Archive pour le 27 novembre, 2013

Jésus porte la croix

27 novembre, 2013

Jésus porte la croix dans images sacrée Murillo_Esteban_Christ_Carrying_the_Cross

http://fredbroom.blogspot.it/2012/03/passion-appreciating-passion-of-jesus.html

MALADIE ET GUÉRISON À TRAVERS LE JUDÉO-CHRISTIANISME – DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

27 novembre, 2013

http://www.pagesorthodoxes.net/guerison/maladie.htm

MALADIE ET GUÉRISON À TRAVERS LE JUDÉO-CHRISTIANISME

par Pierre Erny

MALADIE ET GUÉRISON DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

Quel sens peut avoir la maladie pour celui qu’elle atteint ? Dans une vision des choses ou tout dépend de Dieu, la maladie ne fait pas exception, même si après les grandes périodes d’exil le judaïsme est devenu de plus en plus attentif à l’influence des démons. Fondamentalement, Dieu crée l’homme pour le bonheur, et la maladie, comme les autres formes de mal, est contraire à cette intention. Elle n’est entrée dans le monde avec la mort que comme une suite du péché. L’expérience que l’homme en fait a d’ailleurs assez régulièrement pour effet d’aiguiser sa conscience d’être pécheur. Dans le monde nouveau, libéré du péché, tel que l’entrevoient les prophètes, il n’y aura plus ni infirmité, ni souffrance, ni larmes. Pourtant, le lien exact qui relie péché et maladie ne se laisse pas cerner facilement. La question est posée explicitement dans Jean 9,1-3 : En passant, Jésus vit un homme qui était aveugle de naissance. « Rabbi, lui demandèrent ses disciples, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Jésus répondit : « Ni lui n’a péché ; ni ses parents, mais c’est afin que les oeuvres de Dieu soient manifestées en lui.  » La même question occupe tout le livre de Job, lancinante. Comment expliquer que des justes soient frappés ? La réponse peut être esquisser en trois directions : • Les vues de Dieu dépassent infiniment celles de l’homme qui n’a aucune possibilité ni aucun droit de sonder les volontés divines et de demander des comptes ; il n’est pas le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour lui. • La maladie peut être une épreuve providentielle permettant au juste de grandir et de témoigner de sa fidélité ; qu’il garde confiance même le jour où il se sentira abandonné de tous, et il sera sauvé. • Par sa souffrance, le Serviteur de Dieu prend sur lui les maladies des hommes, expie leurs fautes et guérit leurs meurtrissures. La maladie est ontologiquement un mal, reflet de l’état de sous-nature dans lequel l’homme se meut dans sa condition présente, étranger a sa véritable nature. Mais mystérieusement elle peut devenir l’occasion, la voie, le moyen d’aboutir a un bien. À condition d’être exemptes de magie, les pratiques médicales sont bonnes, et le Siracide fait l’éloge de la profession de médecin. Mais le médecin par excellence, c’est Dieu, et c’est donc a lui qu’il faut faire appel en premier. Les psaumes montrent des hommes qui dans leur souffrance et leur affliction confessent leurs péchés avec humilité et implorent avec confiance leur guérison comme une grâce. Tout au long de sa route sur terre, Jésus a rencontré des malades, des sourds, des aveugles, des estropiés. Il a été ému de compassion (Mt 20,34) et s’est émerveillé de leur foi. Il ne raisonne pas sur le mal et la maladie : Il guérit et chasse les démons. Ses miracles attestent qu’il est plus puissant que Satan, que le Royaume de Dieu est en marche, que la force divine destinée à vaincre le péché, la maladie et la mort est à l’oeuvre des à présent. Avec la foi tout devient possible. La guérison des corps est annonce et signe d’une guérison plus profonde, d’une guérison destinée à toucher toute notre nature, d’un sauvetage au plan ontologique, d’un « salut », destiné en priorité à ceux qui sont tombés le plus bas : Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Mt 2,17). Pour libérer l’homme de ses souffrances, Jésus les prend sur lui, c’est tout le sens de sa Passion :

Vraiment ce sont nos souffrances qu’il portait, Et nos douleurs dont il était chargé ; Et nous, nous le regardions comme un puni, Frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, Broyé à cause de nos iniquités ; Le châtiment qui nous donne la paix est sur lui, Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.(Is, 53,4-5)

Les apôtres ont été associés d’emblée au ministère de guérison de Jésus : Ayant appelé ses douze disciples, il leur donna pouvoir sur les esprits impurs, afin de les chasser et de guérir toute maladie et toute infirmité… II les envoya après leur avoir donné ces instructions : … « Sur votre chemin annoncez ceci : Le royaume des cieux est proche ». Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons (Mt 10,1-8). Au moment de son ascension, c’est l’envoi solennel en mission : Allez par le monde entier et prêchez l’Évangile à toute la création… Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon Nom ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; il prendront des serpents, et s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris (Mc 16,15-18). Au travers de multiples signes, on voit ainsi sourdre, germer, éclater de toutes parts un monde nouveau. Le péché a rendu l’homme spirituellement malade, aveugle, sourd, paralysé. Mais voici qu’une Force se manifeste capable de le restaurer dans sa plénitude ontologique. Jésus donne à la maladie un sens nouveau : associée à sa Passion, elle peut devenir participation à l’oeuvre rédemptrice entreprise par celui qui est à la fois homme et Dieu. Dans la parabole du bon Samaritain, on voit ce voyageur verser de l’huile et du vin sur les blessures du malheureux attaqué par les brigands. Une telle onction d’huile, mais purement symbolique, est prescrite par le Christ à ses disciples dans Marc 6, 13 : Étant partis, les apôtres perchèrent que l’on se repentit. Ils chassaient beaucoup de démons, ils oignaient d’huile beaucoup de malades et ils les guérissaient. On peut voir dans ce geste comme le prélude d’un sacrement.

L’ONCTION D’HUILE Dans l’épître de l’apôtre Jacques se trouve un texte par ailleurs isolé qui sans doute décrit une pratique courante dans les premières communautés chrétiennes et peut-être même en milieu juif : L’un de vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les anciens (les « presbytes ») de l’Église et qu’ils prient après avoir fait sur lui une onction d’huile au Nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient. Le Seigneur le relèvera, et s’il a des péchés à son actif, il lui sera pardonné. Confessez-vous donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres, afin d’être guéris (Jc 5,13-16). On lit dans la Tradition apostolique rédigée par saint Hippolyte de Rome entre 218 et 235 :  » Si on offre de l’huile, que l’évêque rende grâces comme pour le pain et le vin, non dans les mêmes termes, mais dans le même sens : « De même qu’en sanctifiant cette huile, par laquelle vous avez oint les rois, les prêtres et les prophètes, vous donnez la saint … et à ceux qui en usent et la reçoivent, qu’elle procure de même le réconfort à tous ceux qui en goûtent et la santé à ceux qui en font usage.  » Les onctions d’huile n’étaient pas pratiquées par les seuls évêques et prêtres, mais aussi par les laïcs. En 416, le pape Innocent Ier écrivait à l’évêque de Gubbio : Il n’est pas douteux que le texte de saint Jacques doive s’entendre et se comprendre des fidèles malades qui peu vent être oints de l’huile sainte du chrême, et de cette huile, confectionnée par l’évêque, il est permis, non seulement aux prêtres, mais à tous les chrétiens, d’user dans leur nécessite, ou celle des leurs, en vue d’une onction. Après la période carolingienne, l’onction des malades a été incorporée à tout un rituel complexe comprenant la visite au malade, l’aspersion d’eau bénite, la confession, l’imposition des cendres, la récitation de psaumes et de litanies, la communion, et souvent l’office des mourants, voire de la sépulture. En Occident, on a ainsi fait peu à peu de cette onction un complément de la pénitence et une préparation à la mort, et on a oublié qu’elle était d’abord faite pour délivrer des maladies du corps. Au XIIe siècle apparaît le terme regrettable d’ » extrême onction « , qui invite à la retarder jusqu’à l’article de la mort. L’onction des malades est ainsi devenue peu à peu le sacrement de l’agonie, réservé bien entendu au seul prêtre. Dans le monde byzantin, on a assisté à une évolution en sens inverse : on en est venu à ne pas limiter l’onction aux seuls malades, mais à la dispenser à tous ceux qui souffraient d’une infirmité spirituelle, et finalement à tous les pécheurs. Dans le rite byzantin, la faculté de bénir l’huile était accordée à tout prêtre, alors qu’en Occident on en a fait une fonction proprement épiscopale. Dans le monde méditerranéen, l’huile est symbole d’aisance et de richesse. Or, la prospérité ne pouvant se concevoir sans une bénédiction divine, le lien entre huile et Esprit de Dieu devient manifeste. Celui qui en est oint est comme introduit dans la sphère divine. Or l’Oint par excellence, c’est-à-dire le Messie, le Christos, c’est Jésus, à la fois roi, prêtre et prophète. L’huile rend la nourriture savoureuse ; or la sagesse, c’est l’aptitude à goûter la saveur des choses. L’huile est aussi symbole de pureté et de lumière, puisqu’elle alimente la flamme des lampes. Comme le massage à l’huile donne aux muscles leur souplesse, elle fortifie en vue des luttes corporelles et spirituelles. Elle sert aux soins de beauté. Mais on utilisait aussi très largement, dans les pays chauds, des huiles parfumées pour la toilette des morts.

DU RITE DE GUÉRISON AU RITE FUNÉRAIRE Il y a eu ainsi tout au long de l’histoire interférence entre rites de guérison et rites funéraires. Les coptes d’Égypte oignent le cadavre avec l’huile des lampes qui brulent devant les icônes. Des textes de diverses provenances montrent que cette même huile pouvait servir et durant la maladie, et au moment de la toilette mortuaire, et pour être versée dans le cercueil. Dans la pratique grecque actuelle on répand de l’huile provenant d’une lampe dans la bière où reposera le mort. Dans le rituel slave on en verse dans la tombe avec de la cendre d’encensoir. Dans La hiérarchie ecclésiastique de Denys l’Aréopagite, nous trouvons une indication très claire de ces pratiques : Le grand prêtre, homme de Dieu, récite sur le corps une très sainte invocation. L’invocation terminée, il baise le mort, imité aussitôt par tous les assistants. Quand tous ont donné le baiser de paix, le grand prêtre enduit le corps d’huile sainte, il prie pour tous les défunts, il dépose la dépouille en terre sainte à côté de celle des autres saints, et il verse de l’huile sainte sur la dépouille du défunt. Denys situe la vie spirituelle du chrétien entre deux onctions, celle du baptême et celle de la mort : Souvenez-vous que, dans le sacrement de régénération, quand l’initié a totalement dépouillé ses vêtements anciens, sa première participation aux choses sacrées consiste en l’onction de l’huile bénite ; et, au terme de la vie, c’est encore l’huile sainte qu’on répand sur le défunt. Par l’onction du saint baptême on appelait l’initié dans la lice des saints combats ; l’huile versée sur le défunt signifie qu’il a fourni sa carrière et mis fin à ses glorieuses luttes.

LE SENS CHRÉTIEN DE LA MALADIE Le Vocabulaire de théologie biblique l’esquisse ainsi : Tant que dure le monde présent, l’humanité doit continuer de porter les conséquences du péché. Mais en prenant sur lui nos maladies lors de sa Passion, Jésus leur a donné un nouveau sens : comme toute souffrance, elles ont désormais une valeur de rédemption. Paul, qui en à fait l’expérience à maintes reprises (Ga 4,13 ; 2 Co 1,88 ss ; 12,7-10), sait qu’elles unissent l’homme au Christ souffrant : Nous portons dans nos corps les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifeste dans notre corps (2 Co 4,10). Tandis que Job ne parvenait pas à comprendre le sens de son épreuve, le chrétien se réjouit de compléter dans sa chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église (Col 1,24). En attendant qu’arrive ce retour au paradis où les hommes seront guéris à tout jamais par les fruits de l’arbre de Vie (Ap 22,2 ; cf. Ez 47,12), la maladie elle-même est intégrée, comme la souffrance et comme la mort, à l’ordre du salut. Non qu’elle soit facile à porter : elle demeure une épreuve, et c’est charité que d’aider le malade à la supporter en le visitant et en le soulageant. « Portez les maladies de tous », conseille Ignace d’Antioche. Mais servir les malades, c’est servir Jésus lui-même en ses membres souffrants : J’étais malade, et vous m’avez visité, dira-t-il au jour du jugement (Mt 25,36). Le malade, dans le monde chrétien, n’est plus un maudit dont on se détourne (cf. Ps 38,12 ; 41,6-10 ; 88,9) ; il est l’image et le signe du Christ Jésus. Dans le premier épître au Corinthiens, saint Paul cite, dans sa liste des charismes, celui de guérir (1 Co 12,9 et 28). L’esprit continue d’agir dans les chrétiens comme il a agi en Jésus pour soulager les hommes dans leurs maladies et témoigner ainsi que le salut est proche. C’est là un aspect des choses que les mouvements pentecôtiste et charismatique ont retrouvé de manière vivante aujourd’hui. D’ailleurs l’ensemble de la pastorale des malades et de l’éthique de la santé est aujourd’hui en profond renouvellement. Le chrétien qui souffre dans son corps et son âme est confronté à une de ces antinomies vitales caractéristiques de l’ordre nouveau instauré par le Christ : – la maladie est un mal, et il doit tout faire, au plan des soins et de la prière, pour en être délivré ; il sait que le Christ peut et veut le sauver et le libérer ; – mais en même temps, il lui faut accepter de participer de cette manière à la Passion du Maître, essayer de discerner quel appel lui est ainsi adressé et quel sens et la maladie et sa guérison peuvent prendre pour lui. C’est par le sacrement destiné spécifiquement au malade que s’opère le mieux la configuration de celui-ci au Christ : C’est dans le Christ souffrant et ressuscitant que tout se trouve… En sa passion il a courageusement combattu pour nous ; il s’est offert lui-même, étant prêtre et victime ; il est devenu dans sa mort et son sang Époux de l’Église ; il est ressuscité, oint de l’huile de la grâce. Et donc la pénitence tire son efficacité du Christ souffrant et nous configure à lui. L’ordre puise sa force au Christ s’offrant lui-même. L’Eucharistie au Christ victime. Le mariage au Christ donnant à l’Église le gage de son sang… Mais par l’onction des malades nous sommes configurés au Christ en sa résurrection ; c’est un sacrement donné au chrétien quittant ce monde en préfiguration de l’onction qu’est la gloire future, quand toute mortalité sera éloignée des élus. (Albert le Grand, XIIIe siècle)

Article paru dans la revue Le Chemin, no. 10, 1991.

VISAGES DE LA VIERGE À SAINTE-MARIE-MAJEURE

27 novembre, 2013

http://www.revue-kephas.org/02/1/Fux75-80.html

VISAGES DE LA VIERGE À SAINTE-MARIE-MAJEURE

Pierre-Yves Fux *

VISAGES DE LA VIERGE À SAINTE-MARIE-MAJEURE dans art sacré salusb

(ICONA « SALUS POPOLI ROMANI »)

À Rome, promeneurs et pèlerins ne manquent pas de remarquer la multitude des madonnine, images de Marie intégrées dans les façades de presque chaque immeuble. La dévotion populaire semble ainsi plus vive pour la Vierge que pour ceux qui ont fait de Rome la capitale de la chrétienté : les Apôtres Pierre et Paul. Et à Rome, les sanctuaires consacrés à Marie sont nombreux : Santa Maria in Trastevere, Santa Maria in Aracoeli, Santa Maria sopra Minerva, Santa Maria degli Angeli, Santa Maria Antiqua, etc. Le principal d’entre eux est Santa Maria Maggiore, Sainte-Marie-Majeure – c’est aussi le plus accessible et souvent le premier ou le dernier que visitent les pèlerins venus en train : la gare centrale est toute proche. Cette basilique, l’une des quatre principales de Rome, a été entièrement restaurée dans les années qui précédèrent le Grand Jubilé.

Sainte-Marie-aux-Neiges Deux événements sont à l’origine de la construction de cette basilique. Le premier est un miracle survenu le 5 août 356 : une chute de neige au sommet d’une des sept collines de Rome et, durant la même nuit, le songe du pape Libère, qui ordonnera dès lors la construction de « Sainte-Marie-aux-Neiges ». Depuis, c’est le 5 août qu’est célébrée la fête de la dédicace de cette basilique, fête restée inscrite au calendrier universel de l’Église. Jadis, la commémoration solennelle de la Dédicace donnait lieu à une Messe durant laquelle, pour évoquer le miracle de la neige, on faisait tomber des hauteurs de la nef des myriades de pétales de fleurs blanches – la tradition revit aujourd’hui chaque 5 août et, dans la touffeur de l’été romain, les fidèles peuvent s’émerveiller de la naïve et poétique représentation des flocons miraculeux. La façade médiévale de la basilique illustre les épisodes de ce miracle, avec des mosaïques contemporaines du premier Jubilé, de cette année 1300 où Dante situe sa Divine Comédie. Il est aujourd’hui difficile de lire ces figures à partir de la rue, mais, depuis quelques années, la loggia construite en 1750 par-devant la façade est accessible au public. On voit alors de très près le moindre détail : le marbre blanc des flocons de neige, çà et là le rouge coq-de-roche, et l’or, partout, dans le ciel comme dans l’architecture géométrique compliquée des scènes terrestres – et enfin, le bleu aux multiples nuances dans les ailes des anges et sur la robe de Marie.

Marie, Mère de Dieu Trois générations après le miracle de la neige survient comme un second événement fondateur pour la basilique : le concile œcuménique d’Ephèse, qui définit et proclame en 431 le dogme de la maternité divine de Marie, Theotokos. À cette occasion fut reconstruit le majestueux édifice actuel où le culte n’a jamais cessé depuis. Le pape Sixte III avait fait apposer une inscription dédicatoire en vers, dont voici le début :

Virgo Maria tibi Xystus nova tecta dicavi digna salutifero munera ventre tuo. Tu genitrix ignara viri te denique feta visceribus salvis edita nostra salus.

(« Vierge Marie, à toi j’ai dédié, moi Sixte, une nouvelle demeure, digne hommage à tes entrailles qui nous ont porté le salut. Tu es une mère qui n’a pas connu d’homme, et finalement enceinte, tu as mis au monde, sans blessure à ta virginité, notre salut. ») Si cette inscription n’a perduré que jusqu’au XVIe siècle, les murs de briques et les colonnades de marbre sont restés les mêmes, et l’or des mosaïques antiques continue d’étinceler sur le grand arc triomphal qui marque la fin de la vaste nef et surplombe l’autel majeur. Sur cet arc sont représentés les mystères de l’Incarnation et de la Nativité du Christ. Les scènes narrées dans les panneaux successifs de cette grande mosaïque sont familières et en même temps étranges, par certains détails qui trahissent leur antiquité : la dignité de Marie est exprimée par son vêtement d’or ou de pourpre, celui d’une impératrice romaine, mais elle n’a pas d’auréole – contrairement à Hérode, qui porte ce qui n’était alors, dans les représentations figurées, qu’un symbole de pouvoir, non de sainteté !

Marie de Bethléem Au bas de l’arc triomphal sont esquissées deux villes entourées de murailles dorées, avec l’inscription de leur nom : Jérusalem, dont on peut reconnaître la rotonde du Saint-Sépulcre, et Bethléem. Ces villes ne font pas qu’évoquer le début et le terme de la vie terrestre du Christ : à elles deux, elles évoquent l’universalité du salut. Jérusalem représente l’ancienne Alliance et le salut pour les Juifs prêché par saint Pierre; Bethléem, c’est la Nouvelle Alliance, le salut pour toutes les autres nations, annoncé par saint Paul. Les deux Princes des Apôtres meurent martyrs à Rome, qui devient le symbole et le creuset de l’universalité et de l’unité du christianisme. Cité de Pierre et de Paul, Rome est à la fois une Bethléem et une Jérusalem. Ce message est répété dans bien des sanctuaires romains, et les mosaïstes du XIIe siècle reproduiront dans plusieurs églises, dont Saint-Clément, les représentations antiques des deux villes de Terre Sainte de part et d’autre de l’arc triomphal. Pour les Romains et pour les Romées, pèlerins venus dans la Ville éternelle, Sainte-Marie-Majeure est avant tout une Bethléem. La Jérusalem romaine est à chercher dans l’église Sainte-Croix-en-Jérusalem, construite dans les murs mêmes du palais de l’impératrice-mère Hélène, qui y avait apporté les reliques de la Passion. À Sainte-Marie-Majeure sont conservées les reliques du bois de la crèche, exposées sous l’autel principal. C’est aussi dans cette basilique que reposeraient saint Matthieu, l’Évangéliste qui raconte l’adoration des Mages, et saint Jérôme, qui traduisit la Bible en latin dans une grotte de Bethléem. La présence à Rome de la relique de la crèche est évoquée dans l’inscription « parlante » gravée sur le socle d’un obélisque tout proche. Le pape Sixte-Quint, qui l’a érigé derrière l’abside de la basilique, au XVIe siècle, fait dire au monument, prélevé sur un mausolée antique : « J’honore, très joyeux, le berceau du Christ, Dieu vivant pour l’éternité, moi qui étais asservi, malheureux, au sépulcre d’Auguste, un mort » (Christi Dei in æternum viventis cunabula laetissime colo, qui mortui sepulcro Augusti tristis serviebam). Saint François d’Assise fut l’un des premiers à faire honorer le berceau du Christ : un soir de Noël, à Gubbio, en Ombrie, il avait créé une crèche vivante. Depuis, dans toutes les régions du monde, la crèche est devenue inséparable de la célébration de Noël. L’une des crèches les plus anciennes, de peu postérieure aux temps du Poverello, se trouve encore aujourd’hui à Sainte-Marie-Majeure. Les statues de marbre de l’oratoire de la crèche ont été placées dans une crypte, sous le tabernacle monumental de la grande chapelle construite par Sixte-Quint (à droite de l’autel majeur). Le sculpteur Arnolfo di Cambio est l’auteur des statues du prophète Isaïe et du roi David, que l’on voit en entrant dans la crypte. Là, autour de la Vierge à l’enfant (refaite en marbre au XVIe siècle) se trouvent les autres figures de la crèche réalisées par Arnolfo di Cambio : Joseph, les trois Mages, l’âne et le bœuf. C’est dans l’antique chapelle de la crèche que le jour de Noël 1075 les hommes de l’empereur Henri IV tentèrent l’arrestation du Pape Grégoire VII, alors qu’il y disait la Messe. Le peuple romain s’opposa à cette voie de fait et libéra son évêque, qui put retourner dans la chapelle et achever la célébration. L’empereur avait cru pouvoir déposer le Pape – en 1077, il ira à Canossa, en pénitent, demander un pardon et une réconciliation qui seront accordés… ce qui ne l’empêchera pas de reprendre la lutte et, finalement, d’imposer à Grégoire VII un exil où il mourra, en 1085.

Marie, fille éminente de Sion Une autre Vierge à l’enfant est esquissée sur un vitrail moderne, dans le mur de façade de la basilique. Jean-Paul II a voulu y faire représenter Marie, « fille éminente de Sion », filia excelsa Sion. Marie, fille de cette Jérusalem figurée à l’autre extrémité de la nef, sur l’antique mosaïque, face à Bethléem. Jésus est né à Bethléem, Marie est née à Jérusalem, tout près du Temple (là où se trouve la basilique Sainte-Anne). Le vitrail de Sainte-Marie-Majeure est exceptionnel, à plus d’un titre. C’est, avec la colombe de l’Esprit-Saint, dans la basilique vaticane, le seul vitrail figuratif à se trouver dans les basiliques majeures de Rome, et c’est l’un des rares éléments contemporains dans le décor des sanctuaires de la ville. Ce vitrail constitue aussi un signe éclatant de la pacification des relations entre christianisme et judaïsme, durant la fin du XXe siècle, en particulier par la volonté des papes Jean XXIII et Jean-Paul II. Trônant au-dessous du vol de la colombe de l’Esprit, la Vierge à l’enfant est flanquée des symboles de l’ancienne et de la nouvelle Alliances : à droite de Marie, la Torah et la Menorah, les tables de la Loi et le chandelier du Temple; de l’autre côté, les symboles de l’Eucharistie (calice et hostie) et de la Croix. Marie, rejeton d’Abraham, mère de Jésus-Christ, est celle qui unit les deux Alliances. Fille de Jérusalem, elle a vu le jour et quitté cette vie dans la Ville sainte, où les basiliques Sainte-Anne, de la Dormition et de l’Assomption sont là pour nous le rappeler. Le chandelier à sept branches dessiné aujourd’hui sur ce vitrail, dans la lumière de Rome, répond étrangement à sa figuration sculptée sur l’arc de Titus, à l’entrée du Forum : son triomphe parachevait la ruine du Temple, prédite et pleurée par le Christ sur les flancs du mont des Oliviers. L’ancienne Alliance n’est pas abolie, mais accomplie : les symboles juifs deviennent aussi des symboles chrétiens, et la Rome victorieuse et pacifiée s’incline devant la Jérusalem du Ciel. Les images du Calice eucharistique et de la Croix, qui sont comme les pendants des symboles de la Loi et du Temple, marquent cet accomplissement dans le Corps que Marie porta en son sein et que, trente ans plus tard, elle reçut, inanimé, défiguré, décroché de l’instrument de son supplice.

Marie, Reine du Ciel Ce vitrail circulaire exalte Marie qui trône avec l’Enfant divin sur ses genoux. Exactement en face, à l’autre extrémité du sanctuaire, dans le creux de l’abside, se trouve un autre cercle, qui entoure la grande image de Marie assise aux côtés du Christ-Roi en train de la couronner. À Rome les grandes basiliques ne sont pas orientées vers le Levant, mais « occidentées ». C’est donc à l’est que se trouve l’entrée – du côté de Jérusalem, où l’on voit les racines du mystère marial, sur le vitrail moderne; à l’ouest, au Couchant, le regard contemple l’aboutissement de ce mystère dans l’éternité. La belle mosaïque date de la fin du XIIIe siècle et illustre le dernier des mystères glorieux du Rosaire, celui du Couronnement de Marie au Ciel, qui suit son Assomption. Un mystère dont l’Écriture ne dit rien d’explicite et au sujet duquel Papes et Conciles sont restés presque muets, mais un mystère qui concerne toute l’humanité, toute la Création ainsi exaltée dans son membre le plus éminent, dans la filia excelsa Sion. La liturgie et les artistes chrétiens le disent, jusque dans la légende de cette mosaïque :

Maria Virgo assumpta est ad ethereum thalamum in quo rex regum stellato sedet solio. Exaltata est sancta Dei genitrix super choros angelorum ad celestia regna.

(« La Vierge Marie a été portée jusqu’à la chambre nuptiale céleste, où le Roi des Rois siège sur son trône étoilé – La sainte Mère de Dieu a été exaltée au-dessus des chœurs angéliques jusqu’aux royaumes célestes »).

Marie, Salut du Peuple de Rome Les deux images de Marie et de son Fils en gloire semblent se répondre, de part et d’autre du sanctuaire et par-dessus sept siècles d’histoire humaine. Il est une autre image qui, de manière plus concrète, surpasse en dévotion toutes celles – marbres, bronzes, mosaïques, peintures, de toutes époques – qui ornent la basilique et y sont vénérées : l’icône de Marie, salus populi Romani, « sauvegarde du peuple romain ». Elle est conservée dans une grande chapelle à gauche du chœur. Si les historiens y voient les caractères d’une image médiévale, de type « romain orientalisant », la tradition en fait une œuvre de saint Luc, l’Évangéliste, médecin et peintre, qui aurait représenté là la Mère de Dieu d’après nature ou de mémoire, avec l’aide des anges. Innombrables sont les pèlerins qui durant des siècles ont élevé leurs yeux vers cette icône et fait monter leurs prières vers Marie, salus populi Romani et protectrice, aussi, des pèlerins. Cette icône et quelques autres furent aussi portées en procession à travers la ville, tradition que Jean-Paul II eut à cœur de restaurer, à l’occasion de solennelles et émouvantes liturgies nocturnes sur la place Saint-Pierre.

Marie, Reine de tous les Saints Marie est Regina Sanctorum omnium, et la grande basilique romaine qui lui est consacrée a déjà été visitée, pendant plus d’un millénaire et demi, par des foules innombrables de pèlerins, de saints du calendrier et des saints inconnus de la Toussaint. C’est aussi cela, la richesse du pèlerinage romain : non pas seulement la visite au « centre » de la chrétienté autour des tombes apostoliques, mais aussi l’insertion de soi et de ses prières dans la chaîne de ceux qui ont fréquenté ces lieux et ont vécu dans la même fidélité, pour la même espérance, et de la même charité. C’est à Sainte-Marie-Majeure que fut ordonné prêtre saint Méthode, futur évangélisateur des Slaves; c’est là aussi que saint Ignace de Loyola célébra sa première Messe, le jour de Noël de l’an 1538; c’est là enfin que repose la dépouille de saint Pie V, jusqu’à nos jours très vénérée des Romains. Ce Pape qui eut la tâche délicate de faire appliquer la Réforme voulue par le Concile de Trente en publiant Catéchisme, Bréviaire et Missel romains fut aussi le dominicain mystique qui, même élu sur le siège de Pierre, aimait à se retirer dans le calme du couvent de Sainte-Sabine, sur l’Aventin, et tint à garder sa robe blanche de Frère prêcheur – dès lors, les Papes seront vêtus de blanc et non, comme auparavant, de rouge. Hier, aujourd’hui et toujours… Fille éminente de Sion, Sauvegarde du peuple romain et Reine de tous les Saints, la Mère de Dieu sera et est déjà, dans l’éternité, Reine sur le trône du Christ. À tous ces titres, Marie médiatrice est là pour intercéder, maternelle et chaleureuse – c’est ainsi qu’apparaît aux fidèles d’hier et d’aujourd’hui la basilique elle-même, moins monumentale et à bien des égards moins froide que ne peuvent le sembler les autres basiliques majeures de Rome : Saint-Pierre, Saint-Paul et la cathédrale de Rome et du monde, Saint-Jean-de-Latran. La basilique Sainte-Marie-Majeure est ouverte sans interruption du matin à 7h30 au soir à 19h00. Les Messes y sont célébrées, y compris en semaine, presque à toutes les heures du matin et de la fin de l’après-midi. Que le visiteur n’oublie pas de se rendre, à deux pas de là, dans la belle basilique Sainte-Praxède, Santa Prassede, avec sa très ancienne chapelle Saint-Zénon toute en mosaïques, qui abrite aussi la colonne de la Flagellation.

* Ancien membre de l’Institut suisse de Rome, diplômé de l’École vaticane de paléographie, P.-Y. Fux a soutenu en 1997 une thèse de doctorat consacrée au poète latin Prudence. À l’occasion du Jubilé, il a publié Les Portes saintes aux éditions Ad Solem (1999).