ne sont donc pas comparables à celles que nous sommes tentés de chercher et de réclamer. D’ailleurs en vain. Notre tentation à nous, qui sommes d’une autre époque et d’une autre culture, c’est de chercher dans ces textes des éléments anecdotiques ou d’ordre psychologique, physiques ou charnels, comme s’ils constituaient la préoccupation prioritaire de Matthieu et l’essentiel du message. Ce qui n’est pas du tout le cas. Pour Matthieu, tout comme pour Paul dans sa lettre aux chrétiens de Rome, il s’agit de montrer que Jésus est bien le Messie, c’est-à-dire l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, tel qu’il a été annoncé depuis des générations. Tout doit bien coller aux prophéties, aux Ecritures. Si Jésus est le Messie, il doit absolument être de la descendance de David. Or, c’est par le père, qu’il soit réel ou putatif, que se transmet la descendance. Et c’est au père qu’il appartient de donner un nom à l’enfant. Joseph joue donc un rôle prépondérant dans le mystère de l’incarnation. Pour Matthieu, Joseph a donc une place de choix dans la galerie des patriarches d’Israël et des ancêtres du Messie. Mais la libération, que Jésus va entreprendre et dont Matthieu est le témoin puisqu’il écrit après la Résurrection, cette libération ne sera pas politique, comme celle réalisée par le grand roi David. Son messianisme ne sera pas la reprise des victoires historiques de son ancêtre, mais la délivrance du péché. Ce péché qui est l’obstacle qui divise les êtres humains et les sépare de Dieu. Le Messie sera donc un instrument de réconciliation et de paix. De plus, le peuple de Dieu va se renouveler, s’élargir. Tous, et pas seulement les Juifs, pourront en faire partie. D’où, plus loin, l’épisode des mages. Il est donc vain et inutile de s’interroger ou de discuter sur ce qui s’est dit ou ce qui s’est passé concrètement entre Marie et Joseph. Que savaient-ils exactement ? Qu’ont-ils pensé ? Qu’ont-ils dit ? Comment ont-ils réagi ? Cela ne fait en rien partie du message évangélique et ne nous sert à rien. Par contre, si nous voulons vraiment accueillir la Parole, le message, nous préparer à Noël, le Noël annuel ou le Noël quotidien, nous pouvons puiser lumière, inspiration, courage et force dans l’attitude de Joseph. A nous aussi le Seigneur demande de nous rendre constamment disponibles à ce qu’il attend et ce qu’il veut de nous. La Parole de Dieu qui nous est donnée comporte également, d’une certaine manière, des annonces, des annonciations. Nous recevons des paroles de Dieu pour nous, une parole spécifique qui nous est destinée et qu’il nous appartient d’accueillir et d’approfondir. Nous avons aussi à nous ouvrir au souffle de l’Esprit, à ses inspirations, à ses secousses, à ses inattendus, pour nous laisser guider par lui comme il le veut et non pas comme nous le voudrions. Il n’y a pas que Joseph qui a été conduit par l’Esprit sur un chemin surprenant et inattendu. Et il n’y a pas que lui qui a connu, dans sa vie de foi, l’épreuve des inquiétudes, des hésitations, des doutes. Qu’a fait Joseph, sinon accueillir et servir Jésus, pour préparer l’avènement d’une nouvelle société où le seul véritable privilège est d’être serviteur. C’est à partir de Jésus que des projets peuvent naître pour une humanité renouvelée. Il nous appartient de féconder le monde et d’accepter les lenteurs de la germination, la patience et les douleurs de l’enfantement. L’évangile, c’est vous, disait Paul aux chrétiens de Rome. C’est en obéissant à votre foi que vous êtes une page vivante de l’évangile. Une annonce qui nous est faite aujourd’hui.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

  1925 – 2008

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