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« La joie de l’Evangile », présentation par Mgr Fisichella (lien)
26 novembre, 2013« La joie de l’Evangile », présentation par Mgr Fisichella
Redécouvrir la source de l’évangélisation dans le monde contemporain
Rome, 26 novembre 2013 (Zenit.org) Mgr Rino Fisichella
ici le lien:
Voici la traduction en français, faite par le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, de la présentation, par son président, Mgr Rino Fisichella, ce mardi matin, 26 novembre, au Vatican, de l’exhortation apostolique du pape François « La joie de l’Evangile ».
Présentation par Mgr Fisichella
Evangelii gaudium : l’Exhortation apostolique du Pape François écrite à la lumière de la joie, pour redécouvrir la source de l’évangélisation dans le monde contemporain. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le contenu de ce nouveau document que le Pape François donne à l’Eglise pour préciser les chemins que la pastorale doit emprunter dans un avenir immédiat. C’est une invitation à retrouver une vision prophétique et positive de la réalité, sans pour autant se cacher les difficultés. Le François nous encourage et nous engage à regarder devant nous, au-delà de ce temps de crise, faisant une nouvelle fois de la croix et de la résurrection du Christ l’ « étendard de la victoire » (85).
A plusieurs reprises, le Pape François fait référence aux Propositiones du Synode d’octobre 2012, montrant ainsi combien la contribution du Synode fut importante dans la rédaction de cette Exhortation. Le document va cependant plus loin que l’expérience synodale. Le Pape y imprime non seulement sa propre expérience pastorale, mais aussi l’invitation à accueillir le moment de grâce que vit l’Eglise, afin d’avancer avec foi, conviction et enthousiasme la nouvelle étape de l’évangélisation. Reprenant l’enseignement de Evangelii nuntiandi de Paul VI, il place de nouveau au centre la personne de Jésus Christ, premier évangélisateur qui appelle chacun de nous à prendre part avec lui à l’œuvre du salut (12). « L’action missionnaire est le paradigme de toute œuvre de l’Eglise » (15) affirme le Saint Père. C’est pourquoi il nous faut accueillir ce temps favorable pour discerner et vivre la « nouvelle étape » de l’évangélisation (17) qui s’articule autour de deux thèmes qui forment la trame de l’Exhortation. D’une part, le Pape François s’adresse aux Eglises particulières, confrontées aux défis et aux opportunités propres aux différents contextes culturels, pour qu’elles soient en mesure de spécifier le travail de nouvelle évangélisation dans leurs pays. D’autre part, le Pape indique un dénominateur commun, pour que toute l’Eglise, et chaque évangélisateur, puisse adopter une méthode commune, signe que l’évangélisation est un chemin où l’on marche à plusieurs, jamais de façon isolée. Les sept points, regroupés dans les cinq chapitres de l’Exhortation, constituent la vision du Pape à propos de la nouvelle évangélisation : la réforme de l’Eglise sur la voie de la mission, les tentations des agents pastoraux, l’Eglise comprise comme la totalité du Peuple de Dieu qui évangélise, l’homélie et sa préparation, l’intégration sociale des pauvres, la paix et le dialogue social, les motivations spirituelles de l’engagement missionnaire. Le lien entre tous ces thèmes est l’amour miséricordieux de Dieu qui va à la rencontre de chacun pour manifester le cœur de la révélation : la vie de chacun trouve son sens dans la rencontre de Jésus-Christ et dans la joie de partager cette expérience d’amour avec les autres (8).
Le premier chapitre développe la réforme de l’Eglise sur la voie de la mission, appelée à « sortir » d’elle-même pour aller à la rencontre des autres. Le Pape y exprime la « dynamique de l’exode et du don que représente le fait de sortir de soi, de cheminer et de semer toujours, et toujours plus loin » (21). L’Eglise doit faire sienne l’ »intimité de Jésus qui est une intimité itinérante » (23). Comme nous y sommes désormais habitués, le Pape s’attarde en des expressions qui font leur effet et crée des néologismes pour faire comprendre la nature de l’évangélisation. Parmi eux, le « primerear », c’est-à-dire Dieu qui nous précède dans l’amour, montrant à l’Eglise le chemin à parcourir. L’Eglise n’est pas dans une obscure impasse, mais avance sur les pas du Christ (Cf 1 P 2, 21), pour cela sûre du chemin qu’elle parcourt. C’est pourquoi elle avance sans peur. Elle sait qu’elle doit « aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin, parvenir jusqu’aux croisements des routes pour inviter les exclus. Son désir de proposer la miséricorde est inépuisable » (24). Pour aller dans cette voie, le Pape François insiste sur la « conversion pastorale », qui veut dire passer d’une vision bureaucratique, statique et administrative de la pastorale à une perspective missionnaire, où la pastorale est en état permanent d’évangélisation (25). De même qu’il y a des structures qui facilitent et soutiennent la pastorale missionnaire, il y a malheureusement « des structures ecclésiales qui peuvent conditionner le dynamisme évangélisateur » (26). L’existence de pratiques pastorales dépassées et fanées oblige à la créativité pour repenser l’évangélisation. En ce sens, le Pape affirme : « Une détermination des objectifs sans un travail de recherche communautaire des moyens à prendre pour les atteindre est vouée à demeurer une pure fantaisie » (33).
Il faut donc « se concentrer sur l’essentiel » (35) et savoir que seule une dimension systématique, c’est-à-dire unifiée, progressive et proportionnée de la foi, peut nous venir en aide. L’Eglise doit pouvoir établir une « hiérarchie des vérités » et sa relation avec le cœur de l’Evangile (37-39). Il nous faudra éviter de tomber dans le piège d’une présentation de la foi seulement sous son aspect moral, en d’éloignant du caractère central de l’amour. Dans le cas contraire, l’ « édifice moral de l’Eglise risque de s’effondrer comme un château de carte, et ceci est le plus grand danger » (39). Le Pape insiste fortement pour que l’on trouve l’équilibre entre le contenu de la foi et le langage pour l’exprimer. La rigidité avec laquelle on tient à la précision du langage peut parfois en ruiner le contenu en se détournant d’une authentique vision de la foi (41).
Le passage important de ce chapitre est le n° 32 où le Pape François montre l’urgence qu’il y a à avancer dans certaines perspectives de Vatican II. Il s’agit en particulier du primat du Successeur de Pierre et des Conférences épiscopales. Déjà, dans Ut unum sint, Jean-Paul II avait demandé qu’on l’aide à mieux comprendre les objectifs du Pape dans le dialogue œcuménique. Le Pape François va dans le même sens et se demande si une telle aide ne pourrait pas parvenir d’une évolution du statut des Conférences épiscopales. Un autre passage (n° 38-45) est particulièrement important quant aux conséquences qu’il implique dans la pastorale : le cœur de l’Évangile « s’incarne dans les limites du langage humain ». La doctrine s’insère dans la « cage du langage », pour employer une expression chère à Wittgenstein, ce qui implique un vrai discernement entre la pauvreté et les limites du langage, et la richesse – souvent encore inconnue – du contenu de la foi. Le danger est réel que l’Église ne prenne pas en compte cette dynamique. Il peut ainsi arriver que sur certaines positions, il y ait comme un enfermement et une sclérose du message évangélique, en n’en percevant plus le développement propre.
Le deuxième chapitre est consacré aux défis du monde contemporain et aux tentations qui amoindrissent la nouvelle évangélisation. Tout d’abord, le pape affirme qu’il est nécessaire de retrouver son identité sans complexe d’infériorité qui amènerait à « cacher son identité et ses convictions… parvenant ainsi à étouffer la joie de la mission en une sorte d’obsession d’être comme tout le monde et d’avoir ce que les autres possèdent » (79). Les chrétiens tombent alors dans un « relativisme encore plus dangereux que le relativisme doctrinal » (80), parce qu’il touche directement la façon de vivre des chrétiens. Il arrive ainsi que dans de nombreuses manifestations de la pastorale, les initiatives sont plombées par la mise en avant de l’initiative et non des personnes. Le pape affirmé que la tentation est réelle et commune d’une « dépersonnalisation de la personne ». De la même façon, le défi de l’évangélisation devrait être abordé comme une chance pour croître, plutôt que comme une raison de tomber en dépression. Mort à l’ « esprit défaitiste » (88). Il nous faut retrouver le primat de la relation personnelle sur la technique de la rencontre qui déciderait comment, où et pour combien de temps il faudrait rencontrer les autres en partant de ses préférences (88). Parmi ces défis, il nous faut relever ceux qui ont un rapport direct avec la vie. La « précarité quotidienne avec ses funestes conséquences », les différentes formes de « disparité sociale », le « fétichisme de l’argent et la dictature d’une économie sans visage », l’ « exaspération de la consommation » et le « consumérisme effréné »… nous place face à une « globalisation de l’indifférence » et une « dépréciation moqueuse » de la morale, qui exclut toute critique de la domination du marché, qui, à travers la théorie de la « rechute favorable » illusionne sur les réelles possibilités d’agir en faveur des pauvres (Cf. N° 52-64). Si l’Eglise demeure crédible en beaucoup de pays du monde, y compris là où elle est minoritaire, c’est en raison de ses œuvres de charité et de solidarité (65).
Pour l’évangélisation de notre temps, face au défi des grandes « cultures urbaines », les chrétiens sont invités à fuir deux expressions qui en détruisent la nature et que le Pape François appelle « mondanité » (93). Il s’agit en premier lieu de la « fascination du gnosticisme » : une foi repliée sur elle-même, sur ses certitudes doctrinales, et qui transforme l’expérience qu’on en fait en critères de vérité pour juger les autres. Le « néo pélagianisme autoréférentiel et prométhéen » de ceux pour qui la grâce n’est qu’un accessoire tandis que leur engagement et leurs forces sont seuls responsables du progrès. Tout ceci contredit l’évangélisation et crée une sorte d’ « élitisme narcissique » qui doit être repoussé (94). Qui voulons-nous être, se demande le Pape ? « Généraux d’armées défaites » ou bien « simples soldats d’un bataillon qui continue à combattre » ? Le risque d’une « Eglise mondaine drapée dans le spirituel et le pastoral » (96) est bien réel. Il nous faut donc résister à ces tentations et offrir le témoignage de la communion (99) qui s’appuie sur la complémentarité. A partir de là, le Pape François milite pour la promotion des laïcs et des femmes, de l’engagement pour les vocations et les prêtres. Regarder ce que l’Eglise a accompli comme progrès ces dernières années nous éloigne d’une mentalité de pouvoir, au profit du service pour une construction unifiée de l’Eglise (102-108).
L’évangélisation est la mission de tout le peuple de Dieu, sans exclusive. Elle ne peut être réservée ou déléguée à un groupe particulier. Tous les baptisés sont directement concernés. Dans le troisième chapitre de l’Exhortation, le Pape François en explique le développement et ses étapes. On met en évidence en premier lieu le « primat de la grâce » qui agit inlassablement dans la vie de tout évangélisateur (112). Puis est développé le rôle des différentes cultures dans le processus d’inculturation de l’Evangile, et le danger de tomber dans « l’orgueilleuse sacralisation de sa propre culture » (117). Enfin, on parle du rôle fondamental de la rencontre personnelle (127-129) et du témoignage de vie (121). On insiste enfin sur la valeur de la piété populaire, où s’exprime la foi authentique de tant de personnes qui donnent ainsi le témoignage de la simplicité de la rencontre de l’amour de Dieu (122-126). Pour terminer, le Pape invite les théologiens à valoriser les diverses formes d’évangélisation (133), et s’arrête assez longuement sur l’homélie comme forme privilégiée d’évangélisation, et qui demande une vraie passion et un vrai amour de la Parole de Dieu et du peuple qui nous est confié (135-158).
Le quatrième chapitre est consacré à la dimension sociale de l’évangélisation. C’est un thème cher au Pape François parce que « si cette dimension n’est pas clairement prise en compte, on court le risque de défigurer le sens authentique et intégral de la mission d’évangélisation » (176). C’est le thème majeur du lien entre l’annonce de l’Evangile et la promotion de la vie humaine en toutes ses expressions. La promotion intégrale de toute personne nous empêche d’enfermer la religion en un fait privé, dépourvu de conséquences sur la vie sociale et publique. Une « foi authentique implique toujours un désir profond de changer le monde (183). Deux grands thèmes font partie de ce passage de l’Exhortation. Le Pape en parle avec une grande passion évangélique, conscient que l’avenir de l’humanité est en jeu : l’ « intégration sociale des pauvres » et « la paix et le dialogue social ».
S’agissant du premier point, l’église, à travers la nouvelle évangélisation ressent comme sienne la mission de « collaborer pour résoudre les causes instrumentales de la pauvreté et pour promouvoir le développement intégral des pauvres », comme d’accomplir « des gestes simples et quotidiens de solidarité face à la misère concrète « qui est chaque jour devant nos yeux »(188). Ce qui ressort de ces pages denses, c’est l’appel à reconnaître la « force salvifique » des pauvres, et qui doit être au centre de la vie de l’Eglise avec la nouvelle évangélisation (198). Il nous faut donc redécouvrir d’abord l’attention, l’urgence, la conscience de ce thème, avant toute expérience concrète. Pour le Pape François, non seulement l’option fondamentale pour les pauvres doit être réalisée, mais elle est d’abord une « attention spirituelle » et « religieuse » et est pour cela prioritaire (200). Sur ces thèmes, la Parole du Pape François est franche et sans détour. Un « Pasteur d’une Eglise sans frontière » 8 210), ne peut se permettre de regarder ailleurs. C’est pourquoi il demande avec force de considérer la question des migrants et énonce clairement les nouvelles formes d’esclavage. « Où est celui qui tue chaque jour dans la petite fabrique clandestine, dans le système de prostitution, les enfants utilisés pour mendier, en celui qui doit travailler caché parce qu’il n’est pas régularisé ? Ne nous leurrons pas. Il y a de nombreuses complicités » (211). De mille manières, le Pape défend la vie humaine depuis son commencement et la dignité de tout être vivant (213). Sur le second aspect, le Pape énonce quatre principes qui sont le dénominateur commun pour l’avancée de la paix et sa traduction sociale. Peut-être en mémoire de ses études sur R. Guardini, le Pape François semble créer une nouvelle opposition polaire. Il rappelle en effet que « le temps est supérieur à l’espace », « l’unité a le dessus sur le conflit », la « réalité est plus importante que les idées », et « le tout est supérieur aux parties ». Ceci nous amène au dialogue comme première contribution à la paix, et qui concerne, dans l’Exhortation, la science, l’œcuménisme et le rapport avec les religions non chrétiennes.
Le dernier chapitre parle de l’ « esprit de la nouvelle évangélisation » (260). Elle se développe sous l’action de l’Esprit Saint qui anime de façon toujours nouvelle l’élan missionnaire à partir de la vie de prière où la contemplation tient la place centrale (264). La Vierge Marie « étoile de la nouvelle évangélisation » est présentée, en conclusion, comme l’icône de l’annonce et la transmission de l’Evangile que l’Église est appelée à vivre avec enthousiasme et dans l’amour du Seigneur Jésus.
« Ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! » (83). Le langage de cette Exhortation apostolique est clair et immédiat, sans rhétorique ni sous-entendu. Le Pape François va au cœur des problèmes de l’homme d’aujourd’hui, qui demandent à l’Église plus qu’une simple présence. Il lui est demandé de renouveler ses programmes et sa pratique pastorale dans le sens de la nouvelle évangélisation. L’Evangile doit être adressé à tous, sans exclusive. Certains, cependant, sont privilégiés. Sans équivoque, le Pape François précise son orientation : « Ce ne sont pas tant les amis et les riches voisins, mais plutôt les pauvres, les infirmes, ceux qui sont souvent dévalorisés et oubliés….. aucun doute ou explication ne doivent affaiblir ce message si clair » (48).
Comme en d’autres moments importants de son histoire, l’Eglise d’aujourd’hui ressent le besoin d’un regard attentif pour évangéliser à la lumière de l’adoration, avec ce « regard contemplatif » pour voir les signes de la présence de Dieu. Les signes des temps ne sont pas seulement encouragés, mais ils deviennent critères d’un témoignage efficace (71). Premier d’entre nous, le Pape François nous rappelle le mystère central de notre foi : « Ne nous éloignons pas de la résurrection de Jésus, ne nous donnons jamais pour vaincus, arrivera ce qui arrivera » (3). L’Eglise du Pape François se fait compagnon de route de nos contemporains en recherche de Dieu et désireux de le voir.
LE TEMPS DE L’AVENT EST MARQUÉ PAR LA FIGURE DE MARIE QUI ATTEND SON ENFANT… MAIS NOUS, QU’ATTENDONS-NOUS ?
26 novembre, 2013http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Avent/L-Avent-un-temps-d-attente
AVENT 2013
QU’ATTENDONS-NOUS PENDANT L’AVENT ?
LE TEMPS DE L’AVENT EST MARQUÉ PAR LA FIGURE DE MARIE QUI ATTEND SON ENFANT… MAIS NOUS, QU’ATTENDONS-NOUS ?
L’AVENT, UN TEMPS D’ATTENTE
L’Avent est un temps d’attente, et c’est pourquoi on peut considérer ce temps liturgique comme un temps de gestation. Mais ce temps est marqué par la figure de Marie, la femme qui attend la naissance de Jésus : or la Tradition voit dans la personne de Marie en attente de la naissance de Jésus, une figure de l’Église qui attend la réalisation des promesses.
C’est ce qui peut nous inviter à considérer l’Église comme un corps en gestation. Qu’est-ce que l’Église attend vraiment ? Ici il faut ajouter aussitôt, qu’en parlant de l’Église, on considère non pas une institution extérieure, sociale et politique, comme on parlerait d’un syndicat, d’un parti politique, ou d’une région, mais l’ensemble des chrétiens, et donc nous-mêmes, chacun comme membres du corps.
L’attente de la naissance du Seigneur
La phrase qui va guider cette réflexion est une parole du Magnificat dont la traduction liturgique (Luc 1, 38) est : Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ». Alors l’ange la quitta. L’Avent est un temps, où, pour une part, mais pour une part seulement, l’Eglise fait mémoire de l’attente de la naissance du Sauveur dans la chair. En effet, c’est un aspect de l’Avent, d’être un temps de préparation à Noël.
Et en parlant ainsi, je pense que pour beaucoup de chrétiens, Noël est perçu d’abord comme la fête de la naissance de Jésus à Bethléem, même si la date du 25 décembre n’est pas forcément la date anniversaire de l’événement historique de la naissance de Jésus.
Or le cycle Avent-Noël- Épiphanie est moins la mémoire de la naissance de Jésus qu’une grande célébration de la manifestation du Seigneur. Le mot Épiphanie renvoie à celui de manifestation. Mais qu’est-ce qui se manifeste au juste ?
Dieu se rend visible à nos yeux
Dieu l’invisible, l’éternel, celui qui peut dire en toute vérité » je suis Dieu, et non pas homme » se fait homme parmi les hommes, l’un d’entre nous. Il entre dans notre histoire et fait donc de l’histoire humaine un temps de gestation. C’est pourquoi l’Avent nous rappelle que le temps que nous vivons, depuis la naissance du Christ à Bethléem, mais surtout depuis sa mort et sa résurrection, est un temps de gestation.
Il faut donc avoir présent à l’esprit que dans le plan de Dieu, c’est toute l’histoire du Salut, l’aventure de Dieu avec les hommes, qui est un temps de gestation. En effet, la phrase « Je suis Dieu, et non pas homme » (un texte qui est lu pour la fête du Sacré-Coeur) doit être mise dans son contexte. « Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer » (Osée 11,9). La venue de Dieu parmi les hommes est une histoire de salut. Dieu au milieu de nous est une bonne nouvelle et non le signal d’un danger.
On comprend alors que durant le temps de Noël, plus précisément le 27 décembre, le jour où l’Église fait mémoire de l’apôtre Jean, la liturgie fera résonner le début de la première lettre de saint Jean :
« Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c’est le Verbe, la Parole de la vie. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons contemplée, et nous portons témoignage : nous vous annonçons cette vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ. Et c’est nous qui écrivons cela, afin que nous ayons la plénitude de la joie » (1 Jean 1, 1-4).
Un temps de joie
L’Avent et Noël font donc mémoire de la manifestation de Dieu dans l’histoire des hommes et c’est pourquoi effectivement, il est juste de parler de ce temps comme un temps de joie. Mais la joie ne vient pas tellement de la naissance de l’enfant, que de ce qu’elle signifie : Dieu avec nous, comme on l’entendra le 4e dimanche de l’Avent pendant la lecture de la prophétie d’Isaïe 7. Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel, (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous) (Isaïe 7,14).
Première conséquence pour notre réflexion : si l’Église est en gestation, c’est d’abord parce que Dieu est venu à la rencontre de l’humanité. Depuis que Dieu est entré dans l’histoire des hommes – et c’est le sens des alliances de l’Ancien Testament, avec Abraham, avec Moïse, et surtout depuis que Dieu, en Jésus de Nazareth, s’est manifesté dans la chair – le monde est en gestation.Et qu’est-ce qui est en train de naître ? La joie d’une rencontre, la joie de Dieu qui découvre en Jésus l’humanité accomplie, la joie de l’homme qui découvre en Jésus la promesse que Dieu lui faite.
Dire que l’Église est en gestation, c’est donc en fait se laisser décentrer en tournant nos regards vers Dieu qui est venu à la rencontre de l’humanité. S’il peut y avoir gestation, c’est parce que Dieu prend l’initiative, que dans sa miséricorde, il a décidé de faire alliance.Mais là encore, il ne faut pas réduire le temps de l’Avent à cet aspect seulement.
La venue du Christ à la fin des temps
En réalité, le temps de l’Avent est moins un temps où l’on fait mémoire de la naissance de Jésus dans la chair, qu’un temps où l’Église oriente nos regards vers la venue du Christ à la fin des temps. Adventus en latin signifie venue, mais une venue dont la naissance à Bethléem était la première réalisation, qui surtout annonçait la venue plénière à la fin des temps.
Dans un texte célèbre – le cinquième sermon pour l’Avent – un texte qui est lu à l’office durant ce temps de l’Avent, saint Bernard explique qu’il n’y a pas une seule venue, celle de Jésus, qui vient au monde après avoir été porté par Marie en son sein durant neuf mois, mais trois venues que l’on décline comme le tiercé dans le désordre : 1, 3 et enfin 2.
La première, c’est donc la naissance de Jésus à Bethléem il y a un peu plus de 2000 ans. Dieu s’est fait homme parmi les hommes. La troisième venue, c’est l’attente du retour du Christ dans la gloire. Nous le chantons au cœur de l’Eucharistie : « nous attendons ta venue dans la gloire ».
La gestation dont nous faisons mémoire durant l’Avent, ce n’est pas seulement celle de Marie, mais celle du Royaume. On sait que dans l’Évangile, Jésus parle du Royaume de Dieu avec des images, la graine de moutarde, la levure qui fait lever la pâte : des images qui disent la gestation du Royaume. Si l’on peut dire que l’Église est en gestation, c’est parce qu’elle attend et prépare le Royaume dont elle est déjà une certain réalisation.
C’est pour cela que la fin de l’année liturgique rejoint le début. Ce que nous avons célébré le premier dimanche de l’Avent et ce que nous avons célébré lors de la fête du Christ Roi de l’univers, se rejoignent intimement : l’Église attend la réalisation du Royaume de justice et de paix inauguré par la Pâque du Christ.
Rester dans la vigilance
Mais entre la première et la troisième venue, il y en a une deuxième. Et ce temps intermédiaire, c’est aujourd’hui. Chaque jour, le Seigneur vient, si nous l’accueillons. Et c’est pourquoi, le premier dimanche de l’Avent est placé sous le signe de la vigilance : la vigilance, c’est la vertu par excellence d’une Église en gestation. Un chant (tropaire) pour la fête du Christ Roi peut nous aider à comprendre ce temps de veille.
« Amour qui nous attends,
au terme de l’histoire,
ton Royaume s’ébauche,
à l’ombre de la croix ;
déjà sa lumière,
traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps.
Reviens, achève ton œuvre !
Quand verrons-nous ta gloire transformer l’univers ?
Jusqu’à ce jour, nous le savons,
la création gémit en travail d’enfantement.
Nous attendons les cieux nouveaux
la terre nouvelle,
où régnera la justice.
Nous cheminons dans la foi,
non dans la claire vision,
jusqu’à l’heure de ton retour. »
CFC (s. Marie-Claire)
On peut encore ajouter ici que les biblistes soulignent qu’en hébreu, la racine (ChaQaD) renvoie à la fois au verbe » veiller » et à un arbre, l’amandier. On trouve notamment ce rapprochement au premier chapitre du livre du prophète Jérémie : « La parole du Seigneur me parvint : Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis : je vois une branche d’amandier. Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole pour l’accomplir ». (Jérémie 1, 11-12)
L’amandier est le premier arbre à se mettre à fleurir. Le veilleur, c’est donc celui qui annonce le printemps. C’est celui qui attend, dans la confiance aimante, que la vie refleurisse. C’est aussi celui qui à force d’attente, d’attention, devient capable de discerner les signes de la vie et de la lumière au cœur de l’hiver, du froid et de la nuit.
F. Patrick Prétot, osb, novembre 2011 (mise à jour Octobre 2013)