FIGURES MARIALES DE L’ANCIEN TESTAMENT – DEUXIEME PARTIE -
http://campus.udayton.edu/mary/resources/french/figuresmarial.html
FIGURES MARIALES DE L’ANCIEN TESTAMENT – DEUXIEME PARTIE -
MIRYAM Le nom de la Vierge Marie lui fut donné par ses parents sans doute en l’honneur de Miryam, la sœur de Moïse et d’Aaron (dans l’Ancien Testament). Sous la conduite de Moïse, elle fut une prophétesse et un leader du peuple dans sa traversée de la mer Rouge et du désert. Anne et Joachim ont peut-être été motivés par le désir d’une renaissance du peuple d’Israël, de même que les parents de Marie Madeleine, Marie de Béthanie, Marie mère de Jacques ou encore Marie mère de Marc. Son nom signifierait « dame princesse » ou, s’il y a un lien avec le lieu appelé Méribah, « eaux amères ». Miryam, la sœur de Moïse, est seule dans l’Ancien Testament à porter ce nom si on excepte la Miryam inconnue de 1 Chroniques 4,17. O. Bardenhewer a recensé pas moins de 67 étymologies différentes pour le nom « Miryam » ! Plus probablement, ce nom aurait désigné une dame de haut rang, une princesse donc, et ainsi plutôt belle. Si le nom a une origine égyptienne, le sens de « chère » ou « chérie » en serait la meilleure traduction. Selon de la Potterie, le kécharitôménê de Luc 1,28 serait utilisé comme un équivalent de « Marie » et indiquerait que ce nom s’appliquerait à une femme comblée de grâce par Dieu, donc gracieuse et belle. Le judaïsme considère Myriam comme une prophétesse. Elle reprend le chant de victoire célébrant Dieu qui a libéré son peuple pendant l’Exode :
« Miryam, la prophétesse, sœur d’Aaron, prit en main un tambourin et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins, formant des chœurs de danse. Et Miryam leur entonna : “Chantez pour Yahvé, car il s’est couvert de gloire, il a jeté à la mer cheval et cavalier” » (Exode 15,20-21).
Dans l’évangile de l’enfance selon Luc, le Magnificat est attribué à Marie (certains manuscrits mineurs l’attribuent à Élisabeth). Les deux hymnes partagent plusieurs thèmes. Marie glorifie Dieu comme son Seigneur et Sauveur alors que Moïse ou Miryam chante la gloire, kabôd, de Dieu. Dans les deux cas, Dieu est identifié comme Seigneur et Sauveur. Abraham est le père dans la foi des deux femmes. Les deux exaltent Dieu dans son triomphe sur les puissants. Pharaon est mis à bas comme les orgueilleux du Magnificat. Dieu déploie la force de sa droite, de son bras dans les deux chants. Les œuvres puissantes de Dieu sont exaltées. L’amour constant de Dieu a sauvé et libéré Israël, son peuple. Ces parallèles apparaissent plus clairement dans la comparaison de la version grecque de la Septante du « chant de victoire » avec le texte, grec, de Luc. Ce dernier a imité le style, les expressions et le vocabulaire de cette traduction grecque du « chant de victoire ». La fuite en Égypte de Marie et Joseph, pour échapper à la tyrannie et violence d’Hérode, suit le parcours inverse de Moïse qui, avec Miryam et Aaron, fuyait Pharaon. Marie de Nazareth aura néanmoins touché le même sol égyptien que sa matronyme Miryam (Mt 2,13-15)on Le fait que la Bible contient sept passages différents parlant de Miryam atteste de son rôle de leader en Israël. Le prophète Michée l’exalte : « Car je t’ai fait monter du pays d’Égypte, je t’ai racheté de la maison de servitude ; j’ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et Miryam (Mi 6,4).
MIRYAM ET MARIE En repérant les qualités de Miryam, la sœur de Moïse, on observe ce qui suit : elle est un leader, une prophétesse, une médiatrice, une initiatrice, une servante, un modèle de discrétion et de pertinence, une négociatrice et une femme qui prend soin des autres et qui collabore dans les coulisses, mais efficacement, à l’histoire salvifique du peuple élu. Dans les hymnes et litanies de l’Église, la tradition catholique attribue de telles qualités à Marie. Les fondements bibliques de l’emploi de ces expressions sont tirés des récits de l’Annonciation, de la Visitation (Lc 1,28-45) et des noces de Cana (Jn 2,1-11).
JUDITH Judith est l’héroïne du livre deutéro-canonique du même nom. Elle incarne la femme idéale de la piété juive tardive (150-100 av. J.C.). Bien des aspects de sa vie laissent voir en elle une pharisienne. Dans sa victoire sur Holopherne, elle ressemble à Déborah et Yaël dans leur victoire sur Sisera. Elle se décrit en Judith 11,17 : « Car ta servante est une femme pieuse : Nuit et jour elle honore le Dieu du ciel. » De par son observance religieuse, Judith est une personne juste. Elle observe les prescriptions de la Torah, est une chaste veuve, observe les fêtes et même les veilles de fêtes (8,6). Elle observe les lois et rituels de purification (12,2.9.19 ; 16,18). « …elle est un modèle de religion pharisienne. Il n’est pas étonnant que sa dévotion soit bénie ; elle est riche, elle est belle, tous l’estiment (8,7-8) même s’il est à noter que le texte ne parle pas d’enfants. L’histoire se concentre sur son courage, son initiative, son don de soi (13,20)… » [Voir : Reginald C. Fuller, éd., A New Catholic Commentary on Holy Scripture. (Nashville : Thomas Nelson, 1969) 404.] Judith représente l’ensemble du peuple d’Israël fidèle. Cela apparaît notamment dans son hymne final (16,1-17). Judith appartient aux pauvres de Yahvé (tapeinoi : 6,19 ; 13,20 ; 16,11). Les biblistes reconnaissent que la physionomie spirituelle de Judith est sans aucun doute celle des pauvres en esprit. Dans ses actes, Judith devient un paradigme de la libération humaine. Elle témoigne de la vérité fondamentale selon laquelle la foi ne dépend pas de résultats visibles (8,17-27) et que la puissance de Dieu ne réside pas dans le nombre (9,11).
JUDITH ET MARIE On trouve en Marie de Nazareth un écho à la confiance absolue placée en Dieu par Judith en tant que « pauvre de Yahvé ». On trouve chez l’une comme chez l’autre l’observance des rituels des lois de purification et des fêtes, en particulier la Pâque. Toutes deux sont exemplaires dans leur vie de prière et leur participation aux pratiques religieuses. Dans les lectures liturgiques des messes en l’honneur de Marie, la bénédiction de Judith annonce celle de Marie par Élisabeth : « Sois bénie, ma fille, par le Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes de la terre » (Jdt 13,18). Les louanges adressées à Judith – « Tu es la gloire de Jérusalem ! Tu es le suprême orgueil d’Israël ! Tu es le grand honneur de notre race ! » (Jdt 15,9) – ainsi que des paroles provenant de son propre hymne sont aussi fréquemment employées en lien avec Marie :
« Je veux chanter à mon Dieu un cantique nouveau. Seigneur tu es grand, tu es glorieux, admirable dans ta force, invincible. Que toute ta création te serve ! Car tu as dit et les êtres furent, tu envoyas ton souffle et ils furent créés, et personne ne peut résister à ta voix » (Jdt 16,13-14).
ESTHER Esther est une héroïne et le paradigme de la femme totalement libérée qui place toute sa confiance en Dieu. Par la prière et le jeûne, elle est en mesure de contrer le mal projeté par les Perses et d’intercéder en faveur de son peuple Israël auprès du roi Assuérus. Reine, Esther est concernée par le destin des juifs, même si son statut pourrait la mettre à l’abri du décret d’extermination lancé contre son peuple. Elle demande aux juifs un jeûne de trois jours pour préparer avec elle son apparition devant le roi à qui elle compte demander le salut de son peuple, au risque d’être punie de mort pour son audace. Au moins, elle aura essayé ! Il y a en elle à la fois de la résignation et une courageuse liberté ainsi que l’espoir que sa démarche aboutira. [Voir : John F. Craghan, « Esther: A Fully Liberated Woman », The Bible Today 24 (1986), pp. 6-11.] Aujourd’hui encore, les Juifs commémorent Esther lors de la fête de Purim où les enfants rejouent les scènes du livre avec toutes sortes de déguisements. L’ennemi juré du peuple d’Israël, Haman, est habituellement représenté en costume noir. Dans la célébration de Purim, les valeurs mises en évidence sont le sacrifice de soi et la providence divine. Ce sont aussi les deux thèmes majeurs du livre d’Esther. [Voir : C. G. Montefiore and H. Loewe, A Rabbinic Anthology. (New York : Schocken, 1974), pp. 99-101.] Dans la tradition juive, le livre d’Esther fait partie des cinq megillot ou rouleaux. Esther en constitue le rouleau, megillah, par excellence. « À moins qu’un autre des cinq ne soit spécifié, le terme megillah en est venu à désigner le seul livre d’Esther. » . » [Voir : Rufus Learsi, Israel: A History of the Jewish People. (New York : Meridian, 1966), 120.]
ESTHER ET MARIE Marie, la mère de Jésus, ressemble à Esther dans sa prière et son pouvoir d’intercession auprès de Dieu. Elle promeut aussi le bien et du peuple et du peuple chrétien dans son rôle de Reine. Trois passages du livre d’Esther sont utilisés dans la mariologie des premiers auteurs chrétiens et dans la liturgie catholique : 2,16-18 ; C,12.14-15.25.30 et 8,3-8.16-17.
TAMAR Tamar, « le palmier », est la première femme mentionnée dans la généalogie de Matthieu : « Juda engendra Pharès et Zérah, de Tamar » (Mt 1,3). La raison de la mention de Thamar se trouve en Genèse 38. Juda, dont les deux aînés ont été successivement mariés à Thamar et son mort, craint pour son troisième fils, Shéla. Au lieu de le donner en mariage à Thamar, comme il devrait le faire, il renvoie Thamar veuve et sans enfants. Par un stratagème ingénieux, Tamar se déguise en prostituée et Juda couche avec elle. Elle prend cependant soin de subtiliser quelques objets appartenant à Juda. Elle conçoit et est accusée d’adultère. Quand elle montre les objets appartenant à l’homme duquel elle a conçu, Juda reconnaît que c’est lui qui a enfreint la loi divine : « Elle est plus juste que moi. C’est qu’en effet je ne lui avait pas donné mon fils Shéla » (Gn 38,26). Elle donne naissance à des jumeaux, Pharès et Zérah. Pharès sera l’ancêtre de David (Rt 4,18ss.) et donc, finalement, du Messie.
L’HISTOIRE DE TAMAR EST UNE ILLUSTRATION DE LA LOI DU LÉVIRAT : « Si des frères demeurent ensemble et que l’un d’eux vienne à mourir sans enfant, la femme du défunt ne se mariera pas au-dehors avec un homme d’une famille étrangère. Son « lévir » (beau-frère) viendra à elle, il exercera son lévirat en la prenant pour épouse et le premier-né qu’elle enfantera prendra le nom du frère défunt, afin que ce nom ne soit pas effacé d’Israël » (Dt 25,5-6).
TAMAR ET MARIE Pourquoi Matthieu relève-t-il le nom de Tamar dans sa généalogie ? Parce que c’est de la lignée messianique de Juda que surgira David. Tamar atteste aussi le côté anormal de sa situation de veuve ayant besoin de l’intervention divine pour rétablir la justice en sa faveur. De même, Marie, la mère de Jésus, se retrouve dans une situation anormale à cause de sa grossesse à laquelle Joseph, son fiancé, n’est pour rien. Comme Tamar est reconnue juste devant Dieu, Marie est reconnue innocente. Joseph découvre cela dans un rêve.
RAHAB De même que Tamar n’est pas condamnée comme prostituée quand elle cherche à obtenir justice de la famille de Juda qui lui était redevable, de même Rahab (Jos 2) ne l’est pas non plus, elle qui est au contraire louée pour sa foi, son ingéniosité et son hospitalité, vertus qui comptent parmi les plus exaltées par les Écritures. Elle est aussi vénérée dans le Nouveau Testament (He 11,31 ; Jc 2,25) ainsi que dans les anciennes traditions chrétiennes (1 Clément 12,1) et juives (Mek Ex 18,1 ; Midr. Ruth 2,1). Son statut sexuel inhabituel est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Matthieu l’a incluse dans sa généalogie de Jésus. Elle n’est pas une fille vierge ou une épouse non vierge. Pour cela, elle représente une menace pour la structure sociale patriarcale. Toutefois, en tant que prostituée professionnelle, elle est aussi victime de ce système. Cette femme qui se situait en dehors de la culture patriarcale en général et celle, ethnique, d’Israël en particulier, se retrouve intégrée aux deux (Jos 6,5). La « profession de foi » de Rahab (Jos 2,9-11) explique pourquoi elle protège les espions de Josué (vv. 12-13). On peut y voir déjà dans ce texte ancien comment le pouvoir de Dieu se mêle à l’initiative extraordinaire prise par Rahab en face des puissances du monde patriarcal. Sa foi et le soutien qu’elle apporte au peuple élu de Dieu, Israël, peuvent aussi rendre compte de sa mention dans la généalogie de laquelle le Messie est issu. Le fait qu’elle gagne, pour elle-même et sa famille, une place dans l’histoire d’Israël peut aussi expliquer son inclusion dans la généalogie de Matthieu. C’est une femme sensible, réceptive à la présence de Dieu et sachant user de ses ressources. En tant que telle, elle est digne de figurer parmi les mères d’Israël. Quoique enfermée dans les structures patriarcales de son époque, elle les dépasse par sa foi, son instinct créatif et sa faculté à discerner l’action de Dieu derrière les guerriers d’Israël. La littérature rabbinique l’exalte comme Mère d’Israël dont descendront huit prêtres et huit prophètes.
RAHAB ET MARIE Il existe plusieurs points de convergence entre les histoires de Rahab et de Marie, qui nous aident à mieux comprendre les deux femmes et la foi qui les a inscrites dans la tradition biblique : la sexualité est concernée par les deux histoires ; les deux femmes encourent une punition (mort) ; toutes deux furent instruments par lesquels Dieu a pris possession du pays et des cœurs ; toutes deux furent signes et exemples de foi (He 11) ; toutes deux furent mères de la foi.
RUTH Ruth figure aussi parmi les « Mères d’Israël ». Le Targum de Ruth 2,12 traduit : « …tu es celle qui est arrivée… protégée par l’ombre de la majesté de Dieu et la gloire de Dieu et, grâce à cette récompense, tu seras libérée du jugement de la Géhenne car tu as ta place parmi Sara, Rébecca, Rachel et Léa ; c’est-à-dire parmi les mères d’Israël. » (Rabbah Ruth 5,5 à 2,13 ; Pesikta de Rob. Kohaha 26,1.) Ruth personnifie Israël alors que Booz, son mari, symbolise Dieu. La littérature rabbinique compare sa relation à Booz avec celle d’Israël à Dieu qu’Israël doit glorifier (Ex 15,2) et en dehors duquel il n’aura pas d’autre dieu (cf. Ex 20,3). Ceci est étroitement lié à l’Alliance entre Dieu et Israël qui est semblable à l’alliance conjugale entre Ruth et Booz. D’une telle alliance naîtra l’Oint, le Messie.
RUTH ET MARIE L’Église aussi, dans sa tradition primitive, reprend la typologie en faisant de Booz une figure du Christ et Ruth une image de l’Église. Aux 12ème et 13ème siècles, Marie à son tour est vue comme ayant été préfigurée par Ruth. Pierre de Celle (1115-1182) voit un parallèle entre les mots de Ruth « Je suis Ruth, ta servante » (Rt 3,9) et ceux de Marie « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1,38). Aussi bien Ruth que Marie répondent activement à Dieu dans leurs vies. En tant que telles, elles représentent leur peuple Israël dans sa réponse primordiale à l’alliance au Sinaï. Ruth anticipe la réponse « Tout ce que Yahvé a dit, nous le ferons et nous y obéirons » (Ex 24,7). Ruth dit à Booz : « Comment ai-je trouvé grâce à tes yeux pour que tu t’intéresses à moi qui ne suis qu’une étrangère ? » (Rt 2,10), et à Noémi : « Tout ce que tu me dis, je le ferai » (Rt 2,10). Marie aussi a été objet de faveur ou de grâce : « Réjouis- toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1,28). Marie reconnaît cela dans son propre cantique : « …parce qu’il a jeté les yeux sur l’abaissement de sa servante, oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1,48). Marie aussi, comme Israël au Sinaï, répond à l’appel de Dieu en disant : « qu’il m’advienne selon ta parole ! » (Lc 1,38). Les deux femmes sont objets de faveur et y répondent positivement. Ruth est mentionnée dans la généalogie de David dans les derniers versets du livre ! Une dernière remarque à propos du paradoxe d’un Dieu qui agit au travers de l’histoire humaine. La situation de Ruth, étrangère sans enfants, est transformée par son affection (hesed) envers Noémi. Ruth devient l’épouse de Booz, mais c’est Dieu qui lui donne de concevoir (Rt 4,13). C’est aussi ce que Matthieu suggère dans le paradoxe de Marie qui est la dernière femme mentionnée dans sa généalogie : « de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ » (Mt 1,16). Au coeur du cantique de Marie, il y a l’amour tendresse de Dieu. Le mot hébreu hesed rend compte de cette disposition de Dieu. Selon Elaine Wainwright, la hesed donne aussi la clef de l’histoire de Ruth : « Le livre de Ruth célèbre également la hesed de la femme (Rt 1,8 ; 2,20 ; 3,10) et, même si les allusions au dévoilement des pieds de Booz soulève des questions quant au côté anormal créé par cette situation, aucun vocabulaire de péché n’est associé à Ruth dans tout le livre ». . » [Voir : Wainwright, Feminist Critical 64 (cf. 166-168). David Daube, The New Testatment and Rabbinic Judaism (London : Athlone, 1956) 27-36. J. Massingberd Ford, « Mary's Virginitas Post-Partum and Jewish Law », Biblica 54 (1973) 269-272.] Cela s’applique aussi aux textes qui, en Luc, traitent de la Vierge Mère de Jésus. Les traditions et de la Synagogue et de l’Église ont, respectivement, maintenu l’absence de péché chez ces deux mères d’Israël. BETHSABÉE Dans la généalogie de Matthieu, Bethsabée est appelée « la femme d’Urie » (Mt 1,6). Son nom n’est pas mentionné. Son rôle est pourtant essentiel dans la généalogie. L’absence du nom souligne ce que son union maritale avec David avait d’irrégulier. Après la mort d’Urie, elle devient l’épouse de David, puis « Reine Mère » ou Gebîrah dans la mesure où son fils Salomon montera sur le trône de David à l’instigation du prophète Nathan aidé en cela par Bethsabée elle-même (1 R 1,11-37). La reine mère (gebîrah) a joué un rôle clairement défini dans nombre de sociétés anciennes et modernes. Le mythe omphalos, qui présentait la terre comme centre vital symbolisé par la déesse mère (mère divine), a été supprimé par les prophètes et historiographes de l’Ancien Testament. Certains voient dans la figure de Dame Sagesse (Pr 1-9) une sorte de subsistance, sous une forme modifiée, de cette ancienne déesse mère. La fonction de reine mère en Judée pourrait aussi être une conséquence de ce mythe. Cette fonction correspondrait à une position d’aînée à la cour et répondrait à la description de Dame Sagesse dans le livre des Proverbes. Mais elle pourrait aussi résulter du fait que les rois disposaient d’un harem : beaucoup d’épouses, mais une seule mère. Quoiqu’il en soit, la reine mère était la « First Lady » du royaume. La Bible n’utilise pas le mot gebîrah à propos de Bethsabée, mais elle est la deuxième personne du royaume (1 R 2,19) : le roi se prosterne devant elle. Bethsabée a l’oreille du roi son fils ; on lui demande de présenter des requêtes au roi. Elle joue un rôle d’intercesseur. Sa position fait d’elle une personne de conseil et une source de sagesse. À la mort de David, elle s’est préoccupée de sa succession et de la stabilité du royaume. Dans son effort pour assurer le trône à son fils, elle en a appelé directement à David mourant. Devenue reine mère, elle joue un rôle de conseiller politique et judiciaire à la cour, et de médiateur entre les factions politiques du pays. Son fils Salomon l’écoute, ce qui démontre le prestige dont la reine mère jouit à Jérusalem. « La reine mère était une dame conseillère dont le rôle se reflète dans le motif de Dame Sagesse du livre des Proverbes » [Anchor Bible, vol 5, p. 585.] Dans la tradition juive contemporaine de la formation du Nouveau Testament, Bethsabée est vue comme une noble dame d’Israël. Après avoir exercé son influence sur David, elle a eu, en tant que Reine Mère, Gebîrah, une grande influence sur son successeur Salomon. De même que les autres femmes de la généalogie, Bethsabée est située à l’intérieur de l’histoire du salut d’Israël et du plan de Dieu. Cette femme est donc une figure-clef qui aide à mieux comprendre la dernière femme mentionnée, Marie, mère de Jésus. Bethsabée aussi est engagée dans l’action de l’Esprit et dans l’histoire du salut.
BETHSABÉE ET MARIE Dans toute comparaison entre Bethsabée et Marie, mère de Jésus, la notion de « Reine Mère » permet peut-être de saisir que ce thème est né de l’Ancien Testament pour ensuite déboucher sur le thème de la royauté de Marie dans la liturgie et la dévotion. Comment comprendre alors la royauté de Marie à la lumière du concept de la Reine Mère ? On a dit que certaines « femmes puissantes » de l’Ancien Testament préfigurent Marie. Des versets concernant Esther et Judith ont été utilisés en référence à Marie dans la liturgie de l’Église : « Tu es la gloire de Jérusalem ! Tu es le suprême orgueil d’Israël ! Tu es le grand honneur de notre race ! » (Jdt 15,9). Ces versets expriment les sentiments de la communauté chrétienne. La Reine Mère joue un rôle actif et assuré par rapport à son fils. Elle a le souci du royaume. On peut dire que Marie est responsable de la royauté de son fils en raison de sa maternité et son réel souci du royaume de Dieu (Lumen Gentium 56). Il est en revanche difficile de prouver que Marie ait été conscience de quelque dimension royale de son assentiment au moment de l’Annonciation. Marie n’a pas recherché le trône pour son fils comme l’ont fait d’autres « reines mères ». Au contraire, elle s’est mise au service du mystère de la rédemption « dans la dépendance au Christ » (Lumen Gentium 56). C’est un service d’effacement de soi, à l’image de son fils. La reine mère disposait d’une puissante influence dans le royaume. Ce pouvoir dérivait de son statut de mère du roi. Si nous comparons cela à la médiation de Marie, on peut y voir un lien avec sa médiation maternelle. Le rôle de Marie est subordonné à l’action du Christ. Elle n’a jamais « régné » à sa place comme l’ont fait certaines reines mères. Le rôle de Marie, à l’image de celui du Christ, ne doit pas être compris en termes de domination, sauf sur le mal. Son règne, comme celui du Christ, est fondé sur l’humilité et l’obéissance, et est caractérisé par la foi, l’espérance et la charité. C’est de cette façon qu’elle et son fils se situent par rapport aux fidèles. [Voir : George Francis Kirwin, The Nature of the Queenship of Mary. Thèse, Catholic University of America, 1973, p. 320.] L’activité de Marie en tant que reine mère se manifeste dans sa fidélité à Dieu et son identification à la communauté de ceux qui suivent le Christ. Son influence se laisse saisir dans les paroles « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). L’influence de Marie s’exerce à l’intérieur de la communion des saints. Son pouvoir d’intercession auprès de Dieu est partagé par tous les fidèles. Son intercession maternelle, son « intercession répétée » (Lumen Gentium 62) constitue ce qui la relie au motif de la gebîrah. Une ancienne hymne qui loue Marie en tant que reine, mère et médiatrice est le « Salve Regina » :
Salut, ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre consolation, notre espoir, salut ! Enfants d’Ève, de cette terre d’exil nous crions vers vous ; vers vous nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes. O vous, notre Avocate, tournez vers nous vos yeux compatissants. Et, après cet exil, obtenez nous de contempler Jésus, le fruit béni de vos entrailles, Ô clémente, ô miséricordieuse, ô douce Vierge Marie !
Finalement, en ce qui concerne les femmes de l’Ancien Testament mentionnées dans la généalogie de Matthieu, R. Brown conclut que c’est sans doute en raison du caractère non ordinaire de leur statut marital qu’elles ont été incluses dans cette généalogie et qu’elles préfigurent Marie, plutôt que parce qu’elles seraient pécheresses ou étrangères.
FILLE DE SION
Pendant l’Avent, la liturgie catholique romaine célèbre le plan du salut au cours duquel le Dieu de miséricorde a appelé les patriarches, les a unis à lui dans une alliance d’amour, a établi la loi par Moïse, a fait surgir les prophètes et a choisi David et Bethsabée dont la lignée donnera naissance au Sauveur du monde. Les livres de l’Ancien Testament, en annonçant la venue du Christ, « font apparaître progressivement dans une plus parfaite clarté la figure de la femme, Mère du Rédempteur » (Lumen Gentium 55) : c’est la Vierge Marie, que l’Église proclame joie d’Israël et noble fille de Sion. Notre Dame est « fille d’Adam par nature » ; en croyant au message de l’ange, elle a conçu le Fils de Dieu dans son sein virginal et est « de la descendance d’Abraham par sa foi ». En outre, « de l’arbre de Jessé par sa naissance, elle a produit sa fleur et son fruit, Jésus, le Christ, notre Seigneur ». [Extraits de la préface de la messe « la Vierge Marie, fille de Sion ».] Dans son obéissance sincère à la Loi et sa pleine acceptation de la volonté de Dieu, elle occupe, selon les mots du Concile Vatican II, « la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. Enfin, avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse, s’accomplissent les temps et s’instaure l’économie nouvelle, lorsque le Fils de Dieu prit d’elle la nature humaine pour libérer l’homme du péché par les mystères de sa chair » (Lumen Gentium 55). Nous vous invitons à prier avec l’Église l’oraison suivante de la messe « la Vierge Marie, fille de Sion », la première des Messes en l’honneur de la Vierge Marie :
Seigneur Dieu, pour accomplir la promesse faite à nos pères, tu as choisi la Vierge Marie, fille de Sion, pour qu’elle soit la mère du Sauveur ; aide-nous à suivre son exemple, dans son humilité qui te fut agréable et dans son obéissance dont nous ressentons le bienfait. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit avec Toi dans l’unité du Saint Esprit,
pour les siècles des siècles.
Retour à La Page de Marie
This page, maintained by The Marian Library/International Marian Research Institute, Dayton, Ohio 45469-1390, and created by Kelly Bodner was last modified Wednesday, 6-December-2007 by Michael P. Duricy.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.